Ploc…. Ploc… Ploc….

Il y avait cette foutue goutte d'eau qui tombait à intervalle trop régulier, sur le sol de pierre humide, là, dans le coin de la pièce où on m'avait depuis trop longtemps oublié. Quelque part, au loin, j'entendaient des cris suraigus et déchainés qui réclamaient une quelconque vengeance que plus personne ne pourrait leur donner. Je souris. La morphine s'emparait enfin peu à peu de mes sens.

Comme j'essayais de bouger les doigts, que je ne sentais presque plus, je me rendis compte qu'ils étaient rouges et poisseux. Le sang commençait à peine à sécher et l'anneau qu'elle m'avait donné était à présent sale et terne. Je voulus l'enlever pour le nettoyer mais il glissa entre mes doigts souillés et roula quelque part, dans l'ombre et fit un drôle de tintement contre la pierre.

Je me baissai pour le ramasser. Il était là, sous le lit. Mes doigts le frôlèrent. Les ombres et les formes se mirent à danser autour de moi alors que mes muscles engourdis par la drogue se contractaient péniblement, sur la pierre humide pour l'atteindre. Il était presque à ma portée lorsque que le bruissement de tissu me fit relever la tête, dans un hoquet de surprise.

Elle était revenue.

Elle était là, dans sa robe jadis immaculée, les cheveux défaits, le teint pâle, comme toujours, à me regarder, en silence. Je voyais les tâches de sang cramoisies qui avait coulé de sa blessure à la tête sur les épaules de sa robe blanche. Elle m'enveloppa de son regard mélancolique et fit un pas vers moi, en tendant la main vers mon visage.

Christine.

Je tentai de me relever, la gorge serrée, en lui montrant mes mains, rouges de sang. Derrière elle, un bel homme blond apparut, au visage ravagé de douleur. Il lui prit le bras, en me jetant un dernier regard, rempli d'amertume et de terreur. Raoul. Les larmes coulèrent le long de mon visage en s'insinuant dans mes boursouflures hideuses pour s'étaler sur le sol.

Ploc… Ploc… Ploc…

Foutue goutte d'eau. Où était-ce le sang, qui coulait ainsi ?

Et avant que les amants maudits ne disparaissent complètement dans les ténèbres, je vis les autres entrer en force et se jeter sur moi.


A/N :

Fantômes est un thriller et non une histoire romantique et mon histoire se veut peut-être un peu plus une oeuvre de fiction originale qu'une fanfiction.

Pour répéter une délicieuse expression que j'ai lu ici et que j'adore : J'ai emprunté ici les tendres personnages de Gaston Leroux : Christine Daaé, Raoul de Chagny, le Fantôme de l'Opéra, Faure, le Comissaire Mifroid ainsi que le Persan (non, pas la version plus humaine de Kay, Nadir. Mais bien le Persan de Gaston Leroux) et d'autres que j'oublie sans doute. et... et je les ai un peu cassé, dans le processus. ( Je casse tout, dans la vie.) Pas juste un peu, je crois. C'est une version très très sombre de tous ces personnages que vous allez trouver ici. J'y ajoute des personnages de ma propre invention qui deviennent les principaux protagonistes. Et je le répète, il ne s'agit pas d'oeuvre romantique. Mais bien d'un thriller.

Après avoir analysé l'oeuvre de Leroux, dans l'optique de construire la base de mon histoire, j'ai changé très consciemment quelques détails. Notamment le théâtre où se produit l'histoire originale. Je sais que l'incendie du théâtre dont je vais parler coincide beaucoup avec la fin du film de 2004. Mais Fantômes n'est pas inspiré de l'oeuvre de Webber. Alors que l'oeuvre de Leroux se passe au Palais Garnier, Fantômes situe le drame entre Christine, Raoul et «Érik» dans le Théâtre Le Pelletier, le predecesseur historique du Palais Garnier qui brûla le 28 octobre 1873, alors que le majestueux théâtre dont parle Leroux n'était qu'une ébauche qu'on avait abandonné en temps de guerre, le temps que la Prusse se retire du jeu. Le Palais Garnier n'ouvre ses portes que deux ans plus tard et c'est dejà un peu tard pour mon récit, pour plusieurs raisons. J'ai choisi ce le théâtre Le Pelletier pour deux raisons bien simples : Je voulais que Fantômes soit solidement ancré dans la réalité, avec de faits historiques véridiques. Différentes raisons narratives explique mon choix. J'avais besoin que la prémisse de Fantômes se situe au début des années 1870 pour coincider avec les dates confuses que donne Leroux dans son livre et pour coincider, presqu'une dizaine d'années plus tard, avec l'ouverture du Metropolitan Opera House, le 22 octobre 1883. Et j'avais besoin d'une catastrophe majeure - qui ne survient pas au Palais Garnier avant au moins 20 ans après son ouverture (la chute du chandelier ne survient, en vérité, qu'en 1896).

Parce que le sort d'un meurtrier est toujours plus nébuleux, lors d'une catastrophe où des gens perdent la vie...
Un fantôme est, après tout, un être dont on doute toujours de l'existence...