Disclaimer : si Young Justice m'appartenait, la série n'aurait pas été annulée après deux saisons.
Diabolo-grenadine
Ça fait une semaine que Papa est revenu parmi nous et je n'arrive toujours pas à le croire. Je n'osais même plus espérer que ça marcherait. La tête qu'il a faite quand il a ouvert les yeux après ces six longues années ! J'étais si heureuse que je ne savais plus où j'en étais.
Il a passé les trois premiers jours à parler avec tout le monde. Il a remercié Batman et les autres de s'être occupés de moi, il a déposé des fleurs devant le mémorial des super-héros morts au combat et présenté ses condoléances à leurs familles, il a contacté Zachary, pris des nouvelles des anciens et salué les nouveaux… Et puis, il m'a entraînée dans un coin et m'a annoncé que pour rattraper tous les anniversaires qu'il n'avait pas pu fêter avec moi, il m'emmenait passer une semaine en Italie.
C'est comme ça qu'on a fait nos valises à la hâte et qu'on a sautés dans le premier avion pour Rome. Pendant le trajet, on se parlait à l'envers et une des hôtesses n'arrêtait pas de nous regarder avec des yeux ronds ! Nous voici à l'hôtel. Ma chambre donne sur un jardin qu'on dirait sorti tout droit d'un conte de fées. Je crois que mon cœur va éclater de joie.
Papa frappe à ma porte. Il me dit de mettre une jolie tenue. Ce soir, on dîne dans son restaurant préféré ! J'hésite entre deux robes et je finis par l'appeler pour avoir son avis. Il entre, me dit que les deux sont ravissantes, puis fronce les sourcils et va vers mon lit sur lequel mes vêtements s'étalent. Il attrape un de mes soutiens-gorge, celui en dentelle rouge, et me demande s'il est à moi. Je m'étonne.
- Il y a quelque chose qui ne va pas ?
- Eh bien, ce n'est pas vraiment de ton âge, mon petit lapin.
- Papa, j'ai vingt ans. Je ne rentre plus dans mes soutifs d'il y a six ans !
Je ne l'ai jamais vu rougir autant ! Il lâche mon soutif comme s'il lui brûlait les doigts, reviens vers mes robes, me conseille de mettre la bleue, me colle un bisou sur le front et sort en coup de vent. J'éclate de rire. Qu'est-ce qu'il croyait, que j'aurais 14 ans jusqu'à la fin de mes jours ?
Bon, c'est pas grave. Après tout, il ne m'a pas parlé pendant plusieurs années. Ce qu'il m'a manqué… Enfin, c'est du passé. J'enfile la robe bleue et mes chaussures préférées, je me redonne un coup de peigne... Parfait. Je vais faire tourner des têtes, ce soir !
Papa vient me chercher plus tard et nous nous retrouvons dans ce fameux restaurant. C'est étrange, j'ai l'impression d'y être déjà venue. J'en fais la réflexion à voix haute et mon père me sourit.
- On est venus ici avec ta mère quand tu étais haute comme ça, explique-t-il. Tu avais des socquettes blanches et des souliers vernis. Tu t'es endormie avant la fin du repas et on t'a portée jusque dans ton lit. Tu te souviens ?
- C'était ça ? Dans mon souvenir, c'était plus grand…
Je me sens émue comme une fillette. J'ai retrouvé mon papa et plus personne ne me le prendra, plus jamais ! On nous guide jusqu'à notre table et le serveur me fait de l'œil. Ça, j'en ai l'habitude depuis des années et je ne déteste pas, même si des fois, ça m'énerve un peu. Papa, lui, a l'air vaguement gêné.
- La carte des vins, s'il vous plait, dit-il.
Il commande pour lui, après quoi j'attrape la carte. Soudain, mon père a l'air horrifié.
- Tu n'as pas l'âge de boire de l'alcool !
- L'âge minimum est de seize ans ici, non ?
Il me fusille du regard et je n'insiste pas. C'est dingue : on me considère assez responsable pour mettre ma vie en danger et sauver le monde, et pas assez pour boire 15 centilitres d'alcool pas fort du tout. Enfin, c'est pas trop grave. J'attendrai encore un an.
- Un chianti pour le gentleman, résume le serveur, et que prendra votre compagne ?
Je me répète cette phrase dans ma tête avant de comprendre que ce type nous prend pour un couple ! C'est tellement ridicule que j'éclate de rire. Papa, lui, a l'air furax.
- C'est de ma fille dont vous parlez, répond-il très sèchement.
- Oh, mais comment pouvez-vous avoir une fille aussi grande alors que vous avez l'air tellement jeune ? balbutie le serveur qui essaie en vain de rattraper le coup. La demoiselle prendra ?
- Un diabolo-grenadine ! réponds-je entre deux éclats de rire.
C'était ma boisson préférée quand j'avais dix ans. Quand on buvait un verre à la terrasse d'un café, je prenais toujours un diabolo-grenadine. Je ne sais pas si je demande cette boisson d'enfant pour réveiller les bons souvenirs, pour les rappeler à mon père ou pour taquiner encore plus le serveur. Il finit de prendre la commande, bafouille que j'ai bien les yeux de mon père et part en toute hâte.
- Le service est catastrophique, fulmine papa.
- Je crois qu'il ne l'a pas fait exprès, dis-je en essayant de ne pas rire. Il est peut-être nouveau !
- Sinon, les études, ça se passe comment ?
Le changement de conversation est abrupt. J'ai l'impression que mon papa veut oublier ce début de soirée pénible pour garder un meilleur souvenir possible. Je lui raconte le lycée, mes débuts avec l'équipe, je lui parle des anniversaires qu'on fêtait ensemble, des coups durs quand on a perdu Jason, Tula et Wally. Six ans sans lui, c'était tellement long. On nous apporte nos verres, on bavarde et en fin de repas, il me propose de tremper mes lèvres dans son verre de chianti. Je refuse. Il insiste.
- Juste une fois, dit-il.
Je finis par essayer. Je passe les minutes suivantes à me demander si j'aime le goût de ce vin ou non. On rentre. Mon papa est de nouveau parmi nous.
Je suis si heureuse.
A suivre...
