Juste un petit OS que j'ai écrit l'autre nuit... Bon c'est le premier OS et le premier "drame" que j'écris donc je suis plutôt fière d'avoir réussi l'exploit ^^

Bonne lecture :)


Rien n'a changé, tout est juste différent...

Elle s'avance. Inlassablement. Ses pas ne sont pas assurés jusqu'à l'imposante pierre commémorative mais elle s'accroche de toutes ses forces à sa canne. Il faut qu'elle arrive jusqu'à lui. Une dernière fois. Elle cherche son nom du bout de ses doigts ridés, caressant tendrement la pierre froide comme s'il s'agissait de sa peau à lui. Elle sait très bien à quelle ligne se trouve son nom pour l'avoir lu et relu des dizaines de fois. Comme pour se persuader. Se persuader qu'il n'est plus. Se persuader que jamais plus il ne la prendra dans ses bras. Se persuader que jamais plus il ne lui murmurera au creux de l'oreille : « Je t'aime pour ce que je ne suis pas, pas pour ce que j'ai déjà. »

Chaque année elle vient ici, revivant ses derniers instants. Leurs derniers instants. Et le soleil brille et illumine le parc comme il a illuminé sa vie de son passage. Avant de repartir et d'emporter toute idée de sérénité avec lui. Elle sent une présence juste derrière elle. Elle n'a pas besoin de se retourner pour savoir que c'est lui. Il pose sa main sur son épaule et elle sent ce bien-être l'envahir. Celui qu'il provoquait invariablement chez elle.

« Luna ? »

Sa voix. Même après toutes ces années elle ne l'a pas oubliée. Ces deux simples syllabes lui donnent le vertige et elle doit renforcer sa prise sur la tombe pour ne pas chuter. Ces deux simples syllabes roulent sur ses lèvres comme un poison, ruisselant lentement le long de ses veines pour l'atteindre en plein cœur. Alors qu'elle pense qu'elle va s'effondrer, ses mains la retiennent et il l'emporte jusqu'à son arbre. Leur arbre.

C'est là qu'il l'a trouvée en pleurs durant sa quatrième année. Là qu'ils se rejoignaient tous les soirs. Là qu'ils ont échangé leur premier baiser. Et ils ont installé cette pierre juste à côté de son arbre. Et il est là à nouveau alors qu'elle croyait l'avoir perdu. Et il lui sourit. Et il n'a pas changé. Il est toujours aussi jeune et beau que la dernière fois qu'elle l'a vu. Et elle est vieille aujourd'hui. Une vieille dame. Et elle a honte qu'il la voie ainsi. Mais rien d'autre ne compte que son sourire. Rien d'autre n'a d'importance.

« Ça va aller, Luna. »

Sa bouche caresse sa peau avec ses mots. Ses mots à elle restent coincés dans sa gorge. Elle a peur que l'instant soit gâché. Qu'il ne disparaisse à nouveau. À jamais. Et son sourire ne le quitte plus. Comme la dernière fois qu'elle l'a vu. Allongé dans la grande salle, les yeux fermés. Et ce sourire. Elle secoue la tête pour effacer ce souvenir. Rien d'autre ne compte que son sourire. Rien d'autre n'a d'importance.

« Tu m'avais juré de ne jamais me faire pleurer autrement que de rire. Tu as rompu ta promesse. »

Il rit. Elle se souvient de son rire. Il ne se passait jamais plus de deux minutes sans qu'il ne rie. Ce rire représente à lui seul tout ce qu'il a apporté à sa vie. Et tout ce qu'il lui a volé aussi. Mais rien d'autre ne compte que son sourire. Rien d'autre n'a d'importance.

« Ça va aller, Luna » répète-t-il.

Elle est sur le sol, adossée à l'arbre et elle le regarde se relever lentement. La panique l'envahit. Elle a l'impression que cette distance qu'il y a entre eux se transforme en gouffre. Un gouffre insurmontable. Elle tente de se relever à son tour. De l'empêcher de partir. Il ne peut pas l'abandonner à nouveau. Elle ne le supportera pas. Mais ses jambes ne la portent plus. D'ailleurs elle ne peut plus bouger. Comme figée dans l'instant. Des larmes coulent sur ses joues et roulent jusqu'à sa bouche. Ce goût salé lui envahit les sens. Un goût d'injustice dans la bouche. Il s'approche à nouveau d'elle et sa main effleure lentement ses longs cheveux blancs. Mais rien d'autre ne compte que son sourire. Rien d'autre n'a d'importance.

« Ne pleure pas Luna. Je resterais avec toi jusqu'à la fin. Je te le promets. »

Il ment. Elle le sait. Il va partir. L'abandonner ici. Et elle va se retrouver seule à nouveau. Devoir traverser le peu d'années qui lui restent à vivre en pensant à lui. Et attendre inlassablement le moment où elle le rejoindra enfin. Son cœur se serre douloureusement une nouvelle fois. Mais il lui sourit et lui prend tendrement la main. Elle ne sent rien. Elle ne ressent plus rien. Il illumine tout autour d'elle. Rien d'autre ne compte que son sourire. Rien d'autre n'a d'importance.

« Emmène-moi avec toi, s'il te plaît.

- Bientôt Luna. Patiente encore un peu et je t'emmènerais avec moi. C'est presque fini, regarde-moi. »

Elle le regarde. Mais bien que ses larmes aient cessé de couler, elle n'arrive pas à le distinguer. Il est flou, un peu comme un cliché raté. Elle tente de reprendre sa respiration. Elle est essoufflée. Une douleur lancinante lui enserre la poitrine comme un étau, mais rien d'autre ne compte que son sourire. Rien n'a plus d'importance.

« Tu as vu la pierre ? Fred Weasley, mort en héros. C'est tellement cliché ! »

Elle le sait. Elle ne répond rien. Il n'y a rien à répondre à la vérité. Mais ces quelques mots ne correspondent pas à sa personnalité. Elle aurait préféré une citation comme « Le fou rire est immortel » ou « Rire de mourir et mourir de rire ». Il sait à quoi elle pense. Et il rit à nouveau. Il n'a jamais été aussi beau. Elle l'aime. Elle n'a jamais cessé de l'aimer. Malgré les années. Malgré son mariage. Malgré les épreuves de la vie. Rien n'a jamais pu effacer son amour pour lui. Rien n'a jamais pu effacer son sourire de son esprit.

Sa main vient se poser sur sa joue humide et redessine les contours de son visage. Elle frissonne à son contact et ne le quitte pas des yeux. Ses doigts passent lentement sur son front, écartant les mèches qui s'y trouvent avant de descendre vers ses yeux qu'elle ferme instantanément. Il essuie les larmes de ses joues creusées par les rides. Il les efface une à une en les caressant tendrement du revers de la main. Un soupir rauque lui échappe. Elle n'arrive plus à reprendre sa respiration. Son corps ne lui répond plus plus. Ses yeux ne veulent plus se rouvrir. Oh merlin ! Une dernière fois. Elle voudrait le voir juste une dernière fois. Mais ses paupières restent immuablement closes.

Elle le sent se rapprocher d'elle. Son souffle chaud effleure son visage. Il vient nicher sa tête dans son cou et inspire profondément avant de se pencher a son oreille.

« Je t'avais promis que je t'attendrais, Luna, murmure-t-il. Jusqu'à la fin. »

Alors elle comprend tout. Son souffle court. Son cœur qui s'emballe. Son corps qui ne lui obéit plus. Son corps abandonne le combat. Enfin. Elle sourit. Enfin heureuse. Elle garde les paupières closes et il en profite pour tracer le contour de ses lèvres fines. Ses doigts passent et repassent un moment avant qu'il ne se décide à poser ses lèvres sur les siennes.

Elle sent son contact. Sa chaleur l'envahit toute entière. Elle ressent chaque parcelle de ce baiser au plus profond de son être. Le froid intense qui régnait dans sa poitrine depuis qu'il est parti s'est envolé avec son retour. Son cœur s'emballe à nouveau, mais bien trop vite cette fois. Elle ne peut plus respirer. Il faudrait qu'elle se dégage de son étreinte pour reprendre sa respiration, mais pour rien au monde elle ne le ferait. Leurs lèvres resteront scellées. Jusqu'à son dernier souffle.

Jusqu'à la fin.