Chapitre 1 : Le secret de Karen

- "Oooh... Allez ! Tu pourrais être plus gentille, non ?"

Cette simple phrase suffit à éveiller mon détecteur de pervers. Je ne cherche même pas à m'excuser auprès de Rose qui me racontait je ne sais plus trop quoi, et me rue littéralement dans le couloir.

- "Hey, toi !"

L'interpelé se retourne, me fixe puis, pour me tester, fait comme si je ne l'avais pas interrompu. Mais à peine il pose sa main sur la hanche de la jeune élève de Poufsouffle, que je lui saisis fermement le poignet pour l'obliger à reculer.

- "Ne me provoque pas !"

- "Tsss... Pour qui est-ce que tu te prends ?!" Me crache-t-il au visage.

Instantanément, je sens mes poings me démanger. J'adorerais lui en coller une, rien que pour effacer ce sourire autosuffisant qu'il s'obstine à afficher.

- "Je suis Préfète-en-chef, espèce d'imbécile ! Et je t'interdis d'embêter les filles, tu as compris ?!"

Debout derrière moi, l'élève de Poufsouffle semble soupirer de soulagement. Ainsi donc, ce garçon de Gryffondor l'importunait vraiment !

- "Karen, qu'est-ce que tu fais ? On va être en retard en Métamorphose !"

J'ignore Rose, mon regard toujours planté dans celui de l'insolent qui, se croyant courageux, persiste à me défier.

- "Excuse-toi."

Il ricane, et ça m'horripile. Tout le monde nous observe à présent, et je ne peux pas laisser passer un tel débordement. Bon sang, ce gars se moque de moi...

S'il pense m'impressionner, il se fourre sa baguette dans l'œil. Je relâche quelques secondes mon attention et vois Albus Potter, deuxième Préfet-en-chef, sur le point d'intervenir quand, à bout de nerfs, je saisis le Gryffondor par le col de sa chemise.

- "Je t'ai dit de... T'excuser !"

Il déglutit, tout à coup mal à l'aise.

- "Karen !" M'appelle mon confrère, mais je lève une main pour le faire taire et resserre mon emprise.

- "Tu ferais mieux de t'excuser, Becks..." Conseille Hugo Weasley.

- "Sinon quoi, hein ?" Me nargue le dénommé Becks.

Un rire nerveux s'empare de moi, et je sens l'assemblée frissonner. Albus lève les yeux au ciel. Rose soupire d'exaspération. Hugo sourit, amusé. Et moi, jugeant que ça avait assez duré, je prends la cravate rouge et or dans ma main, et tire dessus jusqu'à ramener le Gryffondor face à l'étudiante de Poufsouffle.

- "Je retire vingt points à Gryffondor."

J'entends des cris de frustration, mais un simple regard sévère suffit à les contenir.

- "Et... Tu as gagné deux heures de retenue !"

Becks tente de se libérer, furieux. J'enroule sa cravate autour de ma main.

- "N'essaye même pas."

Et pourtant, il essaye. Je le vois glisser ses doigts dans sa poche, prêt à dégainer sa baguette, mais je suis plus rapide que lui et, à la surprise générale, je tire fermement sur la cravate et l'oblige à s'agenouiller.

- "Tu ne crois pas que tu en fais un peu trop, là, Karen ?" Me dit Rose.

- "C'est mon rôle de faire régner l'ordre et la discipline !"

- "C'est bon ! Je m'excuse ! Voilà, ça te va ?!" Hurle presque le Gryffondor.

Satisfaite, je le laisse se relever tant bien que mal. Il court littéralement se réfugier derrière Albus Potter, lui aussi digne représentant de la Maison Gryffondor.

- "Putain, Potter... Tu aurais pu faire quelque chose au lieu de la regarder m'humilier !" S'indigne Becks.

- "Ferme-là !" Lui ordonne mon confrère. "Tu en as assez fait, tu ne crois pas ?"

- "Mais..."

- "Tais-toi !" Réitère-t-il, puis il se tourne vers l'attroupement d'élèves :"Circulez, il n'y a plus rien à voir, ici !"

Mais personne ne bouge, tous continuent de faire des messes basses.

- "Hey ! On vous a dit de déguerpir !"

L'effet est immédiat : chacun se précipite dans une direction, et certains en heurtent même d'autres en chemin.

Albus hausse les épaules, abattu.

- "Pourquoi ils t'écoutent plus que moi ?!" Se plaint-il. "Je suis, moi aussi, Préfet-en-chef ! Je suis Capitaine de l'équipe de Quidditch ! Je suis populaire !"

- "Moins populaire que moi." Glisse sournoisement une voix que je reconnais comme étant celle de Scorpius Malefoy.

- "Va en cours, Malefoy !"

Il ne daigne même pas me regarder.

- "Mais... Co... Comment elle fait ça ?!" S'écrie Lily Potter dont la présence m'avait échappée.

- "Faire quoi ?" S'enquit distraitement Rose en grimaçant.

- "Pour connaître l'emploi du temps de tout le monde !" Répond Lily, horrifiée.

L'espace d'une seconde, je me demande si son ton n'est pas accusateur, mais l'attitude nonchalante de Malefoy me rappelle à l'ordre.

- "Scorpius Malefoy !"

Je m'avance lentement vers lui, les poings serrés. Il ne laisse rien filtrer, son visage figé en une expression hautaine.

- "Arrête de sécher les cours !"

Je lui hurle dessus, mais il ne cille même pas. Je m'apprête à lui offrir un petit détour tous frais payés par le bureau de la Directrice, quand soudain, ses lèvres s'étirent en un sourire.

Et, là, c'est là que ça se produit, la chose la plus improbable qui soit : il éclate de rire. Tant et si bien qu'il en a les larmes aux yeux. Je recule, perturbée par son comportement.

- "Faut... Faut bien que... Je te laisse une chance d'être la meilleure élève de l'école !" S'esclaffe-t-il entre deux rires.

Mon sang ne fait qu'un jour : je contracte le poing, prête à le cogner jusqu'à lui faire bouffer les dalles une par une. Je lève la main, mon corps tout entier tremblant de gêne, mais mon mouvement perd de sa superbe lorsque je le vois s'en aller les mains dans les poches, comme si de rien n'était.

- "Malefoy ! Ne m'ignore pas !" Lui crie-je, révulsée.

Sauf que mes cris, autant que mes menaces, il s'en fiche royalement. Scorpius Malefoy est le meilleur élève de l'école. Et il ne mérite pas de l'être ! Il ne fournit aucun effort ! Et j'ai beau le coincer, le prendre sur le fait encore et encore, les professeurs lui trouvent constamment des excuses ! C'est déloyal ! Si un regard pouvait tuer, je l'aurais déjà assassiné un nombre incalculable de fois. Mais Malefoy est une vermine... Et il serait foutu de ressusciter, cet abruti !

Doucement, je sens la main de Rose abaisser mon bras. Elle me couve de ce regard maternel qu'elle a toujours eu pour moi, et sans même y penser, je me radoucis.

- "Viens, Karen. On va être en retard."

J'approuve d'un signe de la tête, puis tourne les talons.

XoX XoX XoX

Je m'appelle Karen Wells, et je suis élève en septième année à l'école sorcellerie de Poudlard. Je suis obsédée par le travail. Je ne m'accorde aucun répit parce que, à mes yeux, seul l'effort paye ! Du moins, c'est ce qu'on me ressassait à l'orphelinat où j'ai grandi. Le fait de ne pas avoir de famille, ni de modèle à qui me raccrocher, m'a poussée à travailler plus, toujours plus, dans l'espoir de me faire respecter et accepter.

Le jour où j'ai eu la confirmation que tout ne tournait clairement pas rond chez moi, fut le plus perturbant et le plus beau. J'ai toujours su que j'étais quelqu'un de bizarre, mais jamais je ne me serais qualifiée de "sorcière". Mes parents étaient des moldus, tous deux morts dans un stupide accident de voiture. Et à peine résignée à cette dure réalité, que je me suis retrouvée propulsée dans l'inconnu. Mais je ne regrette pas la venue de Minerva MCgonagall.

Ici, j'ai trouvé un foyer. Ici, je me suis faite des amis. Au fil des années, Rose Weasley et ses cousins sont devenus ce qui s'apparente le plus à une famille à mes yeux. Bien sûr, je sens parfois cette pitié dans leur voix. Cette tristesse qu'ils nourrissent à mon égard lorsqu'ils parlent de leurs parents, de leurs vacances, de leurs passé et de leur avenir. Mais je ne m'en offusque pas. Parce que... Aujourd'hui, mes efforts ont payé ! A Poudlard, je suis reconnue comme étant quelqu'un de fiable, de studieux et rigoureux. Même s'il m'arrive de faire peur à certains, je me dis que c'est simplement une forme de respect.

Cette réputation, je me la suis forgée doucement mais sûrement. Seulement, voilà, il y a des jours où, tout me paraît sur le point de basculer. Le fait est que personne, personne, ne sait réellement qui je suis. Non pas que je cache un quelconque aspect de ma personnalité, non ! Simplement... Il y a un an, j'ai réussi à convaincre la Directrice de me laisser travailler à mi-temps. Je ne pouvais plus compter sur l'aider financière apportée par l'école, ça mettait ma fierté à rude épreuve. Alors, à contre cœur, MCgonagall avait cédé. Je ne lui ai jamais fait part de la nature de mon travail, et, heureusement, elle ne m'accable pas de questions à ce sujet.

- "Mademoiselle, puis-je passer ma commande ?"

Je sursaute, affligée à l'idée de m'être autant perdue dans mes pensées puis, souriante, j'approuve du chef tandis que la plume enchantée prend note de la commande du jeune homme assis à la table quarante-six.

Depuis la fin de la Guerre -celle qui m'avait apparemment échappée-, la vie avait bien eu le temps de reprendre son cours. On m'a souvent fait le récit de cette tragédie, mais sincèrement, je n'ai jamais pu m'y projeter. D'après les autres, Pré-au-Lard s'était aussi incroyablement agrandi. Les commerces s'y sont multipliés, et avec eux les bistrots et bars en tout genre.

Sauf que... Parmi tous ceux présents, il a fallu que je travaille dans le plus extravagant. Tenues légères, comportement à la lisière du décent en ce qui concerne la clientèle, et... Bonne humeur de rigueur. Ici, ils n'y avaient que des serveuses. Mais toutes étaient plus âgées que moi. C'était un emploi très bien payé, et les horaires de soirées me convenaient parfaitement, même si, couplé à mes obligations de Préfète-en-chef, jongler avec le tout devenait parfois usant.

Mon patron me lance un regard empli de reproches, sans doute me suis-je, encore, égarée. Désolée, je m'empare rapidement du sac poubelle déposé près de la deuxième porte d'entrée du pub, puis le traine dehors.

La porte claque et ma jupe, portée par la brise automnale, virevolte légèrement.

- "Wow..." S'exclame une voix.

Le sac me glisse des mains et se repend dans un splash dégoûtant.

Je prie Merlin, Morgane, Dieu... Tous, peu importe lequel intervient, mais pitié...

Mes yeux clignent, mes paupières s'affolent, incapables d'affronter la réalité.

Face à moi, Scorpius Malefoy qui, semble-t-il, passait par là. Mon rôle de Préfète-en-chef m'abandonne, je suis incapable de lui demander ce qu'il fait ici, à une heure si tardive. Mes membres sont tétanisés et le choc ne fait que s'accroître lorsque je le vois s'approcher de moi.

- "Ça, c'est une surprise."

Je me mords la langue tandis qu'il me détaille de son regard insondable puis, parce qu'il est Scorpius Malefoy, il me laisse en plan et s'en va.

Le poids du monde entier m'aplatit. Pourquoi ? Pourquoi de tous, il a fallu que ce soit lui ?!

J'aurais pu hurler d'indignation, voir plutôt d'injustice. Parce que, oui, c'est ce que c'était ! Tous mes efforts... Ce petit insolent sans vergogne va les réduire à néant.

Mais je n'ai pas le temps de m'apitoyer sur mon sort, j'entends déjà Cassidy qui m'appelle. Il est temps pour moi de rentrer. Que Scorpius Malefoy aille au Diable !

XoX XoX XoX

Le lendemain matin, je mets deux fois plus de temps à me réveiller. Ma chambre de Préfète-en-chef, petit avantage allant de paire avec mon statut, m'apparaît comme l'endroit le plus sûr sur Terre. Je n'ai pas envie d'en sortir. Je ne peux pas. Non, je ne peux pas affronter le regard des autres. Pas maintenant, pas alors que l'année vient à peine de commencer. Je n'ai même pas eu le temps de profiter de ma nouvelle distinction, qu'elle semble sur le point de perdre de sa splendeur. Et pourtant, il faudra bien que je sorte un jour. De plus, si jamais je suis en retard, ça risque d'en étonner plus d'un, et Rose ne tardera pas à venir tambouriner à ma porte.

Léthargique comme jamais, je me lève et traîne les pieds jusqu'à la salle de bain. L'eau chaude n'affecte en rien mon humeur. Une vague de déprime m'envahit, et sans que je ne puisse les contrôler, mes poings frappent dans le jet d'eau.

- "J'emmerde Scorpius Malefoy !"

J'attrape ma serviette, me sèche rapidement et termine avec un coup de baguette, puis m'habille. Mes membres s'exécutent lentement, j'attrape mon sac, le suspend à mon épaule et tripote machinalement mon insigne de Préfète-en-chef, puis, résignée, je m'en vais rejoindre mes amis dans la Grande salle.

Le brouhaha des conversations agresse mes oreilles à l'affût de la moindre discussion suspecte.

- "Ouais, elle bosse dans le bar..."

Je me fige sur place. Un bar ? Je mets moins d'une seconde à trouver l'origine de la conversation, et les deux garçons de Gryffondors me fixent fébrilement.

- "Un bar ?!"

- "Euh... Elle bosse dans le bar qui se trouve sur le Chemin de Traverse." Reprend l'élève à l'attention de son ami.

Un rire nerveux secoue mes épaules. Fausse alerte.

- "Une ser..."

Serveuse ?! Je me précipite vers l'autre groupe de sixième année.

- "Une ser... Serviette, s'il-te-plaît." Demande la Serpentard à son camarade, non sans me lancer un regard inquiet.

Je me sens tout bonnement ridicule, mais c'est plus fort que moi. Et, en parlant de Serpentard, je balaye leur table du regard à la recherche de Malefoy. Là ! Comme toujours, il déjeune calmement, un bouquin à la main. Je ne saurais jamais comment, peut-être l'ai-je observé avec trop d'insistance, car, que je le veuille ou non, il a levé la tête dans ma direction.

Nos regards se croisent et, incapable de supporter le moindre jugement de sa part, je détourne les yeux et déglutis.

- "Karen !"

Rose apparaît dans mon champ de vision.

- "Albus te cherchait partout ! Il dit que vous avez ce truc à finaliser pour la visite annuelle des élèves de Beauxbâtons et Durmstrang." M'annonce-t-elle, essoufflée.

Ah, oui... Pourdlard qui reçoit les élèves des autres écoles. Et l'événement est prévu pour ce week-end. Décidément, avec mes cours, mes devoirs, mes responsabilités en tant que Préfète-en-chef, mon travail... Et, maintenant, cette épée de Damoclès qui plane au-dessus de ma tête -à savoir, Scorpius Malefoy-, j'en suis arrivée à oublier les dernières mises au point à faire avant l'arrivée des étudiants de Durmstrang et Beauxbâtons.

- "Je vais m'en occuper, Rose. Merci !"

Mon sourire sonne faux, et Rose le sait, alors, bienveillante, elle me prend la main et la serre gentiment.

- "Tu as besoin de te reposer, Karen."

Je n'ai pas le temps de la rassurer que Lily Potter me bondit dessus.

- "Kareeen !"

- "Hey ! Lily ! Combien de fois je dois te répéter de ne pas faire ça !"

- "On t'a cherchée toute la matinée !"

Je rêve ou Lily Potter me gronde du haut de ses quinze ans ? Bah, après tout, elle est Préfète de Gryffondor...

- "Désolée..."

Je m'excuse sans conviction, et je sens le regard de Scorpius me brûler la nuque.

- "Viens, allons rejoindre Albus ! Les autres préfets sont déjà au Bureau des étudiants !"

Merlin, je n'avais pas conscience du temps perdu ce matin ! J'ébouriffe les cheveux de Lily en guise de réponse, puis me tourne vers Rose.

- "Tu pourrais me prendre un truc à grignoter à notre table ? Tu me le donneras après le cours de Défense contre les Forces du Mal !"

Rose lève le pouce, et ne peut s'empêcher de rire en voyant Lily me traîner vers la sortie.

Loin du tumulte de la Grande salle, je sens la pression descendre d'un cran, mais je n'ai pas le temps d'apprécier la quiétude des couloirs à cette heure-ci de la journée : un désagréable frisson remonte le long de mon échine. Lily s'arrête, prête à me sermonner, quand soudain son regard s'illumine.

- "Scorpius !" Dit-elle, apparemment ravie.

Je noie un juron dans ma gorge.

- "Salut."

Salut ? Je vois Lily se tordre les doigts d'embarras, et je lève les yeux au ciel. Elle a toujours eu un faible pour ce vil Serpentard.

- "Tu... Tu as besoin de quelque chose ?" Réussit-elle à bégayer.

- "Non."

Le regard de Lily s'assombrit tandis que Malefoy nous dépasse de son éternelle démarche aristocratique.

Le Bureau des étudiants n'est pas loin alors, comme à mon habitue, je pose une main réconfortante sur la tête de Lily et lui dis de partir devant. Elle hésite, mais finit par obéir.

Je m'assure de son absence, puis vérifie que personne d'autre ne traîne dans les parages avant de rattraper le blondinet.

- "Hey ! Toi !"

- "Mmmh ?"

Seigneur que son attitude m'exaspère !

- "A... A propos d'hier soir..."

- "Quoi ? Tu vas me punir pour avoir fait le mur ?" Réplique-t-il de but en blanc.

Ma mâchoire se crispe. Espèce d'enfoiré !

- "Je me doute que la Cape d'invisibilité des Potter, ou la Carte des Maraudeurs, se cache là-dessous, et je m'en fiche !" Je m'efforce de le tenir en respect, mais mes jambes oscillent dangereusement. "Tu... Tu n'as..."

L'air me manque et je suis à deux doigts de rendre l'âme. Je me sens vulnérable, totalement à la merci de ce garçon que je fréquentais parfois en compagnie du clan Potter-Weasley. Meilleur ami d'Albus Potter, excellent élève, ami de Rose, idole incontestée de Lily Potter et sans doute de toutes les autres. A cet instant précis, je le méprise de tout mon être.

Et ma haine ne fait que s'accentuer lorsqu'il me tourne le dos, visiblement déterminé à me planter là comme une moins que rien.

Je me promets de lui retirer une centaine de points. De le surveiller assidument, prête à lui tomber dessus au moindre faux pas. De faire tout mon possible pour, enfin, avoir de meilleurs résultats que lui. De tout mettre en œuvre pour lui faire comprendre qu'être le meilleur ami d'un des deux Préfets-en-chef ne suffira pas à assurer ses arrières. Et, enfin, de lui foutre la raclée du siècle au point de récurer le sol avec ses cheveux d'un blond presque blanc !

Sauf que, à l'heure actuelle, mes belles paroles résonnent contre la menace de sa révélation publique qui, je le sais, ne tardera pas à venir.

A nouveau perdue dans mes pensées, je ne l'ai même pas vu s'éloigner de quelques pas quand, tout à coup, mes jambes me projettent en avant. J'y mets toutes les forces qu'ils me restent. Toute la dignité qu'il ne m'a encore enlevée. Et, là, tremblante comme jamais, j'attrape nerveusement sa chemise.

- "Ma... Mal... Malefoy..."

Mes mots sont suspendus à mon geste, et alors que je baisse la tête, honteuse, je sens le tissu se dérober d'entre mes doigts.

- "Toi, alors..." Soupire-t-il.

Je l'exaspère. Je le savais. Il doit certainement me prendre pour une petite fille modèle qui se pervertit au travail... Mon uniforme de serveuse imprime chaque recoin de mon esprit. Je sens venir ma déchéance sociale et les remarques dégradantes.

Mais, contre toute attente, il me saisit les poignets et m'entraîne dans un recoin sous l'imposant escalier de l'entrée principale. Je n'ai pas la force de lutter, angoissée à l'idée de l'entendre me juger.

- "Qu'est-ce qui cloche chez toi, hein ?"

Je relève subitement la tête et fronce les sourcils. Quoi ? Il compte me faire la morale ?!

- "Ah... Je vois." Poursuit-il d'un air blasé. "Tu croyais que j'allais balancer ton petit secret à tout le monde, c'est ça ?"

Je retiens ma respiration, incapable de rétorquer. La pression de ses doigts autour de mes poignets s'accentue, m'obligeant à noyer mon regard dans le sien.

- "Je suis un égoïste, tu te souviens ?"

Un hoquet m'échappe. Oui, c'est vrai, je l'avais traité d'égoïste l'année dernière. Il venait de briser le cœur d'une de mes camarades Serdaigle sans le moindre remord.

- "Quoi ? Tu ne l'affirmes pas ?" Dit-il avant d'arquer ses lèvres en un sourire... orgueilleux ?!

- "Si c'est des excuses que tu attends, alors..."

- "Non."

- "Alors quoi ?!" J'en profite pour le pousser contre le mur, le forçant par la même occasion à lâcher mes poignets.

- "Alors... Tu seras ma petite serveuse personnelle."

J'écarquille les yeux, éberluée par ses propos. C'est... Tout bonnement... Dépravé !

Je lève la main, prête à lui asséner une gifle amplement méritée. Mais, une fois encore, il me surprend et me saisit les épaules.

- "Ou alors..."

Ma main levée ne semble pas l'intimider. Je n'amorce plus le moindre geste, je suis engourdie par l'atmosphère étouffante qui nous entoure.

- "Tu m'expliques pourquoi. Pourquoi tu fais ce travail ?"

Doucement, j'abaisse mon bras. Est-ce que ça l'amuse de me torturer ? Certes, je ne lui parle pratiquement jamais, mais il est loin d'ignorer mon passé. Alors, pourquoi ? Pourquoi s'acharne-t-il de la sorte ?

- "Tu sais très bien pourquoi."

- "Non, je ne sais pas. Tu as tes cours, ton rôle de Préfète-en-chef à tenir, tes activités extra-scolaires qui consistent à tyranniser tout le monde... L'école t'a accordée une aide financière spéciale parce que tu travailles dur. Alors, pourquoi ?"

Ses orbes anthracites m'oppressent et sans que je m'en rende compte, mes joues s'enflamment. Rose a raison, je devrais me reposer, je suis en train de tomber malade.

- "Je suis assez grande pour prendre soin de moi, maintenant. Je dois apprendre à me débrouiller seule." Ma vue s'embue de larmes.

Je me dégage de son emprise, puis le toise d'un regard qui se veut intrépide. Sauf que ça ne marche pas, je sens une première larme rouler contre ma joue, et Malefoy fait mine de ne rien voir. Il met une main dans sa poche et en sort un mouchoir avant de me le tendre.

- "Je... Je n'en veux pas !" Je l'ai presque crié, et mon estomac se tord d'appréhension, mais personne ne semble alerté par notre présence.

Malefoy hoche la tête, désabusé.

- "Tsss... Toi et ta fierté mal-placée..."

C'était un murmure à la fois amusé et irrité.

- "Tu ferais mieux de rejoindre Albus et les autres. Quant à moi, je risque d'être en retard en cours. Je ne sais pas si tu es au courant, mais... La Préfète-en-chef me surveille de près. Elle m'a menacé pas plus tard qu'hier." Dit-il.

Mon cœur bondit dans ma poitrine. Imbécile...

- "Pour ce qui est de ton petit secret de débauchée, personne n'en saura rien."

Ma surprise est telle que mon corps tout entier se relaxe, faisant glisser mon sac le long de mon bras. J'en oublie même de lui dire que je n'ai rien de débauché !

- "Tu me le promets ?"

- "Promis."

Il prend un air sérieux que je ne lui connais pas et, têtu, introduit le mouchoir dans ma poche avant de disparaitre en direction des salles de classe situées au premier étage.

C'est trop de pression d'un seul coup. Mes larmes redoublent de puissance, mais cette fois de frustration et de soulagement. Je n'aime pas le savoir au courant, et pourtant, quelque chose en moi me pousse à lui faire confiance.

Peut-être que j'aurais dû lui lancer un sortilège d'Oubliettes, ou lui imposer un Serment inviolable. Mais ces précautions paraissent dérisoires à présent. Je ne sais pas, il est possible que... Finalement, j'ai peut-être besoin que quelqu'un sache. Qu'au moins une personne soit au courant. Et le sort a voulu que ce soit Scorpius Malefoy, alors... Qu'il en soit ainsi.

Sans plus tarder, je prends le mouchoir, essuie mes larmes et me redresse tant bien que mal avant de rejoindre mes amis et collègues au Bureau des étudiants. Lily va me passer le savon du siècle !