James souffle les vingt bougies en un seul souffle. Tout le monde se met à applaudir et Sirius à crier et siffler bruyamment.
James relève les yeux. De l'autre côté de la table, Lily lui sourit. Elle est radieuse. Il tend la main et elle lui tend la sienne en retour. Il la serre doucement et murmure des mots qu'elle est seule à entendre au milieu du brouhaha : « Merci pour tout ça. Je t'aime. » Le sourire de Lily s'élargit encore.
Mais avant qu'elle ait eu le temps de répondre, Peter passe le bras entre eux pour attraper un couteau de l'autre côté de la table.

« Eh vous avez toute la vie pour vous dire des mots doux alors que ce petit bijou n'attendra pas jusque-là. Pas si j'ai mon mot à dire en tout cas. »

Et il entame la découpe et la distribution du gâteau. Marlène l'a confectionné pour l'occasion à la pâtisserie où elle travaille. Il faut avouer que Peter a raison, il est sublime.

Assise sur les genoux de Sirius, elle commente : « J'ai pensé un instant à faire autre chose que du chocolat mais je ne voulais pas prendre le risque de me recevoir un maléfice de Remus ce soir. »

Tout en attrapant la part que Peter lui tend, Remus lui tire la langue.

« J'aurais bien une réplique cinglante à te renvoyer si je n'étais pas si reconnaissant pour la beauté qu'est ce gâteau. Disons que je vais me concentrer là-dessus pour l'instant. »

À peine les dernières miettes du gâteau mangées que Sirius s'agite déjà sur sa chaise.
« Bon on va peut-être y aller ? »

Lily prend un air contrit.
« Vous êtes donc vraiment prêts à laisser une pauvre femme enceinte, seule et abandonnée… De la part de Sirius rien ne m'étonne je n'ai plus le moindre standard en ce qui le concerne, mais toi Remus ? Et toi James, qui te prétends l'homme de ma vie ?
- Ravie de savoir que tu te considères seule quand tu es avec moi Lily, rétorque Marlène. Toi qui te prétends ma meilleure amie ? Après tout ce que j'ai fait pour toi ? Alors que je laisse mon homme partir seul dans dieu sait quel lieu dépravé pour rester avec toi ?
- Oh non heureusement que toi au moins tu penses à moi ! Je serais si seule sans toi ! Tu es mon phare dans l'obscurité ! »

Sirius intervient :
« Mesdames ! Je vais devoir vous demander de mettre un terme à vos simagrées parce que tel que vous le voyez notre James est en train de réellement considérer ne pas sortir. »
Lily et Marlène s'esclaffent en voyant l'air de panique sur le visage de James.

Sirius dépose un baiser sur la joue de chacune d'elle et tout en poussant manu militari les autres vers la sortie, il s'exclame :
« On boira à ta santé Lils, promis ! »


Remus commence à avoir trop chaud. Il essaye de crier à James qu'il va au bar et finit au bout de quelques secondes par lui signaler par gestes. Après avoir passé plusieurs minutes à chercher en vain à attirer l'attention du barman aux longs faux cils et au t-shirt en résille, Remus finit par revenir bredouille sur la piste pour chercher ses amis. Il ne sait toujours pas vraiment comment Sirius a réussi à convaincre James d'aller dans une boite gay pour son anniversaire, mais il en est ravi. Il a eu des doutes quand ils ont dû suivre un Sirius survolté dans des petites rues désertes, mais une fois à l'intérieur, il a été bluffé.
Même si Remus a déjà eu l'occasion parfois d'accompagner Sirius dans des clubs gays il n'en est pas un grand habitué et surtout, il n'en a jamais vu de cette taille.

La mort de ses parents a beau eu être un drame pour lui, maintenant qu'il n'a plus de compte à rendre à personne, il se sent plus libre que jamais auparavant. Quand ils étaient à Poudlard, il a dû cacher sa relation avec Sirius à ses parents, aux professeurs, au monde entier. Même par la suite, il n'a jamais pu présenter un copain à ses parents. Pas qu'il en aurait eu le temps d'ailleurs. Cela a beau faire plusieurs mois, il a toujours du mal à réaliser complètement l'ampleur de ce que ça veut dire, qu'ils soient morts. Parfois, il lui semble qu'il est tellement trop jeune pour ne plus avoir de parents que ça ne peut pas être vrai. Qu'il doit y avoir une erreur quelque part.

À chaque fois qu'il pense à eux, son cœur se serre à la pensée qu'ils ne l'ont jamais vraiment connu entièrement. Et tout aussi systématiquement, une petite voix en lui chuchote que la réalité est qu'il est soulagé qu'ils ne soient plus là et qu'il n'y ait plus personne pour avoir honte de lui.

Remus promène son regard sur la piste où de jeunes hommes dansent les uns contre les autres. Il doit toujours cacher qu'il est un loup-garou. Mais après des années de silence sur sa sexualité, entouré de ses amis dans ce lieu rempli de moldus (qui d'ailleurs lui ressemblent bien plus que la plupart des sorciers), Remus se sent, aussi étrange que ça puisse paraitre, plus jeune que jamais.

Un garçon aux longs cheveux blonds qui danse à quelques mètres de Remus croise son regard. Il lui sourit et se rapproche. Remus essaye de suivre ses mouvements. Le garçon lui pose les mains sur les hanches et continue à le regarder dans les yeux. Remus est un peu mal à l'aise mais il s'est promis d'essayer de jouer le jeu ce soir. Ils n'ont le temps de danser comme ça que quelques secondes avant que la version remixée de Ring My Bell qui passe se termine. Sans transition, une voix grave d'homme retentit soudain.

In the deserts of Sudan
And the gardens of Japan

Le garçon semble décontenancé par ce nouvel air étrange. Il s'écarte un peu de Remus. Dans le nouvel espace ouvert à son champ de vision, Remus aperçoit Sirius qui danse sur la musique comme s'il était en transe. Il a les yeux fermés et passe les mains dans ses cheveux et il semble complètement insensible au monde extérieur au-delà de la musique qui l'absorbe. Il a laissé sa veste au vestiaire et son t-shirt laisse voir les tatouages qui sillonnent ses avant-bras. Même si les tatouages sont sûrement plus courants parmi les personnes présentes ici que dans le reste de la population, Sirius est le seul à en avoir autant et il attire tous les regards.
« Ou peut-être que c'est sa façon de danser comme si le monde n'existait pas, et à quel point il est beau quand il fait ça. »
Remus ignore le garçon blond qui essaye de recommencer à danser avec lui et se fraye un chemin dans la foule pour se rapprocher de Sirius.

From Milan to Yucatan
Every woman, every man

Quand il arrive à sa hauteur, Remus pose une main sur l'épaule de Sirius pour lui indiquer sa présence. Sirius se tourne vers lui et lui sourit en le voyant. Il pose une main dans son dos et l'attire contre lui en continuant à se déhancher. Remus sent sa respiration devenir plus saccadée et son cœur s'emballer. Quelques mèches de cheveux de Sirius sont collées sur son front par sa sueur. Il a le regard brillant et un peu fou de quand il a bu quelques verres.
Au moment où arrive le refrain, il bascule la tête en arrière et chante à pleins poumons les paroles.

Hit me with your rhythm stick
Hit me!
Hit me !

Puis il rebascule son regard sur Remus. Il lui passe une main dans les cheveux et murmure la suite des paroles en le fixant et en parlant si bas que Remus devine ce qu'il dit plus qu'il ne l'entend.

Je t'adore
Ich liebe dich.

Remus a l'impression que son cœur va sortir de sa poitrine. Il écarquille les yeux. Sirius éclate de rire et se penche vers lui :
« Faut que tu sortes plus souvent Moony tu verrais la tête que tu tires ! »

Remus se force à rire mais il sent une chaleur cuisante lui monter aux joues. Il marmonne quelques morts d'excuse à Sirius et s'éloigne vers les toilettes.

Une fois enfermé dans un box, il n'arrive pas à retenir les larmes qui se bousculent à ses yeux.


Remus inspire une grande goulée d'air frais.
C'est ce qu'il préfère. Le passage brusque de l'air saturé et étouffant de l'intérieur des boites à celui de la nuit.
Il rêverait que les portes des boites de nuit donnent directement sur des petits chemins de forêt ou des plages désertes.
Mais à défaut, le froid d'une nuit londonienne de mars lui va très bien.

Ils sont restés jusqu'à la fermeture, l'aube commence déjà à pointer son nez. Quelques personnes sont encore sur le trottoir, le regard hagard et la bouche sèche, formant des petits groupes dont les vêtements colorés trouent la grisaille matinale.

Remus sourit. Il n'a pas froid, ou en tout cas l'alcool dans ses veines l'empêche de s'en rendre compte. Il a l'esprit légèrement embrumé et l'impression d'évoluer dans un nuage de coton. Il se retourne vers la porte et voit James et Peter émerger, chantant plus ou moins à l'unisson une chanson aux paroles et à l'air approximatifs que Remus n'arrive pas à identifier.

Derrière eux, Remus s'attend à voir Sirius, mais la porte se referme.

Peter surprend son regard et lui lance :
« Je sais pas s'il faut vraiment qu'on l'attende, il avait l'air en grande « discussion » avec un grand blond si tu vois ce que je veux dire. »

Remus accuse le coup. La tequila dans son organisme ne l'empêche pas de saisir l'ironie de la situation.
Ça m'apprendra à refuser les avances des grands blonds de ce monde.
Il s'éloigne vers un autre groupe pour essayer de trouver une cigarette.

Une fille aux cheveux noirs ébouriffés et au maquillage graphique lui en donne une. Il l'allume et fait quelques pas pour s'éloigner de la sortie de la boite. Du coin de l'œil, il aperçoit James qui met un coup de coude dans les côtes de Peter et entend ce dernier protester vaguement en demandant ce qu'il a fait de mal. James le rattrape. Il le regarde un peu trop intensément. Il a ce regard qu'il a toujours pour Remus quand il s'agit de Sirius. Remus a l'impression d'y voir un mélange d'inquiétude et de pitié. Ou peut-être de sollicitude ? Non, définitivement de la pitié. Il ne lui laisse pas le temps de parler.

« Je vais très bien James, t'inquiète pas pour moi.
- Mais Sirius…
- Sirius fait ce qu'il veut, il est grand. C'est à Marlène que tu devrais réserver ce regard pas à moi. Il ne me doit rien, je ne lui dois rien et c'est très bien.
- Remus…
- J'ai dit c'est très bien. »

James ouvre la bouche pour dire encore quelque chose, mais il renonce. Il secoue doucement la tête et donne une tape sur l'épaule à Remus. Puis il repart en titubant un peu vers Peter.

Remus s'est efforcé de rendre son ton aussi ferme que possible. Il ne veut pas avoir cette conversation. Il ne veut pas pleurer devant James le jour de son anniversaire. Il ne veut pas tout gâcher. Il ne veut pas être celui qui a encore des sentiments pour son ex des années après. D'ailleurs en général, il arrive à être presque sûr qu'il n'en a plus. Quand Sirius est avec Marlène, et qu'elle le regarde d'un air énamouré, et qu'il l'embrasse dans le cou quand il croit que personne ne regarde, Remus arrive presque à être heureux pour eux. Il arrive en tout cas à donner le change. James le connait trop bien, il sait que tout n'est pas clair. Mais au moins, Sirius ne sait pas. C'est ça l'important. Ça veut aussi dire qu'il ne peut rien dire quand Sirius a un comportement qui s'apparente à s'y méprendre à de la drague de la légèreté d'un camionneur.

Remus ricane tout seul. Le Remus de douze ans qui se consumait secrètement d'un amour qu'il croyait sans issue pour Sirius aurait tué pour que ce dernier le regarde dans les yeux et lui chuchote qu'il l'aime en allemand en le serrant contre lui dans une discothèque bondée.
Et dire qu'il avait l'impression que la vie était compliquée à l'époque. Aujourd'hui, il échangerait volontiers le fait de devoir cacher son homosexualité et sa lycanthropie contre le fait de devoir cacher sa lycanthropie et ses sentiments pour un homme qu'il avait quitté des années plus tôt. Ça, plus le fait de se retrouver pris (sans qu'il sache vraiment comment d'ailleurs) dans une guerre qui montait en intensité depuis dix ans et menaçait à présent de détruire le monde des sorciers. Accessoirement.

Remus repense à l'impression qu'il a eu tout à l'heure d'être à 20 ans plus jeune que jamais auparavant. En réalité, il a beau être plus libre maintenant, son impression d'être emmêlé dans des problèmes bien plus grands et trop compliqués pour lui n'a pas bougé d'un pouce.

Il a fini sa cigarette. Au moment où il l'écrase du talon de sa chaussure sur le trottoir, il sent quelqu'un se jeter sur lui de derrière. Dans la semi-confusion de son ébriété, il est sur le point de sortir sa baguette, lorsqu'il réalise que c'est Sirius, qui est maintenant en train de lui faire un câlin et d'enfouir sa tête dans son cou.

Remus s'écarte, plus brusquement qu'il ne l'aurait voulu. Heureusement, Sirius est passablement ivre et il ne remarque rien. Il a sur le visage une joie qui paraitrait presque enfantine si ses yeux n'avaient pas encore cet air un peu fou de celui qui a l'impression d'être invincible et que tout est possible.

« Moony ! J'ai une surprise pour toi ! Tu vas m'adorer !
- Super. »

Remus a mis autant de sarcasme que possible dans ce mot. Mais Sirius ivre est la personne la plus premier degré du monde. Il ne relève.

« Bon alors voilà je dansais avec ce type, un grand blond plutôt mignon, et v'là qu'il rapproche sa tête de la mienne. Alors moi je crois qu'il va m'embrasser et je m'apprête à lui sortir le couplet « t'es mignon et je suis flatté mais je suis pas dispo mon poteau ptêt une prochaine fois » enfin tu connais la chanson. »

Remus a envie de répondre à Sirius que tout le monde n'est pas l'objet d'autant d'avances que lui et que non, il ne connait pas la chanson, mais il n'a pas la force de l'interrompre. D'ailleurs l'excitation naïve de Sirius est en train de commencer à faire fondre son agacement. C'est toujours pareil. Remus se maudit intérieurement d'être aussi prévisible.

« Bah tiens-toi bien, figure-toi qu'en fait il était pas du tout intéressé par moi ! En fait il t'avait repéré depuis un moment et comme il nous a vu danser ensemble il m'a demandé si j'étais ton mec et sinon si je savais si t'étais libre ! Et comme je lui ai dit que oui, il m'a donné son numéro en me chargeant de te demander de l'appeler ! »

Sirius lui tend un bout de papier sur lequel est griffonné le numéro du grand blond. Remus ne bouge pas. Il n'est pas sûr d'avoir bien compris.

« Mais alors… Il ne s'est rien passé entre lui et toi ? »

Sirius fronce les sourcils.

« Remus, tu sais très bien que je suis avec Marlène.
- Oui, enfin soyons honnêtes, la notion de loyauté ne t'a jamais vraiment arrêté par le passé. »

Remus ne sait pas très bien lui-même à quoi il fait référence. En tout cas, il regrette ces mots à l'instant où il les prononce.
Sirius reste interdit quelques secondes. Son sourire est retombé, il a l'air d'un petit chiot blessé. Remus se déteste d'être la cause de cette expression sur son visage.

« Non… Sirius je suis désolé, c'est pas ce que je voulais dire… »

Sirius lui prend la main, Remus se tait immédiatement. Sirius y dépose le bout de papier.

« Laisse tomber, je vais mettre ça sur le compte de l'alcool, n'en parlons plus. »

Il a un petit sourire triste et retourne vers James et Peter.

Remus a à nouveau envie de pleurer.
« Ne pas tout gâcher hein. Bien joué. »

Sirius est déjà en train de plaisanter avec les autres, il a retrouvé presque tout à fait le même air insouciant que quelques minutes auparavant. Remus fronce les sourcils et se donne deux petites claques.
« Ça suffit maintenant arrête de te comporter comme un bébé. Du nerf. »

Il rattrape en quelques enjambées les trois garçons qui ont commencé à prendre le chemin du retour en titubant tranquillement.

Remus essaye de se concentrer sur l'odeur de la ville qui s'éveille doucement et les bruits de ses habitants qui s'ébrouent pour chasser la langueur du sommeil.

Ils avancent doucement, leur déambulation rythmée par les plaisanteries de Peter et les grandes déclarations sur le sens de la vie et du monde de Sirius.

Profitant d'un des courts instants de silence restants, James dit :
« Merci pour cette soirée, j'aurais pas pu rêver d'un meilleur dernier anniversaire.
- Comment ça dernier anniversaire ? demande Peter d'un air inquiet.
- Pas mon dernier anniversaire de manière générale, patate. C'est juste qu'avec l'arrivée du bébé, je sais pas si je pourrai refaire ce genre de soirées avant un petit bout de temps.
Et puis avec tout ce qui se passe, qui sait ce qui peut arriver. »

Un ange passe.

« Vous savez, on avait pas prévu cette grossesse. »

Les trois autres garçons s'arrêtent. James continue à marcher doucement, les mains dans les poches.

« Non mais me faites pas dire ce que j'ai pas dit, je suis content qu'elle arrive. Je suis même fou de joie pour tout vous dire. Mais je peux pas m'empêcher de me dire qu'on fait peut-être une connerie. Pour être honnêtes, ce bébé on l'aurait sûrement pas gardé si les circonstances étaient différentes. On aurait attendu un peu. Mais là on s'est dit… Enfin on avait l'impression…
- Que c'était peut-être votre seule chance d'avoir un enfant un jour ? propose Remus. »

James lui sourit et hoche la tête.

« Je sais que ce gosse sera aimé. Par Lily et moi, par vous, par Marlène, il aura pas un seul moment de solitude dans sa vie, ça j'en doute pas un instant. Mais j'ai peur de pas pouvoir le protéger. Il va naitre dans un monde auquel je suis pas sûr de comprendre encore grand-chose et je sais pas si on sera à la hauteur. »

Il se tait et ils font quelques pas en silence. Puis il reprend :
« Quand on était à Poudlard, on n'avait pas conscience je crois d'à quel point tous les dangers dont on entendait parler étaient proches et sérieux. On avait l'impression qu'on était invincibles, que le monde entier était à nous. Qu'il n'y avait pas de limite à ce que pourrait être notre vie.
Maintenant, je sais pas où je serai dans un an. »

Il frissonne.

« Je sais même pas si je serai là.
Tout ce qui monte doit finir par redescendre. Est-ce qu'on est punis pour n'avoir pas su apprécier notre liberté à sa juste valeur quand on l'avait entre les mains ? Est-ce qu'on l'a laissée filer parce qu'on n'a pas su comprendre à quel point on avait de la chance de l'avoir ? »

À nouveau, quelques secondes passent en silence. Puis, c'est au tour de Remus de prendre la parole :
« Je suis pas du genre à prétendre que tout va bien alors que c'est faux, à faire de grands discours optimistes t'assurant que le futur est radieux. Mais juste, n'idéalise pas le passé. Et ne noircis pas le tableau du futur.
La seule chose dont on soit sûrs c'est que rien n'est sûr le changement est la seule chose sur laquelle on puisse compter à coup sûr. Je crois qu'il faut qu'on l'accepte. »

Il a à moitié conscience d'à quel point ses paroles sonnent clichées, mais dans son esprit rendu flou par les shots, il a enfin l'impression que toutes les questions qui ont trotté dans sa tête toute la soirée finissent par trouver un semblant de réponse.

Sirius passe un bras autour des épaules de James.
« Un tas de choses ont changé en bien James. Toi pour commencer. Tu crois vraiment que si on était restés les petits cons qu'on était à 15 ans, Lily serait tombée amoureuse de toi ? Une fille comme elle ne se marie pas avec un type sur qui elle ne peut pas compter. Elle prend celui qui la mérite. »

Peter renchérit :
« Et puis on est encore jeunes. Je sais pas vous, mais moi quand on sort et que le froid nous accueille en nous piquant les joues et en nous éclaircissant les idées et qu'on traverse la ville encore endormie, j'ai encore cette impression que la ville et même le monde nous appartiennent !
Tant que la ville dort, continuons à nous accrocher à l'illusion que tout est possible !
- Bien dit Queudver ! Le monde peut aller se faire foutre ! beugle Sirius. »

Il chancelle un peu et lève une bouteille de bière qu'il semble sortir de nulle part et gueule à nouveau : « A NOUS ! »

Remus rit et passe son bras sous celui de Sirius pour le soutenir. Peter rejoint la chaine de l'autre côté en attrapant le deuxième bras de James. Cahin-caha, ils rejoignent l'appartement de Sirius, bras dessus, bras dessous.


Une fois à l'appartement, ils continuent encore de boire et plaisanter pendant quelques minutes.

Rapidement, Peter s'endort sur le vieux canapé défoncé de Sirius et se met à ronfler bruyamment.
James a un peu plus de dignité, il attend d'avoir atteint le lit de la chambre d'amis pour s'effondrer.

Ne restent que Sirius et Remus et le vieil exemplaire de Ziggy Stardust de Sirius qui tourne en fond sur sa platine. Sirius est en train de fumer une cigarette à la fenêtre. Remus fait mine de s'occuper en sirotant la bièraubeurre qu'il a trouvé dans le frigo et en examinant la collection de disques de Sirius, mais en réalité il a le même disque posé sur ses genoux depuis plusieurs minutes et il observe Sirius. Ce dernier a rassemblé ses boucles noires en chignon dont quelques mèches s'échappent. Remus ne voit bien que son visage éclairé par la lune. Il a des sourcils épais et des yeux de chiot triste, des pommettes hautes, une mâchoire définie et des joues un peu creuses. Dans la semi-pénombre, Remus ne distingue qu'à peine son t-shirt blanc, son jean noir et ses Doc qui piétinent la manche de son perfecto qu'il a jeté sur le plancher en rentrant dans l'appartement.

Sirius a été son premier copain, son premier baiser, sa première fois, son premier amour. Après « l'accident » en cinquième année, la mauvaise blague qui a failli leur coûter à tous si cher, Remus l'a quitté. Il lui a pardonné tout de suite, mais il avait besoin de temps pour lui faire confiance à nouveau. Sirius a attendu. Il l'a supplié de le reprendre. Il avait le cœur brisé. Mais Remus aussi avait mal et il avait besoin de plus de temps, toujours plus de temps. Les semaines se sont transformées en mois et les propres problèmes de Sirius avec sa famille ont empiré. Et Remus n'a pas su, n'a pas pu être là pour lui. Sirius a cherché d'autres bras dans lesquels se consoler. Il y en a eu beaucoup, des filles comme des garçons. Puis des femmes comme des hommes. Sirius ne se comportait jamais mal avec eux, mais il ne leur mentait pas non plus quant au fait qu'ils ne devaient rien attendre. Quelques mois après la fin de leurs études, Sirius a recroisé Marlène McKinnon à une soirée. Elle s'est laissé attendrir par ses yeux de chiot perdu et ses tatouages sur tout le corps. Ça n'a pas surpris Remus. Ce qui l'a surpris c'est que quelque chose en Marlène ait semblé attendrir Sirius aussi. Il a continué à la voir. Avec elle, il a semblé s'adoucir, trouver une certaine paix. Tout le monde le lui a dit.

Ce que James a dit tout l'heure résonne encore dans la tête de Remus. Il a toujours cru qu'ils avaient le temps. Que ça prendrait longtemps peut-être, mais que Sirius et lui finiraient par se retrouver. Une fois qu'ils seraient prêts. Ça lui semblait une évidence. Il se rend compte maintenant qu'il a attendu trop longtemps et qu'il a sûrement définitivement laissé passer sa chance. Parfois il a l'impression de continuer à percevoir chez Sirius un trouble sous la surface. Mais il sait que c'est son putain de cerveau transi d'amour qui se fait des films tout seul. Sirius n'a jamais été si heureux depuis qu'ils étaient ensemble. Ça fait des mois que Remus essaye de se forcer à passer à autre chose, à regarder d'autres mecs. Il se maudit de n'avoir réalisé à quel point il aimait encore Sirius que quand celui-ci est subitement devenu hors de portée.

Mais il faut dire que Sirius ne l'aide pas. Il le taquine, lui fait des clins d'œil, le complimente, lui dit qu'il l'aime en allemand… et le traite globalement comme s'il était spécial pour lui. Et quand il lui sourit, Remus a l'impression d'être la personne la plus importante du monde à ses yeux.

Remus avait toujours pris ces petites marques d'attention pour acquises. Il lui semblait qu'elles étaient une preuve que leur relation, bien qu'elle ne soit plus ce qu'elle avait été, était toujours spéciale. Mais depuis quelques mois, il a vu Sirius donner les mêmes à Marlène. Et il a réalisé que ce sourire de Sirius, celui qui vous donne l'impression que personne d'autre n'existe, ne lui est pas réservé. Que Sirius l'offre à tous ceux qui l'entourent. Qu'il irradie d'une lumière dans laquelle tout le monde aspire à être baigné.

Maintenant, Remus fait un effort conscient pour noter chaque fois où Sirius, par ses petites marques d'affection et ses sourires dévastateurs, donne l'impression à quelqu'un d'être la personne la plus précieuse de l'univers. Même si ça lui fait l'effet d'un poignard dans le cœur à chaque fois, il essaye de se servir de ça pour se prouver à lui-même qu'il ne compte plus aux yeux de Sirius que comme un ami. Un ami proche, mais pas plus que James ou même que Peter.

Mais cette nuit dans la boîte… Quand leurs yeux se sont croisés et que Sirius lui a passé la main dans les cheveux…
Remus frissonne en y repensant et renverse un peu de bièraubeurre qui mouille le bout de ses chaussettes et forme une petite flaque sur le parquet. Il pousse un juron.

Sirius se retourne.

« Tout va bien ? »

Il a la voix encore un peu pâteuse et un sourire un peu niais qui flotte toujours sur son visage. Remus le maudit intérieurement d'être si beau même dans un moment pareil.

« Oui j'ai juste renversé un peu de bièraubeurre, t'occupe.
- Ah attends je connais un super sort pour ça !
- Sirius, je sais faire un simple sortilège de Disparition, je ne suis pas un abruti complet.
- Le prends pas comme ça Moony chéri, je sais bien que tu sais faire j'aime juste t'être utile. »

Sirius jette sa clope par la fenêtre et s'accroupit près de Remus. Il pointe sa baguette sur la petite flaque et prononce d'une voix qu'il tente de rendre aussi claire que possible :
« Vanesco !
- Tu veux que je le fasse peut-être ?
- Non attends ! »

Il grommelle et réessaye en fronçant les sourcils :
« Nanesco !
- Sirius…
- Je peux le faire je te dis ! »

Il se rapproche encore de la flaque, jusqu'à ce que sa baguette ne soit plus qu'à quelques millimètres et reprend, les sourcils froncés dans un air concentré de petit garçon et cette fois ce qu'il prononce n'est même plus du tout intelligible.

Remus soupire et, pointant sa baguette sur la bièraubeurre à son tour, il dit : « Evanesco ! »
L'alcool disparait. Sirius reste penaud quelques secondes devant un Remus qui tente tant bien que mal de contenir son hilarité par charité pour son ami.

« Alors comme ça tu m'appelles Moony chéri maintenant ? »

Sirius relève la tête vers lui, surpris.
« J'ai dit ça moi ? »

Remus le regarde d'un air qu'il espère moqueur, mais il ne peut s'empêcher de craindre ce qui va suivre. Mais Sirius lui sourit et s'affale contre lui, la tête sur son épaule.

« En même temps qu'est-ce que je ferais sans toi petit Moony chéri… »

Remus ne sait pas quoi répondre. Il n'ose pas bouger un muscle de peur de rompre le charme. Quelques minutes passent ainsi en silence. Remus finit par rassembler son courage et se lance :
« Sirius, écoute, je sais que tu m'as dit de ne plus t'en parler mais je voudrais m'excuser pour tout à l'heure. Je sais bien que t'es sérieux avec Marlène, tout le monde le sait puis faudrait être con pour pas le voir. Je suis vraiment désolé. »

Sirius ne répond pas. Remus sent sa tête glisser sur son épaule et elle finit par tomber sur ses cuisses. Il est profondément endormi.
Remus pouffe.

« C'est malin, murmure-t-il en caressant les cheveux de Sirius. »

NOTES: Ok alors l'album Younger Now de Miley Cyrus est un de mes albums préférés de tous les temps ET il me hante depuis que je l'ai écouté j'arrête pas d'y penser. Donc pour essayer d'exorciser cette obsession je me suis dit que j'allais essayer d'écrire quelque chose en lien haha.
Les chapitres ne suivront pas forcément l'ordre de l'album et je suis pas sûre qu'il y en aura un pour chaque chanson mais je vais essayer! J'ai déjà une idée globale de la construction de l'histoire donc à priori je vais pas abandonner ce projet au milieu. Je l'écris dans le cadre du NaNoWriMo donc je vais bosser à fond dessus ce mois-ci :)
Au fait, en 1980 Lily et James sont déjà censés être cachés à Godric's Hollow mais j'ai décidé d'ignorer ça ou alors peut-être que j'avais oublié on sait pas bref désolée de l'imprécision j'espère que personne m'en voudra trop.