Alors alors.
Image de couverture stylée : ✓ (cet art de toute bôté est signé Altraria, merciiii *p*)
Résumé un peu nul parce que j'avais pas d'inspi : ✓
Prologue beaucoup trop long : ✓
ON PEUT Y ALLER
en vrai je sais pas trop quoi dire donc on se revoit à la fin du deuxième chapitre, bonne lecture :3
La brûlure de l'effort qui se répand comme du poison dans tous ses muscles. Ses membres lourds et fatigués qui peinent à articuler une foulée après l'autre. Son aile inutilement pliée contre son flanc dans une vaine tentative de lui éviter des dommages supplémentaires, tordue, enchevêtrée dans ce fil de matière inconnue qui lui lacère les plumes et la chair. L'odeur du monstre, trop près, et son rire, hystérique, convulsif, celui d'un forcené qui se plaît à la chasser, à se savoir plus dangereux qu'elle. Cette chape de plomb qui s'abat violemment sur elle et la prive de tout mouvement, puis ce pieu qui s'enfonce dans sa cuisse, et la douleur, corrosive, qui s'empare de tout son corps. Les griffes qui raclent le sol, et son regard froid, où dansent les lueurs maladives de la folie et d'une satisfaction malsaine.
En se réveillant, son corps tout entier fut pris d'un soubresaut d'horreur pure, et elle ressentait encore cette souffrance indicible la paralyser toute entière. Une douleur autant physique que mentale, celle de savoir que l'on avait tout perdu en une fraction de seconde. Le temps d'un jet de dés, pile tu gagnes, face tu perds. Elle avait perdu.
Alors la dragonne se leva un peu difficilement, tirant sur ses muscles endoloris par l'épreuve qu'elle avait traversé, forçant sa conscience écorchée à se plier à sa volonté. Il était grand temps de partir. Le pas traînant et la tête basse, elle avançait avec une précaution dictée par la fatigue.
Si, si fatiguée… Qu'était-elle devenue en si peu de temps ? Comment avait-elle pu se laisser abattre de la sorte ? Avait-il vraiment réussi à la briser, à lacérer son esprit assez profondément pour la rendre sans défenses, plus fragile qu'un nouveau-né ?
Tant de questions destinées à rester sans réponse.
Seule dans ce vaste espace, les deux ailes drapées contre ses flancs, elle avait des airs de fantôme. Ses pattes se posaient l'une après l'autre sur le sol sans un bruit, plus discrète qu'un chat malgré sa taille imposante. À cette heure, le soleil commençait tout juste à coucher ses premiers rayons sur la poudreuse, mais le Sanctuaire était encore plongé dans un profond sommeil.
Tandis qu'elle traversait un grand hall au plafond voûté et finement sculpté d'arabesques, son regard dériva sur ces murs qui maintenaient tous ses résidents à l'abri des regards indiscrets du monde.
Ces murs qui se faisaient plus oppressants à mesure que les jours passaient, comme s'ils allaient la saisir entre leurs mâchoires et la piéger ici pour toujours, pétrifiée dans un écrin de glace. Elle était habituée aux grands froids pourtant, elle était née dans le Nord, sur des terres glacées bien plus hostiles que celles-ci. Mais après ça, chaque recoin d'ombre, chaque son brusque affolait son instinct, qui la forçait à se méfier de tout et tout le monde.
Et c'était précisément pour cette raison qu'elle devait partir. Elle était un Dragon, forte et fière, portait au creux de son cœur et de sa conscience le poids de plus d'un millénaire d'existence. Elle ne pouvait pas se terrer au fond d'une montagne comme un petit animal peureux. Elle devait affronter l'extérieur et ce monde qui avait tant changé depuis sa naissance, même s'il n'était plus une terre propice aux siens et qu'elle pouvait à nouveau tomber sur quelqu'un comme lui.
Mais surtout, il y avait ce besoin viscéral qui enflait en elle et faisait tambouriner son cœur rien qu'à l'idée de sentir le vent gonfler ses ailes et la poudreuse craquer gentiment sous ses pattes. Elle voulait courir, bondir et pointer le nez sur le ciel, le regard rivé sur les nuages jusqu'à pouvoir les toucher du bout de la griffe…
- Attends !
Un éclair de panique s'empara d'elle, vite remplacé par la reconnaissance. Bien sûr, elle aurait dû s'en douter. Même de dos, elle savait très bien à qui elle avait affaire.
Elle s'immobilisa mais ne détourna pas le regard de son objectif. Elle pouvait goûter le parfum de la liberté sur sa langue, sentait déjà une brise glacée lui ébouriffer les plumes en une douce caresse, comme si le vent lui-même l'invitait à jouer, et son interlocutrice sut qu'elle avait déjà perdu.
Pourtant, sa voix s'éleva à nouveau, forte et autoritaire dans le silence. C'était dans sa nature. Une femme forte et ambitieuse, que la dragonne admirait pour sa ténacité et le combat qu'elle avait mené, et mènerait encore jusqu'à son dernier souffle. Au fond, elles se ressemblaient beaucoup.
- Tu n'es pas vraiment guérie. Tu devrais rester encore un peu.
Tout se jouait à cet instant précis. Sans même se regarder, leurs deux volontés s'affrontaient dans un silence assourdissant.
Mais dans le cœur d'un Dragon, la liberté l'emportait toujours.
La dragonne reprit sa marche, et un sourire résigné se dessina au coin des lèvres de l'autre.
- Très bien. Tu sais que tu seras toujours la bienvenue ici.
Seul un grondement évasif lui répondit mais elles se quittèrent avec la drôle de certitude qu'elles se croiseront à nouveau.
Guidée par ce vent frais qui flattait gentiment ses plumes, elle n'eut aucun mal à trouver le chemin de la sortie. Le Gardien des lieux posa sur elle ses grands yeux ronds et limpides, et un échange silencieux s'opéra entre elle et cet être si mystérieux dont elle aurait aimé percer tous les secrets. Il lui accorda son accord d'un lent clin d'œil et elle poursuivit son chemin.
Enfin, elle franchit les portes du Sanctuaire. Son cœur battait déjà à un rythme sauvage et un vertige la prit tandis qu'elle contemplait ce vaste paysage qui s'offrait à elle. Un rugissement de pur bonheur enflait dans sa gorge mais elle ne pouvait pas se laisser aller à ses émotions. La voix d'un Dragon du Nord était assez puissante pour communiquer au cœur d'une tempête, alors dans un tel désert, sa voix porterait assez loin pour alerter n'importe qui. Ou n'importe quoi. Et dans son état, mieux valait rester la plus discrète possible.
Elle réprima son envie d'exprimer son bonheur à grand peine. Testa le sol qui se dessinait sous elle en quelques pas prudents. De la terre, dure et froide, coiffée d'un épais manteau de neige. Elle se délecta un instant de la sensation d'évoluer dans cet environnement si familier et différent à la fois. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait plus marché dans la neige… Elle l'avait perçue, senti les températures chuter un peu plus bas, l'avait effleurée du bout de sa conscience engourdie, juste le temps d'un rêve trop éphémère.
Aujourd'hui, le froid drapait sur elle son étreinte protectrice, et elle se sentait plus que prête à décoller.
Ses ailes se déplièrent de part et d'autre de son corps comme deux vastes manteaux de plumes, un peu raides mais tendues en arc bien au-dessus de sa tête, prêtes à la porter par-delà terres et mers —du moins, elle l'espérait. Elle avait conscience de cet épuisement qui la tenait encore et menaçait de la précipiter au sol, ou pire, dans les eaux salées d'un océan, mais elle avait aussi confiance en sa propre résistance.
Alors la dragonne prit son élan. Elle s'arracha du sol d'une seule et puissante foulée et se mit à courir, ses deux ailes arquées balayant la neige en grandes gerbes blanches et scintillantes au soleil, chérissant cette euphorie farouche qui la saisissait toute entière. Tout dans son corps, des battements exaltés de son cœur à la crispation de ses muscles tendus par l'effort ou ses poumons gorgés de cet air divinement froid, tout lui hurlait « oui, tu es vivante, plus libre que jamais, alors voles et savoures ta liberté ! »
Sa course folle prit fin sur un formidable bond qui la propulsa plusieurs mètres au-dessus du sol, et ses ailes se déployèrent de toute leur envergure, battant furieusement l'air jusqu'à ce que leurs plumes se gonflent par l'une de ces larges colonnes d'air ascendantes qui balayaient le ciel, en haute altitude. Elle laissa les montagnes derrière elle, survola une plaine puis un vaste plateau de roche aux airs de volcan endormi, direction… l'ailleurs. Peu importe où.
Elle perdait toujours la notion du temps en plein vol. Les paysages évoluaient si vite qu'elle ne voyait pas les secondes défiler. D'ailleurs, la dragonne voyait déjà se dessiner l'étendue sombre de l'océan. Il y avait si peu de remous à sa surface qu'il semblait complètement immobile, comme un gigantesque bloc de matière dure et grisâtre. Mais la créature savait que si elle s'échouait là-dedans, il s'ouvrirait comme la gueule béante d'un énorme monstre pour l'avaler toute entière et ne plus la lâcher.
Elle pouvait déjà humer cet air chargé d'embruns. Survoler l'océan la laissait toujours dans un piteux état à l'issue du voyage. Là où le vent se coulait délicatement entre les écailles de ses confrères, elle en sortait les plumes chargées de sel et la fourrure emmêlée par les fortes bourrasques. Elle détestait l'odeur et le goût du sel, ça lui piquait les yeux et la faisait éternuer quand elle se léchait. D'un point de vue extérieur, ça devait être comique à voir. Elle finissait toujours par plonger dans la première source d'eau douce qui se présentait sur son chemin, quelque chose que sa sœur ne ferait jamais. Les Dragons du Nord et leur défiance…
Elle aurait aimé que Kahsha soit là avec elle.
Une première rafale la fit brusquement dévier. La dragonne banda les muscles et effectua un court virage sur la droite pour se dégager. L'océan l'accueillait à bras ouverts…
