Comme chaque soir depuis quelques semaines, Hermione alla s'asseoir seule dans la Salle Commune de Gryffondor. Bien que ce soit sa sixième année à Poudlard, elle n'avait jamais perdu cette habitude qui la réconfortait quand elle ne savait plus où elle en était. L'endroit familier avait le pouvoir de l'apaiser. S'enroulant dans une chaude couverture qu'elle avait apportée à elle par un simple Accio, elle s'installa dans un profond fauteuil confortable, les yeux mi-clos.
Le feu, dans la cheminée, effectuait sa splendide et lente danse solitaire. La vue des flammes léchant les bûches, les consumant l'air de rien, lui était paisible et l'aidait à remettre de l'ordre dans ses pensées. La chaleur diffusée par le feu était la bienvenue en ce froid début du mois de décembre, réchauffant doucement et agréablement les membres engourdis d'Hermione.
Elle laissa son esprit divaguer librement pendant un bon moment. L'incertitude l'avait envahie. Elle savait que depuis quelques temps, ses sentiments s'étaient nuancés, complexes. Elle somnola quelques minutes. Puis, résolue, elle alla chercher un parchemin, une plume, et de l'encre noire. Elle retourna s'asseoir, ouvrit précautionneusement le pot d'encre et y trempa sa plume. Elle s'apprêtait à écrire quelque chose, mais sa main resta en suspension au-dessus du parchemin. Quelques secondes. Elle était perdue. Perdue … Que ressentait-elle vraiment ? Elle voulait être, pour une fois, entièrement honnête envers elle-même, et s'avouer ce qu'elle essayait de fuir depuis plusieurs semaines. De longues semaines semées d'embûches. Elle essaya d'ordonner quelque peu ses pensées et commença cette fois à écrire pour de bon.
Harry,
J'ai l'impression que tout le monde, même Ron qui nous connaît pourtant depuis de longues années, ne nous perçoit que comme de simples amis. Mais cette année, Harry, je me suis aperçue que tu étais plus qu'un « simple ami » pour moi. Je te regardais sans cesse, tu occupais mes pensées les plus profondes et les plus secrètes. Je l'avoue, je ne sais plus où j'en suis.
Je t'aime, Harry. C'est la seule chose que j'arrive encore à comprendre au moment où je t'écris ces mots.
J'ai voulu fuir ce que je ressentais vraiment. Pendant longtemps, j'ai voulu me persuader que mon cœur ne battait pour toi qu'en tant qu'ami. Maintenant, je sais. Inutile de fuir. On ne peut pas étudier la complexité des sentiments dans les livres. Je suppose que c'est quelque chose d'inné, mais je manque de confiance en moi dès que la bibliothèque ne peut plus me renseigner sur quelque chose. De l'amitié à l'amour, il n'y a sûrement qu'une très fine barrière, que ma raison s'efforce de ne pas franchir. Cependant, mon inconscient et mes sentiments me poussent en quelque sorte à franchir cette barrière. Je veux, exceptionnellement, ne plus me torturer l'esprit et écouter mon cœur.
Mais est-ce qu'au fond, je ne suis pas restée Miss Je-Sais-Tout pour toi ? Est-ce que finalement, rien n'a changé depuis la première année ? J'espère que nous avons évolué. Quelque chose au fond de moi me dit que oui.
Le doute m'accable. M'endormir chaque soir sans savoir si mes sentiments sont réciproques, sans savoir si tu ressens la même chose que moi, m'est de plus en plus insupportable. J'ai peur de t'avouer que je t'aime, mais j'ai encore plus peur du doute, de l'incertitude, alors mon choix est fait. Tu sauras. Tu sauras tout. Non pas par le biais de cette lettre, j'apparais trop ridicule dedans. Un côté fleur bleue qui ne me ressemble pas et que je n'apprécie pas. Je te le dirai en face, directement.
Ecrire, un moyen de mettre mon esprit embrumé en ordre. Je veux être sûre que je ferai le bon choix. La simple idée d'entacher les sentiments que j'ai pour toi ne m'est tout simplement pas supportable.
Droite, en apparence sûre de moi. Seulement en apparence. Profondément plus complexe.
Je t'aime. Une phrase si courte et frappante qui représente tant de choses. Une phrase qui résonne dans ma tête comme une litanie sans fin. Une phrase si simple de sens, si dure à prononcer. Une phrase que j'oserai te dire, un jour. Un jour. Bientôt, j'espère. Je t'aime …
Hermione
La jeune fille relit rapidement son écriture fine, serrée et régulière. D'un geste nerveux, elle passait les doigts sur les mots, retraçant les lettres, repensant à leur sens. Son cœur battait à tout rompre, mais comme elle l'avait écrit, son choix était fait.
Elle se leva, empoigna fermement la lettre qui la dévoilait si honteusement et la froissa sans ménagement. Elle la jeta au feu, regardant les flammes faire des traces noirâtres dessus, puis la consumer tout à fait, la rendant illisible et inaccessible pour toujours. Seul le feu, l'élément de la foudre si puissant et imperturbable, était encore digne de recevoir ses confessions perturbées d'un soir.
- Hermione ?
Sa voix, résonnant dans le froid silence de la Salle Commune de Gryffondor désertée en cette heure tardive. Les joues flamboyantes, elle se retourna vivement, esquissant un geste maladroit de la main.
- Oui ?
- Je voudrais te parler …
