Note: Me revoilà, et cette fois avec une fanfic à chapitres!! Youhou!! Bon, quelques précisions: les personnages que j'introduis ne sont pas de moi mais viennent d'un roman policier que je viens de terminer de lire. Aucune connaissance du roman n'est nécessaire, parce que je situe l'action de la fanfic avant les évènements racontés dans ce livre. Pour Supernatural, l'histoire se situe au début de la saison 2, disons, entre "Children Shouldn't Play With Dead Things" (épisode 4) et "Simon Said" (épisode 5).
Disclaimer: Sam et Dean Winchester, malgré tout l'amour que je leur porte, n'appartiennent pas à moi mais à Eric Kripke. Les personnages de Catherine Ferry et Sean Regan appartiennent à Greg Iles, l'auteur de La Mémoire du sang.
-- Requiem For The Undead --
Chapitre un : Une histoire de dents.
Les scènes de crime sont un peu comme les films d'un mauvais réalisateur : une fois que vous en avez vu un, vous les aviez tous vus. Du moins, c'est ce qu'aiment se dire les enquêteurs et les experts médico-légal qui travaillent régulièrement dessus ; chacun trouve de la routine où il peut.
Je ne fais pas exception à la règle, mon légendaire détachement m'a même valu d'être surnommée la « Reine Iceberg ». C'est ce qui me permet de traverser la maison de Claire Olsen sans prêter trop d'attention aux policiers et experts de la police scientifique qui passent les lieux au peigne fin.
Je grimpe les marches qui me conduisent à l'étage et à la chambre dans laquelle la victime m'attend, portant ma lourde mallette à bout de bras. Les quelques personnes que je connais me saluent d'un bref signe de tête, avec un certain respect adressé à mes compétences, mais aucune affection particulière. Personne ne me propose de m'aider à porter mon fardeau.
Dans la chambre, il y a Sean. Il est debout près du lit sur lequel est étendu le corps, apparemment plongé dans ses pensées, mais il lève les yeux dès mon entrée dans la pièce, et me salue d'un signe impersonnel de la tête. Son regard s'attarde un peu sur moi, mais je sais que c'est surtout pour déterminer mon niveau d'alcoolisation. J'ai bu, bien sûr, mais je suis aussi sobre que je suis capable de l'être – je prends mon métier au sérieux.
Si nous avions été seuls, son accueil aurait été bien différent, mais sur les lieux de son – de notre – travail, entourés de ses collègues, il est l'inspecteur Regan, et je suis le docteur Ferry. Je le salue de la même manière – je connais la musique, c'est le lot de toute femme maîtresse d'un homme marié.
Et bien sûr, dans cette chambre, il y a la victime, sur laquelle je baisse les yeux, avant de poser ma mallette à terre. Claire Olsen, 24 ans, est allongée, les mains jointes sur son ventre en position de gisant, les yeux clos comme si elle dormait. Mais la pâleur de son visage, intensifiée par la robe blanche qu'elle porte, est suffisante pour briser l'illusion. Ainsi que la marque pour le moins inhabituelle sur son cou.
Il y a un point commun à toutes les scènes de crime qui réclament ma présence : les morsures, comme celle qui tranche avec la blancheur de sa gorge. Je suis odontologiste en médecine légale, ce qui signifie en termes plus profanes que je suis spécialisée dans les dents humaines, et tous les dommages qu'elles peuvent causer.
Avant d'ouvrir ma mallette et de sortir mon matériel pour commencer la procédure d'analyse, je me penche sur la morsure pour l'examiner de plus près. Je fronce les sourcils, puis relève la tête vers Sean, qui est toujours plongé dans ses pensées.
Je l'appelle :
« Sean ?
- Oui ?
- Cette morsure, elle n'est pas humaine. »
Il hoche la tête. Nous sommes seuls maintenant – le dernier expert est sorti – mais toujours dans un contexte de travail, où n'importe qui peut surgir à tout moment ; comme le médecin légiste, qui ne devrait pas tarder.
« Oui, je me disais bien qu'elle avait l'air bizarre. Mais qu'est-ce qui a mordu cette fille ? Quel genre d'animal ne laisserait qu'une seule morsure, et tout le reste du corps intact ?
- Je ne sais pas, mais il y a autre chose. »
Je pointe du doigt les marques plus superficielles qui se trouvent à l'intérieur de l'arc formé par la morsure.
« Tu vois ces marques ? »
Il ne dit rien, les bras croisé dans une position d'intense concentration. Il attend que je poursuive.
«Celles-ci sont indubitablement les marques d'une dentition humaine.
- Donc un être humain l'a bel et bien mordu. Et le reste de la morsure, ça peut être quoi ? Une sorte de… je ne sais pas, de prothèse ? »
Je hausse les épaules en signe d'ignorance.
« Je n'ai jamais rien vu de pareil. Je t'en dirai plus un peu plus tard. Il faudra aussi faire des analyses pour voir si on trouve de la salive dans les blessures.»
J'ouvre les loquets de ma mallette, et j'en sors mon trépied, que j'installe. Puis je me penche de nouveau sur le contenu de la mallette pour prendre mon appareil photo, quand mon regard est attiré par la penderie de Claire.
Elle a été laissée ouverte par les policiers qui en ont examiné le contenu. J'y vois des pulls, des chemisiers, des jeans, des pantalons, quelques jupes mi-longues aux teintes sombres. Je me tourne vers Claire dans sa longue robe à la blancheur virginale, son corps immaculé, sans la moindre éclaboussure de sang, ni sur elle, ni sur le lit, ce qui nous apprend au moins qu'elle n'a pas été tuée ici.
J'appelle à nouveau Sean :
« Sean, regarde la penderie. Les affaires de Claire. »
Il n'y a pas tellement d'hommes qui prendraient au sérieux une remarque apparemment futile de la part d'une femme, même dans un cadre professionnel. Mais Sean me connaît, et il me prend très au sérieux.
« Qu'est-ce qu'il y a ?
- Le style des vêtements qu'elle possède. Il ne correspond pas du tout à celui de la robe qu'elle porte maintenant.
- Ce qui veut dire que c'est probablement le tueur qui l'a habillé ainsi, déduit Sean. Fétichisme ? Il faudra attendre le rapport du légiste pour savoir si elle a été violée. »
Il reprend sa posture de méditation. Je prends mon appareil et le pose sur le trépied, tout en observant Sean du coin de l'œil. Moi aussi je le connais, et je sais que quelque chose le préoccupe.
« Quel est le problème ?
- Je ne sais pas, quelque chose me… »
Il s'interrompt brusquement, et claque des doigts.
« Je me souviens ! J'ai entendu parler d'une affaire semblable, il y a… bien six ou sept ans. »
Bien avant qu'on se rencontre, donc, et avant que je m'installe à la Nouvelle-Orléans.
« Semblable à quel point ?
- Jeune femme de vingt et quelques années, qui disparaît soudainement pendant plusieurs semaines, et qui réapparaît morte chez elle, vidée de son sang, une morsure à la jugulaire. Je pense que c'est un peu trop pour une simple coïncidence. »
Nous nous regardons. Nous savons tous deux ce que cela signifie : encore une fois, nous allons flirter avec les limites de la légalité.
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Ce qui différencie ma liaison avec Sean d'avec tous les autres hommes – souvent mariés – avec lesquels j'ai pu sortir, est que nous partageons autre chose que le sexe. C'est notre autre secret, en plus de l'adultère : alors que normalement mon implication dans les enquêtes criminelles se limitent aux morsures et aux dents, Sean me fait accéder à d'autres enquêtes, et à des informations que je ne devrais pas avoir.
Sean reçoit les mérites de la plupart de mes conclusions, mais je m'en fiche. Ce qui m'intéresse – ce qui intéresse Sean avant tout – c'est la chasse à l'homme, la traque du criminel, la satisfaction de le mettre sous les barreaux. Les sensations que j'en retire sont aussi addictives que la plus intense des drogues, et Sean est mon dealer, ainsi que mon partenaire.
Nous sommes deux jours après la découverte du corps de Claire Olsen. Ce n'est pas le premier soir, depuis que nous sommes ensemble, où nous nous trouvons installés à la table de ma cuisine, avec des dossiers ouverts devant nous. Il y a aussi une bouteille de vodka, mais elle est plus pour moi que pour Sean. Je sais bien qu'il surveille ma consommation sans en avoir l'air – il a besoin que j'ai l'esprit clair.
En plus de l'affaire dont il s'est rappelé, Sean a déterré deux autres dossiers similaires, l'un datant d'il y a quinze ans, un autre d'il y a vingt-six ans. Nous comparons les photos des victimes, les rapports d'enquête, pour déterminer si nous avons affaire à un seul et même tueur.
Comme l'a dit Sean, les ressemblances sont trop troublantes pour être de simples coïncidences : toutes de jeunes femmes d'entre vingt et vingt-cinq ans, vidées de leur sang, mordues au cou, et habillées d'une robe blanche. Encore plus intéressant, à mon sens, est qu'elles avaient toutes disparu plusieurs semaines avant d'être retrouvées mortes dans leur propres lits. Qu'a-t-il pu arriver à ces jeunes femmes pendant ces semaines perdues ?
« Aucune des autres victimes n'a été violée non plus, apparemment.
- Des « autres victimes » ? Nous avons donc décidé qu'il s'agit du même tueur ? »
Sean m'adresse un regard pénétrant.
« C'est également ce que tu penses, n'est-ce pas, Cat ? »
C'est vrai, mais je poursuis tout de même, par amour de la discussion :
« Ce qui me trouble, c'est la fréquence des crimes. Quel genre de tueur en série attend aussi longtemps avant de récidiver ? Ce type de criminel est en général porté par une pulsion de plus en plus pressante, non ?»
Les yeux gris de Sean se reportent sur les photos éparpillées sur la table, et je sais que ma remarque a porté :
« Soit nous avons affaire à différents tueurs se copiant les uns les autres, réfléchit-il à voix haute, soit il nous manque des victimes. »
J'acquiesce pensivement. Ce genre d'échange d'idée est notre rendez-vous amoureux typique ; nous finirons la nuit en faisant l'amour, peut-être à même la table de la cuisine si nous n'avons pas la patience d'atteindre le lit, et nous complèterons ainsi le cercle de notre relation.
Mais ce soir, notre routine est interrompue de manière totalement impromptue, car on frappe à la porte trois coups sonores. Sean lève un sourcil interrogateur : il veut savoir si j'attendais de la visite. Je secoue négativement la tête.
Je vais à la porte et l'ouvre prudemment, Sean sur mes talons.
Deux hommes se tiennent devant moi, vêtus de costumes et de cravates sombres. Ils sont jeunes, probablement plus jeunes que moi, tous les deux très grands.
« Dr Ferry ? » s'enquiert doucement le plus grand des deux.
Je hoche la tête sans un mot. Je sens la présence de Sean dans mon dos, et la tension qui émane de lui se communique insidieusement à moi.
« Je suis Sam Parrish, et voici mon partenaire, Dean Weasley. Nous sommes journalistes.
- Quel journal ? demande sèchement Sean, méfiant.
- On est freelance », répond l'autre homme – Dean Weasley – avec une insolence non dissimulée.
Je sais immédiatement qu'il ment, mais il ne cille même pas, ne présente aucun des signes habituels révélateurs du mensonge. Les seules personnes capables de cela sont les mythomanes pathologiques, et les menteurs professionnels, comme les acteurs – ou les escrocs.
« Vous êtes l'inspecteur Regan ? » reprend Sam Parrish, regardant Sean par-dessus mon épaule.
Il est vraiment très grand, immense, même – je ne m'en suis pas rendu compte immédiatement, parce que par sa posture il essaie au maximum d'avoir l'air inoffensif. Contrairement à son partenaire, qui semble plutôt vouloir en imposer. Difficile à vue d'œil de savoir lequel des deux est réellement le plus dangereux.
Sean n'apprécie pas que ces soi-disant journalistes sachent qui il est – et probablement aussi qu'ils nous voient ensemble. Si d'une manière ou d'une autre cela remonte aux oreilles de sa femme…
« Comment connaissez-vous mon nom ?
- Votre partenaire nous a dit qu'on vous trouverait ici », explique Dean Weasley, m'adressant un regard appréciateur. De toute évidence, il a compris ce que Sean et moi étions l'un pour l'autre. « Nous voulons parler avec vous de la mort de Claire Olsen. »
Je regarde Sean froncer les sourcils. Joey va entendre parler du pays.
« Si vous avez parlé à Joey Guercio, je ne vois vraiment pas pourquoi vous venez me voir.
- Rien que quelques questions. Pour être sûrs que nous possédons bien les faits, explique Parrish d'un ton apaisant. Pouvons-nous entrer ? »
Je ne fais pas mine de bouger. Je ne veux risquer qu'ils puissent voir les dossiers sur la table de ma cuisine ; ces hommes savent déjà bien trop de choses compromettantes sur nous.
Je regarde les journalistes poser des questions à Sean sans intervenir. Je les observe ; il y a quelque chose qui m'interpelle chez eux, en plus du fait qu'ils ne sont probablement pas réellement journalistes.
Ils posent leurs questions à tour de rôles, sans jamais se couper la parole, comme une machine bien rôdée. Ils sont à l'aise l'un avec l'autre comme deux personnes qui se connaissent de longue date, mais ils ne peuvent pas travailler ensemble depuis très longtemps, parce que Parrish au moins ne doit pas avoir beaucoup plus de vingt ans. Peut-être étaient-ils amis bien avant cela.
Sean répond succinctement aux questions, faisant part du moins d'informations possible. Pour lui les journalistes ne sont qu'un outil supplémentaire pour la traque : ils ne doivent savoir que ce qui est utile à l'enquêteur, au moment où celui-ci l'a décidé, et ce moment n'est pas encore arrivé.
« Y a-t-il eu, à votre connaissance, d'autres meurtres semblables dans le coin ? » demande Weasley.
Sean ne lui parle pas de ce que nous avons découvert, et j'approuve – cette traque est la nôtre, pour l'instant, du moins.
Weasley et Parrish échangent un de ces regards lourds de sens que ne partagent que les personnes qui ont une connaissance intime l'une de l'autre. Ils semblent comprendre que nous leur cachons quelque chose, mais décident apparemment d'en rester là, parce qu'ils remercient Sean, me saluent, et s'en vont. Sean et moi retournons à l'intérieur de la maison.
« Mais qui c'était, ces gus ? » grogne Sean avec mauvaise humeur, une fois que la porte s'est refermée derrière moi.
Je hausse les épaules. Mais quelque chose continue de titiller ma mémoire, comme quand on a un mot sur le bout de la langue, ou qu'on perçoit une ombre du coin de l'œil. J'ai la vague impression que ce n'est pas la dernière fois que je vois Sam Parrish et Dean Weasley.
ooOoo
À peine ils ont atteint la voiture, que Dean tire déjà sur sa cravate, comme s'il craignait que le bout de tissu ne prenne vie et ne tente de l'étrangler
« Argh, je déteste ces trucs », se plaint-il, comme si son frère n'était pas déjà au courant.
Sam a bien envie de faire de même et de desserrer sa propre cravate, car il fait chaud et humide – c'est l'inconvénient du climat semi tropical de la Nouvelle-Orléans. À la place, il jette un coup d'œil derrière lui, pour voir si l'inspecteur Regan et le docteur Ferry les observent toujours depuis le pas de la porte. Ce n'est pas le cas, la porte s'est refermée, et Sam se sent curieusement soulagé.
Il repense à la brève entrevue, pendant que Dean et lui s'installent à leurs sièges respectifs dans l'Impala, revoyant en esprit chacune des réponses de Sean Regan, chacune de ses réactions, ainsi que celles de Catherine Ferry. La jeune femme est restée silencieuse la majeure partie de la conversation, mais Sam sait aussi bien qu'un policier que dans un travail d'enquête, ce qui n'est pas dit peut revêtir autant d'importance que ce qui l'est – voire plus.
« Tu crois qu'ils couchent ensemble ? » demande-t-il soudainement, sans avoir besoin de préciser de qui il parle.
C'est une question stupide, il s'en rend compte une seconde avant que son frère, qui vient de démarrer la voiture, lui adresse un regard incrédule – à ton avis, Einstein ?
« Regan est marié, fait remarquer Sam. Il a une alliance.
- Et alors ? C'est pas comme si c'était nos affaires. »
Sam tourne la tête vers la vitre du côté passager, et ne réplique rien. Cela ne les regarde pas, son frère a raison, mais Sam songe à Jess, et à Constance Welch qui a tué ses propres enfants, avant de se suicider, pour devenir un esprit vengeur ramassant les hommes infidèles sur le bord de la route. Il n'aurait pas fait bon que Sean Regan passe par Jericho, à l'époque où la Dame Blanche sévissait encore.
« Catherine Ferry nous regardait bizarrement, reprend-il, changeant de sujet.
- Ouh, Sammy, tu penses avoir un ticket, ou quoi ? se moque Dean en agitant suggestivement les sourcils.
- Non, idiot, j'ai dit 'nous' regardait bizarrement.
- Tu penses qu'elle serait partante pour une partie à trois, alors ? Parce que je vais devoir décliner, même moi j'ai mes limites…
- Arrête de dire des conneries, sois sérieux deux minutes. »
Sam est agacé, et ce n'est pas tant par la teneur des propos de son frère – en presque vingt ans de vie commune, il a entendu pire – que par le fait qu'il sait que Dean se sent obligé de sortir des énormités pareilles pour lui faire croire que tout va bien. Qu'il va bien, et même si Sam aimerait croire à ce mensonge, il n'est plus aussi naïf.
« Très bien, Confucius, déverse tes paroles de sagesse, je t'écoute. »
Sam ignore le ton ironique, parce que le contraire ne ferait qu'encourager son frère.
« Sean Regan se méfiait de nous, mais c'est compréhensible. Il n'appréciait visiblement pas qu'on mette le nez dans cette affaire, et il a lâché le moins d'infos possible.
- Et Catherine Ferry ne voulait pas qu'on entre, intervient Dean, un œil sur la route et un autre sur Sam pour lui signifier qu'il suit. À mon avis, ils faisaient quelque chose d'un peu borderline à l'intérieur, et je ne parle pas que de sexe. »
Sam lève les yeux au ciel, réponse automatique aux paroles crues de son frère, mais poursuit sur sa lancée :
« Oui, sans doute, mais ce que je veux dire, c'est qu'il y avait quelque chose d'autre dans la manière dont elle nous regardait. Comme si elle essayait de nous… évaluer… non, de déterminer quelque chose à notre sujet, plutôt.
- Déterminer quelque chose? Quoi donc ? »
Sam soupire, parce qu'il ne sait pas vraiment comment répondre à la question, et que c'est bien ça qui l'ennuie.
« J'en sais rien. Mais ça ne me plaît pas trop, ça je peux te le dire. »
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Le motel dans lequel ils résident est d'un niveau assez nettement supérieur à ce dont ils se contentent d'ordinaire – un plus cher aussi, évidemment, mais le poker sourit à Dean ces derniers temps, et l'aîné des Winchester a décidé qu'ils avaient bien le droit à un peu de bien-être de temps en temps.
Les chambres sont sobres, mais propres et confortables – ce qui est plus qu'on ne pourrait en dire de bien des endroits par lesquels ils sont passés – mais ce qui séduit surtout Sam, c'est l'accès Wi-Fi gratuit, et le fait que le motel est situé à quelques minutes du quartier français, où vivait Claire Olsen, ce qui leur évite trop de déplacements.
Il transfère son ordinateur portable devenu brûlant de ses genoux à son lit, qui se trouve juste à côté du fauteuil dans lequel il est assis, et passe en revue ses notes. Il a trouvé trois autres affaires similaires réparties dans les vingt-six dernières années, trois jeunes femmes portées disparues, puis retrouvées chez elles vidées de leur sang. Le lien semble évident, et il fait part de ses conclusions à Dean.
« C'est un vampire, c'est aussi clair que s'il avait accroché un écriteau autour du cou de ses victimes. Ce qu'il a fait, en quelque sorte, avec cette morsure.
- Je suis d'accord, c'est un vampire. »
Sam n'a pas manqué de remarquer l'accentuation particulière sur le un. Son frère s'est levé et s'est mis à arpenter la chambre ; être debout et bouger a toujours semblé aider son processus de réflexion, ce qui est l'une des raisons pour lesquelles l'école lui était aussi insupportable.
« Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Eh bien, les vampires ne sont pas vraiment notre spécialité, mais tous ceux qu'on a rencontrés avaient l'air plutôt de vivre en groupe.
- C'est vrai, reconnaît Sam. Tu penses que ce n'est pas l'œuvre d'un seul vampire?
- Ce n'est pas ce que je veux dire, au contraire, c'est probablement le même qui a tué ces trois filles, et c'est ça qui est bizarre. De ce qu'on sait, les vampires vivent en communauté, et aiment…disons, partager leurs repas en famille. Il n'y avait qu'une seule morsure sur les corps de chacune de ces filles, donc on peut en conclure qu'elles se sont pas retrouvées comme plat principal d'une orgie.
- On a donc affaire à un vampire qui s'écarte de la norme de ses congénères, déduit Sam, déroulant le fil de la réflexion de son frère.
- On dirait bien, et j'avoue que ça m'inquiète. Ce vampire est… pas misanthrope, mais – comment on appelle un vampire qui n'aime pas les autres vampires ? Vampiranthrope ?
- Je ne pense pas qu'il existe un terme spécial, mais ça serait plutôt quelque chose du genre de misovampire, parce que ce qui signifie « détester » dans « misanthrope », c'est le début, du grec… »
Il s'interrompt devant le regard de son frère, qui pourrait se traduire par 'Mais qu'est-ce que j'en ai à foutre ?'. Dean est loin d'être stupide, mais il n'a jamais aimé s'encombrer l'esprit de choses qui ne sont pas en rapport direct avec la tâche en présence. Sam secoue la tête.
« Peu importe. Vas-y, continue.
- Merci, professeur. Bon, ce type – ce vampire – n'aime pas casser la croûte avec les siens comme tout bon vampire qui se respecte, mais il a survécu seul dans un monde où grouillent les chasseurs armés de machettes. Je pense qu'il est assez ancien, et rusé. Alors qu'est-ce qu'il fout à laisser des signes qui alerteraient n'importe quel chasseur capable de connecter plus de deux neurones en même temps ? Je suis étonné qu'on ne soit pas déjà tombé sur Gordon Walker, la bave aux lèvres. »
Sam grimace en entendant ce nom dans la bouche de son frère ; il sait à quel point la rencontre avec le chasseur de vampires a marqué Dean, bouleversant l'ordre fragile de son univers personnel. Il est sur le point de suggérer qu'ils arrêtent cette chasse et quittent la ville avant de rencontrer Gordon, mais ils n'ont encore jamais tourné le dos à une affaire, et il sait que Dean n'appréciera pas qu'il ne fasse même qu'y penser.
Son regard se pose sur les notes qu'il a prises concernant les rapports d'autopsie des trois victimes. Il pense à l'état des corps quand ils ont été trouvés étendus dans leurs propres lits, habillés d'une robe blanche, soigneusement disposés, presque respectueusement.
« Il les a enlevées, réfléchit-il, sentant le regard attentif de Dean sur lui, il les a séquestrées pendant plusieurs semaines, mais il ne les a pas torturées comme l'aurait fait un vampire ordinaire. Qu'est-ce qu'il voulait d'elles ?
- Normalement, je te dirais 'On s'en fout', mais je n'aime pas l'idée qu'on se fasse balader par un suceur de sang aux canines pointues. Il faudrait d'abord qu'on puisse s'assurer qu'il s'agit bien du même vampire, puis qu'on l'identifie, qu'on le trouve, et qu'on lui fasse mordre la poussière. Le seul réconfort c'est que s'il est bien tout seul, on pourra plus facilement le décapiter. »
Sam relève la tête, frappé par une idée. Dean s'est assis sur le rebord d'une table, près de la fenêtre, et joue avec le couteau qu'il garde d'ordinaire sous son oreiller.
« Je crois que je sais comment on peut essayer de déterminer s'il s'agit du même vampire, déclare-t-il.
- Ah ouais ? »
Sam a parfois l'impression de ne vivre que pour ces moments où il arrive à faire naître chez son grand frère un regard du genre de celui qu'il a à l'instant, intrigué et un peu impressionné. Un regard qui assure à Sam qu'il a son rôle dans le tandem qu'ils forment, qu'ils sont une équipe.
« Tu te souviens de la spécialité de Catherine Ferry ?
- Euh, un truc dans la médecine légale, avec un nom barbare.
- L'odontologie.
- Voilà. Pourquoi, c'est important ?
- Les dents, Dean. Les morsures. Catherine Ferry est spécialisée dans les morsures. »
Dean a posé son couteau à côté de lui sur la table, et l'observe attentivement de ses yeux verts.
« Je croyais que tu te méfiais d'elle.
- Effectivement, mais si on va la voir on pourra faire d'une pierre deux coups. On se renseigne sur les morsures, et peut-être qu'on en apprendra aussi plus sur elle et ce qu'elle nous veut. Ce n'est peut-être rien, d'ailleurs, c'est peut-être moi qui me fait des idées.»
Dean semble y réfléchir pendant quelques secondes, puis il décolle les fesses de son rebord de table.
« Ok. Allons-y. Mais, je te préviens, ne compte pas sur moi pour défendre ta vertu. »
Sam lève les yeux au ciel.
