Les pleurs du bébé, étouffés par les murs qui séparaient les différentes chambres, retentirent à l'aurore, réveillant les deux parents déjà bien harassés. La femme prit son oreiller et se le plaqua contre la tête, poussant un gémissement de fatigue, tandis que son compagnon souriait, retirant l'oreiller et lui embrassant le front.
— J'y vais, la prévint-t-il en se dégageant des couvertures et parcourant la chambre pour s'habiller.
Il ouvrit ensuite la porte pour tomber sur la chambre adjacente à la leur : celle de leur fille qui avait déjà un an. Il la prit dans ses bras, la berçant tandis qu'elle essayait d'attraper son nez de ses petites menottes, le faisant rire. Hermione arriva alors, observant en souriant tendrement le spectacle que formait sa petite famille. Ils arrivaient chaque jour à la rendre heureuse et la comblait parfaitement.
Une heure plus tard, ils étaient tous réunis dans la cuisine, écoutant les informations. La majorité était habituelle, mais autant Hermione que Drago savaient que ce n'était qu'une couverture.
Ryan prenait peu à peu le contrôle du gouvernement comme un serpent injectant son venin dans le corps d'une personne et prenant place dans son organisme. Il était le digne successeur de Voldemort, songea Hermione avec ironie en finissant de manger, tandis que Drago nettoyait leur fille qui bataillait contre ses cornflakes.
— Je vais au cimetière aujourd'hui, dit-elle en rompant le silence, entrecoupé par les rires de l'enfant, qui régnait dans la pièce.
Drago leva les yeux vers elle, inquiet. Hermione arborait sa mine des jours tristes et il y avait une bonne raison à cela : elle allait, en compagnie de Ron et Astoria, rendre visite à Luke et Pansy… Deux noms prohibés que plus personne n'osait prononcer en présence de ceux qui les avaient aimés.
Et pourtant, tous les vendredi soirs, le roux et l'ancienne fiancée de Drago, dont les cœurs n'étaient toujours pas réparés, se rendaient au cimetière. Cette fois-ci, Hermione avait décidé de les accompagner. Elle voulait cesser son combat contre ses propres fantômes et enfin affronter la mort de son amie et de ce cousin qu'elle avait si peu connu.
Ginny, dans leur groupe, était sans doute celle qui s'en voulait le plus. La culpabilité la rongeait atrocement, mais heureusement elle avait à ses côtés Harry, avec qui elle avait un fils, James. Ils s'étaient remis ensemble à la fin de la bataille sans trop grande surprise, et se soutenaient mutuellement. La rousse avait très vite comprit qui l'avait guéri lorsqu'elle s'était retrouvé à Sainte Mangouste pour un problème de mémoire. Pansy avait parlé à Ron de cette personne qu'elle avait vu dans la chambre de sa sœur et celle-ci avait compris que c'était Ryan qui ne voulait pas qu'elle découvre qui il était. Cela avait alourdit sa peine.
Astoria, elle, avait décidé de vivre seule avec son enfant. Personne n'avait jamais compris pourquoi Ryan avait voulu celui-ci, à part elle. Ce n'était pas le nourrisson qui avait attiré l'attention du loup-garou, mais la personne qui le portait. Si Hermione avait vécu l'accouchement, alors tout le pouvoir que Jordan lui avait légué aurait été donné à l'enfant qui était à moitié loup. Ryan aurait alors pu le sacrifier et avoir tout le « Fluide » qu'il souhaitait, devenant un loup-garou à part entière – ce qu'il n'était pas du fait de son ascendance sorcier du côté de sa mère, Narcissa Malefoy.
Après s'être préparé, la jeune femme descendit au salon de leur maison. Drago et elle avaient lapidé la fortune pour déménager du manoir des Malefoy et avoir leur propre demeure, beaucoup moins spacieuse que l'ancienne mais beaucoup plus familiale et chaleureuse. Ils travaillaient de leur côté pour pouvoir vivre, Drago en tant qu'Auror et Hermione, directrice dans le département de la Justice. Le Ministère restait encore sûr, mais il ne le serait bientôt plus, ils le savaient.
Elle embrassa Drago qui le lui rendit mais se détacha à regret avant de murmurer un « je t'aime » en souriant. Elle prit ensuite son sac et de la poudre à cheminette avant de disparaitre dans les flammes vertes de la cheminée pour se rendre au Ministère.
Aujourd'hui, le blond resterait à la maison avec leur fille. Il savait qu'Hermione ne reviendrait que tard et cela l'inquiétait. Elle avait été, après tout, l'ennemi de Ryan. Elle avait compliqué l'ensemble de ses plans, ainsi qu'Astoria. Elles étaient donc toutes les deux sa cible favorite, Pansy étant décédée.
Cette idée le plongea dans une nostalgie profonde. Il avait été le seul véritable ami de Pansy jusqu'à ce que Blaise connaisse le secret de celle-ci, et il l'avait vu comme la sœur qu'il n'avait jamais eue. Il avait toujours été là lorsqu'elle avait besoin d'une épaule où pleurer, où d'une personne pour rire.
Mais lorsqu'elle avait dit être amoureuse de lui, cela l'avait troublé. Il s'était alors éloigné d'elle pendant des années et ils ne s'étaient plus parlé même s'ils se voyaient quelques fois de loin, Pansy habitant avec Blaise.
Et maintenant, elle était morte sans qu'il n'ait pu réparer ses erreurs…
Le cri de joie de sa fille le tira de ses pensées, le faisant sourire. Elle était leur monde. Toute leur vie tournait autour de ce bambin qui jouait avec sa baguette en plastique, sans se douter de ce qu'elle représentait. Drago soupira en songeant à ce qu'elle allait devoir affronter. Il aurait aimé la préserver du monde extérieur, l'en protéger, mais il savait, comme tous parents, que c'était mission impossible.
La journée passa tranquillement, sa fille l'occupant à plein temps. Elle se montrait vivace et intelligente, tout comme sa mère. Il écrivit aussi à Blaise, il n'oubliait pas que celui-ci était son meilleur ami, ainsi qu'à sa mère.
Le soleil commença à décliner dans le ciel mais il n'avait toujours pas de nouvelle d'Hermione. Cela ne l'inquiéta pas outre mesure, elle devait sans doute se trouver à cette heure au cimetière en compagnie de Ron et Astoria, les deux âmes brisées. La tête de l'enfant dodelinait et il l'emmena se coucher dans sa chambre, l'embrassant sur le front mais laissant la porte entrouverte, sachant parfaitement qu'elle détestait l'obscurité.
Il attendit patiemment Hermione dans le canapé en lisant la Gazette. La nuit avait recouvert le quartier de son épais manteau noir aux perles brillantes. Il finit par s'endormir à son tour, ne se réveillant que dans les alentours de minuit, paniqué.
Il courut vérifier dans leur chambre si Hermione n'y était pas mais elle était vide, il parcourut chaque pièce de long en large mais ne la trouva pas.
Un terrible pressentiment le saisit.
Ses pas alertes résonnant dans le couloir finirent par réveiller sa fille, qui, influencée par l'angoisse de son père, se mit à pleurer. Il se prit la tête entre les mains, se forçant à se raisonner, même si les pleurs ne l'aidaient pas. Enfin, il prit une décision.
Se servant du combiné – un objet qu'il n'avait pratiquement jamais utilisé mais qui était tout de même très pratique, il fallait l'avouer – il composa le numéro de la famille Weasley. Ce fut Ginny Weasley qui lui répondit d'une voix endormie et masquée par les grésillements de l'appareil.
— Allo ?
— Weasley, est-ce que ton frère est revenu ? J'ai besoin de lui parler, maintenant.
Ginny, même si elle fut surprise par le ton froid de Drago, comprit l'urgence et alla réveiller Ron pour lui passer le téléphone.
— Où est Hermione ? Dit le blond sans même attendre que Ron ne prononce un seul mot.
— Hermione ? S'étonna celui-ci, au plus agacement de Drago qui n'attendait que sa réponse, je ne sais pas, continua-t-il, confus, elle transplanait pour chez vous la dernière fois que je l'ai v…
Drago n'avait même pas patienté pour la fin et avait raccroché d'un geste rageur, envoyant le tout baladé sur le sol. Il se savait idiot de faire cela, de s'inquiéter ainsi, peut-être était-elle restée plus tard au Ministère… mais elle l'aurait prévenu, il en était certain.
Il alla calmer sa fille qui pleurait, la tenant tout contre lui, mais il ne réussit pas. Elle comprenait ses sentiments, elle comprenait ce qu'il arrivait, elle avait tout aussi peur que lui. Il ne pouvait pas la laisser seule pour aller chercher Hermione autre part, et personne n'accepterait de la garder à cette heure-ci. Il devait se résigner, et attendre.
Ils se rendormirent tous deux se le canapé malgré l'anxiété qui les étreignait. Où était Hermione ?
Le lendemain matin, on toqua à la porte, ce qui réveilla instantanément Drago qui se frotta les yeux, encore fatigué. Prenant sa fille dans ses bras, il accourut et ouvrit, espérant voir celle qu'il aimait pour lui hurler sa colère mais aussi et plus que tout la serrer dans ses bras.
Cependant, ce n'était pas elle. Son cœur retomba lourdement dans sa poitrine quand il croisa les yeux perçants du professeur MacGonagall. Ces yeux-là annonçaient une mauvaise nouvelle.
— Que se passe-t-il ? Demanda-t-il en la faisant entrer, l'inquiétude lui nouant la gorge.
— Vous devriez vous assoir, Mr Malefoy.
Drago n'en pouvait plus d'attendre, mais il s'assit tout de même, ses jambes tremblaient trop pour qu'il reste debout. Sa fille s'agita mais fixa le professeur avec une intelligence qu'il ne lui connaissait pas.
— C'est au sujet de Mlle Granger…
— Par Merlin, souffla-t-il, le visage livide – ce qui était un exploit au vu de son teint déjà pâle. Ne me dites pas que… Non…
— Elle n'est pas morte, le rassura le professeur MacGonagall. Néanmoins, Mr Malefoy… Votre compagne a été enlevée.
Les yeux de Malefoy s'agrandirent, son corps entier dévoilant son angoisse de ne plus jamais revoir Hermione.
— Ryan… ? Prononça-t-il avec difficulté.
Une lueur de tristesse passa dans les yeux de la femme quand elle hocha de la tête.
— Je suis désolée, Mr Malefoy… Terriblement désolée… Mais pour votre propre bien et celui de notre communauté, mon acte est nécessaire.
Paralysé par la nouvelle et ne comprenant rien des paroles de son ancien professeur, il ne réagit pas immédiatement quand il sentit que sa fille quittait ses bras pour ceux de MacGonagall.
Mais alors qu'il voulut protester, une douce chaleur s'empara de lui.
— Oubliette, avait prononcé la femme en pointant sa baguette sur lui.
Et il oublia.
Ce simple mot avait suffi à lui enlever les dernières années de sa vie, ce qu'il avait subi sous le joug de Greyback, sa rencontre avec Hermione et ce qu'ils avaient vécu… Leur fille.
Il oublia tout de cela.
— Que fais-je ici ? Hasarda-t-il en fronçant les sourcils quand il remarqua le professeur tenant une enfant dans ses bras – qui ne pouvait pas être la sienne, c'était tout à fait logique – devant lui.
— Ne vous inquiétez pas, Mr Malefoy. Lui dit celle qui lui faisait face d'un ton doux, malgré la peine qui perçait sa voix. Votre femme vous attend au Manoir Malefoy.
— Ma… femme ?
Le professeur avait repointé sa baguette sur lui pour remplir sa mémoire, vide de quelques années, par de faux souvenirs.
— Astoria, dit-il en hochant de la tête, se levant du canapé, toute tension ayant quitté son corps et son cœur.
Il salua le professeur et transplana malgré l'étrange sentiment qu'il éprouvait. Il avait effectivement l'impression d'avoir laissé quelque chose d'important, dans cette maison…
Le professeur, lui, resta un peu plus longtemps. Elle caressa les cheveux blonds de l'enfant qui se remettait à pleurer.
— A partir de maintenant, tu es celle qui sauvera le monde des Sorciers… murmura-t-elle avant de transplaner à son tour.
Hermione Granger avait disparu, Drago Malefoy s'était perdu, et leur enfant avait été emmené… Que restait-il de cette famille brisée ?
