Suite de Rouge Argent (beaucoup plus longue !)
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Chapitre 1
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L'euphorie du bal et du matin de Noël, l'ouverture et l'essayage des cadeaux, qu'ils soient vêtements ou jouets… Une fois tout cela passé, Hermione eut l'impression que le bal de Noël avait été un rêve. Ça avait été tellement étrange d'être à ce bal avec son ennemi de toujours, avec Drago Malefoy, de danser avec lui, de valser avec lui ! Et sa gentillesse… Il avait été soucieux d'elle une bonne partie de la soirée, il ne l'avait pas insultée, pas bousculée, pas même un regard de travers… Un vrai gentleman. Il avait même pris sa défense face à Blaise Zabini…
Soit il veut vraiment son cadeau de Noël, soit il a finalement un bon fond…
Hermione était assise sur les rives du Lac Noir. Elle observait le bateau de Durmstrang, un gigantesque deux mâts, ancien, trapu et étrangement rondouillard. Ses mâts soutenaient l'immense voilure blanche arborant l'emblème de l'école, un grand aigle rouge, qui flottait paisiblement dans la brise.
- Tu voudrais visiter ?
L'accent roulant fit sourire Hermione qui tourna la tête. Viktor Krum s'assit près d'elle dans les graviers. Il était vêtu d'un débardeur ajusté portant l'aigle de son école, et d'un short noir. Sa tenue fit frissonner Hermione, emmitouflée dans sa cape doublée de fourrure, avec gants, bonnet et écharpe de laine…
- Hermione Granger, c'est ça ? demanda-t-il.
- C'est ça. Ravie de te connaître, Viktor Krum.
Krum esquissa un sourire.
- Je n'ai même pas plus le loisir de me présenter aux jolies filles, soupira-t-il. Cela devient lassant…
Hermione rigola doucement puis pointa le bateau du menton.
- Je suppose qu'il est magique, dit-elle.
- Bien entendu. Sinon, comment pourrions-nous avoir chacun une chambre confortable avec les commodités ?
- Le Professeur Karkaroff est le Directeur de Durmstrang, c'est ça ?
Krum hocha lentement la tête.
- Depuis très longtemps. Mais tu sais, c'est un ancien Mangemort…
- Oui, je m'en doute, rien qu'à voir sa tête…
- Hermione Granger, juger les gens sur l'apparence qu'ils ont n'est pas…
- Ce n'est pas bien, je sais, mais tu avoueras qu'il y a certaines personnes qui ont la tête de l'emploi…
- La tête de l'emploi… ? demanda Krum dans un anglais un peu bancal. Je ne comprends pas…
Hermione haussa les épaules.
- C'est une façon de dire que leur métier se voit sur leur visage ou dans leur façon d'être. Si tu m'avais dit que Karkaroff avait été jardinier, je ne t'aurais pas cru…
Krum serra les lèvres.
- Le professeur Rogue aussi, est un ancien Mangemort, dit-il.
- C'est exact. Il a été sauvé de la prison par le Professeur Dumbledore, et depuis il travaille pour lui, en signe de remerciement.
Krum hocha la tête lentement.
- Je crois… Ces gens font ce qu'ils peuvent pour que les autres oublient ce qu'ils ont fait. Mon Directeur est allé à Azkaban, et quand il en est sorti, il était changé pour la vie.
- Je n'en doute pas… répondit Hermione avec une grimace.
La cloche du château sonna soudain et Hermione regarda sa montre. Il était quinze heures.
- Tu es là depuis longtemps, dit alors Krum. Je t'ai observée depuis le bateau… À quoi est-ce que tu penses ?
Hermione gonfla ses joues.
- Je ne sais pas…
- Puis-je faire une suggestion ?
- Fais… ?
- Je crois que tu penses à ton cavalier du bal…
Hermione fronça les sourcils. Touché, songea-t-elle.
- Pas vraiment, répondit-elle néanmoins. Enfin si, mais pas de la manière que tu crois. Lui et moi ne sommes même pas amis.
Krum tourna la tête vers elle.
- O, net ? (NdA : prononcer « A, niet ? »)
Hermione le regarda et secoua la tête. Pas besoin de traduction pour comprendre ça.
- Non, nous sommes ennemis, même… Je suis une fille de Moldus, et dans son esprit, les Moldus et leurs descendants sorciers sont des créatures inférieures… Et il ne s'est jamais privé de me le faire comprendre depuis que nous sommes ici…
- Ce que tu dis m'étonnes, Hermione Granger… dit Krum, surpris. Le soir du bal… Tu étais très belle dans cette robe rouge, et ton cavalier et toi… On aurait dit le couple le plus heureux du monde…
Hermione grimaça et agita la main.
- Bah ! En fait, il veut juste un truc que j'ai, alors il est tout gentil dans l'espoir que je le lui rende plus vite…
- Ah ? Et c'est quoi ?
La Gryffondor regarda Krum. Le bulgare vivait ici depuis le mois de septembre, il avait eu tout le loisir de se rendre compte du caractère des élèves les plus dominants du collège et Malefoy s'était empressé d'aller lui serrer la main et se présenter à lui, à peine le dîner de bienvenue, achevé.
La Gryffondor décida donc de raconter l'incident dans la boutique de parchemins et sa décision de lui « voler » son cadeau de Noël afin de lui donner une leçon.
- Tu as eu raison de faire ça, dit-il quand elle eut terminé. Je n'aurais peut-être pas fait pareil, je lui aurais sans doute mis mon poing dans la figure, mais c'est une façon pacifique de faire la leçon à quelqu'un.
- Je compte bien le lui rendre, mais pièce par pièce. Cet objet est très précieux, il le voulait depuis longtemps et sa mère le lui offre pour Noël, il n'y a rien de mal à cela, et je lui aurais volontiers laissé s'il n'avait été aussi insultant dans la boutique.
Krum hocha lentement la tête. Hermione haussa les épaules.
- Quatre ans qu'il m'en fait voir de toutes les couleurs, maintenant, je sature.
- Je te comprends… Je n'aurais sans doute pas tenu aussi longtemps.
- C'est grâce à Harry et Ron que j'ai réussi, mais l'année dernière, je lui ai quand même mis mon poing sur le nez…
- Vraiment ?
Hermione rigola.
- C'est parti tout seul. Hagrid avait des ennuis, son Hippogriffe allait se faire tuer parce que Malefoy lui a manqué de respect et qu'il s'est défendu. Du coup, son précieux petit papa a fait en sorte que Buck soit puni. Le bourreau était même là, devant la porte, mais finalement, on a réussi à libérer l'animal et il s'est enfui. Avant ça, Malefoy s'est moqué et je me suis retournée et pim sur le nez ! Je crois même qu'il s'est cogné la tête dans la foulée, mais bon… Ça fait un bien fou !
Krum opina avec un sourire en coin. Hermione rougit légèrement. Elle regarda ensuite le lac et, tournant les yeux, elle fronça les sourcils en voyant une silhouette s'éloigner sur la rive du lac. Elle n'eut aucun mal à savoir qui c'était et elle grimaça légèrement.
Tant pis, il n'a que ce qu'il mérite, songea-t-elle. On n'épie pas les gens…
Elle regarda alors sa montre et s'excusa auprès de Krum, qu'elle devait retrouver quelqu'un. Il hocha la tête, se leva et l'aida à en faire autant puis il partit en footing le long de la plage de cailloux.
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De retour dans le château, Hermione décida de ne pas retourner à Gryffondor. Pendant les vacances, il n'y avait pas grand-chose à faire des journées, sinon réviser encore et toujours, mais, et une fois n'est pas coutume, elle n'en avait pas envie. Et puis, c'était le jour de Noël, alors autant laisser passer cette journée et reprendre les bonnes habitudes demain.
Déambulant dans les couloirs, les mains dans les poches de sa cape, Hermione essayait de convaincre son esprit de s'arrêter un moment et d'apprécier le silence. Beaucoup de ses camarades étaient dans leurs dortoirs, à comparer leurs cadeaux de Noël, à se les échanger, à les essayer, mais elle, elle avait fait le tour rapidement. Pas la peine de s'extasier sur une pile des livres et quelques vêtements.
- Vous avez l'air ailleurs, miss…
Hermione sursauta et soupira en reconnaissant Sinistra. Assise sur un balcon, elle lisait un épais roman Moldu à la couverture souple.
- Les Hauts de Hurlevent, déchiffra Hermione sur la couverture. Vous lisez des livres Moldus ?
- Hm, oui, j'aime beaucoup les écrivains Moldus, en particulier ceux qui imaginent comme nous autres vivons, répondit Sinistra. Mais ce livre-là reste mon préféré.
- Pour quelle raison ?
Sinistra invita Hermione à s'asseoir en face d'elle. Elle plaça un marque page dans son livre et le referma en regardant la couverture.
- Je ne sais pas vraiment, mais cette femme seule, malmenée par le vent, ça me rend nostalgique, répondit le professeur. Je n'ai jamais connu un homme que j'ai réellement aimé, vous savez ? Enfin si, mais une autre femme occupe ses pensées depuis des années alors je me suis résignée à ne jamais pouvoir la remplacer.
- C'est un sorcier ?
- Bien entendu, voyons. Il faudrait que je sois vraiment désespérée pour me rabattre sur un Moldu, répondit Sinistra en rigolant. J'admets volontiers que certains sont abordables, mais ils resteront des Moldus toute leur vie…
Hermione opina, comprenant que le professeur d'Astronomie voulait lui dire quelque chose.
- Il y a un sous-entendu, n'est-ce pas ? demanda-t-elle en fronçant légèrement les sourcils.
Sinistra sembla réfléchir un moment puis plissa ses yeux soulignés d'un épais trait de maquillage noir.
- Eh bien, c'est possible…
Hermione esquissa un sourire.
- Malefoy et moi, c'était juste pour le soir du bal, Madame, dit-elle en secouant la tête. On est beaucoup trop différents, lui et moi, pour être, ne serait-ce, qu'amis.
- Pourtant, on ne regardait que vous, pendant le bal...
- Non, je ne pense pas…
Sinistra haussa si haut les sourcils qu'ils se perdirent dans les mèches noires qui parsemaient son front.
- Ah, vous croyez ? Pensez-vous vraiment, Miss Granger, qu'avec cette magnifique robe rouge, ce collier en or avec ce rubis, et accrochée au bras de Drago Malefoy, celui qui est pourtant votre « pire ennemi », si j'ose dire… Croyez-vous vraiment que personne n'allait vous regarder ? À l'instant même où vous êtes entrés dans la Grande Salle, tous les regards se sont tournés vers vous tellement, non pas tellement vous étiez belle, mais tellement le choc de voir le Drago Malefoy, au bras d'Hermione Granger, la fille qu'il ne peut pas supporter, a été violent !
Hermione baissa les yeux, incapable de répondre. Elle n'avait senti aucune attention sur elle, elle n'avait rencontré le regard de personne pendant que Malefoy et elle dansaient. Était-elle à ce point « charmée » pour ignorer tout son entourage ?
- Vous devez vous tromper, professeur, nous avons juste fait une trêve, dit Hermione. J'ai quelque chose qui lui appartient, il désire le récupérer, mais je n'ai pas l'intention de le lui rendre tout de suite. C'est tout.
- Hm, je vois, et qu'est-ce donc que ce quelque chose que vous lui avez… piqué ?
- Un coffret d'écriture personnalisé. Hier après-midi, j'étais à Pré-au-Lard avec Ron et Harry et je les ai abandonnés un petit moment pour aller m'acheter du parchemin. Le gérant de la boutique m'a alors montré un splendide coffret en argent délicatement gravé, contenant une vingtaine de pièces toutes plus délicates les unes que les autres.
- Un travail fait à la main, je pense.
- Je n'en doute pas. Seulement, il était réservé… Et quand j'ai vu entrer son futur propriétaire…
- Monsieur Malefoy ?
- En personne. Avec son arrogance habituelle, il a apostrophé le gérant, lui a presque ordonné de lui donner son colis, et quand j'ai voulu le reprendre, il m'a insultée.
- De son insulte favorite, j'imagine ?
- Oui… Je n'ai pas apprécié, bien entendu, mais c'est surtout le ton sur lequel il a parlé à ce pauvre homme qui m'a choquée. Je lui ai donc retourné une gifle avant de l'engueuler. Dans la foulée, j'ai décidé de le punir, alors j'ai acheté son coffret.
Sinistra haussa les sourcils, surprise.
- Une gifle ? Eh bien, je ne vous pensais pas ainsi…
- Faites-vous traiter de Sang-de-Bourbe pendant quatre ans, et on en reparlera, marmonna Hermione. Excusez-moi, professeur…
- Ce n'est rien, je comprends. Donc, vous avez acheté ce coffret, qui devait être son cadeau de Noël, j'imagine. Et ensuite ?
- Je l'ai acheté, et à vrai dire, je ne sais même pas combien il m'a coûté, mais j'étais tellement furieuse ! Pour ne pas qu'il soit tenté de me le reprendre quand je sortirai de la boutique, le gérant l'a fait envoyer directement dans ma chambre à Gryffondor. Autant vous dire que Malefoy était furax…
- Oh, oui, je n'ai pas de mal à vous croire…
- Avant de partir, je lui ai collé dans la main les quatre Mornilles de monnaie qui me restaient en lui disant que c'était tout ce qu'il méritait, et en lui souhait un joyeux noël. Je suis ensuite rentrée, un peu choqué par ce que j'avais fait, mais Merlin, quel soulagement !
Un silence s'installa et soudain, Sinistra se mit à rire.
- Oh, Merlin ! Quelle histoire ! dit-elle en s'adossant au mur derrière elle. Oh, j'aurais donné très cher pour voir la tête de Monsieur Malefoy !
Elle se bidonna pendant plusieurs secondes, Hermione ne pouvant s'empêcher de sourire, puis, quand elle se calma, elle demanda, les larmes aux yeux :
- Et comment en êtes-vous venus à aller au bal ensemble ?
Elle essuya son rimmel du bout des doigts et renifla. Hermione pouffa doucement.
- Je n'avais pas l'intention d'y aller, en fait, répondit-elle. C'est le premier Noël que je passe sans mes parents, alors je n'avais pas le moral au beau fixe. Du coup, je me suis réfugiée dans la Bibliothèque et quand j'en suis partie, vers quinze heures, je crois, arrivée dans le grand hall d'entrée, j'ai surpris une dispute. Je me suis cachée, plus pour ne pas être prise à parti plutôt que pour espionner, et là j'ai vu Greengrass, de Serpentard, jaillir du couloir menant aux cuisines. Elle était furieuse. Quand Malefoy s'est montré derrière elle et qu'elle a commencé à l'invectiver avant de le gifler…
- Décidément !
- Oui… Daphné lui a reproché d'avoir flirté avec deux filles, juste devant Serpentard et elle l'a engueulé. Malefoy a tenté de se défendre en disant que ce n'était pas ce qu'elle pensait, blablabla, la rengaine classique, et là, elle lui a balancé quelque chose au visage avant de partir. Et là, Malefoy m'a vue. Il était furieux et il m'a lancé ce qu'il avait dans la main. Quand j'ai vu que c'était une alliance de type Moldu, j'ai compris.
- Monsieur Malefoy et Miss Greengrass étaient fiancés ? s'étonna Sinistra.
- Oui. Par leurs parents, depuis leur enfance, m'a expliqué Daphné hier soir. Je trouve cette pratique démodée et ridicule. Qui voudrait épouser un homme inconnu juste pour que son nom soit reconduit ? C'est presque… inhumain.
Sinistra opina vivement. N'étant pas issue d'une grande famille sorcière noble, elle n'avait pas eu à subir les affres du mariage arrangé, mais elle en avait entendu parler et elle n'aimait pas non plus l'idée.
- Cela ne me dit toujours pas comment vous et Monsieur Malefoy avez fini ensemble au bal…
- En fait, c'est tout bête, répondit Hermione. À l'heure du bal, je suis retournée à la Bibliothèque. Comme je suis la meilleure élève du collège, j'ai un laisser-passer qui m'autorise à m'y rendre même quand elle est fermée. Je suis donc allée chercher du silence là-bas parce qu'à Gryffondor, la poignée de mes camarades qui n'allait pas non plus au bal, rendait l'atmosphère pesante. Je n'y étais pas depuis longtemps quand j'ai entendu des pas dans le couloir, et là j'ai vu Malefoy pointer sa tête…
- Et vous avez proposé de faire une trêve.
- Exactement. Il a ensuite reconnu avoir réfléchi et avoir abusé avec le gérant, il m'a dit qu'il lui écrirait une lettre d'excuses alors j'ai poussé une feuille de parchemin vers lui.
- Je pense savoir ce qui s'est passé ensuite. En échange d'une lettre d'excuse correctement faite, vous alliez au bal avec lui, c'est ça ?
Hermione opina. Elle expliqua ensuite qu'il avait fallu presque une demi-heure au blond pour écrire sa lettre, puis qu'une fois qu'elle eut été satisfaite, Hermione avait réalisé qu'elle n'avait pas de robe. Malefoy lui avait alors fait essayer une douzaine de robes de cocktail appartenant à sa mère, et elle n'avait aimé que la douzième, la rouge. Quand elle en vint au collier qu'il lui avait offert, Sinistra fronça les sourcils.
- Non, professeur, ce n'est pas ce que vous pensez, dit aussitôt Hermione. C'était juste pour me remercier de l'avoir remis à sa place…
Sinistra haussa un sourcil.
- Et pour cela, il vous offre un collier en or avec un rubis de la taille d'un pouce qui doit valoir plusieurs centaines de Gallions ? Hm, ce jeune homme n'a définitivement pas la notion de l'argent…
Hermione soupira par le nez.
- Professeur, il n'y a rien de sous-entendu, je vous jure… Malefoy est une tête à claques, un gamin pourri gâté, il a toujours une insulte prête à être lancée, il est incapable d'être gentil plus d'une heure. Je ne sais pas comment il va récupérer son coffret, mais je finirai peut-être bien par abandonner, si je vois qu'il ne fait aucun effort.
- Jusqu'à quand doit durer la trêve ?
- La rentrée, normalement. Mais bon, je ne m'attends pas à ce qu'il soit comme hier soir, bien entendu…
- Hm, peut-être un peu moins… blessant, dans ce cas ?
Hermione haussa légèrement les épaules. Elle salua ensuite le professeur d'Astronomie et reprit sa promenade. Au bout du couloir, elle sentit une présence magique et n'eut aucun mal à la reconnaître. Quand elle leva les yeux, Malefoy était là, adossé au mur, les mains dans les poches de son pantalon.
- Je suis loin d'être quelqu'un de bien, Granger, je sais, dit-il sans la regarder. Mais es-tu obligée de me descendre en flèche devant chaque personne avec qui tu parles, aujourd'hui ?
Hermione haussa les sourcils puis soupira.
- Je ne savais pas que tu étais au bord du lac, tout à l'heure, je ne t'ai vu qu'après, dit-elle. Et maintenant non plus. Je ne faisais que répondre à des questions que l'on m'a posées. Et sache que c'est mal élevé d'écouter aux portes…
- Alors tu me vois réellement comme ça ?
La Gryffondor opina. Malefoy inspira et se redressa. Il lui fit face et les deux s'observèrent un moment.
- Je dois faire quoi pour que tu puisses me voir autrement ? demanda-t-il en retirant ses mains de ses poches.
- Je ne sais pas, Malefoy… Tu es le seul à savoir ça…
Un silence s'installa. Hermione regarda le blond un moment puis, avec un bref soupir, elle se mit en marche et lui prit la main au passage.
- Aller, viens, dit-elle. On a conclu une trêve, autant en profiter, tu ne crois pas ?
Le blond regarda la petite main dans la sienne.
- Ok, lâcha-t-il. Mais si on tombe sur Potter ou Weasley, tu devras gérer toute seule.
Hermione ronfla et l'entraîna ensuite après elle.
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En entrant dans la Grande Salle, Hermione et Malefoy virent immédiatement Ron et Harry, assis au milieu de la longue table de Gryffondor, en train de jouer aux Échecs. Redevenue salle à manger, la pièce semblait de nouveau étriquée, et encore plus avec les douze énormes sapins qui la flanquaient de part et d'autre.
- Allons ailleurs, proposa Hermione en amorçant un demi-tour.
- Trop tard. Et puis, je me les caille, viens, on va boire un truc chaud.
Il se dirigea vers les cheminées et s'approcha d'une située tout au fond, vers la table des professeurs, sur la droite de la pièce. Hermione nota que Ron et Harry le suivirent tous les deux du regard, et elle hésita. Quand ses amis la regardèrent à son tour, elle se sentit transpercée. Elle n'avait plus le choix. Elle alla donc s'asseoir près de Harry.
- Y a un truc entre vous deux ? demanda aussitôt celui-ci.
- Non… répondit Hermione en secouant la tête. On a juste fait une trêve hier soir… Il veut son cadeau de Noël et je le lui rendrai mais pas avant qu'il n'ait fait dix-neuf bonnes actions.
Ron et Harry se regardèrent, perdus, et Hermione leur expliqua alors toute la soirée de la veille. Seulement, si pour Harry l'info sembla passer, Ron eut bien du mal à la digérer.
- Ce mec est un petit con, Mione ! Donne-lui ça et il te prendra ça !
Il indiqua sa main puis son bras tout entier. Hermione grimaça et regarda Malefoy qui était assis sur la marche de la cheminée. Elle baissa les yeux un instant puis haussa les épaules.
- Je sais tout ça et j'en suis consciente, et je sais que je ne suis rien pour oser prétendre à le faire changer, mais j'ai le sentiment qu'il commence à comprendre que son père se trompe sur les enfants de Moldus et les Moldus en général. Personne ne mérite d'être traité de sous-race, nous sommes tous des êtres humains, certains ont des pouvoirs magiques, d'autres non, c'est tout.
- À mon avis, il n'imprimera jamais ça, Mione, dit Harry. Néanmoins, j'aime bien le coup que tu lui as fait avec son coffret. Une bonne remise à sa place, ça ne fait pas de mal, des fois.
Hermione esquissa un sourire. Elle regarda Malefoy et celui-ci lui jeta un regard interrogateur au même moment, et elle s'excusa auprès d'Harry et Ron pour le rejoindre. Il lui tendit une tasse comme elle s'asseyait en face de lui.
- Ils sont convaincus que je ne peux pas changer, n'est-ce pas ? demanda-t-il.
- Oui. Mais je ne peux pas leur en vouloir, tu nous as été antipathique dès le début, tu as insulté Ron alors même que tu ne le connaissais pas… Tu as essayé de faire d'Harry un allié mais il avait rencontré Ron en premier et tu admettras qu'Harry est loin d'être comme toi.
- Je l'ai appris, oui, au fil des années, mais… mais ce n'est pas parce qu'on a été maltraité quand on était enfant…
Hermione leva une main.
- Ce n'est pas ça, dit-elle. Harry a été élevé par des Moldus, il a été maltraité, oui, mais c'est surtout le fait que d'être élevé par des Moldus lui a donné une autre vision du monde sorcier. Comme moi. Une vision d'un monde qui n'existe pas, un monde imaginaire qui nous donne une autre façon de le voir quand on découvre que finalement, il existe bel et bien.
- Et Weasley ?
- Ron et sa famille sont pauvres, Malefoy, alors pour eux, il n'y a pas de rang qui tienne, ils ouvrent leur porte à tout le monde, riches ou pauvres, Moldus ou Sorciers, ça ne fait pas de différence.
- Pourtant, il ne m'aime clairement pas…
- Éducation. Ses parents n'aiment pas les Malefoy, les parents Malefoy n'aiment pas les Weasley. Tu saisis ?
Malefoy hocha la tête. Il regarda le contenu de sa tasse, du thé brûlant, et souffla par le nez. Il secoua ensuite la tête en haussant les épaules et but son thé en silence. Hermione, elle, jeta un regard vers Ron et Harry mais ils n'étaient plus là.
- J'ai une question à te poser, dit-elle alors.
- Vas-y… ?
- Est-ce que tu es comme ça parce qu'on a fait une trêve ou est-ce que tu as réellement envie de changer ta façon de voir les autres ? Réponds-moi sincèrement, Malefoy.
Le Serpentard resta silencieux à contempler les flammes de la cheminée, réfléchissant sans doute à la meilleure réponse à donner. Au bout d'une grosse minute, il pivota vers Hermione et celle-ci haussa un sourcil.
- La trêve va m'aider à changer, dit-il. Mais j'étais sérieux quand je te disais que mon père avait tout faux depuis le début, que les sorciers ne peuvent pas vivre sans les Moldus. Nous avons des pouvoirs, oui, et les Moldus n'en ont pas, mais ils n'en sont pas moins humains pour autant… L'endoctrinement de mon père aurait fonctionné il y a un siècle, mais ce n'est plus le cas, il faut que les sorciers des grandes lignées commencent à voir les Moldus autrement. Ils ne sont pas tous des…
- Des Dursley ?
Hermione tourna la tête et Harry s'assit au bout du banc de la table vide de Serpentard en soupirant.
- Les sorciers voient les Moldus comme des êtres grossiers, mal-élevés, sales et puants, reprit le Gryffondor. Ce n'est pas toujours le cas et si ce que fait Hermione peut te faire changer d'avis sur eux, alors c'est une bonne chose.
- Tu en est arrivé à cette conclusion comment ? demanda Hermione.
- Au fait que tout le monde a droit au bénéfice du doute.
Malefoy ronfla.
- Potter, je te pourris la vie depuis quatre ans et toi, tu m'offres le bénéfice du doute, simplement parce que ta meilleure amie a fait une trêve avec moi ?
- Si tu n'avais pas accepté cette trêve quand je te l'ai proposé, Malefoy, on en serait pas là, dit Hermione. C'est de toi que tout a commencé. Tu es venu à la bibliothèque, tu m'as vue et pourtant, tu es entré quand même…
- Comme tu l'as dit à Sinistra, j'avais besoin de compagnie et tu étais là, répondit le blond. Je n'avais aucune arrière-pensée en entrant dans la bibliothèque, c'est toi qui m'a proposé une trêve, puis les choses se sont enchaînées, et au final, on est là, tous les deux, à boire du thé au coin du feu…
Il plissa le nez et Hermione ronfla, amusée. Elle se mordit la lèvre et regarda Harry. Celui-ci observa le blond puis la regarda et hocha brièvement la tête.
- Malefoy.
- Hm ?
- Fais-lui le moindre mal et je t'en ferais passer l'envie avec des sortilèges dont tu n'as même pas idée, dit Harry.
Malefoy haussa les sourcils et Hermione lui tapota le genou.
- Substitut de grand-frère, dit-elle, amusée.
- Deal ? dit Harry.
- Deal.
Le Gryffondor posa une main sur l'épaule d'Hermione puis s'en alla. Celle-ci le regarda quitter la Grande Salle puis se tourna vers Malefoy dont le regard était perdu dans les flammes de la cheminée.
- Une Noise pour tes pensées…
- Oh, non, elles ne sont pas intéressantes, crois-moi… répondit Malefoy en haussant les épaules.
Hermione le bourra gentiment de l'épaule.
- Aller… Il doit bien avoir un petit secret sous cette crinière peroxydée…
- Je ne suis pas décoloré, grommela Malefoy.
- Peut-être, mais apparemment tu es susceptible…
Hermione perdit son sourire et s'éloigna légèrement du Serpentard avec sa tasse de thé dans les mains. Malefoy soupira et s'excusa.
- Je suis juste un peu à cran, c'est rien, je suis désolé, Granger…
- Mouais. Tu réagis surtout trop vite et tu es trop fier, la plupart du temps, pour t'excuser sincèrement. Une fois de plus ne va pas m'empêcher de dormir.
Hermione se tut et but un peu de thé. Malefoy l'observa du coin de l'œil. Malgré toutes les méchancetés dont il l'avait accablée ces dernières années, il réalisa qu'elle n'était pas si vilaine que ça, en fait. Elle était une jeune fille de quinze ans, presque une femme, plus que ses camarades, sans aucun doute, et même si elle semblait privilégier les études à sa personne, elle restait une fille.
- Est-ce que j'ai droit à une seconde chance ? demanda alors Malefoy.
Hermione le regarda avec étonnement.
- Une seconde chance pourquoi ? demanda-t-elle.
Il posa sa tasse sur la margelle de la cheminée et se tourna vers la brunette en tendant la main.
- Drago Malefoy, dit-il. À qui ais-je l'honneur ?
Hermione haussa les sourcils. Elle sourit ensuite et prit la main du blond dans la sienne.
- Hermione Granger, ravie de faire ta connaissance.
Elle pouffa alors et Malefoy émit un bref rire. Ils passèrent le reste de l'après-midi au coin du feu, à discuter de leurs vies respectives et, étrangement, Malefoy démontra qu'il en savait bien plus que soupçonné sur les Moldus et leur monde. Il y était même allé, à plusieurs reprises, en cachette de son père.
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