"Et est-ce que tu peux me rappeler ce qu'on fait à patauger dans un marais sordide une nuit de pleine lune?!
-Comme si tu ne le savais pas...
-J'aime bien te l'entendre me le rappeler. Ça fait passer le temps entre les moustiques et les sangsues...
-Il faut toujours que tu voies les choses de façon négative.
-C'est juste que ça fait trois nuits qu'on crapahute dans ce bourbier, et toujours aucune apparition ni aucun feu-follet. Alors oui je me demande si tout ça au final c'est pas du flan!
-Un chasseur comme toi qui refuse de croire aux feu-follets?!
-Je ne dis pas que je n'y crois pas. Simplement...pas ici.
-Parce que tu as un détecteur de feux-follets intégré, Dean?"
En guise de réponse, Dean se contenta de se retourner et de hausser les épaules. Évidemment qu'il n'avait pas un sixième sens pour détecter les feux-follets. Et il n'en avait pas besoin. Ce n'était en général pas le genre de créatures qu'ils chassaient avec son frère. Pas assez meurtrier, ni assez dangereux... Lui, il faisait plutôt dans le loup-garou, le vampire, le fantôme ou le démon, pas dans la petite boule de lumière immatérielle qui ne faisait pas de mal à une mouche! Mais il n'y avait eu aucune autre chose depuis quelques semaines, et ils commençaient à tourner en rond. Alors les feux follets, c'était mieux que rien pour s'occuper.
Il soupira, et continua d'avancer au travers du bourbier. Il devait bien reconnaître tout de même que cette affaire avait des aspects assez intéressants. Personne dans les villages alentours n'avait remarqué de feux follets pendant des années, et subitement, ce dernier mois, les petites lumières étaient apparues dans les marais qui bordaient les champs. Il n'en aurait pas fallu plus pour embraser l'imaginaire populaire, mais peu de temps après, les enfants se mirent à disparaître. La police avait d'abord évoqué la thèse de la fugue, puis de l'enlèvement. Mais un témoignage avait changé la donne. Une mère inquiète pour son fils de 10 ans avait décidé de le veiller toute la nuit afin que rien ne lui arrive. La première nuit où la pleine lune brillait de tous ses feux sur les marécages, elle avait entendu du bruit venir de la chambre de son enfant. N'écoutant que son courage, elle se précipita, ouvrit grand la porte, et vit en sortir son fils, les yeux grands ouverts, le regard hagard, qui ne s'arrêta pas malgré les supplications qu'elle lui lançait. Elle essaya alors de le retenir par le bras, et celui-ci, avec une force impossible pour un enfant de son âge, la repoussa brutalement et violemment au point que la pauvre mère fut précipitée contre le chambranle de la porte de la chambre d'enfant. Elle témoigna plus tard avoir perdu connaissance à ce moment-là et n'être revenue à elle que lorsque les premières lueurs de l'aube éclairaient timidement le couloir où elle était étendue. Depuis, personne n'avait plus vu son enfant, et les langues superstitieuses murmuraient déjà qu'il avait été emmenée par les esprits des marais. Cette multiplication des disparitions avait été suffisante pour pousser les Winchesters à venir faire un tour dans les environs. La liste des victimes devenait assez longue pour que Bobby ait fortement insisté pour qu'ils aillent jeter un coup d'œil là-bas. En l'absence de toute activité démoniaque, ils n'avaient pas mieux à faire. Et si les esprits s'en prenaient aux enfants, on restait dans l'affaire familiale de chasser des monstres et sauver des gens, non?
Et c'est ainsi que les célèbres (dans leur domaine) Dean et Sam Winchester se retrouvaient à courir dans un marécage poisseux et puant, dans l'espoir de trouver un quelconque signe des enfants disparus, ou au moins des feux-follets que l'on accusait de tous les maux dans le village. Mais jusqu'à présent, aucune chance, ni pour les uns, ni pour les autres. Et rentrer bredouille tous les matins commençait à user les nerfs de l'aîné des deux frères. Surtout qu'il restait persuadé qu'il y avait des chasses plus intéressantes qui n'attendaient que lui...
Il fut interrompu dans ses pensées par Sam qui l'appelait un peu plus loin.
"Viens voir ça, Dean!
-Quoi donc? Une plante carnivore? Une crotte de putois, demanda-t-il sarcastiquement.
-Non, une trace humaine."
Dean se précipita à l'endroit où était agenouillé son cadet. Il y avait bien là une trace qui se détachait sur la terre détrempée d'eau crasseuse. Et pour qu'on la voie aussi nettement, il fallait qu'elle soit très fraîche. Tellement fraîche qu'elle ne pouvait pas dater de plus d'une heure...Il vit dans le regard de Sam que celui-ci se faisait la même remarque.
"On était déjà à tourner dans le coin quand cette trace a été faite. On l'aurait vu, dit-il sobrement.
-Peut-être pas, répondit Sam. Il fait noir, et il y a une légère brume. On a pu passer à côté.
-Alors ça ça m'étonnerait! Passer à côté de la seule agitation de la nuit, pas mon genre, répondit Dean en râlant. Non par contre..Il y a quelque chose d'encore plus étrange que la fraicheur de la trace...
-Et c'est?
-Leur nombre..."
Enfin, son nombre aurait été plus correct. Il n'y en avait qu'une. Une seule trace que l'on pouvait voir. Alors à moins que son propriétaire ne se soit baladé à croche-pied dans les marais en faisant des sauts de plus de deux mètres, c'était totalement illogique. Dean sourit. Il aimait quand les investigations tournaient à l'illogique. En général, ça faisait d'autant plus d'informations pour affiner les recherches (même si en général ce n'était pas lui qui s'occupait du volet recherche dans leur business familial). D'après la taille de l'empreinte, c'était un enfant. Ce qui correspondait précisément au genre d'empreintes qu'il s'attendait à trouver, puisque les feux-follets n'avaient pas de pieds. Mais pourquoi une seule trace de pied (gauche d'ailleurs...Il n'arrivait plus à se souvenir si c'était sensé porter bonheur ou pas...)? Si l'enfant s'était baladé dans les marais, il y en aurait beaucoup plus. Même s'il était arrivé en volant, il aurait posé les deux pieds par terre, pas un seul...
"Il n'y avait pas d'unijambiste au village pourtant, dit-il, plus pour lui-même que pour avoir une confirmation.
-Pas que je me souvienne...Et ça n'explique pas le fait que ce pied semble sortir de nulle part!
-Cette empreinte.
-Quoi?
-Tu as dit "ce pied", je rectifie en "cette empreinte". Si on avait un pied seul sur cette tourbière, on serait déjà plus avancés...
-Et en quoi?
-On pourrait savoir ce qui a arraché le pied de la jambe à laquelle il appartenait. Mais là...
-Une empreinte, hein, dit Sam, l'air pensif. Mais sans rien autour, ni rien dedans. Ce qui en dit long.
-Que l'enfant a juste posé un pied en arrivant de nulle part?
-Ou tout du moins que les autres empreintes s'il y en avait ont été effacées.
-Pour faire croire à quelque chose de surnaturel?
-On va vite voir."
Sam fouilla dans son sac et en sortit une fiole et une petite boîte en carton. Le liquide de la fiole brillait faiblement sous le halo lunaire, et il la déboucha avec la plus grande délicatesse, en marmonnant quelques mots. Son frère commença à poser une question, mais il l'interrompit d'un geste. Avec toutes les précautions du monde, il laissa couler quelques gouttes du liquide brillant sur l'herbe grasse de l'empreinte, foulée par un seul pied de petite taille. Au moment où les gouttes éclaboussaient l'herbe déjà humide, une réaction se produisit et avec un grand flash lumineux et un grésillement, de la fumée blanche commença à s'élever du point de contact. Sam fronça les sourcils.
"Ce n'est pas bon signe, demanda prudemment Dean.
-Oui et non... C'était une décoction vaudou pour...repérer les esprits en peine. Je voulais voir si c'était efficace, continua-t-il pour répondre à l'interrogation de son frère. Je veux dire plus efficace que la détection d'ondes électromagnétique. Tu connais l'histoire des feux follets? Des esprits sans sépulture, et sans possibilité de trouver le repos...Des esprits ne reposant pas sur des terres consacrées, ça laisse toujours des traces ectoplasmiques. Mais dans le cas des feux follets, ils sont apparemment plus sensibles à la bonne vieille magie qu'aux modes de détection modernes. Pour ça que certains chasseurs disent qu'ils ont disparus, alors qu'au final ils sont encore bien actifs dans certains parties du pays.
-Ça confirme qu'on a affaire à des feux-follets donc?
-Oui. Enfin, ça confirme qu'on a affaire à quelque chose de suffisamment ancien et maléfique pour réagir comme ça à du vaudou. Quoi que ce soit, ça relève de notre domaine. Pas besoin de partir tout de suite, dit-il en rangeant la fiole.
-Et la boîte? Demanda Dean.
-Ça? C'est ma réserve de sel, répondit-il tout simplement. On sait que les fantômes et les esprits apprécient pas. Donc, si j'en jette dans son eau, ce quelque chose risque de sortir en étant très énervé contre nous. Je te conseille de reculer.
-Je te couvre, dit Dean en sortant son pistolet."
Pendant que Dean reculait prudemment de quelques pas, Sam ouvrit précautionneusement la boîte et attrapa une grosse pincée de sel. Vu la réaction que la trace avait eu devant le révélateur d'esprit, il se doutait bien que la créature ne serait pas ravie de recevoir du gros sel dans la figure. Et avec sa chance naturelle, c'est lui qui en ferait les frais. Il ne savait pas ce que les créatures surnaturelles lui reprochaient, mais il leur servait plus souvent de punching-ball ball que son grand frère. Mais il fallait qu'il voie précisément à quels genres d'esprits ils avaient à faire. Ce n'était pas tout de savoir ce qui était arrivé aux enfants, il fallait aussi savoir comment on allait l'arrêter, puisqu'il était peu probable qu'il ne retrouve ceux qui avaient déjà disparus dans un état qui pourrait satisfaire les parents. D'un léger hochement de tête, Dean lui faisait signe qu'il était prêt et qu'il attendait. Facile quand ce n'était pas lui qui allait jeter ce qui ferait l'effet du napalm dans la mare surement remplie d'esprits sans repos, et sans une arme à la main en plus. Enfin, mon corps est une arme pensa-t-il avec un petit rire. Que ce soit à cause de l'entraînement et de l'habitude du combat que leur père leur avait inculqué depuis tous jeunes, ou que ce soit à cause de ses...capacités qu'il ne comprenait pas encore tout à fait. En tout cas, il n'allait pas se laisser faire par de simples feux-follets. Il lança le sel le plus loin possible dans les marais, un peu comme on voudrait nourrir un canard galeux. Non pas qu'il ait jamais voulu nourrir un canard galeux...
"Si tu as peur, Samantha, je peux le faire à ta place, lui lança Dean avec un sourire en soin.
-Je réfléchis au meilleur endroit pour lancer ça. C'est différent. Je n'ai pas peur pour si peu...
-Si tu réfléchis trop, tu vas te faire un claquage de neurones..."
Même s'il savait pertinemment bien que ce n'était qu'une provocation, il n'allait pas pour autant se laisser dire qu'il pouvait avoir peur de quelques loupiotes des marécages. Il lança le sel qui plongea dans l'eau saumâtre avec un plop sonore. Il recula de quelques pas, attendant l'esprit enragé qui allait surgir pour venger l'agression qu'il venait de subit en plein cœur de son territoire. Il attendit, cinq secondes, dix secondes, mais rien.
"Pour quelque chose qui n'apprécie pas le sel à ce point, je le trouve plutôt diplomate ton esprit, se moqua Dean. Ça marche moins bien qu'un bon vieux détecteur d'EMF au final. Enfin, faut pas t'en vouloir à ton âge, on veut toujours faire plein de nouvelles expériences...
-Dean, sérieusement. Ça marche, il y a quelque chose.
-Alors ce n'est peut-être pas dans l'eau qu'il faut chercher.
-Comment ça?
-Il y a d'autres endroits où ils pourraient se cacher. Je sais que les feux follets se cachent en théorie dans l'eau et n'en sortent que rarement pour attirer leurs proies...Mais on a peut-être fait fausse route depuis le début. Si ce ne sont pas des feux follets qui ont enlevé les enfants, ça ouvre de nouvelles possibilités, et ça explique aussi pourquoi on a rien trouvé depuis qu'on est ici. Après tout, personne n'a vu les enfants se diriger vers les marais.
-Dans ce cas, comment tu expliques l'empreinte qui avait assez de résidus spirituels pour faire un petit feu d'artifice?!
-J'ai simplement dit que ce n'était peut-être pas des feux follets, ça n'exclut pas une intervention spirituelle pour autant. Seulement, ça peut aussi bien en être une plus commune, un simple revenant ou quelque chose comme ça.
-Je ne sais pas...
-Allez, on va arrêter ici pour ce soir de toute façon et se remettre en route vers le village. On reprendra nos investigations demain sur une nouvelle piste. Ça ne peut de toute façon pas nous faire de mal de regarder les choses sous un nouvel angle. Et dis-toi que ce n'est pas la première fois non plus que notre idée de départ ne se retrouve pas confirmée.
-En même temps, avec le peu de renseignements qu'il y avait dans les journaux, on n'avait pas assez de matière à travailler.
-Précisément, conclut Dean en poussant Sam dans le dos pour qu'il avance. La nuit nous portera conseil. Et demain, tu te remettras à chercher!
-¨Pourquoi moi, geignit Sam.
-Parce que tu veux plus que je touche à ton ordinateur, je te rappelle."
Au moment où les deux chasseurs s'éloignaient, l'eau commença à s'agiter faiblement, quelques vagues d'abord, à un seul endroit, puis dans plusieurs, comme si l'onde se propageait sur toute la surface de l'eau. Une lente clameur s'élevait des profondeurs du marais, une plainte portée par des dizaines de voix enfantines désincarnées. Comme un chant lugubre, leur voix étaient portées par le vent qui mugissait doucement avec eux "Pitié...Aidez-nous...J'ai mal...Pitié..." A ce bruit, les deux frères firent volte-face pour voir s'élever du marécage des dizaines de petites lumières qui semblaient surgir de l'eau, des flammes tremblotantes qui virevoltaient dans le vent de la nuit. Des flammes froides, comme des myriades de petites étoiles, comme le reflet de la Voie Lactée, mais dénuée de toute chaleur, et presque de toute beauté.
C'était un spectacle glaçant. Toutes ces lumières dans la nuit, semblables à des dizaines de bougies sur le point de s'éteindre, des bougies trônant sur la surface ridulée de l'eau. Dans chacune d'elles, on pouvait distinguer un visage qui semblait en proie aux pires tourments, mais tous étaient des visages jeunes, des visages d'enfants, du nouveau-né au jeune garçon qui se rapproche de l'adolescence. Ils étaient tous là, tous les âges de l'enfance, à les regarder de leurs yeux aveugles qui ne s'ouvraient que sur des flammes froides, sur le point de s'éteindre à chaque instant. Ils avaient tous la bouche grande ouverte, dans une plainte infinie et sourde. Et toujours le vent portait leur chant, mais le son était partout à la fois, et ne semblait pas provenir de leurs bouches en particulier. Ils étaient comme au milieu de la tempête, au milieu du naufrage, les visages des noyés les entourant de toute part, mais ces visages-là étaient de feu. La pleine lune rendait le spectacle encore plus saisissant qu'il ne l'était, au point de faire naître des frissons dans la nuque des chasseurs les plus endurcis. Les feux follets étaient innombrables, ils étaient partout à la fois, et même sans bouger, ils donnaient l'impression d'une armée de flammes vacillantes en marche. Tellement d'esprits sans repos criaient leur douleur, leur haine pour les vivants, mais aussi leur solitude. Car malgré leur multitude, c'était comme s'ils ne se voyaient pas les uns les autres. Ils étaient seuls dans le noir, toutes ces petites lumières comme autant d'âmes totalement seules au monde, sans espoir de repos, sans espoir de rédemption. Ni enfer, ni paradis, juste la solitude, la douleur et les regrets, l'une des pires situations qu'une âme pouvait connaître.
Sam pensa tout ça en un instant, en un coup d'œil sur ses visages tordus sur une plainte éternelle et en eut un pincement au cœur. Il avait toujours eu plus de pitié pour les créatures surnaturelles que Dean. Il savait que les feux follets étaient là, mais ils savaient aussi que ceux-là n'avaient rien de maléfique et qu'ils n'étaient pour rien dans la disparition des enfants. Ils avaient confondu les symptômes et la cause. Quelque chose faisait disparaître les enfants, quelque chose qui pervertissait leur âme au point de leur fermer les portes de l'après-vie pour les obliger à continuer sous cette forme, des étoiles froides dans un marais oublié de Dieu.
"On s'est trompés, murmura-t-il, autant pour lui-même que pour son compagnon. Ce ne sont pas les feux follets qui ont fait disparaître les enfants, ce sont les enfants disparus. Il y a quelque chose d'autre, de mauvais dans ce village.
-Mais quoi?
-Ça, je n'en ai pas la moindre idée, mais j'ai la ferme intention de le découvrir."
Les deux Winchester décidèrent donc d'arrêter leurs investigations pour la nuit, et de retourner au village où apparemment la clé du mystère les attendait. C'aurait été tellement plus facile si les feux-follets avaient pu emmener les enfants et les noyer dans le marécage. Il suffisait de draguer le marais et de brûler tout ce qu'on y trouvait, et l'affaire aurait été résolue en un rien de temps! Mais là, il fallait aller au fond de l'affaire. Sam ne comptait plus le nombre de créatures fantastiques, voire moins fantastiques, qui pouvait en vouloir aux âmes innocentes des enfants, composant ô combien intéressant pour quiconque veut faire de la magie noire, ou rouge. Ce n'étaient pas les mobiles, ni les suspects qui manquaient. Le bon côté des choses, c'est que Dean et lui n'auraient plus besoin de patauger dans la gadoue en espérant voir un des enfants chanceler dans les eaux saumâtres et piégeuses du marécage. Au moins, l'humeur de son frère ne pourrait que s'améliorer par la suite. Par contre, tant qu'ils n'avaient pas une piste sérieuse, il fallait partir du principe qu'ils étaient entourés de coupables, qui se mettraient d'autant plus sur la défensive qu'ils se douteraient que les deux hommes étaient sur leur piste. Ils entrèrent tous les deux dans la chambre qu'ils avaient pris dans un motel. La fenêtre unique donnait sur une place aux abords de la petite ville, au centre de laquelle trônait une fontaine ornée de sculptures : des verseaux, des dauphins, et une nymphe sortant des eaux dressée fièrement sur une conque ornée de petits coquillages.
"Je vais aller prendre une bonne douche pour m'enlever cette odeur de vase, déclara Sam, en fronçant le nez d'un air légèrement dégouté. Et tu ferais bien de faire autant, Dean!
-Je ne sens pas la vase! Enfin...Pas trop..Bon, OK, j'irai après toi! Ne prends pas toute l'eau chaude!
-Je n'entends plus rien!"
Dean attrapa un calepin qui traînait dans la valise de son frère, et attrapa un crayon. Il fallait penser à un plan d'attaque. Par quoi commencer? Peut-être interroger les parents des enfants disparus pour avoir plus d'indices? Après tout, ils n'avaient que les compte-rendus des journalistes, qui étaient plus que succincts, surtout quant aux éléments qui pouvaient mener sur des pistes surnaturelles. Il y aurait peut-être dans les différents témoignages un point commun qui les lancerait sur la bonne piste. Sinon, ils pouvaient demander à Bobby s'il y avait eu des signes de manifestations fantastiques dans le périmètre. En détectant des activités paranormales, ils arriveraient peut-être à trouver l'origine de la disparition des enfants. Sinon, il restait l'option d'attendre une nouvelle disparition et d'intervenir à ce moment-là. Mais l'inaction n'était pas son fort. Il lui fallait quelque chose à faire et vite. Il forma donc rapidement les premières étapes d'un plan dans sa tête.
Dès le lendemain, il irait donc interroger les parents des différentes victimes dans l'espoir d'apercevoir quelque chose qui aurait échappé à la police traditionnelle. Ensuite, son instinct de chasseur n'aurait plus qu'à faire le reste. Il pourrait également demander à Sam s'il ne pouvait pas trouver une autre explication pour les feux-follets qui seraient plus précises que "des âmes en peine qui ne sont pas enterrées en terre consacrée". Si seulement on pouvait parler au feux-follets, et s'ils étaient capables de répondre! Mais la communication avec les morts n'était pas quelque chose qu'on pouvait faire sans arrêt et sans payer le prix fort. Et rien ne prouvait non plus que les enfants aient vu ce qui leur était tombé dessus au moment de leur mort. Avec un soupir, Dean se laissa tomber en arrière pour s'étendre sur le lit. Il fixait le plafond, comme si celui-ci pouvait lui donner la solution au problème. Il avait dû s'assoupir car il n'entendit pas Sam venir à côté de lui, et ne se réveilla que lorsque celui-ci lui posa la main sur l'épaule.
"Ne te fait donc pas autant de soucis. On y arrivera, on trouvera ceux qui leur ont fait ça, je te le promets.
-Je ne me fais pas de soucis pour ça... Non, je ne vois juste pas la route à suivre.
-On va aller interroger les parents des victimes. Et si ça ne donne rien, on demandera à Bobby de nous dire si de l'activité paranormale a été détectée dans la région. On y arrivera, on ne se fait pas une réputation comme la nôtre sans raison."
Dean sourit intérieurement, de voir que son petit frère avait exactement les mêmes idées sur la marche à suivre. Comme quoi, il y avait certains réflexes qui étaient bien installés chez les Winchester.
"Et je pense même, continua Sam, qu'il vaut mieux y aller à deux plutôt que seuls séparément. On couvrira moins de terrain, mais si des détails échappent à l'un, ils n'échapperont pas à l'autre. Et de toute façon, on ne va pas aller les voir à cette heure-ci! Donc, tu vas prendre ta douche, parce que je ne dors pas à côté d'un marécage ambulant, et tu vas dormir, que tu ne t'endormes pas au nez des parents des victimes. Ça ne fait pas très professionnel.
-D'accord, d'accord..."
Dean se releva, s'enferma dans la salle de bains. Vu l'heure qu'il était, il n'était plus temps de passer des heures sous la douche pour se détendre et décontracter ses muscles fatigués. Il s'avança sous la douche, alluma l'eau, constata avec plaisir que Sam lui avait laissé de l'eau chaude, et laisse le jet laver au loin ses soucis et ses courbatures de la journée.
