CLUEDO

Préambule

Manoir Tudor, Cape Cod, Massachussetts, 2 h du matin.

Ils avaient quitté leur chambre à pas de loup, rasant les murs, retenant leur respiration au moindre grincement de parquet, qui leur semblait faire un bruit assourdissant crevant le silence qui régnait dans la demeure. Descendre l'escalier qui menait au rez-de-chaussée sans faire de bruit fut un véritable défi, tant les marches couinaient à chacun de leur pas. Arrivés en bas, ils tendirent l'oreille quelques secondes pour s'assurer que personne n'avait été réveillé par leur petite excursion nocturne. Ils n'avaient pas vraiment envie de croiser Spencer le colosse en pleine nuit alors qu'ils farfouillaient dans les couloirs. Dehors il faisait nuit noire, et seule la lueur de la lune éclairait faiblement l'intérieur. Ils se faufilèrent jusque dans la cuisine. Tout à coup, Kate entendit le grincement du banc sur le carrelage, et le bruit d'un choc, suivi d'un grognement de Rick, qui grimaçait de douleur.

- Castle ! Qu'est-ce que tu fabriques ! chuchota Kate en dévisageant son visage crispé dans la pénombre.

- Ce n'est pas moi ! C'est le banc ! ronchonna-t-il en s'asseyant, et frottant vivement ses orteils nus.

- Tu parles d'un aventurier … Ça commence bien …, ironisa-t-elle avec un sourire. Fais-voir.

Elle s'accroupit devant lui, pour examiner son pied endolori.

- Ça saigne ? demanda-t-il comme un petit garçon inquiet.

- La peau est un peu écorchée, répondit-elle, en tâtonnant sur son petit orteil.

- Aïe ! gémit-il.

- Oh, mais quelle chochotte, c'est une égratignure. Tu n'avais qu'à mettre tes pantoufles …

- Mes pantoufles …., marmonna-t-il, tu as déjà vu un aventurier en pantoufles …

- C'est sûr que pieds nus, c'est mieux …. Bon, tu viens ? Ou tu veux remonter te coucher ?

- Je viens ! fit-il en se levant.

- Regarde où tu mets les pieds …, sourit-elle en avançant vers le fond de la pièce.

Elle poussa doucement la porte de l'arrière-cuisine pour en atténuer le grincement, et ils s'y glissèrent sans bruit.

- Tu es sûr que c'est là ? demanda Kate à voix basse, en regardant tout autour d'elle la multitude d'étagères remplies de provisions qui s'étendaient le long des murs.

- Oui, je te l'ai dit. Il est entré ici, et le temps que j'arrive il avait disparu, affirma-t-il catégorique.

La veille, Rick était persuadé d'avoir vu ici le fantôme qu'il chassait depuis deux jours. Kate avait beau lui répéter que c'était impossible, qu'il n'y avait pas de revenant dans ce manoir, et que si par le plus grand des mystères il y en avait un, ce fantôme devait avoir autre chose à faire que de jouer à cache-cache avec lui dans les couloirs. Mais il n'en démordait pas. Et elle avait finalement accepté de venir vérifier de ses propres yeux.

- Comment a-t-il pu disparaître alors que tu m'as dit que c'était un fantôme invisible ? s'étonna-t-elle, un brin moqueuse.

- Ce n'était pas un fantôme invisible. Mais je ne le voyais pas …, chuchota-t-il en commençant à farfouiller parmi des caisses de nourriture.

- Comment tu sais que c'était un fantôme alors ? reprit Kate, sceptique.

- Il y avait des bruits de pas comme s'il courait, expliqua Rick très sérieusement.

- Un fantôme qui court ça s'appelle un être humain, répondit Kate, pragmatique.

- De toute façon, tu ne me crois jamais …, ronchonna-t-il.

- Et bien je suis là, je te fais remarquer, à deux heures du matin à chercher un fantôme invisible, donc je dois bien te croire un peu quand même …

- Non, ça c'est juste parce que tu m'aimes, alors tu me fais plaisir, répondit-il en la regardant avec un sourire.

- Ce n'est pas faux, sourit-elle, mais je te crois quand même, enfin pas pour ce qui concerne ton histoire de fantôme, mais sur le fait qu'il y avait peut-être quelqu'un qui se baladait en pleine nuit.

- Pas quelqu'un. Un fantôme, Kate. Les pas sont partis vers la cuisine. Quand je suis arrivé dans la cuisine, j'ai entendu un bruit sourd, comme un glissement, qui provenait de la réserve. La dernière chose que j'ai vue, c'est la porte de la réserve commencer à se refermer, et quand je l'ai poussée pour entrer, la pièce était vide.

- Il y a peut-être eu un courant d'air ?

- Non. Il doit y avoir un passage secret, il ne s'est pas volatilisé comme ça, fit Rick en tâtonnant sur les étagères.

- Bien, cherchons le passage secret, répondit Kate, toujours sceptique.

Ils fouillèrent quelques minutes parmi les étagères remplies de bocaux, de boîtes de conserves, de sacs et de paquets de vivres en tout genre.

- Soupe de palourdes, fricassée de morue …, énuméra Kate en lisant les étiquettes sur les bocaux.

- Oh, regarde, des anguilles en bocal ! C'est trop cool ! fit Castle en se saisissant de sa découverte pour scruter les poissons longilignes enroulés dans une sauce blanchâtre.

- C'est trop dégoûtant, oui, fit Kate, en prenant un air répugné.

- Kate … viens-voir, chuchota-t-il en regardant l'emplacement vide sur l'étagère.

Elle se rapprocha, et esquissa un sourire en apercevant sa découverte. Il y avait une sorte de bouton poussoir, enfoncé dans le mur de pierres, derrière la rangée de bocaux.

- Bingo ! lança-t-il en souriant.

- Tu vois, ton fantôme avait des mains, ironisa-t-elle avec un petit sourire moqueur.

- J'appuie, fit-il, ignorant son sarcasme.

Un bruit sourd se fit entendre, comme si un mécanisme se mettait en marche, et ils virent avec stupeur le mur du fond de la pièce glisser doucement sur une cinquantaine de centimètres, ouvrant un passage.

- Waouh ! Indiana Jones n'a qu'à bien se tenir ! s'exclama Rick avec enthousiasme, en s'avançant pour jeter un œil de plus près.

- Si passage secret il y a, fantôme il n'y a pas, sourit Kate.

Il la regarda, l'air interdit.

- Eh bien oui, les fantômes n'ont pas besoin de passage secret, Castle, ils passent à travers les murs. Non ?

- Sur ce dernier point, tu n'as pas tort. Même si tous les fantômes ne sont pas des passe-murailles. Il y a les spectres lumineux qui se désagrègent dans l'air, les revenants qui ouvrent les portes comme de leur vivant …

- Castle …, l'interrompit Kate, exaspérée, si quelqu'un a emprunté ce passage secret hier quand tu le suivais, en le prenant pour un fantôme, c'est peut-être notre assassin.

- Cool, allons-y …

- Tu veux aller traquer un assassin dans un passage secret en pleine nuit et pieds nus ?

- Ben oui … Je suis sûr qu'il n'y a personne là-dedans de toute façon. On va juste jeter un œil et on retourne se coucher.

- Je te rappelle que d'une, je n'ai pas d'arme, et de deux, je suis enceinte. Ce n'est peut-être pas la peine de prendre des risques superflus.

- C'est vrai …, bon j'y vais tout seul alors, tu m'attends là.

- Tu crois que je vais te laisser aller tout seul là-dedans ?

- Tu as peur pour moi ? sourit-il.

- Bien-sûr que j'ai peur pour toi Tu as beau te prendre pour un aventurier …. Tu n'es qu'un …. écrivain … !

- Pourquoi, dit comme ça, j'ai l'impression que c'est dévalorisant ? Regarde, il y a une lampe-torche là. S'il y avait quelqu'un là-dedans, il aurait pris la lampe, et elle ne serait pas là, fit-il en l'allumant pour éclairer le long tunnel de pierres qui s'étendait devant eux.

Kate le regardait dubitative, mais l'enthousiasme de son homme était communicatif.

- Allez, viens, ça ne craint rien ! l'encouragea-t-il. Un passage secret, tu te rends compte ! On ne trouverait jamais ça à New-York ! Et un fantôme …, fit-il en se faufilant entre les murs de pierres.

- Il n'y a pas de fantôme Castle ! lança Kate en le suivant.

- Quand je vais raconter ça aux gars …

- Dire qu'on était venus pour un week-end en amoureux …

- On est en amoureux, sourit-il, même si un fantôme s'est tapé l'incruste …

Ils suivirent lentement le tunnel qui s'apparentait à un couloir, entièrement fait de pierres du sol au plafond.

Kate n'y voyait pas grand-chose, tant il faisait sombre. Seul le faisceau de la lampe que Rick braquait droit devant eux éclairait leur chemin. Elle n'avait pas vraiment peur, et Rick avait même réussi à piquer sa curiosité, tellement il était excité par l'exploration de ce passage secret. Néanmoins, sans son arme, et en pyjama, elle se sentait un brin démunie et vulnérable. Il y avait quand même au sein de cette demeure, parmi tous ces gens aux premiers abords forts sympathiques, un meurtrier.

Au bout de quelques mètres, ils sursautèrent en entendant le bruit sourd du mur qui se refermait derrière eux.

- Euh … murmura Rick, en se retournant pour éclairer l'entrée du passage secret, ça, ce n'était pas prévu …

- J'espère pour toi que ce tunnel mène quelque part, et qu'on ne va pas avoir à attendre que ton fantôme ait envie de venir se balader par ici pour sortir, lança Kate, un peu inquiète.

- Pas de panique, crois-en mon expérience, un passage secret mène toujours quelque part, tenta de la rassurer Rick en se remettant en marche.

- Ton expérience ? sourit Kate, se demandant à quoi il faisait référence.

- Oui, j'ai souvent arpenté des couloirs comme ceux-là dans Arx Fatalis.

- C'est quoi ça ? Un jeu vidéo ?

- Oui, sourit-il.

- Sacrée expérience …

Le tunnel donnait maintenant l'impression qu'ils descendaient, comme s'ils s'enfonçaient sous terre. Il se fit plus étroit, et ils durent avancer l'un derrière l'autre. Au bout d'une trentaine de mètres, ils aperçurent enfin une porte en bois. Prudemment, Rick ouvrit, et ils se glissèrent de l'autre côté. Un nouveau couloir commençait.

- C'est trop cool … j'ai l'impression d'être dans un jeu vidéo, fit Rick, enfin, sans les morts-vivants et les gobelins à trucider.

- Et moi, dans un cauchemar, répondit Kate avec humour.

- Regarde ! Il y a une autre porte là-bas ! lança-t-il en déplaçant le halo de lumière sur la porte qui bouchait le couloir à une dizaine de mètres d'eux.

Ils se précipitèrent pour ouvrir la porte, et entrèrent curieux de voir ce qu'elle dissimulait.

- C'est la cave …, fit Rick en regardant autour de lui les rayonnages de bouteilles de vin, qui couraient sur tous les murs du sol au plafond.

- On dirait oui …, ajouta Kate en scrutant avec appréhension les toiles d'araignées qui recouvraient certaines étagères.

- Le passage secret ne mènerait qu'à la cave ? s'étonna Rick en déplaçant le faisceau de lumière de manière à visualiser l'ensemble de la pièce.

- Peut-être, c'est une sacrée collection. Il y a plusieurs centaines de bouteilles. Il doit y avoir des crus très réputés et très chers là-dedans

- Oui, peut-être que Philip protège juste son vin en le planquant au fond d'un passage secret.

- Alors pourquoi ton fantôme est venu ici hier soir ? fit Kate, cherchant à comprendre.

- Pour boire un coup ? proposa Rick en souriant.

- Pour se planquer plutôt, en attendant que tu te lasses de le suivre, répondit Kate, avec un sourire.

- Ou alors il y a un autre passage secret qui part de cette cave, continua Rick en commençant à déplacer méticuleusement des bouteilles, tout en tâtonnant sur les murs.

Kate s'avança à son tour pour faire de même. Après une quinzaine de minutes à farfouiller parmi les centaines de bouteilles, ils durent se rendre à l'évidence. S'il y avait un passage secret dans cette cave, il était bien caché.

Dépités, ils s'assirent à même le sol, contre le mur de pierres. Rick sentit que Kate était inquiète et surtout exaspérée. Depuis qu'elle était enceinte, elle était à fleur-de-peau, bien plus sensible qu'à l'accoutumée. Et il pouvait comprendre que se retrouver en pleine nuit, enfermée dans un cave à vins, n'était pas ce qu'elle avait imaginé de mieux pour leur week-end romantique.

- Ne t'inquiète pas, fit-il en passant son bras autour de ses épaules, quelqu'un va bien finir par nous sortir de là demain.

- Si, je m'inquiète justement. Je n'aurais jamais dû te suivre ici … Ton père est complètement fou, fit-elle en caressant doucement son ventre.

- Hé ! Ne dis pas du mal de moi au bébé ! Il va croire que c'est vrai après …, bougonna Rick.

- Et bien ça l'est, non ? grogna-t-elle, avec, malgré tout un petit sourire.

Elle aimait bien quand il se fâchait parce qu'elle parlait de lui au bébé. Il était persuadé que tout ce qu'elle disait à travers son ventre pourrait avoir des répercussions sur leur enfant. Alors, souvent, elle s'en amusait.

- Ne sois pas fâchée, fit-il doucement, en déposant un baiser sur ses cheveux.

- On est coincés dans un passage secret à chercher …. je ne sais même pas quoi d'ailleurs … alors qu'on devait se reposer, répondit-elle avec un air boudeur.

- Je sais, je suis désolé de t'avoir emmenée à la chasse aux fantômes.

- On n'a plus qu'à espérer que Philip et Margaret aient envie de sortir une bouteille de vin demain.

- Tu n'as pas ton téléphone ?

- Non. Je ne pensais pas qu'on partait explorer des tunnels souterrains figure-toi, répondit-elle, sarcastique.

- Les gars doivent nous appeler demain matin, pour les résultats des empreintes. S'ils ne parviennent pas à nous joindre, je suis sûr qu'ils vont se soucier de savoir où on est passés. Ils vont appeler le manoir, et on va nous chercher.

- Espérons que d'ici-là, on ne soit pas morts assommés par un coup de chandelier, ironisa Kate.

- Tu crois que le fantôme est l'assassin qu'on cherche ?

- Je ne sais pas. Peut-être, répondit-elle, boudeuse.

Il resserra un peu plus l'étreinte de son bras autour de ses épaules, et posa doucement sa main sur son petit ventre bien arrondi maintenant, arrivée au terme des trois premiers de grossesse.

- Bébé, Papa n'est pas fou. C'est juste un aventurier ! lança-t-il.

Elle finit par sourire en regardant sa main s'amuser à caresser son ventre, et se blottit contre lui.

- Maman a beau grogner, elle aime quand Papa joue les aventuriers. Ça l'excite …

- Hé ! Ne lui dis pas ça ! s'offusqua Kate.

- Je croyais que le bébé ne comprenait pas de toute façon ? sourit Rick.

- Oui, mais quand même. Evite les trucs à connotation sexuelle. On ne sait jamais !

Ils rirent de bon cœur.

- Tu sais, au moins, on ne mourra pas de soif ici, fit remarquer Rick, en promenant le rayon de sa lampe sur les étagères

- Oui, je suis sûre que Bébé apprécierait que je m'enfile quelques bouteilles de pinard pour me désaltérer ! s'exclama Kate.

De nouveau, ils éclatèrent de rire.

- Je suis désolé, Kate, fit-il tendrement. Je sais que je t'avais promis de te dorloter, et que tu pourrais te reposer. Et je t'entraîne dans l'élucidation d'un meurtre et une chasse au fantôme. Normal que tu sois fâchée.

Elle se redressa pour le regarder dans les yeux. Dans la lumière de la lampe, il avait pris son air dépité.

Amoureusement, elle posa ses lèvres sur les siennes. Il fit glisser sa main dans son cou, pour l'attirer plus près de lui, et prolonger ce baiser.

- Ça veut dire que tu n'es pas fâchée ? sourit-il.

- Juste un peu, fit-elle avec un sourire.

- Tu sais que c'est la première fois depuis qu'on est mariés qu'on se retrouve enfermés quelque part.

- Et ? C'est un signe de quelque chose ?

- Euh … non. Je me faisais juste la remarque. Tu n'as pas froid ? s'inquiéta-t-il.

- Non. Et toi ?

- Ça va. Tu me tiens chaud.

- Il est 3h, fit Kate en regardant sa montre, à quelle heure les gars doivent appeler ?

- Je ne sais pas. Sûrement pas avant neuf heures. Je leur ai dit de ne pas appeler trop tôt car tu te reposerais.

- Super …, ironisa-t-elle en baillant.

- Viens te mettre là, et essaie de dormir, fit-il en calant sa tête contre son torse.

- Mais si …

- Ne t'inquiète pas …, je veille, si je vois un fantôme armé d'un chandelier, je crie !

Trois heures plus tard.

Ils dormaient, assis à même le sol, blottis l'un contre l'autre, quand Rick fut tiré de son sommeil par le bruit sourd caractéristique, bien que lointain, du mur de l'arrière-cuisine qui glissait pour ouvrir le passage secret.

- Kate …. Réveille-toi … Il y a quelqu'un qui est entré ..., chuchota-t-il, en secouant légèrement son épaule.

Elle ouvrit difficilement les yeux, se redressa et constata, à la vue de la cave plongée dans le noir, qu'ils étaient toujours prisonniers. Elle avait froid, malgré la chaleur de Rick contre elle.

- Ecoute, murmura celui-ci en éclairant doucement la porte.

Il hésitait à crier, mais si c'était le meurtrier, il valait mieux s'abstenir de signaler leur présence. Kate tendit l'oreille. Des bruits de pas, légers, mais clairement audibles, résonnaient doucement et se rapprochaient.

- Castle, viens par-là ! chuchota Kate, en se levant d'un bond.

Elle l'entraîna derrière une étagère de bouteilles de vin, et ils s'accroupirent tapis dans l'obscurité. Leurs cœurs battaient la chamade. Ils sentaient leur angoisse mutuelle.

- Eteins la lampe, murmura Kate.

- Tu crois que c'est le meurtrier ? demanda Rick.

- J'espère que c'est juste ton fantôme, répondit-elle à voix basse.

La main de Kate vint trouver la sienne, et il sentit ses doigts gelés venir enlacer les siens. Durant une fraction de seconde, il s'inquiéta qu'elle ait froid, mais, comme si elle anticipait ses questions, elle lui souffla tout doucement « chut ». A cet instant, ce n'était pas la flic mais sa femme, qui s'accrochait à sa main. Peut-être parce qu'elle était enceinte, peut-être parce qu'elle n'avait pas son arme, il la sentit vulnérable et réalisa qu'elle avait réellement peur. Non pas que la situation ne soit pas effrayante, mais Beckett avait l'habitude d'affronter ce type d'attente angoissante. D'ordinaire, elle aurait attendu de pied-ferme un assaillant éventuel, prête à lui bondir dessus, mais à ce moment précis, elle optait pour la prudence, si tant est qu'il soit possible d'en faire preuve dans pareille situation, et tentait de se cacher. Et c'était de sa main qu'elle avait besoin pour se rassurer.

Plongés dans le noir, ils se recroquevillèrent, retenant leur souffle, écoutant le rythme des pas qui se rapprochaient inexorablement. Ils avaient beau réfléchir, ils ne savaient pas comment se sortir de ce piège.

Encore quelques secondes, et ils sentirent qu'il était là, dans la pièce. Tous les sens en éveil, ils captaient sa présence sans le voir, tant l'obscurité était totale. Ils entendaient son souffle, calme, posé. Sans bruit, Rick enroula ses bras protecteurs autour de Kate. Il sentait les battements de son cœur qui tambourinaient dans sa poitrine.

Et il y eut ce choc violent qui les projeta contre le mur. Ils n'eurent pas le temps de réaliser ce qui se passait, ni de réagir. Une force irrépressible s'abattit sur eux, et dans un fracas de verre et de métal, ils tombèrent violemment sur le sol.