Suite à certaines reviews et messages privés (mais aussi parce que de nouvelles idées ont germé), j'ai eu envie de donner une "suite" à l'histoire entre Spencer Reid et Fran Graham. Oh, bien entendu, sous couvert d'une nouvelle enquête, cette fois-ci un peu particulière. Fran n'est pas si importante au point de mériter une fanfiction tournée uniquement autour d'elle !
Cette nouvelle histoire est donc la suite de "The Dead Shall Be Raised" ; je reprends beaucoup d'éléments du dernier chapitre. Beaucoup m'ont réclamé "la" scène romantique entre ces deux protagonistes ; vous l'aurez... mais pas tout de suite :)
Patience !

Je ne garantis pas une publication aussi régulière que pour "The Dead Shall Be Raised".

Les personnages et l'univers de "Criminal Minds" ne m'appartiennent pas. Seule Fran est de mon invention.

En attendant : Laurie, TheLandOfRisingSun, Dream, RikiCassie, Emeraude-san, Cid Hauvent, xQuelqu'une, nono-mimi, so-apple33, Miss Homme Enceinte, et tous les invités nommés "Guest"... et tous ceux qui, anonymement, m'ont écrit, pour m'encourager, me donner leur avis, ou simplement me remercier ; merci à vous ! je n'avais pas eu forcément l'occasion de le faire pour "The Dead Shall Be Raised".

Bonne lecture !

Nemesis.

Prologue.

Imaginons.

Imaginons que Reid ait préféré prendre l'ascenseur, malgré sa claustrophobie, ou parce qu'il avait 75,8% de chances de ne pouvoir monter les quatre étages avec sa patte folle ; qu'il ne tergiversât si longtemps, torturé par tous les scénarios pessimistes ; que les stores de la chambre de Fran aient été baissés ; qu'il choisît tout de même de frapper à la porte, interrompant les retrouvailles ; ou que Fran l'ait aperçu, et invité à entrer...

Et si les parents, le frère et la nièce de Fran avaient, tout simplement, été retardés ?

oOo

Reid savait parfaitement où était la chambre de Fran, et s'il avait eu connaissance du raisonnement de Morgan, il aurait sans doute préféré disparaître sous terre, écrasé par la gêne, plutôt que de reconnaître qu'il avait raison. Il avisa l'ascenseur à peine deux secondes avant de décider de prendre l'escalier, malgré sa jambe. Tandis qu'il grimpait tant bien que mal les quatre étages, Reid réfléchissait toujours à ce qu'il allait bien pouvoir dire. Ses pensées étaient saturées de « et si », et d'incertitudes. À plusieurs reprises, le jeune homme s'arrêta au beau milieu de l'escalier, redescendant plusieurs marches, se ravisant, remontant, recommençant. Il repoussa plusieurs fois ses cheveux derrière ses oreilles, dans un geste nerveux, maltraita la sangle de sa besace, se mordit les lèvres. Il finit cependant par arriver sur le palier concerné et ouvrit la porte qui donnait sur le couloir principal.

Les murs de ce corridor avaient pour particularité d'être constitués d'immenses baies vitrées, si bien que les infirmiers et les curieux, si les stores n'étaient pas baissés, pouvaient voir à l'intérieur des chambres.

Fran était allongée sur le lit, sa jambe plâtrée sortant des couvertures. Sur ses bras nus s'imprimaient des hématomes impressionnants, rassemblant les couleurs les plus sombres de l'arc-en-ciel, contrastant avec la tenue bleu délavé de l'hôpital, dont les manches courtes s'arrêtaient sous les épaules.

Sur le cou de la jeune femme, les stries étaient imbibées d'antiseptique. Son visage portait lui aussi les marques des derniers jours – cernes, coupures, ecchymoses tirant sur le jaune et le vert.

Elle lisait un magazine – ou du moins, essayait ; Reid vit les bandes de gaze et de sparadrap qui couvraient, de façon peu seyante, ses doigts, ses paumes et ses poignets, alors que Fran tentait maladroitement de tourner une page.

Reid prit une grande inspiration et toqua à la porte ouverte.

Durant le très bref instant où Fran levait les yeux, le jeune homme eut le temps de s'interroger – allait-elle lui jeter un regard noir ? lui dire de partir ? l'ignorer superbement, se contentant de parcourir sans les lire les lignes de son magazine ? Reid déglutit – le beau regard de Fran se posa sur lui. Il esquissa un petit geste timide de la main, accompagné d'un sourire nerveux.

Le visage de la jeune femme s'éclaira.

– Spencer, le salua-t-elle en reposant son magazine sur ses jambes. Je pensais que tu avais déjà quitté l'hôpital.

– Je passais dans le coin, avant de partir...

– C'est gentil de venir voir la momie arc-en-ciel, dit-elle avec sarcasme.

Elle l'invita à s'asseoir à côté d'elle, sur le lit.

– Comment ça va ? demanda-t-elle en voyant Reid s'empêtrer avec sa canne anglaise.

– Plutôt bien, grâce à une certaine momie arc-en-ciel.

Fran éclata de rire.

– Tu sais que tu es en train de rêver, n'est-ce pas ? demanda-t-elle soudain.

– Avoir conscience qu'on rêve fait partie du processus de réveil...

Tout devenait inconstant, flou, autour de Fran. Reid lutta pour rester, encore un peu. Il tenta d'attraper la main de la jeune femme – mais ne saisit que des brumes paresseuses.

– Réveille-toi, Reid, fit Fran – ses lèvres bougeaient, mais ce n'était pas sa voix qu'il percevait.

oOo

Il se réveilla au son de la voix de Garcia, couché en chien de fusil sur le sofa confortable du jet, dont le léger tangage l'avait bercé. L'analyste, une main posée sur son épaule, l'appelait doucement.

– Salut, mon prince au bois dormant. On va bientôt atterrir à Heathrow.

Reid se redressa sur un coude, clignant des yeux pour chasser les brumes du sommeil. Le livre qu'il tenait étroitement serré entre ses bras lui échappa et tomba sur la moquette. Garcia le ramassa, avisant le titre – Scottish Gaelic Systemised Grammar and Language.

– Oh, Reid. Pourquoi tu ne lui écris pas ?

Le jeune homme ne trouva pas de réponse et se contenta de reprendre le livre que lui tendait sa collègue. Elle s'assit près de lui.

Plus loin, Rossi, Prentiss, J.J., Morgan et Hotchner discutaient du nouveau dossier.

Trois mois avaient passé. Trois mois durant lesquels Reid n'avait cessé de se reprocher son manque d'audace, tentant de noyer ses regrets par un travail toujours plus acharné. Trois mois durant lesquels pas une seule seconde son esprit torturé ne pensait pas à Fran Isolt Graham, ressassant de façon presque obsessionnelle le moment où, face à la porte de la chambre d'hôpital, il avait rebroussé chemin, pensant laisser la jeune femme à ses parents, son mari et sa fille. « Mais, Reid, » lui avait dit Garcia, désolée, lorsque, de retour à Quantico, il lui avait raconté la scène, « elle ne s'est jamais remariée. C'étaient sûrement les membres de sa famille... » Garcia s'était sentie responsable, voire coupable – après tout, elle n'avait pas donné cette information cruciale, alors qu'elle l'avait en sa possession.

Aidée de Morgan, Prentiss et J.J., l'informaticienne avait alors tenté de convaincre Reid de reprendre contact – un coup de fil, une lettre, n'importe quoi. Sans succès. Et Fran, avait-elle appris, après quelques jours de paperasses et de déclarations aux autorités, était rentrée en Écosse, accompagnée de sa famille.

Désœuvré, Reid s'était intéressé aux civilisations germanique et scandinave, avait relu l'œuvre d'Homère, appris le Beowulf, le tchèque et le gaélique écossais – le livre qu'il emportait avec lui jusqu'à Londres ne constituait qu'un énième précis de grammaire de cinq cents pages, dont il espérait apprendre encore deux ou trois petites choses.

– Reid, je suis certaine que tu lui manques aussi.

– Je suis certain qu'elle ne pense pas à moi une seule seconde, lâcha-t-il avec dépit.

C'était un aveu déguisé, mais il s'en fichait comme d'une guigne. Il rangea son livre dans sa besace. Sa mauvaise humeur et ses gestes brusques attirèrent l'attention de J.J. et Prentiss. Elles jetèrent un coup d'œil interrogateur à Garcia, laquelle hocha la tête en signe d'impuissance.

Le jeune homme regretta immédiatement son attitude. Il n'eut pas le temps de s'excuser auprès de sa collègue et amie ; le jet atterrit dans un choc sourd, et roula sur la piste en direction du terminal.

oOo

Interpol, qui contribuait à l'entente et la collaboration entre toutes les polices du monde, avait contacté le BAU par le biais de Jennifer Jarreau quelques jours auparavant, à la demande de Scotland Yard.

Les enquêteurs anglais étaient sur les dents depuis des mois : des cambrioleurs particulièrement doués sévissaient sur le territoire londonien, ne laissant derrière eux que des messages sibyllins, signés du nom de « Moriarty ». Scotland Yard parvint à remonter la piste d'une association criminelle, recherchée dans certains états américains, et qui avait fui jusqu'au Royaume-Uni – cela ne tarda à leur rappeler Adam Worth, un génie du crime, connu pour avoir servi de modèle à l'ennemi juré de Sherlock Holmes, le professeur Moriarty.

Le dossier était connu du BAU, car l'un des derniers cambriolages sur le territoire américain avait mal tourné – mais les napoléons du crime, suffisamment talentueux, avaient réussi à échapper au FBI. Les vols s'étaient arrêtés aux États-Unis, mais avaient repris à Londres et dans sa proche banlieue. Mêmes cibles, même modus operandi, même signature, mêmes butins.

Alors Scotland Yard, via Interpol, invita l'équipe du BAU à participer à l'enquête sur le sol anglais, en tant que consultante sur l'affaire.

Avant d'embarquer pour Londres, Hotchner avait réuni les membres de son unité pour faire le point. L'épais dossier, une fois que Garcia l'eût extirpé des entrailles labyrinthiques des archives, ne leur apprit rien de vraiment neuf. Le système était bien rôdé : les cambrioleurs effectuaient de longs repérages, minutieux et patients, puis s'organisaient en plusieurs équipes, que Morgan avait résumées en quatre termes – diversion, effraction, camouflage, action. Souvent, les suspects interrogés ne participaient qu'involontairement au cambriolage, ou disaient agir sous les ordres d'une personne, ou deux, ou trois. Prentiss estimait qu'une telle organisation nécessitait des moyens logistiques et financiers difficile de croire qu'il n'y avait qu'un seul cerveau. Les équipes scientifiques ne relevaient pas d'empreintes, les systèmes de vidéo-surveillance étaient soit inactifs, soit adroitement piratés, faisant rager Garcia, qui ne parvenait que rarement à obtenir des données, inexploitables.

oOo

Ce printemps londonien était froid et humide. Une bruine légère tombait, les pénétrant jusqu'à l'os, alors qu'ils descendaient du jet et gagnaient l'abri du terminal, tirant leurs valises derrière eux. Un vigile leur fit passer les cordons de sécurité et les guida jusqu'au hall principal, où une foule énorme se pressait, noyée par les annonces sur les haut-parleurs et la cacophonie de conversations multilingues.

Deux véhicules de Scotland Yard devaient les attendre à la sortie de l'aéroport et les conduire à leur hôtel ; aussi se frayèrent-ils un chemin jusqu'aux portes d'entrée.

Dans la cohue, Reid se laissa distancer, trébucha, se rattrapa à un homme furibard, s'excusa platement auprès de lui, et en se retournant, percuta une femme de plein fouet.

oOo

Dans toutes ses vaines et folles espérances, Reid songea qu'il rêvait, que les rouages de son cerveau lui jouaient des tours – comme si, longtemps privé de tout repère sensoriel, il projetait de toutes pièces l'obsession qui le tourmentait.

Le jeune homme se dit que ce n'était tout simplement pas possible, que cela faisait partie de son rêve, et que bientôt Garcia le réveillerait avant que le jet n'atterrisse à Heathrow.

Ce ne pouvait pas être Fran.

oOo