Première partie

L'affaire Joshua Vallangher

Prophétie

Le professeur Trelawney tressauta et battit des paupières comme si elle venait de se réveiller. Ses yeux, rendus immenses par ses épaisses lunettes, étaient perdus.

« Ah, Minerva ? Que se passe-t-il ? Vous avez l'air troublée. »

Minerva McGonagale, la directrice de l'école de sorcellerie Poudlard, regarda sa collègue avec perplexité. Serrée dans sa chemise de nuit à motifs écossais, elle scrutait Trelawney avec suspicion.

Non, manifestement, ce n'était pas de la comédie.

« Sybille, vous vous sentez bien ?

- Mais, bien sûr que je me sens bien, répondit le professeur de divination en secouant son bras chargé de breloques, enfin, aussi bien que possible… Pourquoi me posez-vous cette question ? »

Sybille Trelawney, qui approchait les soixante ans et était la plus vieille enseignante de Poudlard après Minerva, souffrait depuis quelque temps de dragonnite aigue, ce qui la contraignait à rester cloitrer dans sa tour. Minerva venait chaque soir lui apporter son traitement et lui tenir compagnie. Mais ce soir, ce n'était pas de la maladie dont parlait la directrice.

« Vous ne vous souvenez vraiment de rien ?

- Non, enfin… On discutait… Puis j'ai dû m'assoupir, enfin, je crois… »

Non, ce n'était pas de la comédie. Elle était en transe et elle n'a plus aucune mémoire. Cela voulait dire que…

Trelawney ne comprenait manifestement rien aux troubles qui secouaient sa collègue. S'efforçant de reprendre ses airs mystérieux, elle demanda :

« Voulez-vous encore une tasse de thé, Minerva ? »

McGonagale secoua la tête, brusquement tirée de ses réflexions. Elle répondit calmement :

« Non, merci, Sybille. Il se fait tard, je crois que je vais vous laisser. Je vous souhaite une bonne nuit.

- Bonne nuit à vous aussi, Minerva, répondit Trelawney, visiblement surprise du revirement d'humeur de son amie, et prenez soin de vous. »

Elle avait pris un timbre mystérieux en déclarant cette dernière phrase. Cela fit sourire Minerva, c'était si différent de la prestation qu'elle avait donné il y a cinq minutes.

Doucement, Minerva se détourna et entreprit de descendre la trappe de la tour nord. Elle put presque sentir le regard de Sybille sur sa nuque tandis qu'elle quittait ses appartements. Minerva faisait attention sur l'échelle, s'efforçant de rester calme pour ne pas se rompre le cou, mais intérieurement, elle bouillonnait.

Pas de souvenir. Cela ne voulait dire qu'une chose.

Sybille Trelawney a eu une prédiction.

Arrivée en bas de la tour nord, elle prit à gauche en direction de l'aile est où se trouvait le bureau qu'elle occupait depuis vingt ans. Elle n'avait absolument pas envie de dormir (jamais elle n'a été aussi réveillée). Ce qu'elle avait entendu l'avait secoué et elle devait lui parler. Ce n'était pas vraiment lui mais il restait de bon conseil, malgré tout.

Aussi vite que possible (malgré ses quatre vingt treize ans passés), elle arriva devant une gargouille d'une extrême laideur. Ses jambes flagellèrent et elle s'accorda deux minutes de pause. Ce n'était plus de son âge, de se presser comme ça. Bien qu'elle soit encore vive et alerte, sa santé était devenu fragile ces derniers temps. Il voudrait mieux faire attention. Le tremblement finit par cesser. D'une voix assurée, elle lança :

« Discipline strict. »

Aussitôt, la gargouille s'anima et s'écarta pour livrer le passage à la directrice. McGonagale monta le plus rapidement possible l'escalier en colimaçon et pénétra dans le bureau directorial.

Cette salle avait peu changé en vingt ans. C'était une vaste pièce circulaire aux murs tapissés de livres et d'étagères. En face de la porte se trouvait, posé sur une estrade, un bureau en chêne massif rangé à la perfection (un des nombreux trait de caractère de Minerva McGonagale). Les étagères et les armoires était remplis de nombreux objets magiques ayant appartenu aux anciens directeurs. Parmi eux se trouvait une bassine de pierre argenté, un vieux chapeau miteux ou encore une longue épée à la garde sertie de joyaux.

Minerva s'approcha de son bureau et leva la tête vers les portraits des anciens directeurs et directrice de Poudlard. Lorsqu'elle quitterait l'école, un nouveau tableau à son effigie serait accroché et comme tous ceux qu'elle voyait devant elle, elle aurait cet air serein et paisible, comme si plus rien ne pouvait l'atteindre.

Elle fixa intensément les deux derniers tableaux en date. Les deux hommes qui y figuraient dormaient, comme tous les autres. Le premier, le plus récent, était un homme d'âge moyen vêtu d'une robe de sorcier noir. Son teint était jaunâtre et son nez crochu dépassait de la masse de cheveux graisseux qui lui tombait sur le visage. Minerva se demanda si elle devait le réveiller lui aussi. Peut-être pourrait-il être utile. Puis elle se ravisa et décida d'entendre son/i avis, avant. Elle se tourna alors vers le second tableau.

Il représentait un trône ouvragé sur lequel reposait un vieillard aux cheveux immaculés. Aux yeux de Minerva, cet homme était la parfaite représentation de la sagesse, celle du vieux sage vénérable au savoir incommensurable. Minerva fit un geste avec sa baguette et l'homme se réveilla. Son regard perçant, bien qu'encore endormi, semblaient la sonder de la tête aux pieds. De derrière ses lunettes en demi-lune, il demanda :

« Qu'y a-t-il, Minerva ?

- Professeur Dumbledore, je suis désolé de vous dérangé si tard mais il fallait que je vous parle. »

Minerva raconta tout ce qui se passa cette nuit-là à son ancien collègue et ami Albus Dumbledore. Elle lui raconta ce qui arriva au professeur de divination alors que Minerva lui tenait compagnie, comment elle avait brusquement cessé de parler, comment elle s'était figée et comment, d'une traite, elle avait délivré la prophétie qui l'avait ébranlé au point de venir chercher conseil auprès d'une personne morte depuis 21 ans.

Albus écouta attentivement les déclarations de la directrice. A coté de lui, le prédécesseur de Minerva, Severus Rogue, dormait profondément.

Lorsqu'elle eu terminé, il resta silencieux un moment. Puis il demanda :

« Vous êtes sûr qu'il s'agit d'une véritable prédiction ?

- Sûre et certaine. Elle ne se souvient de rien. C'est indiscutable. »

Nouveau silence de la part de Dumbledore. Puis il déclara :

« Si c'est vrai, alors c'est de terribles nouvelles que vous m'apportez, Minerva. De terribles nouvelles.

- Vous pensez que je dois le prévenir. »

Albus regarda Minerva, la mine soucieuse.

« Nous ignorons si c'est lui. La prophétie peut désigner quelqu'un d'autre.

- Mais cela peut être lui, insista Minerva. C'est notre meilleure piste pour l'instant et il vaut mieux qu'il le sache le plus tôt possible. »

Albus soupira.

« Je sais, mais j'aurais préférer m'en passer. Il a assez souffert comme ça. »

Un temps puis :

« Très bien, prévenez-le. Je vais devoir étudier de près cette prophétie. Si ce que j'ai compris se concrétise, alors on court à la catastrophe. »

Minerva acquiesça. Oui, ce qu'elle avait aussi compris de la prophétie n'annonçait rien de bon.

« Bien, je le préviendrais demain à la première heure. »

L'ancien directeur hocha la tête en signe d'assentiment et se plongea dans ses pensées, un état peu différent de celui du sommeil.

Minerva se détourna du tableau. Ses jambes tremblaient de nouveau et elle eut le plus grand mal à gravir l'escalier derrière son bureau jusqu'à son lit.

Elle songeait que dés demain matin, il lui faudrait avertir Harry Potter.