Encore un soir, juste un soir, c'est tout ce qu'elle demandait. Quelques heures pour graver à jamais dans son esprit la couleur de ses yeux, la beauté de son sourire, entendre son rire, sa voix qui lui disait que tout irait bien.

Il était mort il y a un an jour pour jour. Un an que sa vie était devenue un véritable enfer. Un an qu'un homme pour se venger lui avait tiré une balle juste à l'entrée du commissariat, juste à côté d'elle. Elle se souviendrait pour toujours du sang qui s'échappait par flot de sa blessure, du sol qui prenait une couleur rouge foncé. De ses cris pour que quelqu'un appelle une ambulance, que quelqu'un vienne le sauver. Et puis de son sourire, il semblait presque serein comme si tout ça était censé arriver, comme si ça ne le dérangeait pas de partir si tôt, de la quitter alors qu'ils avaient encore toute une vie à vivre ensemble. Il lui avait dit de ne pas avoir peur, que tout irait bien, mais elle savait que ça n'irait plus jamais bien.

Il avait tort, pour une et unique fois il s'était trompé tout ne pouvait pas aller bien maintenant qu'il avait disparu, elle ne souriait plus, ne riait plus. Elle était comme un robot, elle se levait le matin, se préparait, allait au travail, rentrait le soir, se couchait. C'était comme ça tous les jours, une vie monotone qui n'était pas vraiment une vie. Elle ne vivait pas, elle survivait.

Elle était en colère, tout le temps, d'abord contre lui, comment avait-il pu partir comme ça ? Pourquoi ne c'était-il pas battu plus fort, plus longtemps ? Contre les médecins, ils auraient dû faire plus, donner plus de sang, tenter plus de chose. Et puis contre elle-même pourquoi n'avait-elle pas réagit là devant le district au moment où elle avait vu l'arme ? Pourquoi s'était-elle figée au lieu de s'interposer ?

Et aujourd'hui tout ce qu'elle demandait, tout ce qu'elle voulait c'était juste un soir, un soir pour lui dire combien elle appréciait travailler avec lui. En dépit de toutes ses plaintes elle n'aurait jamais pu se lasser de ses blagues, ses remarques sur la bêtise de certains suspects, des heures passées en planques ensemble. Lui dire à quel point elle était fier de lui, elle savait tout ce qu'il avait traversé, et l'avait vu se battre contre ses démons sans jamais laisser tomber. Et par-dessus tout lui dire qu'elle l'aimait, qu'elle l'aimait plus que tout, qu'il était sa vie, sa moitié parfaite, que tout ce qu'elle désirait c'était passer le reste de ses jours avec lui.

Elle savait qu'elle demandait l'impossible, elle ne le reverrait plus jamais. La seule chose qui lui reste se sont les souvenirs figés à jamais sur le papier glacé des photographies. Pourtant aucune de ces images ne le représentait comme il le mérite, elles ne transmettaient pas la magie de son sourire, les étoiles dans ses yeux. Un soir, encore un dernier soir lui aurait donné tout ça.