Bonjour. Ça faisait un moment que j'hésitais à publier cette histoire. Et puis, voilà, je me lance. J'espère que ça vous plaira!


1) Charlie

« Beurk…Horrible. À gerber. Non, mais regarde-toi, un peu. Beurk ! »

C'était ce que je faisais. J'observais mon reflet pâle et maladif dans le miroir de la salle de bain. Appuyée depuis plus d'une dizaine de minutes sur le lavabo, je tentais comme chaque matin de trouver en moi la force de m'habiller, d'affronter le temps horrible de la ville de Forks et d'aller en cours. Mes mains se mirent à trembler.

Les cours…

Il n'y avait pas pire endroit pour me faire payer tout le mal que j'avais fait… Du moins, qu'elle avait fait.

« Tu vas encore te lamenter sur ton sort ? Pathétique. »

Impuissante, je posai les yeux sur l'autre. Celle qui prenait plaisir à ma détresse. Comme d'habitude, elle ressemblait à une copie améliorée de moi-même. Mon visage était cerné et creusé par la fatigue et la souffrance, le sien était adorable et reposé. Mes cheveux longs et bruns étaient ternes, les siens reluisaient et semblaient pleins de vie. Même nos yeux, pourtant de même couleur et de même forme, contrastaient fortement entre les miens injectés de sang et les siens, magnifiques.

« Il n'est pas très difficile de te surpasser niveau beauté, Bella. »

Pourtant, une apparence de rêve pouvait bien cacher la pire des ordures…

Aïe !

J'arrachai ma main meurtrie du lavabo et la collai contre ma poitrine. En la regardant, je vis une tâche rouge surgir sur le dos. Rien de bien grave, me dis-je en respirant bruyamment. Cela allait enfler dans quelques secondes. Puis, il n'y aurait plus rien.

Il n'y aura plus rien, me répétais-je en refoulant mes larmes. Il n'y aura plus rien dans quelques minutes. Me détachant du miroir, je me tournai vers elle, mais elle avait disparu. Elle aimait jouer avec mes nerfs comme d'habitude.

« Fais attention à ce que tu dis, petite garce. »

- Bella ? Est-ce que ça va ?

Je pris un instant avant de répondre à Charlie à travers la porte. Je respirai profondément.

- Je t'ai entendu parler avec quelqu'un.

- Non, non, fis-je, essayant de masquer les trémolos dans ma voix. Je… Je me parlais à moi-même.

- Je vois, me répondit-il d'un ton las.

Un ton las, qui cachait tout le désespoir d'un père. J'enfouis mon visage dans mes mains, mordant mes paumes pour ne pas faire trop de bruit. Mes yeux brûlèrent et mes joues s'humidifièrent.

- Tu vas être en retard, Chérie. Il faut y aller.

- J'arrive.

« N'importe qui serait désespéré de t'avoir pour fille. Il n'y a rien d'étonnant... »

- La ferme, grondai-je.

Le froid commençait à mordiller ma peau nue. Je continuai alors à m'habiller, allant chercher un vieux jean et un pull épais.

Je ne pris pas le temps de manger, ce matin-là. Comme l'avait dit Charlie, j'étais en retard. Je pris mes clés au passage et filai vers ma vieille Chevrolet. Je traversai l'allée enneigée et stoppai net. Des rires fantomatiques retentirent dans ma tête. Ma voiture reposait sur planches de bois épaisses, ses pneus ayant disparu. Sur mon pare-brise, je pouvais lire des mots comme : Ordure, Crève !, Sorcière, Suicide-toi

« Charmant ».

Je sentis une présence dans mon dos et la main rassurante de Charlie se posa sur mon épaule.

- Est-ce que je pourrais rester encore une fois à la maison ?

Il soupira.

- Bella, ça fait déjà plus d'une semaine. Si tu ne reviens pas en cours, je vais avoir des problèmes avec la justice. Je vais régler ça, d'accord ?

Pris d'une quinte de toux, il s'interrompit, penché en avant. Mon père me semblait plus faible et plus fatigué que jamais. Il ne se remettrait jamais de la mort de ma mère. Je le soutins en attendant qu'il se calme et qu'il retrouve sa respiration. Je lui frottai le dos, jusqu'à ce qu'il se redresse. Puis, il afficha une force et une sévérité qu'il montrait rarement.

- Qui a fait ça ? demanda-t'-il d'une voix grave.

- Je ne sais pas…

- Ne me mens pas. Si tu refuses de retourner à Forks High, c'est parce qu'il y a des élèves qui t'intimident. N'est-ce pas ?

Après un long silence, qui confirmait ce qu'il venait de dire, il continua plus doucement.

- Qui sont-ils ? Chérie, tu dois me dire s'ils continuent à te menacer. Donne-moi leur nom.

Je secouai la tête. Je ne voulais pas de problème avec les autres. La dernière fois que Charlie avait tenté quelque chose, ça avait empiré. Ils étaient désormais plus nombreux à être hostiles envers moi. Peut-être que le lycée entier prenait plaisir à s'acharner sur moi. Mais ça n'était rien, comparé à Amy.

« Tu m'as appelé ? »

- Non !

- Bella…

- Je ne veux pas en parler, conclus-je en le contournant.

Je me dirigeai lentement vers sa voiture de patrouille, craignant déjà les réactions face à mon retour au lycée dans une voiture de police. Mon père me suivit lentement, et je regrettai, en voyant son état épuisé et désespéré, de lui avoir crié dessus.

Des flocons de neige tombaient paisiblement autour de la voiture, tandis que Charlie roulait doucement à cause du verglas. Arrivé à un feu rouge, il sortit une petite carte de prestations pour automobile et me la tendit. Je la pris sans comprendre. Nous n'avions pas l'argent pour un spécialiste automobile aussi cher !

- Regarde au dos.

Je m'exécutai et trouvai un numéro de téléphone, une adresse et un nom…

- Dr Carlisle Cullen ? Qu'est-ce que tu fais avec ça ?

- Nous nous sommes croisés sur les lieux d'un accrochage entre deux voitures. Ce n'était rien de bien grave. Nous sommes restés parler, de tout et de rien. Comme ses enfants ne te voyaient plus en cours, il m'a demandé à ton sujet…

Je me sentis devenir plus verte que le feu tricolore. Il repartit, direction le lycée, et j'attendis la suite, mâchoires serrées.

- C'est un homme très bon, très attentif.

- Qu'est-ce que tu as fait !

- Calme-toi, Bella.

- Tu n'aurais pas dû !

- Je ne lui ai pas tout raconté. J'ai préféré que ce soit toi qui le fasses…

- Alors, il sait quoi ?

Mes mains tremblaient de nouveau, tandis que dans ma tête, des rires résonnaient encore.

« Il veut se débarrasser de toi. »

« Ben, oui, c'est normal. À quoi tu t'attendais ? »

« Tu vas aller à l'asile? »

« Tu vas voir, ils traiteront comme Mamie Swan. »

D'un coup, j'aperçus l'image de ma grand-mère paternelle, les yeux dans le vague, la bave aux lèves, m'appelant d'un souffle court : « Viens, ma Bella. Reste avec moi, s'il te plait. Viens t'amuser avec ta mamie ! ». Couchée sur un des lits de l'hôpital où elle avait été internée, elle peinait à lever sa main pour me faire signe d'approcher. Une main si asséchée et grise qu'elle semblait déjà morte. Moi, alors âgée que de sept ans, avais fait quelque chose que je regretterais toute ma vie : j'avais fuis. J'étais sorti de cette chambre, terrifiée, et j'avais couru dans les couloirs, sans trop savoir où j'allais.

Des bras m'enlacèrent. La voiture s'était arrêtée et Charlie répétait mon nom inlassablement. Il devina mes pensées sans mal.

- Ça ne se passera pas comme ça. Je ne laisserai personne t'enlever à moi et te faire du mal. Tu ne finiras jamais comme ma mère, d'accord ? Ça n'arrivera jamais !

Il me caressa le dos, tandis que je refoulais ces souvenirs. Encore. Malheureusement mes yeux tombèrent sur Amy, tranquillement assise sur la banquette arrière. Ses traits se modifièrent et vieillirent en un instant et sa voix devint faible, âgée, familière.

« Pourquoi m'as-tu abandonné, ma petite fille ? Ma petite Chérie… ».

Des cris me parvinrent. Bruyants, incontrôlables, de plus en plus forts. Les miens ? Je revins à moi, prise de panique tandis que mon corps semblait gesticuler de lui-même. Ses bras se resserrèrent autour de moi et il attendit. Il attendit longtemps que je cesse de le repousser. Il attendit que mes cris s'atténuent et que les phrases inaudibles qui sortaient de ma bouche se soient tues. Il attendit, encore. Et encore. Et enfin, je parvins à poser ma tête sur son épaule, respirant bruyamment.

- On va rentrer, hein ? Tu peux rester à la maison encore un jour ou deux…

- Non. Je vais y aller.

La dernière chose que je voulais, c'était d'être à l'origine de problèmes supplémentaires pour Charlie. Il me relâcha, et après un dernier regard, il redémarra. Donc, j'arrivai au lycée avec trente bonnes minutes de retard. Charlie ne souhaitant pas déclencher une nouvelle crise, ne me reparla plus du Docteur Cullen. Je devinai cependant, que je n'étais pas tirée d'affaire. Qu'est-ce que je pouvais bien pouvoir dire à cet homme qui pouvait m'éviter l'asile ? Pire encore, qu'est-ce que je pouvais bien lui dire pour qu'il ne m'interdise pas de revoir son fils ? Je n'étais pas la meilleure menteuse au monde. Jusqu'à présent, j'avais évité la plupart des Cullen à part Edward. Mais, de là, à passer des heures, seule, en sa compagnie… Le docteur le plus doué de la ville réussirait forcément à me démasquer, tôt ou tard.

« L'asile. L'asile. L'asile. L'asile. L'asile. L'asile. L'asile. L'asile. L'asile.… »

Elle chantonnait joyeusement ces mots pendant que mon père me parlait. En conséquence, j'avais du mal à me concentrer sur ce qu'il disait.

- Quoi ? Heu, tu peux répéter ?

« Tu vas finir à l'asile. L'asile. L'asile. L'asile… »

- Serait en retard, ce soir… Je ferai aussi vite que possible… Tu…travailles, ce soir ?

« …L'asile. L'asile. Tu vas finir à l'asile. L'asile. L'asile... »

- Heu… Oui. T'inquiète pas, je marcherai. Ce n'est pas loin.

« L'asile. L'asile... »

- D'accord… Passerai… Une heure.

« Tu vas finir à l'asile. L'asile. »

- Heu… Je n'ai pas compris. Je n'arrive pas à comprendre…

- Je passerai vers vingt-et-une heure.

« L'asile. L'asile... »

- Ah, oui. Heu… Je t'attendrai. À vingt-et-une heure… LA FERME ! LA FERME ! LA FEEERME !

Enragée, je hurlais sur une banquette arrière vide. Et comble du bonheur, elle s'était tût. Mais, je savais que ce n'était que temporaire.

- Bella, fit mon père d'une voix étranglée.

Je m'enfonçai dans mon siège, plus qu'embarrassée. Refusant d'affronter son regard, je me contentai de fixer droit devant moi. Nous passâmes les quinze prochaines minutes en silence, puis ma main se posa sur la poignée de la porte.

- Réfléchis-y. Je ne permettrai pas qu'on t'enlève à moi, mais tu as besoin d'aide, Chérie. Il peut t'aider. Laisse-lui une chance.

Refermant derrière moi, je fis l'erreur de me tourner vers lui. Sur son visage, je lisais la détresse d'un homme qui avait déjà perdu sa mère de la plus horrible des manières. J'y lisais aussi l'horreur de regarder sa fille prendre inexorablement le même chemin.

- D'accord, me résignai-je. J'irai le voir.

Une lueur d'espoir anima ses traits et j'eus même droit à un pauvre sourire et bien malgré moi, j'eus aussi envie de lui sourire aussi. D'un signe de la main, je me tournai vers mon purgatoire… enfin, le lycée Forks High.


C'est tout pour l'instant, n'hésitez pas à laisser vos reviews.

A bientôt !