"Ca fait maintenant une demi heure que Shepard est descendue, cria Liara, essayant de couvrir le bruit des détonations et les grognements des monstres qui les assaillaient. Elle ne devrait plus tarder."

Garrus ne répondit pas.

L'une des premières choses qu'un turien en âge de tenir une arme apprenait était qu'avant de tirer, il devait faire le vide dans son esprit et occulter tout ce qui ne représentait pas un danger immédiat. Pour cela, en situation de stress, tous les turiens se répétaient comme un mantra, la devise de leur clan et Garrus ne faisait pas abstraction à cette règle.

"Un tir, un mort, Vakarian. Concentre-toi là dessus."

Il rechargea son arme avant de pointer le canon sur la plus proche des deux brutes devant lui. Ces créatures étaient colossales et , blessées, elles devenaient enragées, comme un Krogan. Les tirs devaient être précis et efficaces. C'était pour cela que l'Asari avait pour instruction de ne pas les prendre pour cibles.

D'un geste sûr, il ajusta sa visée. Il s'apprêtait à appuyer sur la détente lorsque le Triton émergea des eaux. Dans un grand bruit métallique, la carcasse rouillée et ruisselante d'eau s'ouvrit, laissant le commandant Shepard tombait lourdement sur le sol.

Le turien eut l'impression que le sol s'ouvrait sous ses pieds en voyant le corps inerte s'affaisser.

La jeune femme finit pourtant par bouger, tentant de se relever, sans succès.

C'était assez pour sortir Garrus de sa torpeur.

Les deux brutes également étaient revenues de leur surprise et se dirigeaient maintenant vers l'humaine sans défence. Clairement désorientée, cette-dernière ne semblait pas avoir conscience de leur présence et continuer de ramper au sol, sans direction particulière.

Le turien n'avait plus le temps, ni la marge de manoeuvre nécessaire pour arrêter les monstres avant qu'ils n'atteignent leur proie.

" A moins que... au fusil à pompe... à bout portant.

Liara, ne leur tirez surtout pas dessus... Ca aggraverait les choses, rappela t'il à l'asari en changeant d'arme. A moins qu'il ne soit trop tard pour Shepard... Et dans ce cas là, appelez Cortez , tirez dans le tas et évacuez.

_ Quoi ? demanda l'asari, perplexe.

Mais le turien était déjà à découvert, courant vers les deux brutes, l'arme au poing.

"Garrus, qu'est ce que vous faîtes ?"

Il devait faire vite. Il n'avait que deux balles en réserve et il n'aurait pas le temps de recharger. S'il ne parvenait pas à les tuer en une fois, il essaierait d'atteindre leu cou qui semblait la zone la plus fragile de leur anatomie. Avec ses griffes, ses crocs et toute la force qu'il pourrait.

"Tant que je serais vivant, vous ne toucherez pas à ma Shepard."

Alors qu'il allait sauter sur la créature qui s'apprêtait à achever sa victime, cette-dernière s'arrêta brutalement dans son geste avant de frapper sa congénère.

Le violent impact des deux monstres fit tressaillir le turien. Profitant de cette distraction, il se précipita vers la jeune femme, essayant de la maintenir debout en passant son bras autour de ses épaules et en la soutenant par la taille. Pour autant, Shepard était trop faible pour marcher et ses jambes se dérobèrent. Alors qu'elle perdait conscience, Garrus la prit dans ses bras et se mit à courir vers la navette.

"Cortez, vous me recevez ?

_ Affirmatif, Vakarian.

_Décollage imminent. On a Shepard.

_ Bien reçu. Je sais pas ce que le Commandant a fait mais ça a marché. La voie est libre."

Garrus déposa la jeune femme sur le sol de la navette avant de s'y hisser à son tour.

"Shepard, vous m'entendez ? Si vous m'entendez, serrez moi la main... Allez ! Réveillez-vous !"

Elle était livide. Le turien n'avait jamais vu une telle pâleur sur un humain vivant. La couleur lui rappelait le teint que prenait leurs cadavres dans la morgue du SSC. Du sang avait coulé de son nez et de sa bouche. Scannant son corps avec son OmniTech, Garrus fut soulagé de ne pas constater de blessures majeures. Comme les saignements ne semblaient pas terminés, il la placa sur le côté, de manière à dégager ses voies respiratoires comme il l'avait vu faire plusieurs fois sur des soldats de l'Alliance blessés.

"Elle est en hypothermie. Liara, passez-moi une couverture. Elle est complètement gelée."

Finalement, le commandant reprit conscience dans un sursaut. S'étranglant à moitié, elle émit une série de gargouillements mêlés de quinte de toux. Garrus l'aida à s'assoir, calant son dos contre la paroi du véhicule.

"Ca va, Shepard ? demanda Liara, d'une voix anxieuse.

_ Oui, oui, répondit-elle d'une voix rauque. Ca va... mais j'ai un putain de mal de tête.

_ Le Dr Chakwas est prévenue. Elle s'occupe de vous dès qu'on arrive. Vous allez avoir droit à un check-up complet.

Shepard fit une légère grimace.

"Euh... Merci. Je n'en demandais pas tant"

Elle se releva en se raclant la gorge.

"Vous n'auriez pas un peu d'eau ? J'ai du sang plein la bouche. C'est ignoble. Comment je me suis fait ça d'ailleurs ?

_ Tenez", répliqua seulement Garrus en lui tendant une bouteille.

Shepard se troubla en croisant son regard sombre.

"Houlà, il est colère."

Elle jeta un coup d'oeil aux deux autres occupants du véhicule. Ils ne semblaient pas avoir remarquer la mauvaise humeur du turien mais elle avait eu tout le temps d'apprendre à reconnaître les expressions faciales de son compagnon. Et elle savait aussi qu'ils n'auraient pas l'occasion de s'expliquer avant un moment entre le check-up médical et les divers débriefings qui s'annonçaient.

"Hum... Merci, Garrus. "

Elle lui adressa un sourire timide, essayant d'un regard de lui envoyer tous les signaux d'apaisement qu'elle pouvait. Il sembla comprendre car son regard s'adoucit un peu.

"Bon, alors, Shepard, demanda t'il finalement en s'accrochant à l'une des poignées suspendues du vaisseau. Qu'est-ce qui s'est passé en bas ?

_Je les ai vu. Les Leviathans... Ils sont bien réels, Garrus, s'exclama t'elle, essuyant en même temps le sang sur son visage. Et bien plus puissants que tout ce qu'on aurait pu imaginer. C'est d'ailleurs peut-être pas forcément une si bonne nouvelle que ça, mais dans l'immédiat, ils vont se battre contre les Moissonneurs. Et c'est ce qui compte...

_ C'est eux qui ont poussé les deux brutes à s'entre-tuer ?" demanda Liara.

Shepard jeta un regard confus à l'asari.

"Quelles brutes ? demanda t'elle.

_ Celles qui s'apprêtaient à repeindre le sol avec vos entrailles quand vous êtes sortie, à moitié inconsciente, de votre robot tout rouillé, lui répondit Garrus, d'une voix dont le calme était démenti par la contraction de ses mandibules. D'un coup, elles se sont mises à se battre en elle. C'est la distraction qui m'a permis de vous récupérer.

_ Sûrement", répondit Shepard, assimilant ce qu'elle venait d'entendre.

Elle avait donc failli mourrir, ce qui devait donc avoir un rapport direct avec la soudaine colère de Garrus à son encontre.

"Commandant, intervient Cortez depuis le cockpit. Vous avez une communication d'Ann Bryson.

_ Ok, on prend Cortez."

L'image de la scientifique apparue dans l'écran de communication du vaisseau.

"Commandant ? Comment allez-vous ?

_ Ca va, Ann. Merci. Et vous ?

_ Oui. Je n'ai rien. Alors, vous avez trouvé le Léviathan, il en valait la peine après tout ce qui s'est passé ?

_ On l'a trouvé. Je ne sais pas quoi penser d'une telle puissance mais ils vont affronter l'ennemi au lieu de se cacher.

_ C'est incroyable.

_ Oui... J'ai du mal à en croire mes propres souvenirs. Je ne sais pas si ça tient du livre de conte ou d'Histoire mais ils sont réels et partent en guerre contre les Moissonneurs...

_ J'aimerai qu'on puisse revenir en arrière pour venir avec vous cette fois. Voir ces créatures en lesquelles mon père a toujours cru. Au point d'en perdre sa vie."

Shepard eut une petite moue réservée.

"C'était... une expérience particulière. Sans vouloir vous vexer, je ne tiens pas vraiment à la revivre."

Avant que le Dr Bryson n'ait eu le temps de répondre, un puissant sifflement se fit entendre derrière les trois femmes, les faisant sursauter. Même si elle n'en avait jamais entendu, Shepard n'eu aucun mal à reconnaître ce signe d'avertissement qu'utilisaient les turiens entre eux pour signifier qu'ils atteignaient leur limite de conciliance.

"En effet, ne refaîtes jamais çà", gronda le turien.

Le commandant hocha la tête.

"Désolée, Garrus. Je vous en dois une, encore une fois.

_ Ouais... Ca se revaudra bientôt, Commandant" se contenta de répondre Garrus, son visage gardant une expression neutre.