Résumé complet : Ils affichent leur allégeance sur leur avant-bras gauche et dissimulent soigneusement leurs visages. Ils sont la garde rapprochée du Seigneur des Ténèbres qui a marqué leurs corps et leurs âmes. Ils sont les chevaliers de Walpurgis. Ils sont la gent perdue.

Voici une série d'OS-portraits de Mangemorts librement inspirés de l'Enfer de DANTE. A chaque personnage correspond une des catégories de pécheurs mentionnées par le poète.

La gent perdue s'inspire aussi, dans son aspect « série de portraits », des "Membres de l'Ordre du Phénix", série de drabbles écrite par bagin31 .


Disclaimer : Les personnages ainsi que l'ensemble de l'univers « potterien » appartiennent à JK Rowling. L'auteur n'en tire aucun profit financier.

Le premier OS porte sur Lucius Malefoy. Bonne lecture, si le cœur vous en dit !


-La gent perdue-

« C'est la souffrance des ombres
qui sont ici, qui peint sur mon visage
cette pitié que tu prends pour la peur. »

1. Lucius Malefoy

Esprits neutres et lâches – Chant III :

« Ils sont mêlés au mauvais chœur des anges
qui ne furent ni rebelles à Dieu
ni fidèles, et qui ne furent que pour eux-mêmes. »

- Trois-cent-cinquante-mille.

- Trois-cent.

- Trois-cent-quarante. C'est notre dernier mot, déclare le Procureur général Spinnet.

Il se tient enfoncé dans son fauteuil, derrière son bureau comme derrière une barricade.

- Votre dernier mot ? Mais de quoi suis-je accusé ?

- Vous le savez très bien ! Utilisation du sort impardonnable d'Endoloris, utilisation du sort impardonnable d'Avada Kedavra, haute trahison envers le Ministère.

- Le dernier crime de cette liste est le plus terrible sans doute ?

- Nous ne sommes pas là pour plaisanter, Monsieur Malefoy. Dans tous les cas, il me semble évident que trois-cent-cinquante-mille, ce n'est pas trop cher payé.

- Ma philosophie est que seules les choses tangibles ont une valeur certaine. Quelles preuves avez-vous contre moi ?

La voix grave du Ministre Shacklebolt se fait entendre depuis le coin le moins éclairé de la pièce :

- Remontez votre manche pour commencer, Monsieur Malefoy.

- Depuis quand une simple marque sur le corps d'un homme détermine-t-elle ses actions ? Sans parler de ses convictions ! Severus Snape, notre nouveau martyr national, était marqué, lui aussi. De plus, n'oubliez pas que ma femme a sauvé la mise à Harry Potter au péril de sa propre vie.

- Nous n'avons rien contre votre femme et il n'est pas question d'elle ici. Cessez ce petit jeu, Monsieur Malefoy, il ne vous honore pas.

- Oh, mais ce n'est pas moi qui l'ai commencé, ce « petit jeu » et s'il y a bien quelqu'un qu'il déshonore, c'est vous, Monsieur le Ministre, vous qui aviez promis d'en finir avec les vieilles plaies du Ministère : l'opacité, la corruption, l'hypocrisie. Mais il semble que le « fonctionnaire ministériel nouveau » dont vous nous avez promis l'avènement ait autant besoin d'argent que l'ancien. Si l'honnêteté soulage la conscience, elle n'allège pas le poids de la dette publique, n'est-ce pas, Monsieur le Ministre.

Il les énerve, il les indigne jusqu'à l'apoplexie, tous ces hommes nouveaux aux cœurs ardents et aux mains propres, amenés au pouvoir par la défaite de Voldemort et qui se retrouvent acculés à « faire des concessions ». Ils ne perdent rien pour attendre ; bientôt, bien plus tôt qu'ils ne le pensent, ils s'engraisseront l'échine, s'affubleront de cols rigides et de petites lunettes rondes qui scintilleront avec indifférence dans les bureaux et avec une excitation avide et suffisante dans les soirées mondaines.

Lucius tourne la tête en direction de Shacklebolt. Quelles que soient les émotions qu'il suscite chez l'ancien Auror, celui-ci n'en laisse rien paraître.

- Trois-cent-vingt-mille, déclare Lucius, et la liste de tous les fonctionnaires ministériels ayant collaboré avec le mouvement du Seigneur des Ténèbres depuis 1975 en échange de l'abandon définitif de toutes les poursuites contre moi et mon fils.

Ils accepteront, bien sûr. Ils auraient pu tout simplement l'exproprier, mais un sort puissant qui protège la fortune familiale depuis des siècles les en empêche. Et ils ont besoin, tellement besoin d'argent ! Tout comme Voldemort en avait besoin pour réaliser ses fantasmes de puissance et d'immortalité.

Lucius sort du bureau de Monsieur le Procureur. La secrétaire lui jette un coup d'œil circonspect. Tout à l'heure, quand Spinnet l'avait fait attendre pendant plus d'une demi-heure, c'était extrêmement amusant de voir l'hésitation troubler ce petit visage baissé à la hâte vers les petites mains fourrageant les papiers sur le bureau ! Elle se mordait la lèvre, se demandait si elle pouvait, si elle devait montrer du mépris à l'ancien Mangemort notoire ou si la présence même de ce dernier dans l'antichambre du Procureur pendant une plage horaire affectées aux rendez-vous privés et non aux interrogatoires d'instruction lui conférait un peu de respectabilité. Savait-elle à ce moment-là que Lucius était venu marchander son innocence?

Il lui sourit (il sait comment il faut leur sourire). Il lui dit :

- Au revoir, Mademoiselle. Cela a été un plaisir de faire votre connaissance. A l'occasion, je ne manquerai pas de complimenter Monsieur le Procureur du talent dont il fait preuve dans le choix de ses employés.

Elle rosit, elle sourit à son tour. S'il affirme qu'il ne manquera pas de complimenter, cela implique nécessairement qu'il est en position de le faire. C'est si facile.

Parfois, il lui semble qu'un banal mécanisme horloger est plus complexe que la société dans laquelle il évolue. Cela peut paraître très prétentieux. Pire, cela peut paraître naïf. Mais là est le secret : la vie est ce qu'elle semble être. Un cinquantenaire bedonnant, attablé devant une chope de brune le Samedi soir au Chaudron Baveur dira que l'argent régit le monde et que tous les politiciens sont pourris. Et il aura raison. La vie est exactement comme elle apparaît dans la bouche des gens médiocres, parce qu'elle est médiocre. Seuls ceux qui l'ont compris ont une chance de tirer leur épingle du jeu, de s'élever au-dessus du bourbier.

Tous s'y rencontrent, dans ce bourbier : l'honnête Shacklebolt qui crache une à une des concessions, comme s'il crachait ses tripes et feu le Seigneur des Ténèbres qui pouvait très bien être le plus grand Mage noir des temps modernes, mais n'avait pas fait tomber le Ministère qu'à coups de sortilèges impardonnables. Il avait bien fallu aussi quelques pots de vin.

Il est vrai que Lord Voldemort lui a donné plus de fil à retordre que Shacklebolt ne pourra jamais le faire. A aucun moment Lucius ne lui a été particulièrement dévoué en son for intérieur et, contrairement à ce que beaucoup pensent, il n'a jamais pris plaisir à tuer, intimider, se mettre en danger au nom du Seigneur des Ténèbres. A chaque fois qu'il avait l'occasion de ne pas en être ou de ne pas lever sa baguette, il ne manquait pas d'en profiter. Il rentrait toujours vaguement nauséeux de leurs « missions » masquées et passait de longs moments passablement désagréables à contempler son propre visage terni et distordu dans le miroir de sa salle de bain.

Et oui, il doit l'admettre, il y avait eu un moment où il avait presque perdu pied, s'était retrouvé humilié dans sa propre maison, devant sa femme et son fils. Et devant tous les autres.

Mais qui n'a pas son lot d'expériences déplaisantes dans la vie ? Le temps lui a donné raison sur tous. Le temps donne toujours raison à l'argent.

Lucius sait que les grands chefs passeront, s'élèveront, s'installeront, se retireront. Il sait qu'il suivra toujours leurs trajectoires concentriques de son pas élégant et sûr. Lui, puis quelque descendant, variante de lui-même, se distinguant de son prédécesseur seulement par des détails qui ne pourront qu'être insignifiants. D'autres encore. Ils porteront indifféremment du vert et de l'argent, du pourpre et de l'or, du blond ou du brun sur leurs têtes : tout ira à leurs visages fins et leur pâleur délicate, d'aucun diront maladive mais, oh, tellement vivace ! Ils seront toujours à leur place parce que, bien qu'ils ne marchent que pour eux-mêmes, le monde entier ne peut aller sans eux.

Lucius sait donc qu'il est et sera un rouage indispensable. Son visage ne garde plus aucune trace de la période difficile, il a retrouvé son harmonie austère et lisse. Qui osera dire que dans le miroir, son œil est vide ?

Il marche de nouveau la tête haute. Qui osera dire qu'il tourne en rond ?


Note : Il paraît que le fait de laisser des reviews garantit une petite place au paradis (c'est Dante qui l'a dit et il s'y connaît, n'est-ce pas ?). Alors, qu'attendez-vous ? Sauvez votre âme en commentant !