Qui sème le vent...
Avertissement : Les personnages de la série CSI sont la propriété des chaînes CBS et Alliance Atlantique, et je n'en tire aucun profit lucratif.
Catherine referma le dernier dossier de la pile entassée sur son bureau et passa une main sur sa nuque douloureuse, en jetant un coup d'oeil furtif à la pendule accrochée au mur. Il n'était même pas une heure, et elle n'avait maintenant plus rien à faire.
Elle avait décidemment l'impression que cette nuit ne finirait jamais.
C'était l'une de ces nuits trop calmes au laboratoire dont elle n'était pas très friande. Grissom et Jim étaient en congé, et puisqu'aucune nouvelle affaire ne leur avait été confiée depuis plus de vingt-quatre heures, chacun occupait son temps comme il le pouvait, en bouclant une ancienne enquête ou en finissant la mise à jour de ses dossiers personnels.
Elle prit le temps de remettre un peu d'ordre sur son bureau, et s'attarda un instant sur la photo de Lindsay posée face à elle. Pour sûr, elle aurait préféré être à ses côtés ce soir plutôt que d'être coincée ici sans rien avoir à faire. Soupirant, elle se leva de la chaise et quitta son bureau en direction de la salle de repos. Elle allait certainement avoir besoin d'un peu de caféïne et de compagnie pour ne pas mourir d'ennui...
Elle fut surprise par les rires de ses collègues en arrivant dans la petite pièce. Son regard balaya la salle un bref instant, et elle put apercevoir Nick, Warrick et Greg, tout trois assis autour de la table, quelques dossiers clos devant eux. De toute évidence ils avaient eux aussi terminé de travailler. Elle les salua chaleureusement et s'approcha de la cafetière, notant au passage que les rires avaient cessés et qu'un silence quelque peu gêné les avait remplacés.
- Hmm... J'interromps une blague typiquement masculine ou c'est simplement ma compagnie qui vous dérange ? Demanda-t-elle en se servant un café.
- Non, non, rien de tout ça, assura Nick en regardant ses collègues d'un air inquiet.
- Tant mieux, parce que je n'ai plus rien à faire, je vais devoir vous tenir compagnie un moment...
Elle vint s'asseoir sur le sofa, et les regarda d'un air amusé. Elle ne savait pas ce qu'elle avait bien pu interrompre, mais leur gêne un peu maladroite en était presque touchante. Elle patienta un moment, laissant vagabonder ses yeux sur leur table. Au milieu des dossiers, Greg essayait péniblement de cacher quelques feuilles de dessin et Warrick avait si bien croisé les bras sur un magazine qu'elle eut du mal à déchiffrer le titre correctement.
- Bon, sourit-elle au bout de quelques instants, est-ce que vous allez me dire à quoi vous jouez ou dois-je mettre en oeuvre mes talents d'investigatrice pour trouver ce que fait le magazine 'Chaudes Lapines' dans les bras de Warrick ?
- D'accord, d'accord, on va t'expliquer, commença hâtivement Greg, ce n'est surement pas ce que tu crois...
- Trois jeunes hommes seuls en compagnie d'un magazine cochon ? Elle but une gorgée de café. Je ne vois pas ce que je pourrais croire...
Elle contempla leur malaise avec un large sourire. Les joues de Nick avaient brusquement viré au rouge, tandis que Warrick et Greg avaient baissé la tête comme deux gosses surpris en train de faire une bêtise.
- Non, expliqua finalement Nick, on se lançait simplement des défis.
- Des défis ?
- Oui, c'est stupide ajouta-t-il... Comme il n'y a rien à faire, on se lance des défis pour tuer le temps...
- Oh... je vois, des blagues de potache...
Un léger sourire naquit au coin de ses lèvres, ce que ne manqua pas de remarquer Warrick qui décida d'en tirer profit.
- Est-ce que tu veux... participer ? Se risqua-t-il à demander.
Catherine soupira, mais ne répondit rien. Elle semblait être intérieurement en train de peser le pour et le contre.
- Si tu veux, on trouvera un peu moins potache pour toi... ajouta-t-il par provocation.
Catherine le dévisagea un instant. Warrick la connaissait assez pour savoir qu'elle répondait toujours à la provocation. Décliner l'offre serait une marque de faiblesse, et elle aimait beaucoup l'idée de se mesurer à ses collègues masculins. D'autant qu'elle les connaissait suffisamment pour savoir qu'ils ne seraient pas trop durs avec elle... Après tout, il n'y avait pas grand mal à aller coller des photos de femmes dénudées dans leurs vestiaires ou écrire une lettre d'amour à Ecklie...
- Pourquoi pas...
Les trois hommes restèrent silencieux un bref moment, échangeant quelques regards entendus, et à cet instant précis, sur leurs visages gagnés par de fiers sourires, Catherine sut que le jeu n'allait finalement pas être aussi facile qu'elle l'avait imaginé...
- Très bien... annonça finalement Greg, ton défi sera de flirter avec Sara Sidle pendant toute cette semaine...
L'espace d'un instant, les yeux de Catherine faillirent sortir de leurs orbites, et elle manqua de s'étouffer avec son café.
- Quoi ?
- Tu as très bien entendu, assura Warrick.
- Flirter comme... avec Sara ? Oh non, je refuse, c'est hors de question ! affirma-t-elle d'une voix catégorique en hochant vigoureusement la tête.
- Catherine, tu n'es pas fun...
- Votre petit jeu n'est pas fun... Vous vous trouvez des défis bidons et vous me demandez un truc... Oh, il n'y a même pas de qualificatif pour ça... Vous me connaissez, je veux dire, vous LA connaissez, c'est juste impossible...
- Oui, c'est dans les missions délicates que les supérieurs sont censés nous prouver leur grandeur...
- Je n'aime pas vraiment tes sous-entendus, Greg.
- Laisse tomber Greg... Miss Willows n'est pas joueuse... charria Warrick.
- Normal on a dû viser un peu trop haut... C'est vrai, à son âge qui ne doute pas encore de son pouvoir de séduction ? Demanda Nick à Warrick dans un sourire complice.
A cette remarque, Catherine put sentir chaque muscle de son corps se raidir involontairement.
- Ca c'est la meilleure ! Siffla-t-elle entre ses dents. Et si je relève le défi, qu'est-ce que je gagne ?
- Notre infinie reconnaissance ? Hésita Greg en souriant.
Catherine leur lança un regard noir. Elle savait qu'ils ne faisaient que la piquer au vif. Ses trois collègues savaient pertinamment qu'elle était joueuse et qu'elle détestait perdre, mais ils savaient par dessus tout que Catherine Willows ne supportait pas de se sentir rabaissée, d'une quelconque manière que ce soit, et qu'elle était prête à beaucoup de choses pour prouver sa valeur aux yeux des autres.
Greg et Warrick échangèrent un sourire entendu.
- 100 dollars et 1 mois à faire ta paperasse, proposa Warrick calmement.
Nick laissa échapper un petit rire.
- Vous doutez que je puisse gagner ?
- A vrai dire oui, mais si ça te semble trop facile, ajouta Warrick toujours plus provocateur, on peut aussi corser le défi, et augmenter les paris.
Catherine posa ses deux mains sur la table et plongea son regard électrique dans celui de Warrick.
Elle savait qu'elle glissait vers une pente dangereuse. Le défi de base lui semblait déjà surhumain, elle n'osait même pas penser à ce qui pouvait l'attendre. Mais l'égo de Catherine ne supportait pas vraiment d'être mis à mal par ses collègues, et c'est précisément ce pourquoi elle était maintenant prête à tout accepter, quelles qu'en soient les conséquences...
- Très bien, fit elle en haussant un sourcil. Alors corsons.
Les trois hommes se dévisagèrent en fronçant les sourcils. Il était difficile de savoir si leur superviseuse avait déjà une idée en tête afin de mener à bien son défi ou si elle ne jouait qu'au bluff pour leur faire faire marche arrière. Cette dernière théorie fut cependant celle que préférèrent retenir les trois hommes, ce qui poussa Warrick à lui proposer l'extrême :
- On triple la mise si vous couchez ensemble d'ici deux semaines, ce qui monte à 300 dollars, et 3 mois à faire ta paperasse...
Le visage de Catherine resta impassible.
- Marché conclu, souffla-t-elle d'un air défiant. Mais oubliez les dollars, ajouta-t-elle en regagnant la porte, je ne suis pas si vulgaire...
- Bordel !
Catherine claqua violemment la porte de son bureau et vint s'asseoir sur sa chaise en se maudissant de tous les noms.
- Je ne peux pas croire que j'aie accepté...
Elle laissa s'échapper un profond soupir qui ressemblait étrangement à un grognement. Elle détestait cette partie d'elle-même. Le côté trop fière mais pas assez sure qui se sentait obligée de prouver au monde entier qu'elle était toujours capable de bien plus que les autres, quitte à les écraser. Qu'est-ce que ce défi stupide allait lui apporter, à part peut-être le fait que Sara la haïsse encore plus ? Que ses collègues masculins reconnaissent sa supériorité et en paient le prix fort en jouant les larbins à son service pendant trois mois ? Quelle victoire... Et tout ceci bien sûr à conditon que le pari soit réussi, ce qui d'après Catherine devait avoir à peu près autant de chances de se produire que de se prendre un piano sur le coin de la figure en sortant du labo...
- Tu es pathétique, Willows...
Oh, bien sûr, il était toujours temps de retourner voir les garçons et de leur expliquer qu'elle ne pourrait pas mener à bien son défi. Le problème, c'est que cela serait synonyme d'échec, et qu'elle avait banni ce mot de son vocabulaire il y a fort longtemps.
Ainsi, tout ce qu'il lui restait à faire était de trouver un moyen de séduire Sara rapidement, ou tout au moins la mener directement à son lit, autant dire déplacer une montagne à la seule force de ses petits bras si l'on considérait la houleuse relation que les deux femmes avaient entretenues depuis cinq années...
Complètement happée dans le tourbillon de ses pensées, Catherine n'avait pas remarqué que Warrick se tenait droit devant elle, face à son bureau, et ce n'est que lorsqu'il s'éclaircit la gorge pour la troisième fois que la petite blonde notifia enfin sa présence.
- Warrick ? Je peux faire quelque chose pour toi ?
- En réalité, commença-t-il, je suis désolé pour tout à l'heure, le challenge est vraiment disproportionné, et je n'ai pas envie que tu... enfin... Sara...
Catherine plissa les yeux avant de l'interrompre :
- Warrick es-tu venu me demander d'abdiquer ? Parce que tu sais très bien que je ne le ferais pas...
- Je n'ai juste pas envie que ce petit jeu prenne trop d'ampleur et que quelqu'un souffre à cause d'un pari stupide...
- Oh, si tu parles du fait que Sara apprenne qu'il s'agit d'un pari que vous m'avez proposé et ne vous en veuille à mort après cela, rassure toi je serais discrète et ne t'en fais pas, si elle en veut à quelqu'un, ce ne sera encore et toujours qu'à moi... soupira-t-elle.
Warrick hocha la tête, peu convaincu, et prit la direction de la porte.
- Tu sais, finit-il, je ne sais pas ce qu'il s'est passé tout à l'heure, mais tu n'as rien à prouver à personne... Le pari était stupide mais nous savons très bien que Sara et toi vous détestez cordialement, l'idée de vous imaginer en train de flirter nous a juste parue amusante... mais on peut très bien ne pas en tenir compte, d'ailleurs on pensait tous que tu refuserais, et...
La mâchoire de Catherine se crispa légèrement. Avait-il bien dit : « amusante » ?
- Je t'ai dit que je n'abandonnerai pas...
- Très bien, soupira-t-il en ouvrant la porte pour quitter le bureau.
- Oh, et Warrick ?
- Oui ?
- Je ne doute pas que vos fantasmes collectifs soient 'amusants', mais j'aimerai assez que vous évitiez tous les trois d'imaginer ce genre de relation entre Sara et moi, si vous ne voulez pas que je demande illico à vous changer de laboratoire en veillant à ce que vous vous retrouviez chacun dans un trou perdu au milieu de nulle part...
Warrick eut un petit rire étouffé, acquiesça à la demande de sa superviseuse, et quitta enfin la pièce.
La berline s'arrêta sur le parking, et Catherine en descendit rapidement, attrapant sa sacoche au passage. Elle jeta un bref coup d'oeil aux alentours avant de prendre la direction des ascenseurs qui la conduisirent à son étage. Mais une fois arrivée elle n'eut même pas le temps d'aller déposer ses affaires dans son bureau que déjà la voix de Grissom sortie de nulle part l'appelait. Elle s'arrêta et se retourna pour faire face à son collègue.
- Catherine j'ai besoin de vous, expliqua-t-il en alors que son regard plongeait machinalement vers sa feuille de route. Un corps a été retrouvé il y a moins d'une heure dans une zone industrielle de la banlieue Nord, j'aimerai que Nick et vous vous y rendiez pour démarrer l'enquête.
- Warrick ne peut pas y aller avec Nick ?
Grissom releva la tête et la regarda suspicieusement derrière ses petites lunettes.
- C'est que... tenta vainement Catherine, je... J'ai une enquête à terminer avec Sara...
- Sara travaille sur les fibres de la voiture accidentée d'hier.
- Oui, mais... je voulais aller l'aider à terminer, elle... elle m'a demandé un coup de main...
Bien que les explications vaseuses de Catherine ne le convainquirent pas le moins du monde, Gil préféra ne pas en demander davantage à la blonde et se contenta de lui faire confiance.
- Très bien, je vais envoyer Warrick... annonça-t-il finalement en reprenant sa route à la recherche de son jeune collègue.
Une fois qu'il fût hors de sa vue, Catherine s'autorisa un profond soupir. Elle reconnaissait sans peine être une piètre menteuse, et elle savait pertinamment que Gil ne l'avait pas crue. Elle pénétra dans son bureau et se laissa lourdement tomber sur sa chaise, plongeant sa tête entre ses mains, signe du début d'une intense réflexion. En effet elle avait besoin de réfléchir. Cela faisait plus de trois jours que le défi était commencé, et elle n'était toujours pas parvenue à adresser ne serait-ce qu'une seule fois la parole à Sara sans que leurs tons ne deviennent plein de colère et de mépris.
Comment fallait-il qu'elle s'y prenne ? Elle n'en avait aucune idée...
Elle aurait bien essayé de tenter de la séduire de la même manière qu'elle aurait séduit un homme, cependant elle doutait que le simple fait de brandir sa poitrine devant Sara en lui adressant de langoureux regards aurait un quelconque effet sur la brune, si ce n'est celui de paraître plus ridicule que jamais. Non, Sara était une collègue qui la connaissait un minimum, il fallait se montrer un peu plus subtile.
Catherine en vint alors à s'interroger sur la manière qu'avaient les hommes de la séduire. A vrai dire, elle n'avait même pas remarqué Eddie lorsqu'elle l'avait rencontré pour la première fois. Mais, attentif et patient, ses regards insistants sur la jolie blonde et sa manière de s'intéresser à ce qu'elle disait lui avaient valu le droit de la revoir. Son sourire charmeur et son humour avaient ensuite réussi à faire fondre Catherine, et la main du jeune homme qui s'était délicatement posée sur la sienne lors de leur premier rendez-vous avait finalement eut raison d'elle.
Finalement ça ne semblait pas difficile. De longs regards, une grande écoute, des sourires, quelques touches d'humour et de brefs contacts de peau. Elle pouvait le faire.
- Tout dans la délicatesse et le romantisme, Willows, lança-t-elle pour elle même au bout d'un moment.
Sur ces pensées, elle décida qu'il était grand temps de passer à l'attaque et pris aussitôt la direction de la salle du labo où Sara travaillait.
Elle respira profondément et poussa la porte de la salle. Sa collègue, assise face à un microscope, la salua d'une voix presque inaudible sans même se retourner.
- Salut Sara ! Je... Tu aurais du phénol ? Je n'en ai plus en stock...
Piètre menteuse, se répéta-t-elle intérieurement.
- Là, pointa la jeune femme en direction d'un flacon blanc sans même relever les yeux de son microscope.
- Hum... Tu t'en sors ? Demanda Catherine qui sentait bien que la conversation qu'elle essayait d'instaurer n'avait rien d'une conversation.
Cette fois Sara releva la tête et fronça les sourcils.
- Tu veux quoi, au juste ?
- Rien, je veux juste... euh... le phénol...
Sara pris la bouteille et la tendit à Catherine qui ne manqua pas cette occasion pour effleurer la main de sa collègue au passage. Aussitôt elle sentit cette denière se tendre un peu, et le regard surpris de Sara se posa sur elle. Mais la brune ne sembla pas se poser plus de questions que cela sur les intentions de sa collègue et retourna aussitôt à son microscope, au grand dam de Catherine qui, loin de renoncer, décida finalement d'opter pour une autre tactique...
Elle se plaça alors juste derrière sa collègue et étendit longuement son bras pour atteindre un flacon sans importance, situé à l'autre bout de la table, laissant sa poitrine effleurer allègrement le dos de Sara.
Alors qu'elle appréhendait avec attention toute réaction de la jeune femme, que ce fusse un frisson, un clignement d'oeil, une tension du corps, la moindre chose qui pourrait trahir une émotion, Sara se redressa brusquement, visiblement agacée, et se leva d'un geste sec. Certes il s'agissait bien d'une manifestation émotive intense, mais apparemment pas celle escomptée...
- Catherine, c'est quoi ton problème aujourd'hui ? Vociféra alors Sara. Pourquoi est-ce que tu te frottes à moi pour atteindre un stupide flacon alors que ça te prendrait à peine une seconde de plus de faire le tour de la table ? Tu as décidé de jouer à 'Ce soir empêchons Sara de bosser' ou quoi ?
Catherine grommela de plates excuses et préféra quitter la pièce sans plus tarder.
De toute évidence, la chance n'était pas de son côté ce soir. Tout contact physique semblait irriter Sara plutôt que de la détendre ou la séduire comme elle l'avait espéré.
Et puisque la blonde avait refusé l'offre de Gil pour aller sur le terrain, elle passa simplement le reste de la soirée à observer discrètement sa collègue, espérant en apprendre un peu plus sur la mystérieuse Sara Sidle.
Les premiers rayons du soleil faisaient déjà leur apparition lorsque Catherine quitta le laboratoire. Tranquillement, elle repassait dans sa tête le planning de sa journée. Il était encore assez tôt, elle allait pouvoir passer chez Nancy, se faire offrir un café et un peu d'attention, puis surtout profiter de Lindsay avant que celle ci ne parte pour l'école. Ensuite, elle prendrait une bonne douche et irait se coucher en espérant que le sommeil lui porte de judicieux conseils en matière de séduction féminine.
Tout en laissant ses pensées vagabonder, Catherine avait mécaniquement trouvé le chemin de sa voiture, s'y était engouffrée, avait mis le contact, mais il lui fallut quelques secondes de plus pour réaliser que la voiture ne semblait pas d'humeur à vouloir démarrer.
Un affreux juron se répercuta alors en écho sur le parking désert.
La petite blonde descendit de la voiture et poussa un soupir désespéré en ouvrant le capot. Le niveau de Catherine en mécanique avoisinnait le néant, mais à chaque panne elle s'obstinait à toucher à tout dans l'espoir de faire redémarrer sa satanée voiture.
- C'est la batterie, résonna une faible voix au bout de quelques instants.
Catherine se redressa aussitôt de dessous le capot et aperçut Sara qui s'apprêtait également à rentrer chez elle. Elle eut une envie folle de passer ses nerfs sur la brune en l'envoyant bouillir, mais se ravisa au dernier moment et se contenta de la dévisager longuement, sans rien dire.
- C'est la batterie, répéta Sara en s'approchant d'elle.
- Oui, merci j'ai compris, mais ça ne m'avance pas... dit-elle clairement agacée
Sara ne put retenir un bref sourire, et jeta un coup d'oeil sous le capot.
- Elle a vraiment l'air foutue, en tout cas les cosses sont très abîmées, je crois que tu ne pourras pas redémarrer...
- Génial... marmonna Catherine en fouillant nerveusement dans son sac avant d'en sortir son portable. Je vais devoir appeler un dépanneur...
- Je peux te rammener chez toi, proposa Sara.
Catherine la regarda en fronçant les sourcils et l'espace d'un instant il lui sembla que Sara avait rougi.
- Enfin... Si tu veux... Je veux dire... C'est juste pour que tu n'aies pas à attendre des heures...
Oui, les joues de Sara avaient maintenant une teinte légèrement rosée, ce qui arracha un léger sourire à Catherine.
- Je veux bien... finit-elle par accepter.
Sara sourit à son tour, et après que Catherine eut fermé sa voiture, les deux femmes rejoignirent le 4x4 de la brune, garé à proximité.
La voiture roulait à vive allure depuis plus de cinq minutes, bercée par le ronronnement régulier du moteur et la douce musique émanant de l'autoradio, mais aucune des deux femmes ne s'était risquée à briser le silence. Sara observait la route avec attention, et le regard de Catherine, perdu à travers la vitre, laissait le paysage défiler sous ses yeux sans réellement en tenir compte. Finalement, Sara aurait pu la conduire n'importe où, elle ne s'en serait même pas aperçu.
- Hum... Catherine ? Hasarda pourtant Sara au bout d'un moment. Est-ce que... Est-ce que tu as un problème avec moi ?
- Pardon ? La question avait immédiatement fait redescendre Catherine sur terre. Des problèmes elle en avait des tonnes avec Sara depuis qu'elle était arrivée dans l'équipe.
- Je te trouve très étrange vis à vis de moi depuis quelques jours...
Merde. Grillée.
Catherine s'éclaircit la voix, tentant vainement de rassembler ses esprits dans le but de fournir une explication plausible et rationnelle.
- Etrange ?
- Oui, tu es sans arrêt derrière moi mais tu ne m'engueules plus dès que je bouge le petit doigt, et tu as cette attitude... bizarre...
- ... Bizarre comment ?
- Bizarre comme le fait que tu aies passé la moitié de la soirée à m'observer, et l'autre moitié à tenter de... je ne sais pas... de m'énerver...
Catherine ne répondit rien. Sara était perspicace.
- Alors je me demande si il n'y a pas eu une plainte déposée contre moi et que tu sois en train de mener l'enquête à mon insu, ou quelque chose du genre...
- Oh... Je suis désolée. Non, absolument pas... aucune enquête ni rien de ce genre, rassure toi...
Sara eut un bref soupir de soulagement.
- Alors tu es comme ça juste pour le fun ?
- Oui... enfin...
Catherine inspira profondément, hésitant entre tenter un gros mensonge ou une partielle vérité.
- Je ne sais pas, je me disais que... ça fait plus de cinq ans qu'on se connaît, et qu'il était peut-être temps que nos querelles cessent...
Partielle vérité. L'idée l'avait effleurée plus d'une fois.
Sara haussa un sourcil mais ne répondit rien. Ca n'expliquait pas le fait de s'être sentie épiée la moitié de la soirée.
- Nous y sommes, fit Catherine au bout d'un moment.
Sara stoppa la voiture sans couper le moteur, attendant que sa passagère descende.
- C'est étrange que tu te souviennes d'où j'habite... laissa échapper Catherine en détachant sa ceinture de sécurité. Tu n'es venue qu'une fois à la mort d'Eddie...
- Je... J'ai un bon sens de l'orientation... balbutia Sara.
- Oh, fit Catherine. Alors je tâcherais de m'en rappeler la prochaine fois que tu arriveras en retard sur une scène de crime en mettant tout sur le dos de ton manque d'orientation... sourit-elle.
Sara lui rendit son sourire. C'était étrange, mais pour une fois elle n'avait aucune envie d'entamer une joute verbale avec son aînée. Peut-être parce que cette dernière avait émis l'hypothétique envie d'une amitié entre elles...
- Tu veux venir prendre un café ?
- Merci mais je crois que je vais rentrer... fit machinalement Sara.
- Un café ça ne va pas te tuer, Sidle !
La brune la dévisagea en fronçant les sourcils.
- Ca dépend ce que tu mets dedans, Willows...
Catherine se mit à rire doucement, et Sara finit par couper le moteur de la voiture avant d'en descendre. Son regard embrassa l'ensemble de la propriété. Si elle se souvenait sans problème de l'endroit où Catherine habitait, son esprit avait pourtant occulté la grandeur de la demeure. Une résidence classique et sobre, pourtant imposante, avec un agréable jardin qui lui rappelait vaguement l'idée des maisons bourgeoises décrites dans les livres de son adolescence, dans lesquelles les familles unies et soudées vivaient dans un bonheur et une harmonie dont elle se refusait à imaginer l'existence.
Catherine l'invita poliment à entrer, et ferma la porte à sa suite.
La pièce était maintenant silencieuse. Les tasses étaient vides, la cafetière également. L'esprit ailleurs, Sara observait les oiseaux du jardin à travers la baie vitrée, et Catherine observait Sara. Elle n'en revenait toujours pas.
Lorsqu'elle lui avait proposé de venir prendre un café, elle savait que ni l'une ni l'autre ne serait réellement à leur aise. Comme de fait, hormis les banalités habituelles et le travail, la conversation avait eu beaucoup de mal à s'instaurer entre elles, mais au fil des minutes, elle était devenue plus naturelle et moins surfaite. Les gênes entre elles s'étaient dissipées et quelques sourires s'étaient esquissés au coin de leurs visages. Le sujet du travail avait été mis de côté pour en évoquer d'autres plus personnels comme Lindsay et Eddie, ainsi que les études de Sara.
Maintenant, dans ce silence apaisant, l'entrevue touchait à sa fin. Il n'y avait plus de café et Catherine savait que si elle proposait à Sara d'en refaire, cette dernière refuserait et prendrait ça comme le signal pour partir. Catherine n'en avait pas réellement envie. En réalité le défi commençait à la gèner, parce que plus elle se rapprochait de Sara, plus elle découvrait quelqu'un avec qui effectivement elle pourrait nouer une solide amitié.
Un lourd claquement de la porte d'entrée les ramena toutes les deux brusquement à la réalité, et avant qu'elles n'eurent pu faire quoi que ce soit Lindsay avait fait son apparition sur le seuil de la cuisine.
- Je déteste les jours de grève ! Maugréa-t-elle en laissant tomber son sac à terre. C'est toujours...
Elle marqua une pause lorsqu'elle remarqua que sa mère n'était pas seule, et son ton changea radicalement.
- Oh, salut Sara ! S'exclama-t-elle dans un sourire radieux
- Salut Lindsey ! Fit Sara en lui rendant son sourire.
- Bonjour quand même... lança Catherine. Tu rentres drôlement tôt...
- Je suis ravie que ma présence te fasse autant plaisir, maman !
Catherine leva les yeux au ciel et jeta un regard désabusé à Sara.
- Figure toi qu'il y a une grève générale, et qu'aucun de mes profs n'est là... Si j'avais su j'aurais pu dormir plus longtemps chez Nancy.
- Mais puisque tu es debout, tu va pouvoir m'aider à nettoyer la maison...
Lindsay lui lança un regard noir et quitta la pièce. Etrangement, Sara ne put s'empêcher de penser que les joutes verbales entre Lindsay et Catherine devaient au moins être aussi spectaculaires que celles qu'elle avait avec la blonde au laboratoire.
- Je vais vous laisser, dit-elle finalement en riant.
- Oh oui, tu peux rire, tu verras quand tu aura un ado à la maison...
- J'ai encore un peu de temps avant ça ! plaisanta-t-elle. Mais il commence à être tard, je vais vraiment vous laisser.
- Tu ne restes pas pour le déjeuner ? Lança Lindsay en réapparaissant sur le seuil, sa brosse à cheveux dans une main et un élastique dans l'autre.
Le regard de Sara oscilla entre celui de Lindsay et de sa mère, toutes deux dans l'attente d'une réponse.
- Euh.. Non... balbutia-t-elle d'un air incertain. Merci, mais je... Je vais rentrer...
Catherine se leva et la raccompagna à la porte.
- Merci de m'avoir ramenée, et merci de m'avoir tenu compagnie.
- De rien, c'était agréable... souffla la brune.
Catherine hésita un instant, puis ajouta d'un ton faussement nonchalant :
- Vendredi soir, on fait une soirée pizza avec Lindsay et une de ses amies. Si tu veux, tu peux te joindre à nous...
Sara la dévisagea un instant.
- Merci, je... j'y penserai.
La-dessus elle remit ses lunettes de soleil, remercia une dernière fois Catherine pour l'accueil, et quitta la maison pour atteindre sa voiture.
Lorsqu'elle entendit le moteur démarrer, Catherine referma la porte et s'y adossa un instant. Ce qui venait de se produire était plus que ce qu'elle n'aurait jamais pu espérer.
Cette entrevue lui avait permis d'en apprendre un peu plus sur sa collègue. Pas seulement sur sa vie, mais également sur la manière que Sara avait de se comporter avec les autres. Avec elle, notamment. Une timidité et une légère pudeur qu'elle ne lui connaissait pas. Finalement, sous ses airs durs et inflexibles, Sara semblait être aussi fragile que n'importe quelle autre femme. Ce dont Catherine avait toujours douté jusqu'alors...
Catherine quitta la salle d'interrogatoire avec des nausées. L'entrevue avec le suspect avait été éprouvante. Accusé d'un quintuple meurtre et d'un viol sur une fillette décédée, il avait tout nié en bloc face à Brass, en dissimulant à peine un large sourire à l'évocation des faits. Ce type monstrueux lui avait donné envie de vomir...
De retour dans son bureau, Catherine se remit à examiner la multitude de photos qui jonchaient son bureau. Comme Grissom lui avait laissé sous entendre quelques minutes avant l'entretien, les résultats des analyses ADN n'étant pas revenues, à part des empreintes de chaussures de la taille du suspect relevées sur les lieux, ils n'avaient pas grand chose contre lui pour le moment.
Il lui fallait une preuve tangible.
Elle passa ses mains sur son visage pour détendre ses muscles un instant puis, s'armant de patience et d'un grand gobelet de café, elle se remit au travail en examinant une à une les photos que Warrick lui avait remises ce matin.
- Catherine ?
Elle leva la tête et aperçut Greg dans l'entrebaillement de sa porte, un large dossier à la main.
- J'espère que tu m'apportes une bonne nouvelle ! soupira-t-elle
- Eh bien, en réalité pas vraiment, il m'a été impossible d'analyser les quelques fluides issus du corps de la petite Harvey, ils ont subi une altération qui m'a rendu la tâche impossible, mais les fragments de peau sous ses ongles proviennent bien du suspect...
- Il était donc sur les lieux.
- C'est certain, mais ça ne prouve rien... Dis, je ne voudrais pas être odieux mais je te laisse le dossier ici, c'est ma nuit de congé et j'ai des tonnes de choses de prévues... finit-il avec un sourire en posant le dossier sur le bureau de Catherine.
- Très bien Don Juan, tu as fait du bon boulot, merci encore... Passe une bonne soirée...
- Mmh, merci mais... ne quitte pas trop tard non plus, j'ai entendu dire que tu avais des projets avec Sara ce soir, fit il dans un clin d'oeil qui n'était rien d'autre qu'une énorme allusion au défi de Catherine.
- Et ça t'amuse... soupira-t-elle en soutenant son regard, tout en pensant que Sara ne lui avait toujours pas confirmé sa présence.
- Beaucoup, admit-il. Je sais que Catherine Willows n'abandonne jamais, et j'ai hâte de voir le résultat. Même si, ajouta-t-il rapidement l'air plus sérieux, tu sais, on ne t'en voudra pas si tu refuses de déclencher la troisième guerre mondiale au sein du laboratoire...
- La troisième guerre mondiale au labo ?
- Sara !
Catherine se figea sur place lorsqu'elle aperçut sa collègue juste derrière Greg. Qu'avait-elle entendu ? Elle échangea un bref regard inquiet avec l'analyste, tandis que Sara les regardait l'un et l'autre sans comprendre.
- Rien, une mauvaise blague, finit-elle par articuler. Greg allait partir...
- Eh... oui... Euh, congé... à demain... bafouilla-t-il à l'attention de Sara avant de quitter le bureau à grandes enjambées.
- Tu voulais me voir ? Demanda aussitôt Catherine sans laisser Sara se poser trop de questions au sujet de l'attitude de leur collègue.
- Hum, oui... A propos de ce soir... commença la brune avec un air étrangement mal à l'aise.
- Laisse moi deviner, tu ne peux pas venir, c'est ça ? Catherine soupira, et ajouta rapidement : Bon, en même temps, une soirée pizza avec deux ados et une collègue de travail, j'imagine que comme tout le monde tu as de bien meilleurs moyens de passer tes soirées...
Sara fronça les sourcils.
- Non, je voulais juste savoir si tu étais d'accord pour me laisser amener le vin...
- Oh... Bien sûr. Oui, tu peux, bien sûr...
- Parfait.
- Ca veut dire que tu viens, n'est-ce pas ?
- M'aurais-tu invitée dans l'espoir que je ne vienne pas ? Parce que si c'est ça je peux toujours revoir mes plans pour la soirée...
- Non, je... je pensais que tu refuserais, c'est tout.
- Alors tu ne me connais pas si bien que ça... sourit Sara avant de quitter la salle.
- Ca, c'est certain... soupira la petite blonde.
Catherine Willows le reconnaissait elle-même : pour parvenir à ses fins, elle pouvait se montrer plus que machiavélique.
Depuis que Greg lui avait rappelé ce défi et que miraculeusement Sara avait confirmé sa présence ce soir, la petite blonde n'avait cessé de faire marcher son cerveau afin de trouver un moyen de passer une partie de la soirée seule avec sa collègue. Elle ne savait pas réellement ce qu'elle devait ou pouvait attendre de la soirée, mais quoi qu'il puisse se passer, elle n'avait tout simplement pas envie que Lindsay ou même son amie en soient les témoins. Elle connaissait assez sa fille pour savoir qu'elle remarquerait tout de suite si elle ne se comportait pas exactement comme d'habitude, et Lindsay avait la fâcheuse habitude de toujours réussir à lire en elle comme dans un livre ouvert.
Elle saisit alors son téléphone portable et composa le numéro de sa fille.
- Maman ?
- Hey chérie !
- Tu as un problème ? Ne me dis pas que tu ne rentres pas ce soir...
- Non, mais...
Catherine inspira profondément. Elle n'aimait pas mentir à sa fille, mais elle n'avait pas vraiment le choix. Que ce soit au boulot ou ailleurs, ses chances de se retrouver seule avec Sara frisaient le zéro absolu, et si elle voulait avancer dans son défi cette soirée était pour elle une immense aubaine.
- Ecoute ma puce, je vais devoir retourner travailler très tôt demain matin, alors... ça m'ennuie de devoir vous réveiller à quatre heures avec Hannah pour vous emmener chez Nancy...
- Maman ! Geignit Lindsay à l'autre bout du fil. T'avais promis que je pourrais passer le week-end avec Hannah et au dernier moment tu annules la soirée... On est grandes tu sais, on peut passer la matinée seules à la maison...
- Ca c'est hors de question... répliqua illico Catherine. Et en réalité, je n'annule pas, ça tient toujours pour la soirée, en plus Sara m'a confirmé qu'elle passerait, seulement Hannah et toi ne pourrez pas dormir à la maison... Si tu veux passer plus de temps avec ton amie il faudrait que tu demandes à sa mère de venir vous prendre en fin de soirée pour aller dormir chez elle... Nancy te récupérera demain matin à une heure convenable, ou bien je passerai moi-même après mon service, si la mère d'Hannah te supporte jusque là. Ca me semble être un marché honnête...
- Oh...
Il y eut un moment de silence qui inquiéta étrangement Catherine.
- Linds ?
- Oui, m'man, elle est d'accord.
- Oui, je me doute que Hannah est d'accord, c'est l'avis de sa mère qui m'intéresse, tu pourras l'appeler ?
- Sa mère vient de me dire qu'elle est d'accord.
Comme pour confirmer, un charmant « Pas de souci Mme Willows, je passerai chercher les filles vers 22h » se fit entendre derrière Lindsay. Catherine n'eut aucun mal à reconnaître la petite voix aigüe de la mère d'Hannah, et leva les yeux au ciel.
- Lindsay, tu es chez Hannah ? Je croyais que tu devais passer ton heure libre à réviser cette leçon de maths sur laquelle il m'a semblé t'entendre gémir toute la semaine que tu n'avais rien compris !
- Maman... soupira Lindsay. La mère d'Hannah est prof de maths. Arrête de t'en faire, c'est pas comme si j'étais au bar du coin en train de me faire expliquer les maths par des lycéens me déshabillant du regard...
Le sang de Catherine se glaça instantanément. Lindsay fréquentait-elle réellement des lycéens susceptible de la reluquer comme une vulgaire fille facile ? Elle jugea préférable de ne pas relever sur le moment, mais nota intérieurement qu'il faudrait qu'elle envisage une sérieuse discussion avec sa fille. En attendant, Lindsay avait marqué un énorme point.
- Très bien, très bien. Ne rentre pas trop tard, je devrais revenir d'ici...
Elle jeta un coup d'oeil à sa montre.
- D'ici une à deux heures.
- Ok, à toute à l'heure alors.
Sur ce, Lindsay raccrocha, laissant Catherine soupirer un long moment avant de se remettre au travail.
Sara avança lentement jusqu'à l'entrée faiblement éclairée. Elle pouvait entendre des éclats de rire de l'intérieur, probablement ceux de Lindsay et de son amie, et aussitôt une impression de chaleur humaine s'empara d'elle. C'était étrange, mais plus elle y pensait plus elle se disait que sa présence n'était peut-être pas réellement souhaitée ce soir. Elle avait toujours la sensation désagréable d'interrompre un charmant tableau de famille lorsqu'elle se trouvait en présence de Catherine et Lindsay, et cette pensée la rendit quelque peu mal à l'aise. En y repensant, peut-être bien que Catherine lui avait proposé de se joindre à elle car elle s'y était sentie obligée, mais qu'elle n'en avait nullement envie...
- Non, non, arrête de trop penser, Sidle ! Se dit-elle à elle même en soupirant.
- Je suis bien d'accord ! Lui répondit la voix de Catherine en écho.
Sara leva mécaniquement la tête et rougit de confusion en apercevant la silhouette de Catherine, qui se tenait devant la porte d'entrée maintenant grande ouverte.
- Avais-je oublié de te préciser que la soirée avait lieu à l'intérieur de la maison ? Gloussa la blonde en reculant de quelques pas pour faire entrer son invitée.
Sara ne répondit rien, se contentant d'un léger sourire. Catherine l'aida aussitôt à retirer son manteau et pris la bouteille de vin qu'elle avait apportée en la remerciant. Lindsay accourut aussitôt, suivie de près par son amie.
- Hey Sara, t'es venue ! Fit la jeune fille dans un sourire débordant d'admiration.
Sara n'avait jamais réellement eu la fibre maternelle. Dernière de sa fratrie, elle ne s'était jamais retrouvée avec de jeunes frères ou soeurs à pouponner, ni à consoler. Elle ignorait tout des enfants et de leur fonctionnement, et à vrai dire ça lui convenait très bien comme ça. En réalité, en bonne scientifique raisonnée qu'elle était, la spontanéité des enfants était quelque chose qui l'effrayait incroyablement.
Elle faisait pourtant une exception pour Lindsay. Peut-être parce que Lindsay commençait à devenir une adolescente. Oui, Lindsay n'était plus à proprement parlé une enfant, et Sara prenait toujours beaucoup de plaisir à discuter avec elle lorsqu'elle la croisait dans la salle de repos du laboratoire, les rares fois où Nancy ne pouvait pas la garder...
- Pizza entre filles, je n'allais pas rater ça ! Répliqua-t-elle avec un clin d'oeil en direction de la jeune fille.
Catherine fit passer tout le monde au salon, et entre les programmes télé ponctués de commentaires de Lindsay, les interruptions du livreur et le bagoût naturel des deux adolescentes, le reste de la soirée passa rapidement. Les deux collègues purent à peine échanger quelques mots et c'est finalement avec soulagement que Catherine ouvrit la porte à la mère d'Hannah lorsque vingt-deux heures eurent sonnés.
Les filles se préparèrent alors rapidement, Lindsay embrassa sa mère et Sara tandis que Hannah les saluait d'un grand signe de main.
- Ne vous inquiétez pas Mme Willows, je ne leur laisserai pas faire n'importe quoi ! Ajouta la mère d'Hannah en quittant la maison.
- Merci beaucoup...
- Et au fait, vous pouvez ne venir que demain soir pour récupérer Lindsay, elle ne me dérange pas au contraire, je pourrai les emmener au cinéma...
- Je vous remercie, c'est très gentil, acquiesça Catherine d'un signe de tête.
- Parfait alors je vous laisse aller vous reposer... C'est tellement dommage de devoir travailler si tôt un samedi matin... Bon courage à vous !
- Merci, bonne soirée aussi, bye les filles ! termina la blonde avec un signe de la main en direction de la voiture, avant de finalement refermer la porte en soupirant.
- Dur de la laisser partir ? Demanda Sara en voyant l'air affecté de Catherine
- Un peu...
Sara hocha la tête silencieusement.
- Bon, je vais te laisser à mon tour, je ne savais pas que tu étais d'astreinte demain...
- Oh, non, ne t'en vas pas...
Sara la regarda d'un air interrogateur. Catherine se sentit un peu rougir en enrobant encore la vérité comme elle l'entendait.
- Je ne travaille pas demain matin, Lindsay voulait aller passer la nuit chez Hannah mais elle voulait également te voir, alors on a trouvé qu'un petit mensonge sur mon emploi du temps pourrait arranger tout le monde...
La grande brune esquissa un sourire.
- Je vois...
Finalement, Sara se laissa entraîner jusqu'au salon. Les deux femmes s'installèrent sur le sofa, et Catherine apporta la bouteille de vin ainsi que deux grands verres. Son plan se déroulait pour le moment comme prévu, mais si elle voulait le mener à bien il lui fallait boire un peu et, accessoirement, faire boire Sara pourrait également lui faciliter la tâche.
Catherine réfléchissait en versant le liquide pourpre dans les verres. Lorsqu'elle avait élaboré ses plans pour mener à bien son défi, elle avait dû prendre en compte beaucoup de paramètres, mais il y en a un qu'elle avait royalement oublié : Les sentiments.
En effet, coucher ne signifiait pas grand chose pour Catherine. Du temps où elle était strip-teaseuse, elle avait fait ça des dizaines de fois sans n'éprouver aucun sentiment envers ses amants d'un soir, et cela ne lui avait jamais réellement posé de problème.
Là, elle était partie du principe que ce serait la même chose avec Sara. Qu'il lui suffirait de faire naître le désir dans les yeux de la grande brune l'espace d'une soirée, et qu'elles pourraient toutes deux facilement oublier cet acte sans conséquence, et reprendre le cours de leurs hostilités dès le lendemain.
Mais plus le temps passait plus elle se disait qu'elle s'était véritablement plantée. En une semaine à peine son regard sur sa collègue avait changé du tout au tout, et elle avait bien senti la même chose dans les yeux de Sara. Une amitié commençait à voir le jour entre elles. Et si Catherine appréciait beaucoup de découvrir les faces cachées de Sara Sidle, elle devait bien admettre qu'elle n'avait jamais intégré le fait qu'elles puissent toutes deux devenir amies, dans aucun de ses plans. Et que le défi devenait donc de plus en plus dangereux.
Ainsi, elle finissait par s'interroger sérieusement, se demandant si ce petit jeu valait vraiment le coup de saborder leur amitié et de mettre un terme à toute relation entre elles ? Catherine n'en savait plus rien, et il lui fallait absolument boire pour éviter de se poser d'autres questions auxquelles elle n'avait pas de réponse.
Elle tendit un verre à Sara, puis s'étendit enfin sur le sofa, avalant une première gorgée de vin, les yeux toujours rivés sur sa collègue. Sara s'installa confortablement dan le fond du sofa, et le silence s'installa entre elles, chacune apparemment absorbée par le fil de ses pensées, se laissant aller à l'alcool, au confort du canapé, et à la simple présence de l'autre.
- Quel genre d'enfant étais tu ? Demanda brusquement Catherine au bout de quelques longues minutes.
La question était sortie de nulle part, brisant le silence sans aucun préalable, et avait fortement surpris Sara, dont les yeux s'assombrirent soudainement. Catherine avait remarqué qu'ils prenaient une teinte légèrement grisée dès que son enfance était évoquée, la même teinte que lors de ses éclats de voix sur des affaires qui la sensibilisaient particulièrement.
- Le genre... solitaire.
- Ne me dis pas que tu as passé ta vie dans tes bouquins ?
- Pratiquement, fit la brune en haussant les épaules.
- Pas de sport ? Pas d'amis ?
- A quoi tu joues ? Demanda suspicieusement Sara, qui cherchait de toute évidence à échapper aux questions indiscrètes de sa supérieure.
- J'aimerai te connaître...
Sara se figea un instant. La connaître. Même si elle pouvait comprendre l'attention, elle trouvait la démarche plutôt présomptueuse alors qu'elle n'était pas certaine de se connaître elle-même.
- Il y a d'autres moyens de connaître les gens que de passer par l'invasion pseudo-psychologique du 'raconte moi ton passé, je te dirais qui tu es'...
- Désolée, je ne voulais pas te blesser, ce n'était pas...
- Je sais, la coupa Sara en soupirant. Je n'ai juste pas tellement envie de parler de tout ça ce soir...
Catherine décida de ne pas insister et préféra changer de sujet. Elle finit son verre et resservit les deux femmes. Elles se remirent à discuter tranquillement, de plus en plus ouvertement à mesure que l'alcool faisait effet, jusqu'à ce que le silence à nouveau prenne place dans la pièce durant de longues minutes.
- A quoi tu penses ? Hasarda Catherine
- Je... A nous...
Un léger frisson parcourut l'échine de Catherine. Sara se mit à rougir et bégaya une vague explication :
- Non, je veux dire... Depuis toutes ces années... Je ne pensais pas qu'on arriverait enfin à passer par dessus la colère et la haine... Pour se parler...
- Il paraît que dans certains cas, la haine est une manifestation d'amour, statua la blonde dans un clin d'oeil provocateur.
Un large sourire irradia le visage de Sara : Catherine était ivre.
- Il paraît, oui, murmura-t-elle en souriant.
- Tu ne le crois pas ? Demanda la blonde en se rapprochant de sa jeune collègue, l'oeil toujours plus brillant de provocation.
- Je... Je ne sais pas... bredouilla Sara dont les joues s'empourpraient peu à peu.
A cet instant, le regard de Catherine se plongea dans le sien et, avant que Sara eut le temps de réaliser, les lèvres de la blonde effleuraient les siennes. Sara sentit son rythme cardiaque s'accélérer intensément, mais ne bougea pas, complètement paralysée entre sa raison qui lui demandait de rompre le contact, et ses émotions qui la suppliaient de céder au désir.
Catherine ferma alors les yeux, avant que sa main ne vienne doucement se placer derrière la nuque de Sara, réduisant finalement à néant l'infime espace qui séparaient encore leurs lèvres.
Le corps de la grande brune sembla parcouru d'interminables frissons, avant qu'elle ne laisse finalement sa raison de côté et qu'elle ne cède à ses désirs, plaçant ses mains tendrement sur le visage de Catherine et succombant au baiser qu'elle lui rendit avec une telle passion que la blonde en vacilla.
Il ne fallut pas plus de quelques secondes avant que les mains de Catherine ne s'aventurent un peu plus loin sur le corps de Sara, glissant de sa nuque à ses épaules, son dos, ses hanches... Chacune de ses caresses étaient si chargée d'intensité que le corps de Sara se tendait un peu plus chaque fois, faisant croître son désir à une vitesse vertigineuse.
Mais lorsque la main de Catherine s'insinua sous la chemise de sa collègue, se posant délicatement à même son dos nu, ce fut une décharge de trop pour Sara, qui se redressa en écartant timidement la main de sa collègue.
Son regard profond et empli d'incertitudes croisa celui de Catherine, plus supplicateur que jamais.
- S'il te plaît... lui murmura-t-elle, prenant ses mains dans les siennes.
Sara ferma les yeux et tenta de reprendre le contrôle de sa respiration. Tout cela était si rapide... Catherine était ivre... Certes elle ne pouvait nier le désir qui émanait du corps entier de la blonde, qui la suppliait de venir le libérer, mais elle n'était pas certaine que sa collègue sache exactement ce qu'elle était en train de faire, ou ce qu'elle lui demandait implicitement. Et elle ne voulait pas -surtout pas- que tout aille trop vite et qu'elles en viennent l'une et l'autre à tout regretter le lendemain...
Ces instants étaient trop précieux pour risquer de tout perdre.
- Catherine, je ne crois pas que ce soit...
- J'ai besoin de toi, Sara...
- Tu as besoin d'eau et de café, Catherine, tu as trop bu...
- Non, j'ai besoin de te sentir contre moi...
L'appel était désespéré. Les yeux de Catherine étaient brillants, brûlants de passion, son corps entier était animé d'un désir presque félin, une sorte de folie animale qui troublait profondément Sara.
- Cath, je n'ai pas envie que tu regrettes demain...
- J'ai envie de toi, Sara... S'il te plaît...
Sara frissonna et les larmes lui montèrent aussitôt aux yeux. Elle détestait l'infime partie de son cerveau qui lui demandait d'être raisonnable et qu'elle ne parvenait pas à faire taire dans le flot de son désir pourtant si puissant.
Combien de fois avait-elle rêvé ce moment ?
Et elle allait tout gâcher à cause d'un peut-être ?
Finalement, les lèvres timides de Catherine vinrent tendrement essuyer les larmes qui coulaient sur ses joues, faisant ainsi céder le barrage de ses dernières retenues. Sara cessa totalement de penser, bascula en arrière jusqu'à ce que son dos ne vienne se caler sur le sofa, et, attirant Catherine dans ses bras, elle s'abandonna entièrement à sa supérieure.
à suivre...
