Une espérance perdue
Chapitre 1
La lune brillait dans le ciel nocturne quand elle sentit sa présence, au début lointaine et éphémère, puis proche et affirmée. Depuis le temps qu'elle attendait d'entendre le bruit de ses pas ! Elle se sentait soudainement d'excellente humeur, sans véritable explication. En fait si, au fond d'elle-même, elle savait parfaitement pourquoi le retour de son maître la plongeait dans un état tellement extatique. Mais elle ne l'aurait jamais avoué. En se forçant à adopter une attitude de circonstance, discrète et dévouée, ne laissant filtrer aucune émotion, elle regarda tranquillement le retour de son maître. Il marchait d'un pas souple et sûr, tel l'homme qui se sait attendu et observé. Pourtant elle ne doutait pas de sa prestance, quelle que soit la situation. Il était bien trop fort et accompli pour devoir imiter les expressions des puissants. Elles lui venaient naturellement. Il portait les mêmes vêtements que lors de son départ, quelques semaines plus tôt. Mais, dans son apparence, ce qui lui importait le plus, elle le savait, c'était ses armes. Il affectionnait tout particulièrement les deux sabres qui pendaient derrière lui, croisés, prêts au combat.
Dès qu'il la vit, un sourire étira lentement ses lèvres et son expression s'adoucit. Elle avait beau savoir que ses yeux ne s'ouvriraient jamais, elle ne pouvait s'empêcher de l'espérer tout de même. Elle s'inclina devant la silhouette masculine qui était presque en face d'elle.
- Maître Akira… vous êtes de retour.
Il attendit un bref instant avant de répondre :
- Suzaku… Comment se passent nos affaires ?
Elle vit aussitôt à quoi il faisait allusion. Et pour cause !
- Les lettres sont déjà parvenues aux trois majestés.
Son sourire s'élargit.
- Bien… je te remercie pour ton travail. Mais tu en auras bientôt plus encore, je compte sur toi.
- Oui, maître.
Puis, Akira alluma un flambeau et descendit dans les sous-sols de leur lieu de rendez-vous. Chemin faisant, il se permit d'expliquer à Suzaku :
- Kyo et les autres ne vont pas tarder à arriver à Kyoto… Deux guerriers de Sanada m'ont suivi jusqu'ici.
Suzaku le regarda, un peu triste. Elle savait combien son maître était attaché à ses anciens compagnons. Elle était sur le point de dire quelque chose quand Akira reprit le fil de ses idées :
- Tout va bientôt recommencer… Comme autrefois, à notre belle époque…
À cet instant, ils arrivèrent à la pièce centrale des sous-sols, celle où son maître venait de dissimuler le corps du plus grand samouraï que la terre ait porté. Akira regarda le démon pris dans la glace avant de terminer :
- N'est-ce pas… Kyo ?
Suzaku fit un effort sur elle-même, se domina et regarda à son tour l'homme aux mille victimes. Contrairement à Maître Akira, Kyo lui faisait peur. Ses yeux étaient certes très beaux, mais la lueur qui dansait dans ces deux rubis était plus qu'inquiétante. Il était impossible d'échapper à ses iris, tels le courant d'air qui s'infiltre partout. Suzaku se sentait transpercée par le regard de sang. Il lui semblait que son cœur allait s'arrêter de battre rien que parce qu'elle osait pénétrer le domaine du samouraï.
Au bout d'un moment, Akira adressa une dernière parole à Suzaku :
- Je vais rester quelques jours.
Suzaku fut tellement surprise qu'elle ne put qu'hocher la tête. Sentant qu'elle devait se retirer, elle s'inclina brièvement et remonta l'escalier qui menait au sous-sol, en sens inverse. Ce n'est qu'arrivée dans les chambres chauffées de la maison qui leur servait de point de ralliement qu'elle se permit un sourire. Elle pourrait profiter de la présence de son maître un temps, et cette perspective la réjouissait au plus haut point.
