Pseudo: Florinoir
Titre: Ils attendaient le chanteur..., en attendant mieux...
Genre: tragédie, UA, OOC, angst...
Source: Gundam Wings
Disclamer: Les personnages ne sont pas à moi mais à la Sunrise, etc... L'histoire de base est largement inspirée de Juste un regard, d'Harlan Coben.
Bonne lecture! Et Kittyval... Je te luuuuuuveuh! Meeerci pour la bêta!
- Alleeeeez bouge-toiiiiiiii! On va avoir des places pourriiiiiiies! J'te l'pardonnerais jamais!Heerooooooooooo!
L'adolescent brun aux yeux marines émit un soupir digne des plus languissantes héroïnes de tragédies grecques et agrippa son lourd collier à l'effigie d'un groupe de Heavy metal histoire de se donner la force puis entreprit de rejoindre sa soeur en traînant la patte.
Aujourd'hui était un triste jour pour Heero Yuy, métaleux convaincu. Malgré une résistance admirable, un mental d'acier et toutes ses prières frénétiques aux dieux du rock et de la bonne musique en général, l'alliance de sa soeur, sa mère et son beau-père avait triomphée...
Il lança un regard mortel au videur alors qu'il lui prenait les billets des mains, jetant un oeil à Hilde. Il était là pour jouer les nounous, il allait jouer les nounous! Hilde allait avoir le chaperon le plus collant de la terre, elle pouvait en être certaine! Mince mais satisfaisante vengeance pour l'infamie qu'il allait commettre par sa faute... Il retint le gémissement d'animal agonisant en levant les yeux vers l'immense affiche surplombant la scène; s'y étalait l'image d'une jeune homme en tenue moulante et à l'expression sauvage tenant un micro sur fond doré, rouge et noir. Duo Maxwell, révélation pop de l'été... Heero détourna le regard de son cauchemar personnifié et grimaça de dégoût en voyant sa soeur, des étoiles dans les yeux, dévorer l'affiche du regard.
- Aaaaaw il est si coooooooool! Avec ses superbes cheveux châtains dorés et son corps de rêêêve... Et ses yeeeeuuuux! Heero, il a les yeux améthystes! C'est trop sexyyyyyyyy!
- Hilde! Tu n'as pas l'âge requis pour trouver quelqu'un sexy! Se scandalisa Heero. Et puis j'suis sûr que c'est des lentilles!
- Pfff, tu comprends rien! Et même si c'était des lentilles, je suis sûre qu'il a des yeux magnifiques! Aussi beaux que sa voix d'aaaange!
Heero contint l'urgent désir de se cogner la tête contre le mur le plus proche et ne put qu'écouter, consterné, la tirade enflammée d'Hilde sur le produit de saison.
Hilde était une soeur plutôt décente et il l'aimait énormément... Sauf dans ce genre de cas... Ce Duo Maxwell l'avait ensorcelé! Dire qu'il commençait tout juste à lui faire découvrir les bons vieux groupes anthologiques, la batterie et la guitare électrique endiablées, la basse mortelle et les éructations si prenantes... Mais comme toutes jeunes filles de treize-ans-et-demi-presque-quatorze-P'pa-m'man-Heeroooooo, la petite brune était tombée dans le piège de la pop... Et lui ne pouvait qu'assister à la chute libre des neurones de sa soeur...
- Alleeeez, je veux être devant la scène! je recevrais peut-être ses gouttes de sueur! Kyaaaaaaaah!
- Pourquoi tant de haine...Pourquoi..? Gémit le brun, traîné par sa soeur, achevé par sa dernière réplique.
Trois heures passées devant une scène vide sinon les instruments qu'Heero soupçonnait d'être là juste pour la frime mais quand il avait fait part de son opinion à sa groupie de soeur, il s'était prit une baffe et un hurlement outragé comme quoi Duo Maxwell était un guitariste et un bassiste émériiiiite- eurent raison de la patience rudement mise à l'épreuve du chaperon.
- Hilde, on se casse, il arrivera jamais!
-Heero, s'te plait! Je suis sûre qu'il se passe un truc et que ça va vite s'arranger!
Le garçon se retourna d'un bloc vers sa soeur, prêt à protester mais la voyant comme ça, dans ses nouvelles fringues achetées spécialement pour l'occasion et ses grands yeux bleus emplis d'espoir, il ne se sentit pas le courage d'hurler. Partout où son regard se posait il voyait ces jeunes fans dans leurs plus beaux atours venus spécialement voir le chanteur faisant sa diva. Heero serra les poings, son antipathie pour la star augmentant.
Si ce connard magne pas son cul pour rappliquer j'irai le tirer de sa putain de loge moi-même!
Le jeune homme ne comprenait pas comment on pouvait laisser poireauter des gamines comme ça, il n'avait que mépris pour la pop et ses adorateurs mais quand même! Elles étaient là pour lui, avaient vidé leur tirelire, harcelées leurs proches pour ce salopard!
N'y tenant plus, il commença à se frayer un passage vers un des videurs, furieux.
- Heero, qu'est ce que tu fais?
- Essayer d'activer le mouvement! Ton chanteur, je vais te le...
Il ne put terminer sa phrase car à ce moment là les lumières de la salle s'éteignirent, élicitant des cris de paniques et des ordres hurlés par les organisateurs. Un haut-parleur, avec la même voix qui les avaient informés déjà cinq fois que Duo Maxwell serait sur scène d'ici un instant, leur somma de rester calme et de ne pas quitter leur position actuelle, que le problème serait réglé très vite. Heero jura et tenta de rejoindre sa place près de sa soeur.
Des coups de feu claquèrent. Les cris se transformèrent en hurlements, une clameur ininterrompue, horrible, stridente. Les dix milles spectateurs se mirent tous en mouvement, attirés comme des fauves enfermés vers la porte ouverte de la cage, vers les panneaux indiquant les sorties de secours situées sous et sur les côtés de la scène. Tous étaient paniqués, focalisés vers leur salut. Une énorme masse humaine se pressa contre les barrières que les videurs n'avaient pas eu le temps d'ouvrir dans une cohue totale.
Heero fut rejeté par une vague humaine sur le côté avant d'avoir pu atteindre sa soeur.
- HILDE!
Il crût entendre son prénom hurlé en retour mais tous les sons semblaient se confondre dans ce seul cri sauvage. Bataillant, il réussit à avancer un peu à contre-courant, toujours appelant sa soeur.
- HILDE!
- HEERO!
- HILDE!
Le jeune homme joua des coudes, ne prenant pas garde aux coups qu'il recevait. sa soeur était tout près, elle était en plein milieu du passage, sa soeur était en danger!
- HILDE!
Là! Elle était là, la bouche ouverte, appelant son prénom, la main tendue pour prendre la sienne... Il tendit la sienne...
Mais sous la pression de la foule, elle fut envoyée contre la barrière, écrasée contre les grilles...
- HILDE! HIIIIIILDE!
Le garçon se démena comme un fou, les yeux fixés sur la brune compressée par les autres spectateurs, faisant son possible pour ne pas laisser la panique le dévorer, il devait rejoindre et protéger Hilde!
Il hurla comme jamais lorsque la barrière céda sous le poids et que sa soeur disparut sous les milliers de corps grouillants. Il hurla et hurla son nom, se jetant dans la masse, ne sentant pas qu'on lui passait dessus, ne sentant pas ces tonnes de chairs, trébucher sur lui, le piétiner alors qu'il fouillait à quatre pattes parmi les corps à terre.
Il hurlait encore le prénom d'Hilde lorsque les derniers vestiges de conscience le quittèrent.
" Hier a vingt-trois heures vingt-cinq, une bousculade a fait trente morts et de nombreux blessés dans l'Espace Peacecraft où se produisait Duo Maxwell, prometteur jeune chanteur de pop... La star, qui aurait dû commencer son tour de chant deux heures avant le drame, était à l'infirmerie à la suite d'un malaise... Des coups de feu ont éclatés, provoquant un mouvement de foule incontrôlable vers les sorties de secours situées sous et sur chaque côté de la scène... Plusieurs adolescents ont été retrouvés morts d'asphyxie et piétinés vers la grille empêchant le public de monter sur l'estrade... Les membres du personnel sécuritaire font l'objet d'une enquête et le tireur fou a été arrêté et mis en examen... Les proches des victimes et les survivants réclament une explication et des réparations...
L'infirmier ferma le journal vieux de deux jours et soupira.
- Tss, quelle tragédie...
Il jeta un coup d'oeil derrière la vitre de la salle du personnel donnant sur la cafétéria. Un homme, le visage creusé, les épaules lourdes venait de retirer deux canettes du distributeur et retournait d'un pas pesant vers les chambres. Il connaissait ce type, l'ayant vu aux informations en compagnie de sa femme, tous deux en larmes, dévastés. Ils avaient perdu leur fille et leur fils était dans le coma suite à cette histoire de concert...
Secouant la tête, il suivit du regard ce pauvre homme brisé, songeant que ce serait vraiment sympa de la part du grand sachem là-haut de laisser le gosse survivre. Un souhait qu'il se surprenait à faire à chaque fois, malgré son inutilité maintes fois prouvée...
Heero éprouvait des sensations étranges. Il ne sentait presque pas son corps, n'avait aucune idée d'où il se trouvait. Il faisait noir, il avait l'impression de flotter dans les fonds marins. Puis il sentit quelque chose cogner. Sa tête. Tout son corps semblant se réveiller et il sentit alors une douleur vive, comme si il était passé sous un rouleau compresseur. Que s'était-il passé? Que...
Le concert...
HILDE!
- ...de...
Fujiko Lowe veuve Yuy, une femme dans les dernières années de la trentaine mais qui en paraissait facilement quinze ans de plus depuis deux semaines sursauta et focalisa son regard rougit et cerné sur son fils. Avait-elle bien entendu..?
- Hil...
Oui! Les lèvres de son fils bougeaient! Heero se réveillait!
Dans un cri tenant plus du sanglot, elle se jeta sur la commande pour appeler les infirmières. Puis elle composa, tremblante, le numéro de son mari.
- O..Odin! Heero se réveille! Viens vite!
Elle raccrocha sans même attendre une réponse de l'homme et prit fébrilement la main molle de l'adolescent, priant tous les dieux auxquels elle ne croyait plus depuis cet horrible soir de ne pas écraser tous ses espoirs.
Et lorsque les yeux marines qu'Heero avait hérité de son défunt père s'ouvrirent enfin, elle éclata en sanglots convulsifs alors que les infirmiers entraient dans la pièce.
Les enterrements et les incinérations avaient été émouvants, pathétiques, médiatiques. Un monde fou s'était pressé aux portes du cimetière et du crématorium. Seules les proches avaient eu le droit d'y entrer, mais ça faisait tout de même beaucoup de gens. Beaucoup de gens hystériques ou hagards, beaucoup d'yeux rougis, beaucoup de condoléances, de fleurs et de prières. Il y avait aussi beaucoup de flashs et de journalistes à la sortie pour quérir les réactions.
Heero apprit tout ça par sa mère et son beau-père car il n'y avait pas été. Il était dans un lit entre la vie et la mort à ce moment-là.
Les cérémonies avaient eu lieu presque une semaine avant son réveil.
Tous les amis d'Hilde étaient venus lui rendre un dernier hommage. A elle et deux autres jeunes filles avec qui elle était toujours fourrée. Tracy et Carole. L'une avait été retrouvée à quelques mètres d'Hilde. L'autre était morte aux urgences d'une blessure par balle à la tête.
Les balles avaient ricoché sur les structures métalliques du plafond.
La famille était venue de partout, du Japon, de la Russie... Des gens que Fujiko n'avait plus vu depuis la mort de Kyô étaient venus voir mettre en cendres leur nièce, cousine, petite-fille... Ils étaient aussi venus le voir à l'hôpital.
Heero avait tout écouté, mais n'avait pas vraiment été là. Il avait repris pleinement connaissance après quelques manipulations des médecins et avait appris qu'il n'aurait désormais aucune chances de réutiliser son bras droit à ses pleines capacités, que quelques séances de rééducation l'aideraient à remarcher normalement et qu'il devrait prendre des cachets contre des problèmes liés au cerveau durant probablement le reste de sa vie. Ensuite on lui avait dit qu'il était resté dans le coma pendant deux semaines. Il avait alors répété pour la énième fois le nom d'Hilde et on lui avait enfin dit qu'elle était morte.
Après ça, Heero s'était plongé dans le mutisme.
Sa mère restait presque tout le temps avec lui et son beau-père venait très souvent. Il leurs en était reconnaissant et essayait de le montrer... Mais il ne pouvait se résoudre à desserrer les lèvres pour prononcer un son. Même pour eux. Et sa mère n'arrivait pas à sourire. Et son beau-père n'arrivait pas parler d'Hilde, sortant de la pièce à chaque fois que Fujiko mentionnait la disparue.
Il y avait aussi certains parents d'autres victimes et des survivants, venant pour partager leurs expériences, se consoler mutuellement.
Cela dura les dix jours durant lesquels il resta à l'hôpital.
Lorsqu'il en sortit, sa première requête fut d'aller voir Hilde.
Et devant ses cendres, il craqua enfin, pleurant les premières larmes depuis qu'il la savait partie. Sa mère le prit dans ses bras et se joignit à lui. Et Odin, Odin l'ancien militaire qui avait tenu bon alors que toute sa section, dans laquelle se trouvait son meilleur ami Kyô, avait été massacrée lorsqu'il était en convalescence les avaient serrés à leur en briser les os et avait joint ses sanglots rauques aux leurs.
Un journaliste avait été là pour croquer le moment et la photo avait fait la couverture des tabloïds malgré leurs protestations.
La police était venue aussi, quelques temps après son réveil pour recueillir sa déposition. Ils lui avaient dit qu'il n'aurait rien pu faire, qu'il avait été honorable d'essayer de secourir sa soeur.
Ca lui faisait une belle jambe.
Le tireur fou était un type de dix-sept ans complètement perdu nommé Quatre Raberba Winner. Il était en jugement et sans doute bon pour la prison.
Il avait aussi reçu la visite d'un représentant de Duo Maxwell pour lui exprimer ses condoléances. Il avait ignoré sa présence, ne trouvant même pas l'envie d'être furieux que ce lâche de Maxwell ne soit pas là en personne. Il était encore trop sonné par la nouvelle de la mort de sa soeur.
Ô, il avait appris pour la conférence de presse et les excuses publiques, et il savait pour la dissolution du groupe.
Mais ça ne ramènerait pas Hilde.
Et le voilà, cinq mois plus tard. Ils ne recevaient plus la visite de journalistes et il avait reprit les cours. Ses camarades de classe lui fichaient la paix, se faisant moins insistants dans leurs furtifs regards et leurs chuchotements.
Sa mère avait repris son travail de vendeuse de matériel d'alpinisme et son beau-père avait décidé de laisser tomber les missions à l'étranger, souhaitant rester pour soutenir sa famille.
Le souvenir d'Hilde était encore là, sa chambre intacte, ses chaussures et ses manteaux encore dans l'entrée, ses céréales et ses biscuits préférés dans le placard. Elle avait encore sa session dans l'ordinateur. Aucuns d'entre eux n'avaient pu se résoudre à ôter le peu qu'il leur restait d'elle.
Même si Fujiko ne pouvait s'empêcher de pleurer en voyant ses affaires et ses cendres. Même si Odin en détournait le regard en s'affaissant et qu'Heero restait planté devant le regard vague.
Ils n'entraient pas dans la chambre.
Jusqu'à ce jour là...
Heero rentrait du lycée, le mp3 hurlant dans ses oreilles, l'air plus sombre que jamais dans ses amples vêtements noirs. Il tourna la rue menant à son immeuble, jetant un coup d'oeil machinal au type stationnant devant l'entrée. Il allait le passer quand il sentit un bras sur son épaule. Il ôta ses écouteurs, regardant d'un air peu amène le jeune homme. Il s'agissait d'un jeune mec, peut-être la vingtaine aux cheveux bruns clairs avec une mèche étrange lui voilant le côté gauche du visage. Son seul oeil visible était d'un vert intense, ses traits étaient fins et tirés. Il était grand, mince mais musclé et vêtu d'un jean et d'un pull sombre. Une mallette pendait à son bras.
- Heero Yuy?
Le brun soupira intérieurement, prêt à envoyer sur les roses un autre fouineur.
- J'ai rien à dire, dégagez.
- Je ne suis pas un journaliste, ni un flic.
- Alors qu'est ce que vous voulez? Grogna Heero.
- Que vous m'accordiez un peu de votre temps pour discuter.
Heero hésita. Ses parents n'étaient pas présents. Ce type pouvait être n'importe qui, y comprit un proche d'une des victimes fou de rage parce qu'il était en vie. Un truc similaire était arrivé à une fille qui n'avait eu aucune égratignure alors qu'elle se trouvait aussi devant la scène; la mère d'une morte l'avait abordée devant son collège et l'avait poignardée. Elle avait été arrêtée et la gamine n'avait pas été blessée mortellement mais quand même...
Il examina plus attentivement son interlocuteur. Pas de traces de folie dans le beau visage sérieux. Juste une ombre dans le regard franc et direct...L'ombre qu'il savait avoir dans les yeux...
- Votre nom?
- Trowa Barton.
- ... Entrez.
Ils grimpèrent les deux étages et Heero s'effaça devant l'entrée pour laisser passer son visiteur. Il posa son sac et son mp3 sur un meuble de la cuisine et se servit un verre de jus de litchee.
- Vous voulez un truc à boire?
- Non, je vous remercie.
Le regard de Trowa parcourut le salon, s'immobilisant sur l'autel où avaient été posé l'urne funéraire, de l'encens et une photo d'une Hilde tirant la langue à l'objectif, le regard pétillant.
- Je voudrais vous parler du concert.
Heero ravala la boule dans sa gorge et motionna à son visiteur de s'asseoir sur un des coussins autour de la table basse. Il l'y rejoint et le fixa, attendant qu'il commence.
- Mon nom vous dit-il quelque chose?
- Ouais. Catherine et Midii Barton. Catherine est catatonique et Midii... Il ferma les yeux. Midii est morte. Vous êtes le frère.
Trowa hocha la tête.
- Cathy est dans un établissement spécialisé. Les médecins doutent de la revoir bouger un jour. Elle reste là, assise, le regard fixe...
Le jeune homme parlait d'une voix calme et posée mais ses poings se serraient au fur et à mesure.
- ... Selon un témoin, elle a été séparée de Midii au tout début. Elle l'a cherchée mais... quand elle l'a trouvée, Midii...Midii était écrasée sous un ampli... Cathy... Selon le témoin, Cathy l'a vue mourir... Sans pouvoir l'atteindre...
Heero déglutit péniblement. Il revoyait Hilde hurler, se faire repousser loin de lui, disparaître sous la tonne de corps... Il entendait encore la barrière céder... Et ses cris se fondant dans le hurlement continu de la foule... Il ferma les yeux, forts. Barton le remarqua et soupira.
- Je suis désolé, je ne voulais pas raviver vos propres souvenirs...
- J'étais là... J'étais là, à quelques mètres d'elle...Je... Je comprends ce que votre soeur a dû ressentir...
Trowa avait les poings qui blanchissaient sous la pression.
- Midii avait eu douze ans le jour d'avant. Le concert était son cadeau d'anniversaire...
Les deux garçons se turent, trop pris dans leurs regrets pour couper la tension. Heero revoyait les mimiques suppliantes et colériques d'Hilde, son martelage psychologique intensif pour les faire céder, ses parents pour l'argent et la permission, et lui pour l'accompagner lorsqu'elle avait su qu'elle n'irait pas seule... Il revoyait ses bonds de kangourou hyper-actif lorsqu'elle avait réussi à parvenir à ses fins et sa promesse de tourments éternels si il refusait son rôle de chaperon. Ses gloussements mêlés à ceux de sa mère et aux cris scandalisés de son beau-père lorsqu'elle avait ramené de son après-midi de shoppings les "fringues i-dé-a-leuh" ou "les bouts de tissus scandaleusement vendus aux petites filles" selon les partis. Comme elle avait eu l'air radieuse avec sa petite robe bleue sombre, son sac et son petit béret de velours noir juste avant de partir de la maison! Elle s'était regardée dix milles fois dans la glace de l'entrée sous les regards attendris des parents et, même si il ne l'aurait avoué pour rien au monde à ce moment là, le sien... Il s'était dit, ça y est, la petite peste devient une femme... Il s'était même vu en grand frère protecteur, prévoyant de faire vivre un enfer à tous ses futurs petits-copains...
Mais il n'y aurait pas de petits-copains... Il n'était plus que le grand-frère incapable d'un fantôme...
- ... Ca fait plus de cinq mois... Pourquoi..?
- Pourquoi fouiller les plaies? Trowa eut un bref rire amer. Mes deux soeurs étaient tout ce qui me restait, Heero. Nos parents sont morts peu après la naissance de Midii. Cathy et moi l'avons élevée, chérie, elle était la prunelle de nos yeux... Cathy s'est évadée dans un monde sans sensations. je n'ai pas eu cette chance. J'ai perdu ma seule famille, Heero, et ce n'est pas une pathétique conférence et quelques arrestations qui vont me satisfaire.
La voix était restée posée, sous contrôle mis à part le rire, mais l'oeil vert étincelait d'une lumière métallique.
- Et qu'est ce que vous attendez de moi, au juste? Murmura Heero.
Il avait peut-être laissé entrer un fou dans sa maison, après tout. ce mec allait peut-être sortir un couteau et le poignarder lui aussi... Parce qu'il était vivant et que tant d'autres étaient morts.
Heero, la tête emplie de souvenirs de sa soeur et de son inutilité, se surprit vaguement à souhaiter que Barton se soulage un peu de sa colère et sa tristesse sur lui, lui qui n'avait pas pu protéger une personne qu'il adorait et qu'il avait promis de tenir à l'écart du danger.
Le jeune homme prit sa mallette, mais au lieu d'en sortir l'arme vengeresse, il en tira une liasse de papier.
- Veuillez m'excuser, je travaille habituellement sur ordinateur portable mais j'ai eu des soucis avec...
Il poussa les documents vers Heero qui lui lança un coup d'oeil curieux mais se pencha néanmoins dessus. Il repéra des noms qu'il connaissait déjà sur des articles, des témoignages, des fiches d'identités et des mémos divers.
- C'est...
- J'ai rassemblé tout ce que j'ai pu trouver sur les évènements. C'était ça ou je devenais dingue. Je veux trouver les responsables, les affronter face à face.
Heero leva un sourcil.
- Et?
Trowa soupira.
- Je ne sais pas. je verrai. Je... Je n'arrive pas à...surmonter...
Le jeune homme se pressa une main sur les yeux, semblant tout d'un coup très fatigué, très jeune. Heero se sentit triste pour lui. Il avait sa mère et Odin pour l'aider à survivre à la disparition d'Hilde. Trowa n'avait personne. Plus personne...
Ce concert avait bousillé tant de vies...
Le garçon se sentit très proche de ce jeune homme plein de rancoeur, sentant sa colère se réveiller.
Il fallait que des gens paient.
Le type qui avait tiré. Les organisateurs. Le chanteur.
- Dis-moi ce que je peux faire pour t'aider.
Trowa le regarda, surprit puis fit un léger sourire qui n'atteignit pas ses yeux.
- Je pense qu'on devrait d'abord se concentrer sur l'instigateur de la panique, celui qui a tiré les coups de feu.
Il tapota du doigt un papier et une série d'articles découpés et attachés ensembles.
- Quatre Raberba Winner, dix-sept ans. Il est en ce moment dans un établissement spécialisé. Je n'ai pas pu avoir grand chose d'autre sur lui, sa famille est riche et a bloqué toutes les infos.
La lueur était de retour dans le regard de Trowa.
- Je veux voir ce mec. Le confronter aux photos des victimes. Lui montrer ce qu'il a fait. Je veux qu'il en souffre.
- Je t'accompagnerai.
Et le même éclat faisait écho dans les yeux d'Heero.
Heero se débrouillait en informatique. Il était même très doué. Il fit quelques recherches, dénicha quelques amis, s'introduisit dans quelques systèmes et réussit au bout d'une semaine à avoir l'adresse du petit établissement dans lequel était enfermé Winner.
- Il s'agit d'un espèce d'asile, expliqua-t-il à Trowa lorsqu'ils se retrouvèrent dans un bar, un truc privé pour rupins dérangés. Maintenant, pour savoir ce que Winner fout là-dedans...
- C'est un fils à papa qui devrait être en taule ou six pieds sous terre, cingla Trowa, plein de mépris et de rage, pas en train de se la couler douce dans une putain de maison de repos!
- Il souhaitera être en train de pourrir dans une cellule après nous avoir vu, crois-moi... Siffla Heero d'un ton chargé de sombres promesses, La clinique est à l'autre bout du pays.
- On part dès que possible. Je ferai le pied de grue jusqu'à ce qu'ils nous fasse entrer. Si ils refusent, je menacerai d'appeler tous les pires journaleux que j'ai vu défiler devant chez moi!
Trowa avait une petite auto qu'il avait acheté à crédit avec sa soeur. Heero dit à sa mère qu'il partait avec un ami camper et elle se montra heureuse de le voir sortir un peu de son cocon. Non sans une tonne de recommandations, Fujiko et Odin le laissèrent partir. Trowa prit un congé et prévint la maison où était soignée Catherine. Ils partirent pour un long voyage d'une journée. Un trajet majoritairement silencieux, les deux jeunes gens plongés dans un silence songeur, chacun se préparant à affronter l'un des instigateurs de leurs malheurs.
Ils arrivèrent dans la petite ville montagnarde à l'aube et firent une halte dans un bar pour petit-déjeuner.
Pas qu'ils touchèrent grand chose de leurs collations.
Ils reprirent la route et arrivèrent enfin en vue d'une grille surmontée d'un nom de fleur quelconque en grandes lettres dorées. Bien entendu, elle était close et ne laissait percevoir qu'une autre barrière dotée d'un poste de garde occupé. Derrière, le chemin continuait et disparaissait aux détour des arbres d'un grand parc à l'anglaise.
- J'ai pu voir quelques photos sur internet. C'est un endroit dont la clientèle se fait par le bouche à oreilles mais comme l'établissement est un ancien château classé monument historique, j'ai réussi à dénicher un site genre nos anciennes fiertés nationales où ils en parlait... Bref, c'est un petit batiment, planqué à droite du parc. Il y a une entrée derrière , mais elle doit aussi être gardée...
- Alors on va rester dans la légalité.
Ils patientèrent, ne sortant du véhicule que pour se dégourdir les jambes, gardant toujours l'oeil sur la grille.
Une heure plus tard, un véhicule s'engagea sur la route et tourna. Une grande femme blonde en sortit, hélant les gardiens et tapant un code. Heero et Trowa s'approchèrent.
- Excusez nous...
La femme se retourna, montrant un jeune visage avenant et des yeux bridés d'un noir obsidienne brillants d'intelligence.
- Bonjour! Que puis-je faire pour vous?
- Nous souhaiterions visiter un pensionnaire.
- Et bien, vous avez pris rendez-vous?
- Non. Nous ne sommes pas des proches.
- Dans ce cas messieurs, je me vois dans l'obligation de...
- Nous souhaitons voir Quatre Raberba Winner.
Le visage de la femme s'assombrit.
- Les journalistes ne sont pas les bienvenus ici. Répliqua-t-elle, sèchement, si vous ne partez pas, j'appelle les gardiens.
- Nous ne sommes pas des journalistes. Je suis Trowa Barton et voici Heero Yuy. Notre visite est à titre personnel et ne sortira pas du cadre de cette propriété.
- Je ne peux pas vous laisser entrer. Qui que vous soyez.
- Alors attendez vous à voir venir de vrais journalistes. Claqua Heero.
- Mais qui êtes-vous bon sang!
Trowa sortit son portefeuille et en sortit sa carte d'identité. Se faisant, une photographie tomba à terre. La femme fut la plus rapide à la ramasser et se figea.
Le polaroïd montrait deux filles, une jeune adulte aux courts cheveux châtains bouclés et aux yeux verts avec un grand sourire tenant dans ses bras une petite blonde riant aux éclats, la bouche barbouillée de crème glacée.
La femme ne réagit pas quand Trowa lui arracha la photo et la remit à sa place, lui tendant sa carte, l'air pincé. Heero avait détourné le regard, pensant à la petite épreuve de photomaton où lui et Hilde grimaçaient, elle aussi enfouie dans son portefeuille.
- Yuy et Barton... Je vois... Je suis navrée, mais vous n'avez pas le droit d'entrer; Les ordres sont stricts.
- Attendez vous aux journalistes. Répéta Trowa.
Il tourna les talons, sortant son téléphone portable. Les gardiens avaient quitté leur poste, prêts à ouvrir la grille.
- Un problème, doc Po?
La blonde se mordit les lèvres et prit sa décision.
- Charles, Josh, ouvrez... Vous fouillerez ensuite ces deux jeunes gens et ils viendront avec moi... Je peux vous faire confiance? Demanda-t-elle ensuite en se tournant vers Trowa et Heero.
Le plus âgé ferma son portable et se retourna vers elle.
- Nous voulons juste voir Winner, pas provoquer une autre hécatombe.
La femme soupira.
- Vous passerez à la fouille et vous me suivrez. J'ai des choses à vous dire. Ensuite nous verrons. Mais sachez qu'à la moindre menace sur un des patients ou un membre du personnel, j'appelle les autorités sur le champs, journalistes ou non!
Une demi heure plus tard un café leur fut servi dans le bureau du docteur Sally Po, psychiatre.
- J'ai lu les journaux, comme tout le monde, mais ce n'est pas pour cela que je connais vos noms... La famille Winner a contacté la clinique presque immédiatement après le drame, nous suppliant d'accepter leur fils; Nous prenons les réservations bien plus tôt d'habitude, mais les Winner sont... des habitués.
Elle se réinstalla dans son fauteuil, regardant les deux garçons.
- Ce que je vais vous révéler ne doit pas sortir d'entre ces murs. Je n'ai pas pour habitude de briser le secret professionnel, mais j'espère vous faire voir la situation d'un autre point de vue.
Voyant les regards marine et vert se rétrécir, elle leva la main pour prévenir une objection.
- Pour vous, Quatre doit être un gosse de riche défoncé à quelque chose qui n'a évité la prison qu'à cause de son argent, j'imagine... Je ne vous blâme pas... Et lui non plus... Depuis qu'il est ici, Quatre a tenté deux fois de mettre fin à ses jours et n'a cessé que lorsqu'on lui a dit que sa mort ne consolerait somme toute, pas les victimes. Il n'était ni ivre, ni drogué lorsqu'il a tiré ces coups de feu... Il était en pleine crise...
- ...Crise..?
- La famille Winner comporte de nombreux cas de schizophrénie, paranoïa aigue et autres troubles mentaux... Quatre est schizophrène et souffre d'une forte altération de la réalité... En temps normal, ce que nous avons établi comme sa personnalité numéro un, c'est un garçon gentil, très doux, incapable de faire du mal à une mouche. Mais lorsqu'il se retrouve en situation de panique, sa deuxième personnalité prend le dessus... Il devient violent, paranoïaque...Imprévisible et dangereux... Ce concert... Il y était allé en compagnie d'une de ses soeurs... C'était un test de psychiatres, voyez-vous... Ils sortaient tous deux d'une longue thérapie et l'on a voulu appréhender leurs comportements respectifs dans un endroit très peuplé... Nous... Nous ne savions pas que Quatre avait une arme sur lui... Sa personnalité seconde a dû un instant le submerger lors du départ de chez eux et le forcer à la prendre... Quatre... Déteste l'obscurité et les cris... Lorsque les lumières se sont éteintes et que la foule a commencé à hurler, il ne l'a pas supporté et sa deuxième personnalité a repris le dessus...Et a tiré...
Elle se tut, les laissant le temps de digérer. Au bout d'un moment, Trowa releva la tête.
- En somme, vous cherchez à nous dire de ne pas en vouloir à ce type... Que ce n'était pas sa faute...
- Non... Non. Il a tiré, c'est un fait... Mais... Je vous en prie, essayez de comprendre...Qu'il n'était pas lui-même...
Un autre silence prit place pendant quelques minutes, brisé par Heero.
- Pouvons-nous quand même le voir, docteur? Je veux... Nous voulons...
Il soupira, n'arrivant pas à trouver les mots sur ses sentiments. Mais Trowa comprit.
- Nous ne lui ferons aucun mal... Nous voulons juste savoir... Nous voulons juste savoir si il... A comprit ce qu'il a fait...
Il jeta un oeil à Heero qui acquiesça faiblement. Il voulait voir dans le regard de Winner l'ombre qu'il y avait dans ses yeux, ceux de Trowa, de ses parents, de toutes les victimes...
Ca ne ramènerait pas les disparus, ni ne guérirait les blessures de l'âme. Mais ça calmerait peut-être cette rage qu'il sentait de plus en plus monter en lui.
Le docteur les scruta un instant puis se leva.
- A cette heure là, Quatre doit être en train de manger dans un coin du bois.
Ils quittèrent le bâtiment blanc et s'enfoncèrent dans la partie du petit bois appartenant à la clinique, croisant quelques personnes de tous âges et le personnel en blouse claire. Il était tôt, mais il semblait que la plupart des pensionnaires étaient levés.
Sally Po attira leur attention sur une aire sous un imposant arbre aux branches ployantes. Un jeune homme blond était assis, mangeant une viennoiserie, un livre dans l'autre main.
- Laissez-moi lui annoncer votre venue...Il est fragile...
Elle s'éloigna des deux garçons et alla vers le tireur. Trowa et Heero attendirent qu'elle leur fasse signe avant de s'approcher à leur tour.
Aucunes formules de politesse ne fut échangées alors que les trois jeunes hommes se regardaient.
Quatre Winner était maigre, les joues creuses et il avait manifestement morflé. Ils ne l'avaient vu qu'aux informations et dans les journaux, un garçon au regard fou ou prostré sur lui-même.
Le blond ne baissa pas le regard, bien qu'on sentait qu'il avait une folle envie de le faire. Mais il montrait ses émotions à nu, comme une compensation.
Heero avait pensé sortir la photo de sa soeur et l'accabler jusqu'à le voir pleurer. Trowa avait envisagé la même chose.
Mais la donne avait changé depuis les révélations de Sally.
Les médias avaient parlé de drogue et d'alcool, de folie.
Quatre avait un regard outremer limpide, respirant la bonté.
Heero et Trowa fixèrent les yeux du garçon.
Puis ils tournèrent les talons, sans regarder en arrière. Pas un mot n'avait été prononcé entre eux, l'échange avait été visuel.
Ni Quatre Winner, ni le docteur ne songea à les rappeler.
Ils avaient vu ce qu'ils voulaient voir.
Quatre Raberba Winner était brisé, et le serait aussi bien dans cette prison dorée que dans une cellule en proie à la dureté carcérale.
Trowa roula un peu et arrêta la voiture. Il posa sa tête sur le volant et ferma les yeux, respirant fortement. Heero retenait lui-même ses propres sentiments.
Ils avaient envie de pleurer.
- Je voulais tellement lui en vouloir... Je regrette même d'être venu! Gronda Trowa d'une voix étranglée.
Heero lui posa une main sur l'épaule.
- Je comprends ce que tu veux dire... Même si je lui en voudrai toujours d'avoir tiré... Bordel...
- Sally Po a raison... Ce n'était pas sa faute...
- ... C'est pas un brin consolateur.
Heero n'avait pas voulu être sarcastique. Il avait dit cela d'un ton plat. C'était une évidence.
Ce voyage n'avait servi à rien.
- Merde... Je voulais un coupable... Pas une autre victime...
Trowa ne répondit rien et ils restèrent longtemps comme ça, arrêtés au bord de cette petite route de campagne, les visages de leurs soeurs hantant leurs esprits...
Ils avaient perdus un objet de colère et se sentaient vides...
Le plus âgé se frotta les yeux, très forts.
- Je ne sais pas si on doit continuer. Je... Et si il n'y avait pas de coupable?
- Trowa.
- ...
- J'ai mal. Pendant cinq mois, j'ai fais taire cette voix en moi qui hurlait vengeance. Pendant ce temps, toi, tu bougeais, tu cherchais le pourquoi...
Heero fixa l'autre brun d'un regard sans détour.
- On a des noms, des coupables. Winner n'en était pas un... Mais les autres... Ne t'avise pas de laisser tomber maintenant.
L'adolescent serra les poings.
- Ne t'avise pas de faire ça... Parce que tu as lancé la machine, Trowa... On doit aller jusqu'au bout...
Ils se regardèrent. Puis Trowa redémarra.
- Les Peacecrafts. Ils ont organisé le concert. Mais j'en veux plus à Treize Kushrenada. Je t'expliquerai pourquoi en chemin.
TBC...
