Note de l'auteur : Si vous avez comme moi fini dégoûté par The Good Wife, cette série pourtant formidable (au début), alors cette histoire est pour vous ! Je l'ai écrite une bonne année après la fin de la série (mais avant l'élection de Trump) pour me consoler que le merveilleux pairing Alicia / Kalinda ait cessé d'exister depuis longtemps dans le canon et qu'Alicia soit devenue cette garce au cœur de pierre alors qu'il existait une telle alchimie entre elle et son enquêtrice. Ceci est ma tentative personnelle de rendre justice à Kalinda et de lui offrir la fin qu'elle mérite !
PS : Je dédie cette traduction à L.A. Adeline B qui me l'a demandée ;-)
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Enfin Alicia était parvenue au sommet. Après tant d'années de sacrifices à se consacrer à la carrière politique de son mari, elle en était arrivée là – première dame des Etats-Unis. Comme Eleanor Roosevelt et Hillary Clinton, elle pouvait changer les choses. Et pourtant, à mi-parcours du premier mandat de Peter, dans le luxe de la gigantesque Maison Blanche, jamais elle ne s'était sentie aussi prisonnière.
Scandale à la Maison Blanche. Monicagate bis ? Le président a-t-il couché avec une stagiaire de la Maison Blanche ? Découvrez toute l'histoire. Nos révélations exclusives ! Malgré elle, elle revoyait sans cesse les gros titres, assortis des photos de la sémillante jeune femme d'une vingtaine d'années dont les allégations avaient conduit tous les journalistes du pays et au-delà à assiéger la demeure du président à Washington. Il n'y avait pas de photos compromettantes de Peter avec la jeune femme cependant – aucune preuve – c'était la parole du président contre la sienne. Mais quelques semaines seulement avant les élections de mi-mandat, le scandale avait explosé et touché les proches du président telle une onde de choc. La frénésie des médias était terrifiante. La première dame était-elle au courant ? Un divorce en perspective ? Deux très bonnes questions en effet.
La première dame était-elle au courant ? L'idée ne lui était jamais venue consciemment, mais à présent que cette affaire avait été révélée, elle réalisait qu'au fond d'elle-même, elle savait. A une époque, Peter et elle avaient été amoureux à Georgetown, puis des époux tendres et attentionnés. Mais plus ils s'étaient élevés en tant que couple de pouvoir, plus ils s'étaient éloignés l'un de l'autre, comme si l'obligation constante de maintenir en public l'image d'un couple parfait avait étouffé tout ce qui pouvait subsister entre eux de véritable désir après vingt-cinq ans de mariage. Alicia soutenait Peter, vivait dans son ombre, l'aidait à écrire ses discours, plaidait en faveur de politiques sociales audacieuses comme ses illustres devancières démocrates, mais ne couchait plus avec son mari et ne s'en souciait guère.
A cinquante ans, Alicia envisageait à peine d'avoir encore une vie sexuelle un jour – elle avait trop à faire avec le protocole, les visites officielles, les œuvres caritatives, ainsi que le manque général d'intimité qui caractérisait sa vie sous le feu constant des projecteurs. Quant à Peter... Sûrement, il devait y avoir d'autres femmes. Elle ne voulait même pas le savoir. Mais bien sûr, ce genre de choses ne pouvait pas rester caché éternellement. Comment Peter avait-il pu se montrer si négligent après avoir travaillé si dur pour en arriver là ? Et avait-il vraiment couché avec cette stagiaire qui avait à peine l'âge de leur propre fille Grace ?
Alicia en avait la nausée. Devait-elle réellement demander le divorce ? Toutes les féministes du pays et au-delà clamaient qu'une femme ayant un tant soit peu d'amour-propre devrait faire ses valises sur-le-champ et s'en aller. Eh bien, techniquement elle dormait dans sa propre chambre depuis des années, c'était déjà une chose. Et comment une seule de ces féministes outragées pourrait-elle jamais avoir la moindre idée de tout ce qu'elle avait dû sacrifier pour en arriver là ? Qu'elles aillent se faire foutre, pensa Alicia. Que Peter et ses putes aillent se faire foutre. J'ai réussi à parvenir jusqu'ici dans ma vie, je ne laisserai pas de simples rumeurs me renvoyer à la case départ.
Pendant ce temps se déroulait la campagne pour les élections de mi-mandat, et les candidats républicains s'en donnaient à cœur-joie. Peter ne pourrait plus faire passer la moindre réforme pendant les deux prochaines années s'il perdait sa majorité au Congrès. Et Alicia n'oserait plus jamais se montrer en public si Peter ne lavait pas d'abord son nom de toute accusation. A moins qu'elle n'opte pour le rôle de l'épouse outragée et ne demande le divorce ?
Jusqu'ici Alicia était celle qui encaissait le plus gros de l'humiliation face aux médias, et faisait de son mieux pour offrir un visage austère mais serein (bien que silencieux) aux caméras et aux micros qui l'attendaient pour se repaître d'elle dès qu'elle paraissait en public. Elle s'efforçait de faire sienne la royale devise ne te plains jamais, ne te justifie jamais – mais bien sûr ici on était en Amérique. Les gens adoraient reprocher à leur président son supposé manque de moralité, presque autant qu'ils adoraient passer des heures à l'analyser – la moindre émission de télé ou de radio, le moindre journal ou magazine invitait des experts à commenter la vie sexuelle du président, ses possibles mensonges, et sa capacité à présent remise en question à gouverner le pays le plus puissant du monde occidental. Pourrait-on jamais faire confiance de nouveau à un tel homme ?
Une autre excellente question, pensa Alicia. Peter niait tout en bloc, mais en dépit du manque de preuves concluantes, il avait jusqu'à présent échoué à convaincre sa propre femme de son innocence. Alicia n'aurait pu le jurer pour cette fille en particulier – elle espérait qu'il n'était pas tombé si bas – mais avait peu de doutes sur le fait qu'il y en avait bel et bien d'autres. Elle était furieuse contre lui, ça oui – pour s'être fait prendre, ce qui menaçait à présent sa place à elle dans leur alliance politique.
Avec la Maison Blanche prise d'assaut par les médias, Peter avait engagé Eli Gold, un spécialiste de la gestion de crise, afin de mettre en œuvre les meilleures mesures que pouvait s'offrir quelqu'un de riche et puissant pour limiter les dégâts. Personne dans l'entourage du président n'avait ne serait-ce que le droit de respirer sans l'autorisation préalable de Gold. On passait au crible les membres les plus récents du personnel de la Maison Blanche à la recherche d'éventuelles failles, et les services secrets avaient jugé préférable de renouveler les agents de sécurité affectés à la famille du président.
Alicia n'était pas particulièrement attachée à Mike, son ancien garde du corps. C'était un homme grand et large d'épaules en costume noir avec une oreillette, qui n'ouvrait quasiment jamais la bouche et faisait de son mieux pour se fondre dans le décor, en dépit de sa taille imposante et du fait que c'était tout juste s'il la laissait aller aux toilettes toute seule – il ne faisait là que son travail. Au bout de deux ans à la Maison Blanche, Alicia ne savait toujours rien de Mike. Même si elle s'était en quelque sorte habituée à toujours avoir sa large silhouette à proximité, il y avait peu de chances qu'il lui manque. Mais elle n'aimait pas les changements inutiles – c'était une vie fatigante que de devoir sans cesse s'adapter à de nouveaux lieux, de nouvelles têtes, de nouvelles crises. Elle s'attendait vaguement à ce qu'une sorte de clone du précédent remplace son garde du corps. Peu lui importait au fond.
Il s'avéra qu'à l'exception de la caractéristique « n'ouvrait quasiment jamais la bouche », Alicia se trompait sur toute la ligne. L'agent de sécurité qui pénétra à sa rencontre dans la chambre ovale jaune était une femme indienne plutôt petite et frappante de séduction. A l'exception de son visage soigneusement inexpressif, elle n'était rien de ce qu'Alicia attendait. Elle s'appelait Kalinda Sharma.
