1.

La lettre

- Une lettre pour vous mademoiselle Delacour.

Merci Tinkiley, lui sourit la jeune femme en récupérant le morceau de papier cacheté de cire bleue.

L'elfe de maison se retira, laissant sa maîtresse lire tranquillement sa missive dans son bureau. Fleur avait toujours eu beaucoup de respect pour les elfes de maison. Quand Bill lui avait proposé une colocation -qui avait fini par devenir un emménagement plus ou moins officiel- elle avait fortement insisté pour que leur elfe de maison, prénommé Tinkiley, soit traité convenablement, avec respect. Elle refusait qu'il le soit comme Lucius l'eut fait avec Dobby quelques années auparavant. La blonde n'était pas ce genre de personne, sans cœur et hautaine. Elle respectait tous les hommes et toutes les créatures, quelque soit leur rang.

Tinkiley prit donc congé de la maîtresse de maison. Depuis que Fleur avait été employée à Gringotts, banque où travaillait également Bill, elle faisait tout son possible afin de perfectionner son anglais. En seulement tris années, elle avait fait énormément de progrès. Son accent et sa grammaire n'étaient pas encore des plus parfaits et pour remédier à cela, elle passait de nombreuses heures enfermée dans le bureau que Bill lui avait aménagé à lire des livres en anglais. Certains termes, trop techniques pour elle encore, lui semblaient indéchiffrables mais elle travaillait pour avec acharnement. Fleur finit par délaisser ses livres pour se consacrer à sa missive. Elle déplia le papier avec délicatesse, prenant grand soin à ne pas l'abîmer. La jeune Delacour reconnut l'écriture avoir avoir rapidement parcouru l'écrit. C'était celle de Bill, son fiancé. Seul lui possédait cette écriture à la fois si belle et si tremblante. Les lettres formaient de magnifiques boucles tout comme d'énormes tâches d'encre. Que lui voulait-il? Pourquoi lui avait-il écrit une lettre alors qu'ils se voyaient pratiquement tous les soirs ? Ce n'était pas dans ses habitudes et cela inquiéta la jeune femme qui s'imagina le pire des drames.

Ma très chère Fleur,

J'espère que Tinkiley te fera parvenir cette lettre dans les plus brefs délais.

Sûrement t'es-tu rendue compte de mes absences à répétition depuis ces deux derniers mois. Certes, l'Ordre du Phénix me prend énormément de temps et mes recherches sur les Gobelins également. Mais il n'y a pas que ces deux raisons. J'ai longuement réfléchi et j'ai fini par arriver à la conclusion selon laquelle tu avais le droit de savoir la vérité.

Lors d'un de mes déplacements en Irlande j'ai rencontré une jeune femme, Kathelyn Fitzwilliam. Elle était chargée de me servir de guide afin de m'empêcher de me perdre dans les villes parcourues. Nous passions le plus clair de nos journées ensemble, à nous promener et à parler de longues heures durant. Les jours passant, j'ai commencé à développer certains sentiments à son égard. D'abord une profonde amitié. Puis de l'amour. J'ai lutté contre ses sentiments mais j'ai été faible Fleur. Elle était si belle. Quelques jours avant mon départ, Kathelyn et moi avons passé la nuit ensemble. Au petit jour, nous nous sommes promis que cette nuit ne mènerait nul part, surtout pas vers une histoire d'amour. J'étais heureux de rentrer. Heureux de te retrouver, de pouvoir t'embrasser, te serrer dans mes bras. Mais un mois plus tard, Kathelyn me fit parvenir une lettre m'annonçant qu'elle attendait un enfant. Notre enfant.

Mon éducation m'oblige à épouser Kathelyn afin de lui offrir, à elle et notre enfant, une vie convenable. Je ne veux que notre enfant soit un bâtard. Un enfant sans père. Je me dois de le reconnaître et de lui permettre de vivre aux côtés d'un père et d'une mère. Je sais qu'au fond de toi, tu comprendras ma décision.

Je ne t'oublierai pas Fleur. Jamais. Sache que tu peux garder notre appartement. J'ai fait en sorte de payer les six prochains mois afin que tu puisses conserver ton argent et te consacrer à tes cours d'anglais (qui se passent pour le mieux je l'espère?). Tu occuperas toujours une place dans mon cœur et dans mon esprit mais je me dois de subvenir aux besoins de mon enfant.

Je t'embrasse et te souhaite de trouver une personne qui sera à ta hauteur,

William Arthur Weasley.

P.S : ne cherche pas à venir au Terrier, j'ai déménagé et mes parents ont ordre de ne pas te donner ma nouvelle adresse.

Le cœur de Fleur se serra. Elle se sentait suffoquée dans son bureau. Les murs donnaient l'impression de se rapprocher et le sol de trembler. Sa vue se troubla avant que des larmes n'inondent ses joues. Elle eut envie de crier mais aucun mot ne parvint à franchir la barrière formée par ses lèvres. Son corps fut secoué de spasmes qui l'empêchaient de respirer à sa guise. Non Bill ne pouvait pas la quitter. Il n'avait pas pu non plus procréer un enfant avec un autre. Il était incapable de la quitter ! Bill était une personne fidèle en amour, loyale. C'était impossible. Elle vivait un cauchemar. Mais elle allait se réveiller et, à son réveil, Bill serait là, tout près d'elle, enroulé dans le couverture.

La jeune femme se pinça mais cela ne fit rien. Elle comprit alors qu'elle ne rêvait pas, que tout cela était réel. Bill venait bel et bien de mettre un terme à leur relation. Il venait de la quitter, la laissant seule dans cet appartement. Leur appartement. Il avait réalisé leur rêve d'enfant avec une autre, une Irlandaise rencontrée lors d'un voyage d'affaire.

Fleur voulut se lever mais elle trébucha, faisant tomber au passage les papiers posés sur son bureau, dont la lettre de Bill. Quand son corps entra en contact avec le sol, elle ne put retenir ses larmes de douleur. Bientôt des cris se mêlèrent à ses pleurs et ses gémissements. Elle sentait son cœur se briser peu à peu. C'était pire que n'importe quel sort, y compris les Impardonnables. Des milliers de poignards se plantaient dans son cœur.

Tinkiley, alerté par les cris et gémissements de douleur de sa jeune maîtresse, regagna rapidement son bureau. L'image qui s'offrit à ses yeux fut horrible. Fleur, assise au sol et adossée contre le bois de son bureau, criait à s'en rendre muette alors que ses yeux versaient des torrents de larmes.

- Mademoiselle Delacour, que se passe-t-il ? Pourquoi vous mettez-vous dans cet état ?

Il voulut s'approcher d'elle mais elle le repoussa, poussant au passage un cri à en briser les fenêtres. Elle semblait devenir folle. Folle de douleur et de rage. De douleur car elle venait de perdre l'amour de sa vie. De rage car il l'avait trompée avec une autre. Tinkiley se contenta de rester debout devant elle à ne rien faire. Après tout, que pouvait-il faire ? Fleur refusait de parler, ne s'exprimant qu'à travers des cris à vous en glacer le sang.

Mais bientôt, après d'innombrables minutes, la gorge de Fleur devint sèche et ses yeux incapables de verser ne serait-ce qu'une larme. Ses cris finirent par mourir dans un silence douloureux. Elle était épuisée. Son corps était aussi lourd qu'un rocher. Le moindre mouvement lui demandait un effort surhumain.

Tinkiley, voyant que sa maîtresse avait retrouvé un sembla de calme, tenta à nouveau de lui poser une question :

- Mademoiselle... ?

- Rassemble mes affaires Tinkiley s'il te plaît. Je pars voir les Weasley, ordonna-t-elle en se relevant lentement.

- Mais le maître n'est pas là et...

- Le maître ne reviendra pas Tinkiley, avoua Fleur dans un murmure ponctué d'un sanglot étouffé. Bill est... Il est parti avec une autre.

- Oh... Je suis désolé mademoiselle.

L'elfe lança un regard rempli de compassion à la jeune femme qui semblait plus fragile que jamais. Elle le gratifia d'un faible sourire qui ressemblait plus à un rictus de douleur avant d'essuyer ses yeux rougis avec les manches de son gilet.

L'elfe, qui avait compris la détresse de sa maîtresse, rassembla ses affaires en quelques minutes. Quand il eut fini, il se rendit au salon où elle se trouvait. Fleur avait rassemblé ses cheveux en un chignon lâche et ses yeux semblaient moins rouges que quelques minutes auparavant. Ses produits de beauté l'avaient certainement aidé à caché ce petit défaut de couleur. Dans un geste calme, il lui tendit sa valise.

- Je te confie l'appartement Tinkiley. Je ne sais pas quand je reviendrai mais prends en soin. Après tout, je te fais entièrement confiance. Tu es un très bon elfe de maison Tinkiley. Ah j'oubliai ! Si quelqu'un te demanda où je suis, dis-leur que tu ne sais pas.

Il hocha la tête. Fleur lui sourit à nouveau maigrement avant de transplaner vers le Terrier des Weasley. Bill lui avait demandé de ne pas s'y rendre mais elle avait besoin de réponses à toutes les questions qui inondaient son esprit et rendaient sa réflexion quasi impossible. Et seule Molly Weasley, et peut-être Arthur, pouvait lui répondre.

Il ne lui fallut que quelques secondes pour se trouver devant le Terrier. Rien n'avait changé. Tout était calme. On n'entendait que le vent qui s'engouffrait dans les champs de blé et faisait voler les quelques mèches blondes de Fleur qui s'étaient échappés de son chignon. Elle inspira profondément pour reprendre une certaine contenance et se redonner du courage. Elle avança lentement vers la maison, suivant le petit sentier qui s'était créé de lui-même avec les années. Elle allait toquer quand Molly ouvrit la porte, lui faisant face.

- Fleur... Mais que faites-vous ici ? Demanda la mère Weasley qui semblait tout à fait déconcertée par cette arrivée.

- Je veux savoir où est Bill. Il me doit une explication en face à face. Je ne partirai pas avant d'avoir eu cette explication concernant cet enfant. Et puis d'ailleurs je n'y crois pas une seule seconde à son histoire d'enfant avec une autre !

- Fleur ! Fleur calmez-vous ! Bill est parti avec une autre. C'est fini. Je suis désolée mais il aime Kathelyn et ensemble ils vont donner naissance à un adorable bébé. Je vous prierai de l'oublier et de passer à autre chose. Sur ce, je vous souhaite une merveilleuse soirée mademoiselle Delacour. De plus, ne venez plus nous importuner au Terrier car personne ne vous ouvrira désormais.

- Et Molly referma la porte au nez de Fleur. Ss relations avec madame Weasley n'avaient jamais été très joviales mais le dureté du ton de Molly l'avait profondément blessée. Molly ne s'était jamais montrée aussi froide envers elle. Fleur n'avait pas trouvé de réponses à ses questions. Au contraire, elle s'en posait de nouvelles. Pourquoi Molly agissait-elle ainsi ? C'était comme si madame Weasley cherchait à tout prix à persuader Fleur que Bill l'avait trompé ? Et si Bill l'avait réellement trahi en faisant un enfant à une autre femme ?

Elle était seule désormais. Personne ne semblait la comprendre. Ils prenaient tous le parti de Bill. Mais personne ne pouvait comprendre sa douleur ni même sa rage. Elle en voulait à Bill, à Molly, à Arthur.

Lentement, le cœur rempli de regrets, elle quitta le Terrier pour partir loin de tout ça. Loin de Bill et de leurs souvenirs.

Molly referma la porte. Elle venait de briser le cœur de Fleur et elle le savait. Jamais l'élève de Beauxbâtons ne pourrait se relever de la trahison de Bill. Il était l'homme de sa vie. Son seul et unique amour. Elle avait besoin de lui. Madame Weasley se tourna alors vers le salon, croisant le regard de son fils aîné qui se tenait adossé contre le mur. Les traits de son visage était tirés et ses yeux brillaient d'une lueur de tristesse. On aurait dit qu'il allait pleurer à tout moment.

- Es-tu sûr de ce que tu fais Bill ? Tu es en train de la détruire...

- Je la protège maman. Plus elle sera loin de moi et plus en sécurité elle sera. Voldemort cherche à affaiblir Harry et les membres de l'Ordre. Pour cela, il n'hésitera pas à s'attaquer aux êtres auxquels nous tenons le plus. Regarde, il a tenté de s'en prendre aux parents de Hermione. Heureusement qu'un auror était dans les parages. Je suis obligé de lui faire croire cela maman. C'est le seul moyen pour qu'elle s'éloigne de moi. Je refuse qu'elle soit en danger par ma faute, à cause de mes sentiments pour elle. Et puis, si Harry gagne cette guerre...

- Harry va gagner cette guerre. Ne doute pas de lui. Il tuera Voldemort, lui assura Molly avant de s'approcher de son fils pour le prendre dans ses bras. Tu retrouveras Fleur. Vous êtes faits l'un pour l'autre. Malgré que je n'approuve pas du tout ta démarche, je la comprends. Tu... tu agis comme un homme cherchant à protéger sa famille et pour cela, je suis fière de toi mon grand.

- Comment peux-tu être fier maman ? Je détruis la femme que j'aime...

- En voulant la protéger. Tu l'as dit toi-même mon chéri. Allez Bill. Tu dois rejoindre ton père au Ministère. Ils ont besoin de tes informations concernant les Gobelins.

D'un geste tendre, elle essuya la larme qui coulait sur la joue droite de son fils avant de l'enlacer. Elle lui murmura une nouvelle fois qu'elle était fière de lui, qu'elle aimait et puis Bill transplana pour retrouver son père au Ministère de la Magie.

En faisant cela, il ne détruisait pas uniquement le cœur de Fleur. Non il détruisait aussi le sien. Quand il fut dans le bureau de son père au ministère de la Magie, Bill essuya rapidement les larmes qui coulaient à flot sur ses joues à l'aide des manches de sa chemise. Arthur le vit faire mais ne dit rien. Il n'était pas utile de rajouter des questions à la douleur visible de son fils.