Si quelqu'un avait été là, il aurait d'abord cligné des yeux pour s'habituer à la lumière.
La caverne était une sphère parfaite, sans la moindre ouverture. Elle était plongée dans une obscurité totale : la source de lumière venait du corps suspendu à au centre de la pièce, bras et jambes écartés, le corps enveloppé d'une sorte de ruban luminescent.
Ce dernier, aussi brillant qu'un néon, s'enroulait tout autour de son corps, comme un reptile, et semblait entraver presque tous ses mouvements, lui laissant tout juste l'espace nécessaire pour respirer.
Si quelqu'un avait été là, il se serait approché, intrigué, protégeant ses yeux de l'intense lumière. Il aurait alors découvert qu'elle émanait d'une étoffe – une longue bande d'étoffe blanche, tissée avec un soin infini. La lumière en jaillissait, pulsante, vibrante, formant des arabesques compliquées avant de se résorber dans la trame des fils entrelacés.
Si quelqu'un avait été là, il aurait pensé qu'il s'agissait de magie.
Et si ce quelqu'un était parvenu jusqu'à ce lieu, protégé par des centaines de pièges et défenses naturelles et surnaturelles, il aurait probablement compris qu'il s'agissait là de l'œuvre d'une divinité – une divinité puissante.
Et peut-être même qu'avant de voir qui tenait l'extrêmité de la bande de tissu dans sa main fermée, à côté de l'espèce de cocon de lumière, ce quelqu'un aurait deviné de qui il s'agissait.
Dépourvue de ses attributs divins, Athéna était résolument quelquonque. Elle avait déposé son casque et sa lance dans le couloir, derrière la paroi ensorcelée qu'elle seule pouvait traverser. Et sa chouette, Pallas, était probablement là-bas, elle aussi, voletant à travers les galeries sans fin du Labyrinthe.
Enfin, des vestiges du Labyrinthe. Après le triomphe de sa fille contre Gaïa, Athéna avait joué de son talent en stratégie pour s'approprier ce qui restait de l'œuvre de Dédale et Pasiphaé : et on ne refuse rien à une stratège dont la fille vient de sauver le monde par deux fois. Un soupçon de maîtrise de la Brume, et le tour était joué. Elle disposait d'un quartier général insoupçonnable.
Et d'une prison inexpugnable.
Si quelqu'un avait été là, il aurait vu une femme d'âge moyen, au visage terne, les yeux bleux-verts et scintillant d'une profonde sagesse, les cheveux bruns noués en un chignon traditionnel à la grecque antique. C'était là sa seule concession au passé : elle était vêtue d'un tailleur noir, ne portait pas une ombre de maquillage et ses pieds étaient nus.
Mais ses mains irradiaient de pouvoir brut, et cela suffisait.
Une lumière blanche auréolait l'Immortelle, et était absorbée par le tissu qui enserrait l'inconnu.
Si quelqu'un avait été là, en voyant la déesse tenir ainsi un corps flottant dans les airs, il aurait pensé, avec une ironie sinistre, à une petite fille tenant un ballon de fête foraine, ou à une femme tenant son chien en laisse.
Si quelqu'un avait été là, il aurait frissonné. En remontant les circonvolutions de l'étrange momie, il aurait tenté d'apercevoir les traits du malheureux qui s'était attiré la colère d'Athéna. Et si ce quelqu'un y était parvenu, sa stupeur aurait été totale.
Et il aurait à peine eu le temps de s'en remettre que la femme aurait brisé le silence, d'un chuchotement étrangement inexpressif.
« Il te reste peu de temps, Nico di Angelo. »
