Histoires de LunaL (22)
Ça chlingue chez Hagrid !
Je voudrais te parler maintenant d'une chose-dont-on-ne-doit-pas-parler.
N'étant pas un exégète de Harry Potter, je ne m'aventurerai pas à dire que notre chère J.K. Rowling s'est faite excessivement discrète sur cette question mais, dans le souvenir que j'en ai, elle n'a pas beaucoup parlé des odeurs dans ses livres.
A-t-elle parlé de l'odeur de calcaire humide qui règne un peu partout à Poudlard – un peu comme dans les cathédrales romanes et gothiques qu'on visite en Europe ?
A-t-elle jamais décrit l'odeur de vieille soupe qui flotte parfois dans la Grande Salle ?
Et que dire des odeurs corporelles ?
On sait que, depuis quelques générations, l'être humain est obsédé par tout ce qui rappelle son côté animal – son odeur, sa pilosité, etc.−, qu'il essaie, de toutes sortes de manières, de masquer, de dissimuler voire de faire disparaître.
Mais où veut-il donc en venir ? te demandes-tu.
J'y arrive.
Je sais que je vais décevoir – peut-être même me mettre à dos − bon nombre de ses admirateurs (je m'empresse de préciser que cette personne est un être admirable, pour qui j'ai une immense affection), mais es-tu déjà allé dans la cabane d'Hagrid ?
J'y suis allé à maintes reprises, seul ou en compagnie d'autres élèves. J'ai peut-être l'odorat trop développé mais, pour tout dire sans prendre de détours, ça chlingue chez Hagrid.
Comme dirait un « nez » quand il décrit les différentes composantes d'un parfum, il y a chez notre bon géant : une dominante de renfermé, de bois pourri, d'aliments mal conservés, de vêtements pas très frais et de bonhomme qui ne prend pas souvent son bain, mélangée à une note âcre de vieux chien et de tabac.
Cela donne un « parfum » qui ne ferait sûrement pas fureur chez Chanel.
Pourtant – et c'est là une chose qui ne cesse de m'étonner −, cette puanteur disparaît au bout de quelques minutes passées dans la cabane d'Hagrid.
En fait, elle ne disparaît pas vraiment, mais on dirait qu'elle est remplacée par ce qu'on appelle, en spiritualité, l'« odeur de sainteté » − si tant est que la sainteté ait une odeur (je croirais plutôt qu'elle n'en a pas, ce qui fait justement son étonnante singularité).
C'est comme si l'extrême bonté de notre géant anesthésiait notre sens de l'odorat.
À chaque visite, le même phénomène se reproduit. Je suis d'abord saisi par l'odeur puis, au bout d'un certain temps, sans même m'en rendre compte, je ne sens plus rien.
Vas-y voir et tu me diras si je n'ai pas raison…
