Voici un épisode (inventé bien sûr) de la saison 12 : le 13ème. Attention spoiler donc si vous n'avez pas vu les épisodes précédents, car il s'inscrit dans la suite logique des évènements émanant des épisodes 11 et 12 en particulier (le retour de Michnev, la mort de Diane, la copine de Tony …).

J'ai hésité longtemps entre la poster en tant que fic ou OS. Finalement, au bout de 3 500 mots « d'intro », je me suis dit que ce serait une fiction. A cause de l'heure, aussi. Mais du coup, je préfère vous prévenir, ce premier chapitre est long. Très long.

Je l'ai écrit ce soir, d'une traite, et j'ai envie de pleurer, envie de continuer encore, et aussi envie de dormir. J'ai adoré l'écrire, j'espère que vous le ressentirez en lisant, et que vous partagerez mes émotions. Et que vous voudrez en savoir plus.

Bonne lecture.


Un homme, un bar, une chaise.

Il est tard et les trois s'accordent bien dans ce pub enfumé.

Des éclats de voix, des bruits de verre et autres sons du soir résonnent dans l'espace fermé aux fenêtres embuées.

L'homme assis au bar ne bouge pas. Il observe.

Il a la tête tournée sur le côté, d'à peine quelques centimètres vers la droite. Son regard est fixe, sa main tient un verre à demi-plein, et son dos est légèrement voûté. Il est accoudé au comptoir, assis sur sa chaise.

Le monde tourne, bouge autour de lui, à une vitesse presque effrénée en opposition à son immobilité.

Mais lui ne bouge toujours pas. Son regard tient sa position. Sa main gauche, un peu surélevée par rapport au comptoir, est la seule à s'agiter. Son pouce dessine sur la pulpe des autres doigts des arabesques sans fin.

Un très léger sourire apparaît sur ses traits. Sa proie ne se méfie pas. Elle ne se sent pas observée. L'homme est discret, certes. Son visage penché sous la lumière crue d'une lampe est ceint de pénombre, ses cheveux mi-longs cachent l'éclat malsain qui brille dans ses prunelles, et encadre son visage en lui offrant l'ombre nécessaire.

Son sourire lui-même est caché par sa barbe fournie et sa moustache épaisse.

Il respire un peu plus fort et sa poitrine se soulève. Il s'autorise un clignement d'yeux et penche un peu la tête sur le côté, comme pour analyser la situation.

Sa proie est là. Elle ne bouge pas. Elle n'a pas encore senti la présence, pourtant si proche, du prédateur. Et lui est là, assis, à bander ses muscles, impatient.

Son œil gauche émet un léger soubresaut, et une sensation lointaine rappelle à son bon souvenir la légère protubérance, un peu dégonflée mais toujours un peu rougeâtre, qu'il porte en-dessous de l'arcade. Alors, l'homme sourit encore un peu plus, se remémorant ce qui a créé cette petite blessure.

La vision de l'agent du NCIS penché sur lui, l'assommant de coups, lui revient en mémoire. Il sourit à ce flash-back, là encore, puis porte le verre à ses lèvres. Il est tard. La porte ouverte par un client a laissé entrer dans la salle un souffle de vent porté par la nuit fraîche.

L'homme se redresse. Ses cheveux s'écartent de son visage, que le serveur effleure d'un regard. Le serveur ne porte pas attention à l'homme du comptoir. Il s'en fiche presque. Ce n'est qu'un client, un consommateur, du moment qu'il boit et qu'il paie, c'est tout ce qui importe.

Pourtant, s'il savait, sans doute aurait-il porté un peu plus d'attention à ce client, seul et immobile accoudé au comptoir. S'il avait pu connaître les pensées de cet homme-là, il aurait su qu'il s'agissait d'un prédateur, un dangereux prédateur, buvant à la santé de sa proie à venir et des proies qui s'offriraient à lui par la suite.

Si le serveur avait su, sans doute aurait-il attardé son regard sur l'homme du comptoir. Ou alors se serait-il enfui sans demander son reste. Il n'aurait peut-être pas voulu plus longtemps rester dans la sphère de proximité de cet homme, Sergeï Michnev, le mercenaire russe dont la photo est collée sur le mur du NCIS.

Mais il ne savait pas, et il continua sa route, des verres vides à la main. Et Sergeï, le visage éclairé à présent, se détourna et se dirigea tranquillement vers la porte du bar, sans un regard supplémentaire pour sa proie.

Il n'était pas l'heure de l'attaque. Seulement de la prise de contact. De la surveillance.

Sergeï Michnev ouvrit la porte, et sortit du bar.

Demain, tout allait prendre un nouveau tournant.

ooo

- Salut.

- Salut, Spider.

L'agent très spécial Anthony DiNozzo s'arrêta net au centre de l'open space et adressa à son coéquipier un regard mi-blasé, mi-hargneux.

Le concerné répondit par un sourire en coin de type satisfait et recommença à taper sur son clavier.

- La trêve est terminée, McGénie. Ne t'avises pas de prendre trop d'assurance, tu pourrais le regretter. Menaça l'italien avant de jeter son sac sous son bureau.

Il contourna ledit bureau et s'assit sur sa chaise avec un soupir satisfait de convenance, avant d'allumer son ordinateur. Il profita du temps de démarrage pour sortir quelques feuilles de son sac et les étaler devant son clavier.

- Gibbs n'est pas là ? Demanda-t-il.

- Non. Il est parti il y a 10 minutes. Répondit Ellie.

- Oh non.

Intrigués par la réponse de Tony, ses deux coéquipiers levèrent la tête. Il avait laissé sa tête basculer vers l'arrière et une expression déçue teintait son visage.

- Quoi ? Demanda la jeune ex-analyste.

- Il a été appelé par Vance ?

- Oui, pour-

- Oh nooon.

Cette fois-ci, il plaqua ses mains sur son visage dans un geste théâtral et ajouta d'un ton plaintif :

- Je n'aurai jamais le temps de finir mes rapports, c'est un coup monté !

- Mais de quoi tu parles, Tony ?

- On dirait que depuis hier soir les éléments s'acharnent contre moi pour m'empêcher de mener mon travail à bien.

McGee haussa un sourcil circonspect.

- Qu'est-ce que ça fait que Gibbs ne soit pas là ?

- Ca fait que, comme il a été appelé par Vance, SOIT c'est pour une raison purement législative, juridique ou je ne sais quoi qui va nous le mettre de mauvais poil toute la journée, soit c'est pour une enquête et à coup sûr là aussi on en aura pour la journée. S'il-vous-plait, ajouta-t-il à l'adresse d'une personne invisible, s'il-vous-plait pas de marine mort …

A son tour, Ellie haussa les sourcils d'un air purement étonné, voir même un peu dubitatif.

- Qu'est-ce qui te fais dire que-

- On parie ? La coupa Tony une fois de plus.

- On va vite le savoir. Les interrompit McGee en regardant l'escalier.

Ses coéquipiers tournèrent la tête à leur tour pour voir descendre leur patron, et essayèrent chacun de leur côté de décrypter l'air de son visage, sans y parvenir.

Tony tourna la tête vers Ellie et fit bouger ses lèvres comme pour prononcer la phrase « prenez vos affaires », les sourcils froncés d'une manière Gibbsienne.

Au moment où Gibbs fut assez près, ses lèvres à lui s'ouvrir à leur tour pour qu'il prononce d'une voix parfaitement distincte :

- Prenez vos affaires.

Ellie se retint d'offrir à Tony un coup d'œil admiratif et préféra plonger la main sous son bureau pour attraper l'anse de son sac.

- Qu'est-ce qu'on a, patron ?

- Marine mort à Quantico.

ooo

La portière de la Dodge Charger claqua et Tony chaussa ses lunettes de soleil. Ils s'étaient arrêtés sur une grande route en bordure de zone industrielle. Sur le bas-côté était arrêté un bus, entouré des bandes jaunes, typiques de la police, servant à délimiter les scènes de crime.

Le camion des légistes venait tout juste de s'arrêter à son tour quand Gibbs s'avança vers le policier debout à côté du bus.

- Agent Gibbs. NCIS.

L'homme hocha la tête et leva la bande jaune. Tour à tour, les quatre agents passèrent en dessous pour se retrouver face à une femme d'une quarantaine d'années, les cheveux noirs maintenus en une queue de cheval et tirés vers l'arrière. Elle tendit la main pour serrer celle de Gibbs.

- Je suis l'agent Shermann. Nous avons découvert ce bus abandonné ici aux alentours de 7h ce matin, il avait été signalé volé la veille par le réseau de transport de Quantico … mais quand nous sommes montés à l'intérieur, nous avons jugé préférable d'appeler le NCIS. Suivez-moi.

Elle les mena à la porte à l'avant du bus. Elle avait visiblement été criblée de balles, et deux vitres avaient été également brisées.

La policière monta les deux marches du bus et s'écarta pour laisser à Gibbs la place de monter à son tour.

A peine eut-il fait un pas sur la première marche que sa tête se mit à tourner. En flash, par images claires et diffuses, il se revit courir après deux personnes, puis monter dans ce bus à leur suite … il se vit se cacher derrière les deux sièges installés à côté des marches, il se vit tirer, il entendit les balles voler, fuser. Puis une douleur à la tempe, suivie d'une douleur fulgurante au doigt alors qu'il relevait la tête.

Il vit, toujours aussi diffusément, les formes, les couleurs se déplacer au centre du bus. Il vit des hommes et des femmes se précipiter au sol, tandis que, lui faisant face, un homme armé tenait une femme serrée contre lui, comme un bouclier, se protégeant de son corps.

Il vit le visage de la femme. Il vit ses yeux et il lut la question qu'ils lui posaient. Alors, il répondit.

Le visage de la femme se rasséréna. Elle hocha la tête. Les balles fusaient encore.

Tout était flou. Gibbs brandit son arme. La même douleur aigue raisonna dans sa main blessée. La femme insista d'un autre signe de tête.

Alors, il se leva et tira.

Les balles traversèrent le premier corps avant de toucher le second, et les bruits se turent. Deux corps tombèrent.

Le silence devint presque assourdissant. Les deux corps sans vie étaient étendus par terre. La femme avait les yeux encore ouverts, et quand Gibbs s'approcha, elle le remercia d'un regard avant de s'éteindre.

L'ex marine ferma les yeux.

Il sentit alors une main se poser sur son épaule.

- Patron ?

Quand il rouvrit ses paupières, la réalité lui faisait face à nouveau. Il était dans ce bus. Mais il n'y avait qu'un corps, un seul, étendu au centre, la poitrine criblée de balles. La policière, à sa droite, le regardait d'un air presque inquiet.

Il s'avança alors et la main de Tony lâcha son épaule. Il fit quelques pas vers le corps inerte avant de se baisser.

Il le savait.

Il l'avait su dès qu'il avait vu le bus.

Le corps, pourtant, n'était pas celui de Michelle Lee. Les souvenirs s'étaient seulement juxtaposés au corps inerte de la femme de type asiatique, étalée sur le sol comme une poupée désarticulée dans son costume de sergent troué de balles et tâché de sang.

Gibbs eut une pensée pour cette pauvre femme, cette inconnue, victime d'une vengeance à laquelle elle était totalement étrangère. Il n'eut cependant qu'une pensée, car presque immédiatement, son corps entier tremblait de rage, ses organes frémissaient, son cerveau allait exploser. Il se releva en silence, avec raideur.

Derrière lui, les respirations lourdes de sens de Tony et McGee. Ils connaissaient cette scène de crime. Ils reconnaissaient également cette mise en scène.

Lui. Cette ordure. Ce chien. Ce fils de pute.

Il était revenu.

Il avait recommencé.

Sur le sol américain.

Il avait à nouveau frappé.

Et son message était on ne peut plus clair.

Il comptait continuer de jouer.

Gibbs fut contourné par Tony, qui s'avança un peu plus près de la victime. Il s'agenouilla près d'elle, et l'ex marine fronça les sourcils.

La main de son agent s'avançait près du décolleté de la morte, et tira sur quelque chose. Il finit par extirper des vêtements du corps inerte une carte magnétique, accrochée à une longue bande noire.

Ainsi, la morte n'était pas seulement un avertissement, dirent les yeux de Tony quand ils se levèrent vers ceux de son patron. Elle portait aussi un message.

ooo

- Ducky.

Gibbs s'avança vers le légiste et se plaça à son côté, l'observant continuer son examen.

- Rien de plus, Jethro. A part le fait qu'elle a été tuée exactement de la même façon que Michelle. Les balles ont été tirées de près, avec précision, certainement dans le but d'imiter les tirs que tu avais toi-même faits.

Il n'y avait aucune rancœur, absolument aucune accusation dans les paroles de Ducky. Pourtant, Gibbs ressenti un léger pincement. Dû au fait qu'il aurait pu la sauver, qu'il aurait dû tenter plus pour l'agent Lee … mais également, et surtout, dû au fait qu'il se sentit atteint.

Atteint parce que Michnev l'avait imité. Parce qu'il avait reproduit ce qu'il considérait parfois comme une erreur, même si au fond de lui il savait qu'il n'aurait pu sauver Michelle. Atteint parce que Michnev avait su. Il savait tout. Tous les détails. Tout le déroulé.

Il reproduisait les meurtres qui avaient jalonné sa vie. Ils réveillaient ces souvenirs enfouis, ces démons cachés, ces remords, ces regrets, et plus que tout, cette douleur. Douleur que Sergeï avait même réussi à créer lui-même. Diane.

Son téléphone sonna et Gibbs s'arracha à la contemplation du visage de la jeune femme auréolée des flash-back qu'elle représentait sans s'en douter.

Il porta le combiné à son oreille pour répondre à Abby.

- Gibbs, il faut que tu montes. Tout de suite.

La peur et l'urgence de sa voix furent comme un nouveau coup au cœur.

ooo

La laborantine déglutit, sitôt que Gibbs eut franchi le seuil, avant de prendre la parole d'un débit précipité.

- Il y avait une vidéo contenue dans la carte magnétique, qui est en fait également une carte mémoire. Je l'avais lancée pour l'analyser, mais … C'est Michnev qui parle, et, il dit qu'il … qu'il faut qu'on soit ensemble pour la regarder. Que cela vaut mieux.

- Il n'y a pas de menaces ? Demanda Gibbs.

Il désigna la carte.

- Non, non, il n'y a pas de virus ni rien, j'ai vérifié. Juste la vidéo.

Il hocha la tête, et Abby appuya son index sur une touche.

Entouré de Tony, Tim, Abby et d'Ellie, l'ex marine se rapprocha de l'écran face à eux.

Tout allait trop vite. Bien trop vite. Un mauvais pressentiment serrait les entrailles de l'agent. Il avait l'impression d'être coincé dans un train qui l'emmenait à pleine vitesse droit vers un précipice.

Le visage souriant de Michnev s'afficha à l'écran, et il serra les poings tandis qu'une énième vague de fureur parcourait son corps.

- Bonjour, agent Gibbs. Commença d'un ton doucereux la voix à l'accent russe chantant. Premièrement, je vous conseille de vous réunir pour regarder la déclaration qui suit, ce que je vais vous montrer … vous avez besoin de rester unis. Vous et votre équipe. Profitez-en.

Il eut un sourire un peu plus grand et resta silencieux quelques secondes.

- A cet instant, le corps du malheureux sergent que mes hommes de main ont choyé doit être installé sur l'une de vos tables, à la morgue. Vous avez dû certainement comprendre le message qu'elle renfermait. Mais, ce n'était que le début, mes amis. Je vous avais prévenus, la dernière fois. Vous étiez au courant. Maintenant, il est trop tard pour une trêve, trop tard pour regretter ou pour faire demi-tour. J'irai au bout, que vous me suiviez ou non.

Encore un silence.

- Vous avez dû constater par vous-même que je connais les évènements traumatisants de votre vie et de celle de vos agents, Gibbs. Je sais aussi qu'ils n'ont pas tous été conclus par la mort, heureusement pour vous …

Ellie fronçait les sourcils. Gibbs restait de marbre. Tim jeta un coup d'œil à ses collègues, et Tony se raidit.

- Je sais … Je sais que l'agent DiNozzo a échappé de peu à la peste. Que vous-même, agent Gibbs, vous êtes sorti d'une explosion douloureuse. Que votre laborantine a failli être tuée par son ex petit-ami. Que l'agent McGee s'est retrouvé dans des situations périlleuses lui aussi. J'imagine que vous ne comptez plus. Moi, tout cela m'a beaucoup intéressé, je dois l'avouer. Vous faites sans cesse des pieds de nez à la mort. Elle m'a envoyé comme représentant, si je puis dire. Histoire de vous remettre à votre place.

Sergeï soupira et émit un bref sourire.

- J'ai une vidéo qui vous rappellera sûrement beaucoup de choses.

Son visage s'effaça aussitôt, remplacé par le silence d'une pièce sombre. Une source de lumière, probablement une lucarne en hauteur, provenant de derrière la caméra, éclairait les lieux. Au fond, une porte de bois simple. Tout autour, des murs de brique gris et sales. Un sol de ciment poussiéreux.

Au centre, deux chaises de bois, face à face. Sur celle de dos à la caméra, personne. Sur l'autre, une silhouette immobile, encapuchonnée.

Aussitôt, Tony, Tim et Gibbs firent un bond dans le temps.

Gibbs se retrouva sur une dune, loin derrière la lucarne éclairant la pièce, allongé au sol, l'œil vissé au viseur de son arme.

Tim était étendu sur le sol, sur le flanc, les yeux fermés et le nez plein de l'odeur de poussière âcre de la pièce.

Tony était assis sur la chaise vide de la vidéo, intrigué, amoché, mais amusé par un homme arabe, debout face à lui. Saleem Ulman.

Tony sentait presque sa bouche sèche, pâteuse, et les battements sourds de son sang aux endroits où des coups avaient meurtrie sa chair. Il sentait aussi la chaleur du sérum de vérité dans ses veines, et son envie de parler, encore et toujours, sans cesse.

Saleem était entré. Il avait amené quelqu'un, un sac sur la tête, et l'avait posé sur la chaise vide en face de lui. Il avait dit des mots. Sans importance désormais. Et il avait enlevé le sac.

Le visage qui était apparu à l'époque lui avait semblé tout droit revenu des enfers. Il l'avait crue morte. L'enfer, elle l'avait traversée. Mais elle était toujours là. Assise. Les cheveux en bataille, le visage encore tuméfié, et le regard presque éteint. Elle lui avait demandé pourquoi il était là.

Il se souvenait encore de sa tentative de lutte pour ne pas tout lui dire. Il se souvenait des mots qui avaient alors traversé ses lèvres, qu'il avait pensés tellement fort. « Couldn't live without you, I guess ».

Il se souvenait de cette journée par cœur. De la peur. Des remords, de l'angoisse, peut-être même du désespoir qui avait précédé tout cela, et qui avait été remplacé par un sentiment de bonheur intense quand il avait vu son visage émerger du sac. En vie. Elle était en vie. Ziva était en vie.

En un clignement d'yeux Tony revint au moment présent. En une seconde son cœur fut enserré par l'étreinte mortelle d'une main de fer.

- Non. Fut le seul mot qui s'échappa de ses lèvres.

Tellement spontanément qu'il traduisit sa peur. La terreur qui en une seconde venait de le traverser, de le clouer sur place, dans cet environnement pourtant si familier, si normal, si rassurant.

Et pourtant, oh pourtant, la vidéo qu'ils ne quittaient pas des yeux les emmenait tellement plus loin.

Soudain, il y eut du mouvement sur la vidéo. La porte du fond s'ouvrit. Sergeï, reconnaissable entre mille, s'avança, lentement. Il contourna la silhouette assise, et posa une main sur le sac sur sa tête. Pas un son ne brisait le silence.

- Non. Chuchota-t-il encore, priant en silence tout ce qu'il pouvait prier.

Non. Pensèrent les autres à l'unisson.

Sergeï se pencha vers la silhouette toujours immobile. Elle était habillée de vêtements amples, les mains derrière le dos. Aucun signe ne pouvait dire si elle était en vie ou non.

L'homme resserra l'emprise de sa main sur le sac. Les regards de tous les spectateurs silencieux étaient fixés sur cette seule source de mouvement, si légère.

En une seconde, le sac fut ôté.

Un poignard transperça le cœur de Tony avec tellement de violence qu'il crut s'effondrer au sol du laboratoire.

La tête faiblement maintenue sur ses épaules, le visage encadré de cheveux noirs salis et emmêlés, les traces de coups sur la peau mate de son visage, la Ziva David d'i ans venait de travers le temps, de réapparaître à cet endroit qui l'avait tant hantée, qui l'avait tant blessée. Qui les avaient tous hantés, d'ailleurs. Elle était là, assise, à la merci d'un être tout aussi cruel. Voir même plus.

Et elle tenait, là encore, là toujours, la tête haute, et droite.

Elle n'avait pas changé. Presque pas.

Plus belle que jamais.

Mais plus morte que vive.