Titre : Les noces de sang

Auteur : n0vembre

Raiting : M, bien mérité à partir du troisième / quatrième chapitre !

Disclaimer : Les personnages appartiennent à Stephenie Meyer, dont je ne suis pas ce qu'on pourrait appeler une fan, mais quelques uns de ses personnages me plaisent bien !


Introduction

La nuit était noire, un terrible noir d'encre - Elle n'en finissait plus.

Il y avait un homme assis sur les ruines du gratte-ciel. Il avait déposé sur ses genoux une immense feuille de vieux papier, tracée de courbe incompréhensibles, qu'il striait de croix régulières. Il ne respirait plus qu'à demi, dans une intense concentration. Il n'avait rien à faire ici - personne ici ne connaissait son âge, mais ceux qui l'avaient rejoint le plus récemment s'offusquaient régulièrement de sa jeunesse. De sa beauté également. Sa mère avait beaucoup pleuré avant sa mort, à l'idée qu'il ne serait plus que cela: le meneur d'une révolte vouée à l'échec, quand il aurait pu être un dieu.

Edward Cullen s'était très vite fait à son destin. La guerre n'avait pas cessé depuis trois pleines années, elle l'avait fait orphelin. Son père avait été l'un de ses grands instigateurs, il avait tout naturellement suivi son destin, en rayant machinalement de son cœur toute trace de candeur. Sa jeune sœur, Alice, répétait à qui voulait bien l'entendre qu'il était un saint, qu'il était un martyr. Il était vrai qu'il y avait quelque chose d'étrange à le voir courir dans la poussière et les cadavres, lui trop blanc, sculptural, couronné de feu, la hache à la main. Digne de son héritage sanglant, il savait planter ses deux grands yeux jades dans ceux de n'importe quel sceptique, et le convaincre, presque instantanément.

Les croix régulières figuraient les places successives de leurs ennemis. Ils n'étaient plus très loin – eux n'étaient pas prêts. D'une voix atone, un homme au-devant de la foule édictait pour la centième fois les instructions de combat. Resté à l'écart, Edward laissa ses yeux glisser sur l'arme à ses pieds. Trancher la gorge, d'un seul coup, sec, le plus puissant possible. Jeter la tête dans le feu que les femmes auraient allumé au préalable. Courir au plus vite, ne jamais se séparer. Compter sur le nombre. N'être jamais moins de cent contre un seul et unique homme. Homme : le mot ne convenait en rien. De plus, des femmes se battaient également dans leur rang. Trois années à se battre, Edward n'en avait jamais vaincu que deux – pourtant, on le reconnaissait comme puissant. Trancher la gorge était presque impossible, courir au plus vite également. S'ils tâchaient de survivre en restant groupés, ils n'étaient guère qu'une dizaine à survivre à terme. Ces gorges ouvertes au sol ne laissaient échapper aucun sang.

Il avait mis des mois entiers à oser poser un nom sur ces êtres. Il parlait maintenant de vampire, et son corps alors tremblait tout entier. Il recouvrit son visage de ses mains. Est-ce qu'il allait survivre au lendemain ? Est-ce que la révolte allait survivre ? Ils avaient tous entendu parler par le dernier des survivants de rebelles alliés d'un nouveau meneur dans ces troupes horribles. Il avait rasé toute une ville, et tous les humains avaient disparu. Quelques cadavres exsangues, trop peu. Que devenaient ceux emportés en esclavage ?

Il descendit lentement de son piédestal, rejoignit Alice. Elle était restée également en retrait, et à en juger les larmes qui brouillaient son regard avait eu les mêmes considérations que lui. Elle tenta de lui sourire, et presque aussitôt bondit dans ses bras pour mieux sangloter.

Tu vas m'écouter, Alice. S'ils approchent, s'ils sont plus nombreux, si l'homme dont on nous a parlé est avec eux, fuis. Je t'en supplie, ne les laisse pas t'avoir.

Elle ne savait pas si elle devait s'offusquer, lui donner les mêmes ordres, ou bien hurler. Elle hocha juste frénétiquement la tête, avant qu'un hoquet terrible ne vienne bloquer pour de bon sa gorge. Il referma ses bras sur son corps minuscule. Elle était toute petite, magnifiquement belle, désirable. Ces êtres ressemblaient beaucoup trop à des bêtes, il ne voulait pas qu'ils détruisent son ange. Son merveilleux, dernier ange.

« Il faut frapper fort, vite, bien, n'oubliez pas. Vous n'aurez qu'une seule chance, ne la laissez pas passer – ce sera le monstre, ou vous. Vous ne voulez pas mourir, vous voulez libérer notre race. Ils ne nous auront pas, nous les avons tenus cachés des années durant, nous ne serons pas les créatures terrifiées. Que personne n'oublie son arme. Un seul de chaque détachement frappera, mais le monstre doit penser que vous frapperez tous. Un seul, il ne faut pas que son coup soit manqué à cause de vous. Ne vous dispersez pas – Chacun est fort comme une centaine d'hommes, vous serez chaque fois une centaine d'hommes, un seul d'entre vous doit être la main armée. ». Edward était seul devant cette foule de survivants. Ils étaient tout au plus un millier, fatigués, faibles et décharnés. Eux ne l'étaient jamais – combien allaient mourir à l'aurore ?

« Est-ce que je vais mourir ? », ajouta-t-il à mi-voix. Personne ne l'avait entendu. Il tourna les talons, disparut dans la nuit.

Toute la nuit, il garda les yeux fixés sur le plafond d'étoiles. Alice, pelotonnée contre lui, était enfin parvenue à s'endormir.

Le soleil pointait tout juste à l'horizon. Edward avait soigneusement récuré tout son corps, pour effacer au mieux toute odeur corporelle. Ses yeux étaient rivés sur les paumes de ses mains, sur une large cicatrice au creux de la droite – une hache brisée. Il se souvenait encore de ce sang trop rouge, du regard du vampire sur la plaie béante. Comment avait-il survécu ? Il ne s'en souvenait pas. Il ne s'en souvenait plus. L'instinct de survie lui avait permis de planter la lame correctement dans la gorge, et puis il s'était enfui. Vivant. Tout son corps s'était glacé à l'idée de ces dents atroces plantées dans sa chair, et il avait tué pour la toute première fois.

Du coin de l'oeil, il parvint à voir la silhouette d'Alice à l'angle le plus extrême de leur troupe. Elle était assez loin, tout allait bien : au moins une part de sa famille allait survivre.

Il ramassa son arme. Un vrombissement avait gagné l'air. Entêtant. Le bruit de leur course inhumaine.

Ils attendaient la mort.

C'était cela, non ?

« Je vais mourir. »

Son cerveau était engourdi. Il devenait fou.

Fou.

Dans cette brume étrange, la première chose qu'il vit à l'horizon fut une ligne noire – elle grandissait terriblement vite. Il parvint à penser que cette vision était atroce. Et puis il aperçut un premier corps. Grand et mince, et une peau livide qui brillait déjà en milliers de diamants. Pétrifié, son arme le long de sa jambe, il discerna une couronne de boucle blondes. Un rire absurde traversa son ventre – si Alice disait de lui qu'il était un ange, alors qu'était cette créature ? Il avait reconnu leur meneur, c'était un ange de la mort. Le survivant avait dit un nom, qu'il avait presque oublié lui aussi. Il ne se souvenait que de cet interminable délire, sur l'éradication totale et définitive de la race humaine, sur ce prince des vampires qui avait décidé de faire des esclaves. Sur la peur. Mais il n'avait pas peur – non, il était étrangement pétrifié et serein.

Ils allaient trop vite. Le feu était à peine allumé, il n'avait toujours pas trouvé la force de lever son arme. Il n'y avait rien dans tout cela de normal. Son cœur battait beaucoup trop fort. Quand il releva la tête, il parvint à discerner le regard du monstre – un brun doré, qui brillait presque autant que sa chair. Il parvint à bondir, il se sentait si lent pourtant. Il entendit le cri des deux foules, il sentit la chaleur des peaux humaines qui affutaient son propre corps. Et soudain il s'enflamma. Il crut percevoir une surprise dans l'oeil sombre, il crut entendre des hurlements, il crut sentir l'odeur du sang des siens. Il hurla à son tour quand sa main se brisa sous une poigne de fer, quand le poids de la hache quitta ses doigts, et qu'il se sentit tomber sous une douleur atroce. C'était cela – il était mort. La brume revint voiler la conscience qu'il venait tout juste de retrouver – la chute fut terrible. Il se souvint du nom une seconde à peine avant la fin de son monde, le survivant avait dit ce mot-là, Jasper. Jasper avait vaincu, déjà, si tôt.