Alice avait son miroir, Narnia son armoire, Dorothy ses souliers argentés. Et si Bella avait son journal?

Elle ne se souvient plus la couleur de la pilule, bleue? Rouge? Mais elle a plongé, tout au fond du terrier. Deuxième étoile à droite, et tout droit jusqu'au matin...

"Tout ce qu'il est possible de croire, est un miroir de vérité." (Proverbes de l'enfer). Ou du paradis ? Bella n'aurait su le dire, les lignes de la réalité se troublent, se dissipent dans les brumes oniriques. Le réel se dissout dans le mirage où flotte le rêve. Il ne reste de ce songe qu'une traînée de poussière au parfum limpide de réalité. Les perceptions se voilent... ombres mouvantes d'un théâtre chinois. Alors, rêve ou réalité ?

Bonjour ! Ça fait un moment que les premiers chapitres de cette histoire sont écrits. Il y en aura cinq.

Bonne lecture.

Si vous demandiez à ses amis de vous parler d'elle ils vous répondraient très certainement que Bella était une jeune femme rêveuse, un peu mystérieuse aussi. Ils vous diraient qu'elle poursuivait ses rêves avec acharnement et que son violon était le compagnon le plus fidèle qu'on lui connaissait.

Ce matin-là lorsque le réveil sonna avant le lever du soleil Bella bondit hors de son lit. C'était lundi et il était hors de question d'avoir ne serait-ce qu'une minute de retard au cours le plus important de la journée.

Elle étira méthodiquement chacun de ses membres en terminant par ses doigts qui aujourd'hui encore seraient longuement sollicités.

La sérénade mélancolique de Tchaïkovski raisonna dans l'appartement et Bella mit la cafetière en marche, avant de se glisser sous la douche.

Il y avait deux raisons pour lesquelles Bella adorait vivre dans ce minuscule studio au cœur du 19ème arrondissement de Paris. D'abord pour sa proximité avec le conservatoire où elle faisait ses études et ensuite pour l'architecture bizarre de ce bloc d'immeubles. Sa fenêtre donnait sur le toit du bâtiment d'à côté. Comme chaque matin Bella s'assit sur le rebord de la fenêtre, adossée à la vitre pour boire son café. Elle savourait son goût acidulé qui se distillait sur sa langue. Ses pieds nus caressaient le zinc froid et doux, elle aimait cette sensation tout comme elle aimait cette vue sur les toits de Paris qui à cette heure étaient encore tout nimbés du bleu de l'aube. Le printemps était déjà bien avancé, il faisait bon, les oiseux piaillaient. A l'horizon on voyait poindre les premières lueurs de l'aurore, le ciel se teintait de rose et d'or. Bella respira à pleins poumons le parfum du matin, l'atmosphère était empreinte de sérénité, c'était son moment préféré de la journée, elle avait la sensation que Paris tout entier lui appartenait du haut de sa fenêtre.

Malheureusement elle n'avait pas le temps d'en profiter davantage. C'était une nouvelle semaine qui commençait, et avec elle la promesse de nombreuses heures de travail. Bella avait passé le week-end loin de Paris et elle était contente de retrouver son chez-elle. Les deux jours à aider sa famille à déménager la maison d'une vieille tante l'avaient épuisée. Elle jeta un regard au livre posé sur sa table de nuit qu'elle avait trouvé dans le grenier de cette dernière. Elle n'avait pas eu le temps de le parcourir encore mais la vieille et épaisse couverture de cuir brun l'avait intriguée, elle avait aimé en caresser la texture granuleuse. C'était pour cela qu'elle l'avait rapporté avec elle, quelque chose dans ce livre l'attirait. Ça avait tout l'air d'être un journal intime, un instant elle avait pensé que sa tante avait pu l'écrire. Mais la première page était une sorte de préface qui présentait sa propriétaire, une femme qui approchait sa trentième année et qui répondrait au prénom de Kathleen, sa tante s'appelait Esmée, aucun rapport... Bella avait hâte d'être au soir pour savoir ce qu'il contenait vraiment.

Son sac dans une main, son violon dans l'autre, elle attrapa ses clés avant de sortir. Les marches de bois du minuscule escalier craquèrent sous ses pas. La petite cour était déserte et silencieuse mais lorsque la porte cochère se referma d'un claquement sec le vacarme sur le boulevard dissipa le silence.

Bella avait à peine une dizaine de minutes de marche pour se rendre au conservatoire et elle appréciait beaucoup de ne pas avoir à prendre le métro, surtout ce matin alors qu'il faisait si doux.

A peine fut-elle entrée dans l'immense bâtiment blanc à l'architecture moderne et presque futuriste que sa meilleure amie lui sauta dessus. Au sens presque littéral du terme. Alice était un petit bout de femme, aussi mince que minuscule, légère comme une plume, comme toute ballerine qui se respecte et débordante de vie. Elle suivait des études de danse classique et arrivait bientôt au terme de son cursus.

"-Salut les filles! Pas le temps de papoter ce matin je suis déjà en retard! On se retrouve à la pause!" La grande blonde qui venait de passer comme une tornade c'était Rosalie, danseuse elle aussi, département danse moderne, elle avait quelques années de plus qu'Alice et Bella. Pour compléter leur petit groupe il manquait Jasper, le frère de Rosalie et très certainement futur petit ami d'Alice, du moins c'était ce que cette dernière espérait. Étudiant en musicologie, il avait une voix magnifique et un talent inné pour la guitare. Mais ce matin il manquait à l'appel, au grand désespoir d'Alice qui ne cessait de jeter des coups d'œil frénétiques en direction de la porte.

Bella arriva la première dans la salle de répétition. Elle sortit son violon et joua quelques notes pour vérifier qu'il était bien accordé. Les sons raisonnaient longtemps dans la pièce sombre à l'acoustique parfaite. Les autres étudiants ne tardèrent pas à arriver ainsi que le professeur. Le cours dura deux longues heures pendant lesquelles Bella travailla avec acharnement. Lorsqu'il prit fin, ses doigts brûlaient un peu et elle était plutôt contente que le cours suivant soit théorique.

Le professeur voulut s'entretenir quelques minutes avec elle de l'audition qu'elle passerait le lendemain, si bien que lorsqu'elle sortit les autres avaient déserté et elle allait devoir courir pour être à l'heure à son prochain cours.

En parcourant à la hâte le couloir à peine éclairé des studios de répétition Bella croisa un étudiant qu'elle n'avait jamais aperçu encore. Elle en était certaine, elle s'en serait souvenu. Leurs regards se croisèrent à peine plus d'une fraction de seconde mais Bella en fut presque pétrifiée. Le temps semblait s'écouler au ralenti. Jamais encore elle n'avait vu des iris verts aussi magnifiques. Ses yeux d'une couleur émeraude sombre étaient parsemés d'éclats dorés qui donnaient à son regard un éclat presque incandescent. Elle aurait pu se noyer dans ces yeux-là, ils l'hypnotisaient et pourtant cette rencontre ne dura guerre plus de temps qu'un battement de cil, avant qu'elle n'ait pu capter quoi que soit d'autre de cet étudiant mystérieux il l'avait déjà dépassée et s'éloignait dans la direction opposée à la sienne.

Bella se reprit et accéléra le pas, cette fois-ci elle était vraiment en retard!

Tout le reste de là journée elle eut un mal fou à se concentrer. Le regard vert l'obsédait, la hantait. Même Alice qui était capable d'animer à elle seule une conversation trouva Bella étrangement silencieuse au déjeuner, mais elle mit ça sur le compte du stress de l'audition du lendemain et ne questionna pas son amie.

Bella se dépêcha de rentrer chez elle après les cours et elle passa une bonne partie de la soirée à répéter le morceau qu'elle présenterait le lendemain. Elle avait de la chance d'avoir des voisins plutôt sympas que la musique de son violon ne semblait pas déranger.

A mesure que les notes lancinantes s'écoulaient dans l'air du soir le stress qui lui nouait le ventre s'apaisait, disparaissait. Jouer était la seule chose qui lui permettait de se sentir mieux.

Une fois dans son lit elle rêva de longues minutes à ce fabuleux regard vert, elle tentait de se remémorer les traits du visage de ce mystérieux étudiant mais en vain... leur rencontre avait été trop brève.

Avant d'éteindre sa lampe de chevet ses yeux tombèrent sur le livre posé sur la table de nuit. Elle l'avait totalement oublié. Longtemps elle laissa ses doigts courir sur la couverture épaisse avant de se décider à l'ouvrir. C'était un de journal intime à l'écriture manuscrite élégante, l'encre était un peu terne et la calligraphie était celle d'une époque passée.

"L'Éternel Dieu forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l'homme devint un être vivant."* (La genèse)

Dieu créa l'homme au sixième jour et pour achever sa création il lui fit don des sens, telle une grâce divine. On peut légitimement supposer qu'il lui fit d'abord don de la vue pour que l'homme puisse jouir de la beauté merveilleuse du monde.

Voici le contenu du billet que je reçu le matin du premier jour. La gouvernante me l'avait apporté pendant ma toilette, elle ignorait qui en était l'expéditeur, le porteur avait tu le nom de celui qui l'employait.

Au dos du billet une adresse et un rendez-vous pour le soir même avaient été griffonnés. Devais-je m'y rendre? Ou était-il plus prudent d'ignorer cette curieuse missive? Je congédiais ma gouvernante le temps d'y réfléchir.

Mon cœur était pris d'une excitation mêlée de crainte. J'avais une envie certaine de me rendre à ce mystérieux rendez-vous... C'était une distraction bienvenue dans mon quotidien terne, ce pli d'un inconnu mettait un peu de sel dans la morosité de ma vie.

Ma décision était prise, je m'y rendrais malgré les risques que cela comportait, cette invitation était pour le moins étrange! Mon époux était en voyage depuis de longues semaines déjà, rien ne m'empêcher de sauter à pieds joints dans cette drôle d'aventure qui aurait au moins le mérite de me distraire!

Sur le reste de la page s'étendait le dessin d'un œil particulièrement bien réalisé. La curiosité de Bella était piquée, elle tourna la page pour découvrir avec consternation que seulement quelques lignes de texte étaient visibles, le reste avait été effacé par le temps et les mauvaises conditions de conservation du journal.

M'apprêter pour ce curieux rendez-vous avait était un casse tête sans nom! J'avais choisi une robe neutre, suffisamment habillée mais sans l'être trop, d'une couleur violine élégante qui pouvait s'accorder à toutes les occasions.

Seul mon cocher, par la force des choses connaissait ma destination, aucun de mes domestiques ne savait où je me rendais.

La voiture s'engagea dans une allée bordée de grands chênes au bout de laquelle on distinguait un manoir aux proportions plus que confortables qui se dressait dans l'obscurité de la nuit tombante.

La cour était déserte, le pas des chevaux sur le pavé semblait résonner longtemps et sinistrement. Dans quoi m'étais-je donc laissée entraîner?

Je regardai ma voiture s'éloigner avant de me décider à gravir le perron de pierres blanches. La porte massive était ornée d'un heurtoir doré. Avant que je puisse tendre la main pour m'en saisir la porte s'ouvrit. Je m'engouffrai dans ce que je devinais être le hall du manoir mais l'obscurité totale m'empêchait de voir quoique ce soit... Je ne pouvais même pas distinguer la présence de celui qui avait ouvert la porte, j'avais comme soudain perdu l'usage de ma vue...

Et le récit s'arrêtait là, le reste de la page était totalement effacé, on ne pouvait encore que deviner quelques restes d'encre, mais pas le moindre mot.

Bella poussa un soupir de frustration, juste au moment où les choses devenaient palpitantes!

Elle feuilleta rapidement les pages, mais la même chose se répétait à chaque fois, un début de ce que l'on pouvait appeler un chapitre, un dessin et plus rien...

De dépit elle jeta le journal sur sa table de chevet et éteignit la lumière, il fallait dormir maintenant! Demain était une journée importante, pas de temps à perdre avec des journaux intimes presque totalement effacés!

Un des soucis majeur de son appartement était l'impossibilité de dormir dans une obscurité complète. Les lueurs d'un Paris en permanence illuminé pénétraient jusque dans sa chambre. Bella avait grandi à la campagne et elle avait eu un mal fou à s'habituer à ces nuits pleines de lumière. Elle plongea la tête entre ses deux oreillers et ne tarda pas à sombrer dans le sommeil.

L'obscurité, il n'y avait rien d'autre que l'obscurité, un noir dense et épais, comme une nuit sans lune, une obscurité à perdre la raison. Bella essayait de toutes ses forces d'ouvrir les yeux mais elle n'y parvenait pas, ses paupières étaient comme paralysées, pourtant tout le reste de son corps se mouvait avec facilité, elle était devenue aveugle, c'était la seule explication plausible à cette nuit qui la noyait.

Elle toucha son visage, sur ses yeux on avait noué un bandeau de ce qui semblait être de la soie tant le textile était doux et léger, presque sans consistance, si bien que Bella n'avait pas deviné sa présence avant que ses doigts ne se posent dessus.

Rassurée elle poursuivit son chemin. Ses jambes avaient l'air douées d'une volonté propre et la portaient sans qu'elle ne sache où elles l'entraînaient.

Sous ses pieds nus elle sentait la caresse douce et lisse des dalles de pierres qui n'étaient ni chaudes ni froides, mais plutôt d'une agréable fraîcheur.

Bella avait l'impression d'être vêtue d'un tissu léger et délicat qui semblait couler sur sa peau comme de la soie liquide. Ne pouvant le voir elle toucha le vêtement pour en deviner la forme, c'était une sorte de nuisette ou de robe minuscule dont le bas caressait ses cuisses nues. Au niveau de sa poitrine qui paraissait généreusement découverte elle sentit sous ses doigts le grain et les dessins caractéristiques d'une dentelle fine et soyeuse.

L'étoffe caressait plus sa peau qu'elle ne l'habillait et Bella devait avouer que la sensation était agréable en dépit de l'angoisse oppressante qu'elle sentait peser sur sa poitrine.

Où était-elle? Dans qu'elle dimension avait-elle basculée?

Malgré l'obscurité ses pas n'étaient pas hésitants, si elle ne savait pas où elle allait eux semblaient le savoir. Elle tendit les bras devant elle puis sur les côtés, telle une funambule en quête de repères. Sa main qui jusqu'à maintenant n'avait touché que du vide finit par entrer en contact avec un mur de pierres froides et rugueuses. La pièce n'était pas si vaste, peut-être déambulait-elle dans un couloir... Bella décida de laisser sa main sur le mur pour se guider dans l'obscurité.

Bientôt la pierre laissa sa place à un panneau de bois travaillé. Une porte... une porte qui semblait entrouverte d'après le courant d'air tiède qui effleura la peau presque nue de Bella. Elle s'engouffra dans cette ouverture, ça lui paraissait être la chose à faire à cet instant.

L'atmosphère ici était bien plus lourde, bien plus chaude et presque humide, comme celle d'une nuit d'orage. Un capiteux parfum d'encens embaumait l'air. Bella qui se sentait vaguement angoissée tout à l'heure éprouvait maintenant d'autres sensations. Il y avait dans l'air quelque chose qui crépitait, comme de l'électricité, une excitation diffuse qui faisait hérisser sa peau. Oui une nuit d'orage chaude et vibrante, elle aurait presque pu entendre le roulement du tonnerre. Mais tout ce qu'elle entendit fut le claquement de la porte qui se refermait derrière elle. Pourtant, elle n'avait pas sentit le moindre souffle d'air.

Ses sens étaient en alerte, décuplés, tout en elle se dressait, se tendait pour compenser la perte de sa vue. Sa peau était parcourue de frémissements et une angoisse mêlée d'une curieuse excitation serrait son ventre.

Bella se sentait épiée, observée. Il y avait quelque chose derrière elle dont l'intensité du regard lui brûlait la nuque. A mesure qu'elle avançait dans cette pièce saturée d'une lourde touffeur la chose dans son dos semblait se rapprocher silencieusement. Elle sentait sa présence, sa chaleur paraissait effleurer sa peau délicatement. Elle n'étendait rien et pouvait encore moins le voir mais elle savait qu'il y avait quelqu'un derrière elle, autour d'elle. Quelqu'un qui guidait implicitement ses pas vers l'extrémité de la pièce avant de silencieusement lui ordonner de s'arrêter. Pas un mot n'avait été prononcé, par un son n'avait troublé le silence pesant mais Bella savait avec une surprenante certitude qu'elle avait atteint sa destination.

Allonge-toi... Ce fut un murmure, un murmure à peine plus sonore qu'un souffle d'air, si bien que Bella n'était pas certaine d'avoir entendu quoi que ce soit et pourtant elle s'allongea. Son corps s'affaissa avant même qu'elle en ait consciemment pris la décision.

Elle s'étendit sur la surface moelleuse de ce qui devait être un lit.

Puis plus rien... la sensation de la présence à ses côtés disparut. Bella ne ressentait maintenant que sa respiration, rendue lourde et profonde par la moiteur étouffante de l'air et les pulsations de son cœur qui résonnaient dans tout son corps. Elle sentait le flux rapide de son sang battre dans son oreille, dans le bout de ses doigts et le long de son ventre.

Alors que sa conscience s'endormait sous l'effet de la chaleur et que Bella était happée par un tourbillon de sommeil, le lit à ses côtés sembla s'affaisser. Elle voulu tendre la main pour vérifier la présence de quelqu'un près d'elle mais elle ne put trouver la force de lever son bras, son corps était comme paralysé, comme au milieu d'un rêve.

Un doigt, ou ce qu'elle imaginait être un doigt à la peau froide glissa sur le dos de son pied et remonta doucement le long de son mollet pour venir s'échouer à la naissance de sa cuisse. Le contraste entre le froid qui l'effleurait et sa peau brûlante et fiévreuse la fit frissonner de plaisir.

Elle sentait des perles de sueurs courir le long de ses seins alors cette fraîcheur était plus qu'agréable. Mais au moment où elle se fit cette réflexion le contact cessa. Elle aurait voulu se contorsionner à la rechercher de cette caresse délicate mais elle ne pouvait esquisser le moindre mouvement. Son corps refusait obstinément de lui obéir.

Ressens, ressens simplement... Le murmure encore, si bas qu'elle n'était pas sure de l'avoir entendu. Peut-être finalement qu'il venait simplement de ses propres pensées.

Le contact frais et doux revient, mais cette fois ce fut celui d'une main. D'abord un effleurement presque imperceptible puis une caresse qui refroidit sa peau brûlante entre son cou et ses seins.

Bella sentait les pointes de ces derniers s'ériger à la recherche de plus de contact, avide de plus de caresses mais la main ne paraissait pas décidée à les combler. Elle s'égarait maintenant du côté de son ventre toujours couvert par l'étoffe fine et soyeuse. Bella sentait la bulle d'excitation enfler au plus profond d'elle, le plaisir était plus fort chaque fois que la main la touchait mais elle avait à peine le temps de le goûter que le contact cessait, la laissant démunie, haletante et consumée par la frustration. Des gémissements de dépit se mêlaient aux souffles de plaisir qui franchissaient la barrière de ses lèvres.

Privée de la vue elle n'avait que le toucher pour deviner ce qui l'entourait, et cela décuplait ses sensations. Elle était sans cesse ballottée entre plaisirs et incertitudes.

Elle se concentra de toutes ses forces sur la main douce qui parfois daignait s'égarer sur sa peau fiévreuse. C'était une main d'homme, il n'y avait aucun doute là-dessus, une main virile aux doigts longs et puissants sur lesquels on devinait quelques callosités qui griffaient la peau sensible et fine de ses cuisse, rendant le plaisir plus vif encore.

Bella savait que son intimité était trempée de désir, elle se languissait de sentir la main se rapprocher de son centre si chaud et humide mais l'homme semblait obstinément décidé à ignorer cet endroit, il se contentait d'effleurer le bas de son ventre qui se contractait délicieusement au passage de ses doigts, il caressait ses cuisses que Bella aurait voulu resserrer pour emprisonner la main entre elles. Mais elle était démunie, impuissante et paralysée.

La main se posa sur la sienne, les doigts de l'homme se lièrent aux siens tout en les caressant, doucement, presque tendrement. Cette caresse anodine et langoureuse fit redescendre la tension qui comprimait le bas-ventre de Bella. Ce fut comme si toutes ses terminaisons nerveuses se relâchaient en même temps. Ce moment de répit était bienvenu tant la tension qui avait ravagé son corps était insoutenable.

Le sommeil commençait à la reprendre dans ses filets, elle se laissait doucement dériver mais avant qu'elle ne fût totalement endormie l'homme posa leurs deux mains enlacées sur le ventre de Bella qui sentit instantanément l'excitation courir sur sa peau à mesure que leurs doigts liés la caressaient. La main de l'homme guidait la sienne et elle s'abandonnait totalement au plaisir qui doucement l'embrasait de nouveau. Elle se sentit vivre sous ce toucher, ses seins, qui tendus exigeaient la caresse, son ventre brûlant, ses cuisses qui seules s'ouvraient comme une invitation et enfin leurs mains se posèrent sur son pubis.

Les doigts de l'homme effleurèrent à peine son intimité chaude et mouillée. Bella poussa une longue complainte de désir. La tension était revenue, insoutenable, les vagues de plaisir enflaient dans son ventre.

Touche-toi... touche-toi pour moi...

Paralysée, elle ne l'était plus, c'était comme si le murmure lui avait redonné le contrôle de ses gestes. Les mains de l'homme se posèrent sur ses épaules, il la fit se redresser pour caler sous elle un oreiller. Cette position à demi-assise obligeait son ventre à se contracter, décuplant la tension en elle.

Les doigts de l'homme cajolèrent le creux de son cou alors que ceux de Bella se perdaient dans la chaleur entre ses cuisses. Du bout de l'index elle récoltât les perles humides de son plaisir et vient effleurer le petit renflement nerveux qui tressaillit au passage de ses doigts. Son ventre se serra et ses hanches ruèrent à la recherche de plus de sensations que Bella ne tarda pas à se donner en effectuant des petits cercles à peine appuyés autour de son bouton gorgé de désir. A mesure que sa caresse se faisait plus ferme, moins timide et plus rythmée le plaisir gonflait comme son clitoris qui n'en finissait plus de réclamer de l'attention. Bella sentait le plaisir couler d'elle alors que son bassin accompagnait le mouvement de ses doigts.

Toujours noyée dans l'obscurité elle n'avait d'autres images que celles que son imagination produisait pour aiguiser son excitation. Elle imaginait les yeux verts, les yeux verts intenses et profonds qu'elle avait croisés dans la journée, elle les imaginait maintenant posés sur elle qui se languissant de plaisir.

Les doigts de l'homme étaient toujours perdus dans son cou et elle imagina que c'étaient ceux de l'étudiant mystérieux.

La bulle dans son ventre qui n'avait cessé de gonfler était sur le point d'éclater. Bella glissa un doigt en elle alors que son pouce effleurait une nouvelle fois son bouton fiévreux. Un courant électrique la parcouru tout entière, ses orteils se recourbèrent alors que les vagues de plaisir déferlaient sur elle, en elle.

Il fallut quelques minutes à Bella pour redescendre du nuage de volupté sur lequel ses caresses l'avaient envoyée. Elle laissa tomber ses mains sur le lit, repue de plaisir, enfin délivrée de la tension qui n'avait cessé de croire en elle mais l'homme mystérieux semblait en avoir décidé autrement.

Ses doigts froids prirent la place de ceux de Bella sur son ventre, il la caressa doucement, la cajola alors qu'elle sentait le plaisir refluer par vague.

Il glissa sur ses jambes, dans le creux de ses genoux et retomba doucement sur ses cuisses. A mesure que ses doigts froids parcouraient sa peau Bella sentait la tension renaître en elle, elle couvait comme un feu presque étouffé mais pas tout à fait endormi. Le désir était toujours là quelque part, tapi dans le fond de son ventre et il ne demandait qu'à se réveiller au passage des doigts qui l'effleuraient.

Continue... n'arrête pas, continue de te toucher, montre-moi...

Soumise à ce murmure Bella posa ses mains sur ses cuisses et remonta doucement alors que le désir revenait, avec plus de force encore.

Son intimité moite de plaisir était si sensible que ses doigts durent s'aventurer avec précaution et délicatesse mais à peine quelques minutes à cajoler ses replis humides suffirent à l'envoyer de nouveau au paradis, un paradis voluptueux où tout n'était que chaleur et moiteur. Le plaisir était si fort qu'il en était presque douloureux. Bella se mordit fortement la lèvre alors que ses hanches ruèrent en avant et que son ventre se contracta violemment.

Elle se noyait dans le brouillard de la félicité.

Regarde...

Elle essaya d'ouvrir les yeux, sachant pertinemment qu'elle ne pourrait rien voir à cause du bandeau qui obturait sa vue. Les mains de l'homme quittèrent sa peau, le poids sur le lit disparut.

Elle aurait voulu le retenir, dans un mouvement réflexe elle ouvrit les yeux pour vérifier qu'il l'avait vraiment quitté.

L'obscurité s'évanouit aussi soudainement qu'elle était apparue. La pièce était sombre, seulement éclairée par quelques bougies qui diffusaient un halo de lumière vaporeuse presque irréelle.

Bella était entendue sur un lit immense couvert de satin blanc devant lequel se dressait un grand miroir sur pieds qui semblait tout droit sorti d'un conte de fée avec ses bordures dorées et travaillées.

Il reflétait son image, celle d'une femme impudiquement allongée contre les oreillers, à peine vêtue de soie blanche. Ses cheveux s'étalaient autour d'elle tels une corolle brune. Ses joues étaient rougies par le plaisir, ses yeux brillants et fiévreux. Elle n'avait jamais semblé aussi belle qu'ainsi surprise dans le plaisir.

Bella contemplait son image avec une sorte de ravissement coupable. Elle aimait ce reflet et ne pouvait en détacher le regard.

Elle s'observait depuis quelques longues secondes lorsque des yeux verts et rieurs apparurent dans le miroir à côté de son visage.

Bella se retourna brusquement mais elle était seule sur le grand lit de satin blanc, et pourtant le regard vert ne cessait de la fixer avec une telle intensité qu'elle en frissonna.

Toute la chaleur étouffante de la pièce disparue, elle avait froid maintenant. Elle ferma les yeux pour échapper à ce regard intense et troublant qui était exactement celui de l'étudiant mystérieux mais lorsqu'elle les rouvrit, le miroir avait disparu tout comme le grand lit de satin blanc.

Elle frissonna une nouvelle fois, son corps n'était plus fiévreux maintenant, elle grelottait. La fenêtre de son appartement qu'elle avait dû laisser ouverte la veille répandait l'air glacé du matin. Sa chambre baignait dans la clarté pâle de l'aube. Bella se redressa dans son lit, abasourdie. C'était le matin, elle avait rêvé ... et aujourd'hui elle avait une audition importante.

Elle sortit du lit en chassant de son esprit les souvenirs de son rêve troublant.