Petit drabble sur un bouquin qui gagnerait à être plus connu : Un peu plus loin sur la droite, de Fred Vargas. Donc rien n'est à moi, j'emprunte seulement !

Pour ceux qui ne connaissent pas, je donne quelques repères sur les personnages : Marc est un médiéviste au chômage et que sa femme a quitté, Louis est un ancien flic reconverti à la traduction de textes allemand-français.

Très légère, presque évanescente, mention de yaoi.


Dans le train, sous la pluie. Les circonstances qui m'amènent invariablement à penser à moi, à ma vie.

La vitesse me donne l'impression de pourchasser le temps, de le rattraper et finalement de l'arrêter. Quand le temps s'arrête, je reviens sur le temps passé.

Après tout, c'est ma spécialité, non ? Mais il est tellement difficile de comprendre sa propre vie, ses sentiments. Ce n'est pas pour rien que j'ai choisi le Moyen-Age !

Revenir sur soi, c'est forcément ressasser les erreurs, les regrets. La mélancolie s'accentue avec la pluie. Je pense évidemment à ma femme, partie avec un autre, qui vivait dans le présent. Est-ce si difficile de vivre avec un homme dont les préoccupations dépassent difficilement la fin du XIVe siècle ?

Elle est partie. Et après elle : personne. La solitude, malgré le parrain et les deux fous qui m'entourent. Trois roseaux pliant souplement sous le vent et les remous de la rivière, protégés par le vieux saule majestueux. Un sacré quatuor, si ce n'est la quatuor sacré des trois évangélistes surplombés par Dieu le Père, là-haut dans ses combles.

Et pourtant, malgré cette solitude, les femmes ne me manquent pas. Je me sens bien dans cet univers masculin. Un regret de la vie passée, compensée par le plaisir de cette nouvelle maison rangée par ordre chronologique.

Un rayon de soleil sur la campagne bretonne, la pluie a cessé de tomber. Le ciel rougit avec le soleil couchant, j'arriverai pour la nuit.

Ma destination... Est-ce une ville ou un homme ? Un homme qui bouleverse la stratigraphie de la maison, de ma vie, de ma tête depuis quelques temps.

Il m'énerve parce qu'il a réussi à s'imposer dans mon existence, avec son crapaud dégueulasse, ses traductions sans intérêt. Il m'énerve avec ses yeux comme deux billes d'acier.

Il m'attire parce qu'il est aussi paumé que moi, parce qu'il a autant de problèmes avec les femmes et le boulot. Il m'attire avec ses yeux comme deux billes d'acier.

Et le soir, appuyé contre le mur du couloir, devant sa chambre d'hôtel, je le vois arriver... Il titube un peu, il a du boire.

Je l'imagine au bar de Port Nicolas, discutant avec des inconnus. Et je pense que j'aurai voulu être là. L'écouter pêcher les renseignements, l'air de rien. Le regarder boire une bière, puis deux, et l'accompagner. Croiser son regard complice.

Et je pense que je pourrais même supporter son crapaud.


Alors, verdict ?