Santana était assise à la terrasse d'un café, les bras et les jambes croisés, attendant impatiemment que son amie arrive. Quinn avait toujours été ponctuelle, pourquoi diable mettait-elle autant de temps ? Elle poussa un soupir en repoussant une énième fois le serveur qui lui proposait de lui payer un verre. Non, elle n'était pas intéressée, et elle attendait quelqu'un. C'était ce qu'elle lui avait répété une bonne dizaine de fois, mais il revenait toujours à l'attaque. Ce n'était pas qu'il était particulièrement moche, juste que...

Santana se refusait à y penser. Son coming out s'était très mal passé au lycée. Elle avait surmonté les épreuves parce qu'elle était Santana Lopez, et que personne n'écrasait Santana Lopez. Mais elle avait du manquer beaucoup de journées de cours, pour se remettre progressivement des insultes qu'elle recevait à longueur de journée. Alors que sa carapace de garce s'était fissurée lorsque par hasard, un joueur de football l'avait aperçue en train de s'envoyer en l'air dans les douches avec une autre fille, et qui plus est qu'il avait filmé la scène et l'avait posté sur Internet, Santana avait progressivement appris à la reconstruire, et depuis ce jour elle était devenue indestructible. Plus personne n'avait osé la regarder de travers, et elle avait pu -enfin- terminer le peu de temps qu'il restait de lycée tranquillement. Et durant tout ce temps, il y avait une personne qui l'avait, contre vents et marées, soutenue et défendue. Quinn Fabray. Et elle était aujourd'hui en retard. C'était d'ailleurs pour cette raison que Santana l'attendait. Elle avait habituellement horreur d'attendre, et pouvait s'en aller passées les cinq premières minutes de retard, mais il s'agissait de Quinn, et la désagréable sensation qu'il ait pu lui arriver quelque chose était plus forte que son impatience.

La brune chercha son téléphone portable dans son sac et tapa un rapide message :

« Q, je commence à m'inquiéter, ou es-tu ? »

Elle attendit de longues minutes, mais aucune réponse ne lui parvint. Après avoir pianoté sur le rebord de la table une bonne cinquantaine de fois, elle se décida à envoyer un second message.

« Putain Q, réponds ! »

Clair, et concis. Du Santana Lopez tout craché.

La jeune femme n'eut pas le temps de pester contre son amie qui visiblement était occupée pour ne pas lui répondre, qu'une paire de jambes longues et fines se profila dans l'allée en face d'elle. Un corps fin, une robe courte du même vert que ses yeux, et une tignasse blonde.

Lorsqu'elle arriva en vue de Santana, elle lui lança un sourire en coin :

« On ne t'as jamais dit que répondre au téléphone en conduisant pouvait provoquer un accident ? »

« Depuis quand la grande Quinn Fabray est prudente et responsable ? » souligna Santana en lui décochant un rictus.

« Depuis... »

Elle tira la chaise et prit place en face de Santana.

« Depuis que je ne suis plus toute seule... »

La brune la regarda sans comprendre.

« Depuis que tu n'es plus toute seule ? Ça fait quatre ans que tu es avec Sam, non ? Il est ou le rapport ? »

Quinn sourit à nouveau et posa sa main sur son ventre.

Santana écarquilla les yeux.

« Fabray, me dis pas que... ! »

« Et si S, tout le monde se range, même moi visiblement, et cette petite... chose à l'intérieur de moi en est la preuve. »

« Chose ? » releva Santana avec un sourire narquois, « tu t'es enfin décidée à reconnaître que Sam ne pouvait pas décemment être qualifié d'humain ? Enfin, si c'est bien lui le père... »

Quinn s'apprêtait à répondre lorsque la brune reprit la parole :

« J'espère pour toi qu'il n'aura pas sa bouche ! Parce que là ma pauvre quand tu lui donneras... »

« C'est bon, ça suffit Santana, j'ai compris ! »

Celle-ci se mordit l'intérieur des joues pour ne pas éclater de rire.

« Non mais reconnais quand même que... »

« Santana ! »

« T'es vraiment pas drôle », bougonna t-elle.

« Et toi t'es la pire garce que je connaisse ! »

« Je prends ça comme un compliment », répondit-elle en la gratifiant d'un clin d'œil.

Le serveur revint à la charge, mais laissa cette fois Santana tranquille. Elle n'était pas mécontente qu'il se soit mépris sur la teneur de son rendez-vous, et elle n'allait certainement pas rectifier son erreur. Elles commandèrent un jus d'orange pour Quinn, et un scotch pour Santana.

« S, tu commences fort la journée, quelque chose ne va pas ? » demanda la blonde lorsque les verres furent servis.

« Plus ou moins comme d'habitude, je me suis encore engueulée avec Puck », répondit-elle, les yeux noyés dans l'alcool.

« Mais encore ? » l'encouragea Quinn, sachant très bien que son amie n'était pas du genre loquace lorsque cela concernait ses problèmes personnels.

« Il m'a fichu dehors ».

Santana n'osait pas la regarder dans les yeux, et avala presque distraitement une gorgée du liquide qui la fit légèrement grimacer.

« Il t'a... quoi ? Et tu vas faire comment maintenant ? »

Elle se contenta de hausser les épaules.

« Viens chez moi », proposa la blonde.

«Coincée entre une bouche de mérou et une future baleine ? Non merci, je préfère aller à l'hôtel ! »

Quinn ne releva pas. Elle avait arrêté de compter les pics que Santana lançait depuis leur dernière année de lycée.

« C'était quoi le sujet de la dispute exactement ? »

La brune bredouilla quelque chose d'incompréhensible.

« S, fais un effort, j'essaye de t'aider ! »

« J'ai couché avec une fille ! » cria la brune, si bien que tous les clients du bar se tournèrent instantanément vers elle, et elle aperçut quelques regards en coin.

« Qu'est ce qu'il y a les cul-terreux, vous voulez ma photo peut être ? »

Ils se replongèrent aussitôt dans leurs boissons et conversations. La brune fut satisfaite de son petit effet.

« En même temps Santana... »

« Je sais, je m'attendais à quoi, puisque je suis lesbienne ! Je ne peux pas faire plaisir indéfiniment à mes parents en sortant avec un mec qui ne m'attire pas ».

« Tu ne leur as toujours pas dit ? »

Santana se mordilla la lèvre. Elle avait promis à Quinn qu'elle le ferait bientôt, mais elle n'avait toujours rien fait. Elle redoutait surtout la réaction de sa grand-mère.

Elle tourna la tête, honteuse. Une silhouette à sa droite attira soudain son regard. Une fille, une grande blonde, attendait apparemment impatiemment que le feu devienne vert pour pouvoir traverser. Elle faisait des petits bonds sur place et scrutait attentivement la couleur du bonhomme qui lui indiquerait le passage. Elle était vêtue d'un short en jean foncé et d'un débardeur blanc.

Un léger sourire apparut sur les lèvres de Santana. La blonde semblait si innocente, si fragile, que cela la touchait. Elle se reprit un instant. La touchait ? Rien ne touchait Santana Lopez !

« S, tu m'écoutes ? »

« Hum ? » répondit-elle distraitement.

Elle regardait Quinn qui levait les yeux au ciel lorsqu'elle l'aperçut. Au bout de la rue, une voiture noire roulait à toute vitesse. De là ou elle était, il lui était impossible de détailler le conducteur, mais elle vit clairement que celui-ci était au téléphone. Il avait l'air plutôt énervé et semblait crier.

Ses yeux se posèrent à nouveau sur la blonde qui attendait pour traverser.

La voiture filait à toute allure, et un terrible pressentiment tordit subitement le ventre de Santana.

La lueur verte se déclencha.

Respirant la joie, la blonde s'élança, probablement persuadée que le bonhomme vert était une garantie suffisante pour qu'elle puisse traverser en toute sécurité.

Le conducteur lâcha précipitamment le volant et se frappa le front de la main libre.

« Santana ? » questionna Quinn, inquiète que son amie ne lui réponde plus.

Celle-ci recula bruyamment sa chaise et se leva prestement.

Elle aurait voulu crier, avertir la blonde du danger qu'elle encourait, mais sa gorge devint brusquement sèche.

Elle se précipita sur le passage piéton, et s'interposa entre la voiture et la jeune femme, étendant les bras comme pour la défendre de l'atteindre.

Le conducteur releva enfin la tête et planta un coup de frein en voyant la brune figée sur la route en face de lui. Santana serra les dents, attendant le choc, mais il ne vint pas. Elle sentit seulement le pare choc de la voiture appuyer doucement contre son ventre.

Elle baissa les bras, incapable de parler, et se tourna vers la blonde.

Cette dernière était recroquevillée sur le sol, les bras tenant l'arrière de sa tête, et gémissait doucement. Santana se pencha, et l'entoura de ses bras protecteurs. Elle ne comprit pas son propre geste. Depuis quand était-elle douce envers les autres ? Qui plus est envers une inconnue ?

« T'es mon super-héros rien qu'à moi ? » demanda une petite voix douce secouée de sanglots.

La brune hésita avant de répondre. Était-elle sérieuse, ou... ?

« Oui, je suis ton super-héros rien qu'à toi », murmura-elle finalement en resserrant son emprise autour de la blonde.