Chapitre 1 :

Harry ouvrit lentement les yeux, mais il dut les refermer vivement afin de ne pas être aveuglé par la lumière du soleil qui baignait la pièce dans laquelle il se trouvait. Il inspira profondément, comme si s'était la première fois de son existence, et sentit la brise fraîche qui venait lui caresser le visage. Elle avait un arôme sucré et chaud, parfum qu'il n'avait jamais remarqué auparavant. Puis, lui parvint une odeur écœurante de médicaments qui lui donna un violent mal de tête, le faisant légèrement grimacer. Puis, ce fut autour de son ouïe de se mettre au travail. Il entendit tout d'abord des bruits de pas, puis des voix, plus ou moins fortes, des cris, des rires, des pleurs, le son du vent dans les arbres extérieurs, le bruit des insectes brouillant au dehors. Il bougeait à peine son bras, posé le long du corps, qu'il sentait les aléas des draps, du matelas et de chaque chose qu'il pouvait toucher sans se mouvoir. Ses sens avaient été amplifiés, mais comment, et surtout, pourquoi ? Le bruit d'une porte coulissante lui agressa les oreilles.

_ Bonjour Harry, fit une voix familière près de lui.

Un parfum floral lui parvint, signe que la personne avait amené des fleurs pour lui.

_ J'espère que tu vas bien aujourd'hui. Ron et Ginny n'ont pas pu venir mais ils te passent le bonjour et souhaitent ardemment que tu te réveilles bientôt.

Le jeune homme essaya une nouvelle fois d'ouvrir les yeux, mais ceux-ci restaient clos, toujours sous le choc de la lumière. Il entendit la personne, une fille selon la légèreté de son pas, s'asseoir sur le lit près de lui.

_ Je n'ai pas grand chose à t'apprendre de plus qu'hier, à part qu'un nouveau professeur de défense contre les forces du mal a été nommé et qu'il est encore plus nul que le précédent, lui même pire qu'Ombrage.

Harry écoutait, mais ne pouvait bouger. C'était comme s'il sentait un énorme poids sur son corps, qui l'écrasait progressivement. Il entrouvrit la bouche, imperceptiblement, et tenta de parler.

_ … Her...mione... murmura-t-il après un long effort.

Il sentit sa visiteuse sauter précipitamment sur ses pieds et rapprocher son visage du sien. Une mains, douce et tiède, vint se poser sur sa joue.

_ Harry, Harry, tu es réveillé ? Tu m'entends ?

Sa voix était tellement forte que le pauvre garçon grimaça une fois de plus.

_ Tu peux ouvrir les yeux ?

Il tourna tout doucement la tête vers la fenêtre. Son amie comprit tout de suite, et ferma brusquement les rideaux, ne laissant qu'une fente pour qu'ils puissent voir quelque chose. Cette fois ci, il réussit à entrouvrir les paupières. Le visage d'une jeune fille aux longs cheveux châtains et aux yeux baignés de larmes lui apparut, mais il y avait autre chose. Il voyait différemment : il percevait, à l'intérieur même du corps de son amie, d'étranges ruisseaux bleu argenté qui semblaient s'écouler de son cœur et se diffuser dans son être. Il en allait de même pour son propre corps. Hermione eut un geste de recul qu'il ne comprit pas, trop occupé à découvrir sa nouvelle vision. Il jeta un coup d'œil à la pièce qu'il occupait : une pièce entièrement blanche, avec une salle de bain sur le coté et une commode, sûrement une chambre d'hôpital. De son lit, il arrivait à voir avec précision les bosses et les creux du bois du meuble, les différents coups de pinceau passés sur les murs. C'était tout bonnement incroyable. Il s'intéressa ensuite à la fenêtre. Après avoir longuement habitué ses yeux à la lumière, il regarda par la fente. La vue qu'il avait été merveilleuse, il pouvait presque ressentir le cœur de la nature. Il voyait précisément très loin, comme s'il avait été juste coté, le nez collé dessus. Les couleurs lui apparaissaient comme plus chatoyantes, plus nuancés, pleine de vitalité. C'était étrange, car il avait l'impression de connaître chaque nouvelle sensation, comme si elles lui étaient familières. Il reporta son attention sur son amie, qui n'avait pas bougé. La bouche ouverte, les yeux grands ouverts fixés sur lui, elle était aussi pâle que la mort.

_ Hermione... répéta-t-il avec plus de facilité.

_ Harry, c'est bien toi ?

_ Non, le Père Noël. Qui veux-tu que ça soit... ? plaisanta-t-il d'une voix faible.

Elle sembla hésiter, puis le prit dans ses bras pour le serrer contre elle.

_ Harry, je suis tellement heureuse que tu sois sorti du coma !

_ Parle moins fort... souffla-t-il en refermant les yeux, soudainement très fatigué.

_ Désolée, mais... Qu'est-il arrivé à tes yeux ?

Il fronça les sourcils en signe d'incompréhension. Elle passa dans la salle de bain, revint avec un petit miroir et l'orienta de façon à ce qu'il puisse voir son reflet. L'émeraude de ses yeux étaient à présent complété d'une belle tache rouge sang entoura son iris. Il trouva cela bizarre et normal à la fois.

_ Je ne sais pas... Comment suis-je arriver là ?

_ Tu ne t'en souviens pas ? s'étonna la jeune fille.

Harry essaya de chercher dans sa mémoire, mais il abandonna bien vite, n'en n'ayant pas la force.

_ Il y a trois mois, juste après la... mort de Sirius, tu as été capturé par Voldemort et ses mangemorts. Nous avons tout tenté pour te retrouver, mais nos recherches n'ont abouti qu'un mois plus tard. Tu étais allongé, inconscient, dans un fossé près de Ramesgate. Tu as tout juste eu le temps de nous raconter quelles horribles tortures ils t'avaient fait subir avant de tomber dans le coma. Et enfin, te voilà parmi nous.

Harry essaya de se souvenir, mais il avait l'impression que ce récit n'était pas le sien et en même temps, il revoyait certains lieux, ressentait certaines douleurs qu'il avait subit. Il ne savait plus.

_ Je vais chercher un médicomage, je reviens.

Hermione courut hors de la chambre et revint quelques minutes plus tard, accompagnée d'un grand homme brun. Harry comprit en le voyant qu'il verrait à présent, à chaque fois et quelque soit la personne qu'il observerait, ses ruisseaux bleutés, bien qu'il ne sache pas ce que ça signifiait, c'était peut-être de la magie. L'homme lui fit passer plusieurs examens afin de vérifier que ses capacités n'avaient pas été altérées par son coma. Harry ne parla pas de ses sens, de peur qu'ils ne le gardent plus longtemps à l'hôpital, lieu qu'il exécrait le plus entre tous.

_ Bien, Mr Potter, à part une très légère perte de mémoire, tout semble aller pour le mieux, déclara le médicomage. Nous allons vous gardez encore deux ou trois semaines, le temps que vos muscles se réhabituent et que vous puissiez marcher seul.

Harry soupira et ferma les yeux. Il était trop exténué pour protester, il aviserait plus tard.

_ Reposez-vous à présent. Miss Granger, vous pourrez venir lui rendre visite plus tard.

_ Oui, Monsieur. Merci.

Ils quittèrent la pièce tandis que le sorcier plongeait dans un sommeil réparateur.

Après avoir bu une dizaine de potions dont l'odeur avait failli le faire vomir, Harry put enfin recevoir de la visite. Hermione, Ron, Ginny, la famille Weasley, Luna, Neville, ainsi que Mcgonagall et Dumbledore se succédèrent à tour de rôle à son chevet, les médicomages ayant posés une limite de deux visiteurs par tranche de dix minutes, le jugeant entre trop faible. Harry n'était pas vraiment d'accord. Grâce à une bonne nuit de sommeil, il se sentait parfaitement en forme et se mouvait avec beaucoup plus de facilité, même s'il n'avait pas encore essayé de se lever. L'ancien comateux était ravi de revoir ses amis, qui ne cessaient de s'inquiéter pour lui. Il avait failli plusieurs fois mourir étouffé par les bras de Mrs Weasley, qui pleurait de joie. Le professeur de métamorphose ne resta pas longtemps, mais prit de ses nouvelles et répondit à ses diverses questions sur Poudlard. Le directeur semblait s'intéresser davantage à ses yeux, qui avaient choqué tout le monde, qu'à son état de santé.

_ En avez-vous déjà vu de semblables ? demanda Harry en le fixant.

_ Jamais. Voyez-vous différemment ?

_ C'est comme avant, mentit Harry, un peu effrayé par la lueur indéchiffrable qui s'immisçait dans les orbes bleu clair du vieil homme.

_ D'accord, cela se déclenchera peut-être plus tard. Tenez-moi au courant surtout, je vais commencer à faire des recherches.

_ Oui, Professeur, répondit le jeune homme en sachant pertinemment qu'il ne lui dirait rien.

Il avait décidé, le matin même, de garder ses nouveaux sens secrets, du moins jusqu'à ce qu'il en découvre l'origine. C'était son secret. Les médicomages et ses amis mettaient son hypersensibilité auditive, qu'il ne pouvait caché avec leurs éclats de voix qui lui transperçait le crâne, sur le compte des effets secondaires de son coma. De plus, il en voulait au directeur de ne pas l'avoir prévenu plus tôt de la prophétie dont il était l'objet et n'était pas décidé à lui pardonner de sitôt.


Le lendemain et les jours suivants, ses amis revinrent, Hermione et Ron plus que les autres. Ils bénéficiaient d'un permis spécial de sortir de l'école pour venir lui rendre visite.

Une semaine après son réveil, en pleine nuit, Harry se réveilla. Avec ses nouveaux yeux, auxquels il s'était rapidement habitués, il voyait aussi bien de nuit que de jour, ce qui le ravissait au plus haut point. Les médicomages refusaient qu'il se lève, mais le garçon mourrait d'envie de marcher, de courir, de pouvoir se déplacer autrement qu'en fauteuil roulant. Aussi, il se redressa et posa ses pieds nus sur le sol glacé. Il avait un peu peur, mais celle-ci était dominée par l'excitation. Il s'appuya sur un pied, puis sur l'autre, et, en se tenant à son lit, il réussit à se lever. Une joie indescriptible l'envahit quand il réalisa qu'il était enfin debout. Il fit maladroitement quelques pas et parvint la fenêtre. Il l'ouvrit et contempla les étoiles, d'énormes boules de feu, de poussière et de gaz qui illuminaient le ciel. Il se sentait bien, très bien, mieux qu'il n'avait jamais été. Pourtant, la mort de son parrain Sirius, l'avait profondément marquée et, chaque nuit, il revivait en rêve sa mort. Mais il ne fallait pas vivre dans le passé, s'apitoyer sur soi, même justement, ne servait à rien, il fallait penser à l'avenir. Il fit plusieurs fois le tour de la pièce avant de retourner dormir, ne pouvant s'aventurer dans le couloirs, les infirmiers veillant.

Deux jours plus tard, les médicomages s'extasièrent sur ses progrès et, comme il insistait, décidèrent de le laisser sortit à la fin de la semaine, mais avec l'interdiction de pratiquer la magie durant quelques temps. Cette nouvelle provoqua la joie de tous ses amis et surtout celle d'Harry. Celui-ci, malgré que cela lui soit défendu, faisait de la magie basique en cachette chaque nuit. Cela l'épuisait mais il était heureux.

Le jour J de sa sortie, Harry ne tenait plus en place, il allait enfin retourner à Poudlard et, même s'il se contentait d'observer les autres, il était pressé de se retrouver dans une lieu familier. Hermione, Ron et Dumbledore arrivèrent aux alentours de midi.

_ Salut Harry ! lancèrent les deux premiers en l'étreignant.

_ Bonjour, Harry.

_ Salut ! Bonjour, Professeur.

_ Tes affaires sont prêtes ? demanda Hermione.

_ Oui, c'est bon, dit-il en chargeant un sac léger sur ses épaules.

_ Alors allons-y. Tout le monde nous attends pour déjeuner.

Les trois adolescents prirent le bras de l'adulte et ils transplanèrent vers l'école des sorciers la plus célèbre d'Angleterre.

Harry trouva particulièrement froid l'air qui régnait dans le parc du château, mais il n'y fit pas vraiment attention. Ils empruntèrent le hall et entrèrent finalement dans la Grande Salle, qui grouillait de monde. N'ayant plus l'habitude d'une telle effervescence, Harry crut qu'il n'allait jamais tenir : tant de bruit, tant d'odeurs différentes... Il fut accueilli dans un raffut mémorable qui faillit le rendre sourd. Après s'être fait trimbaler de bras en bras, il put s'asseoir entre Neville et Ginny, qui lui firent un grand sourire. Ils commencèrent à manger. Harry quitta le premier la pièce et alla lentement jusqu'à la Tour Gryffondor. Avec sa nouvelle vision, le château prenant une dimension impressionnante. La magie, car c'était bien ça qui coulait dans les ruisseaux bleutés, imprégnait les murs, les tableaux, chaque chose sur laquelle il posait les yeux.

Ses amis le rejoignirent une demi-heure plus tard, alors qu'il regardait les flammes qui dansaient dans la cheminé.

_ J'ai un emploi du temps pour toi, dit Ron en le lui tendant. Là, on a sortilèges, il faut y aller si on ne veut pas être en retard.

_ Serais-tu devenu ponctuel ? se moqua Harry.

L'autre leva les yeux au ciel tandis qu'Hermione riait doucement. Ils se sourirent.

Tout était comme avant.