De la fenêtre de sa chambre, Rowan regardait la limousine avec chauffeur louée pour l'occasion qui s'éloignait, avec son oncle et sa tante qu'elle ne connaissait pas encore le matin même à son bord . Demain, ils reviendraient la chercher pour l'emmener vivre avec eux. Il lui fallait maintenant dire adieu à sa maison, à sa vie d'avant, comme elle avait, le matin même, dit adieu à ses parents.

Morts ! Le mot claqua dans la tête de la jeune femme. Oui, ses parents étaient morts, et sa vie ne serait plus jamais la même… pensivement, elle se retourna pour englober du regard ce qui avait été, durant les seize premières années de sa vie, sa chambre, son refuge. Les meubles en pin ciré, le linge de lit blanc, les peluches rescapées de son enfance heureuse, tous ces petits trésors qu'elle avait d'ors et déjà décidé de laisser derrière elle. Elle n'emporterait que quelques vêtements, des photos, et sa guitare . Résolument, elle se dirigea vers son armoire dont le miroir lui renvoyait son reflet, jeune fille à la longue chevelure d'un roux très sombre qui retombait en vagues souples sur ses épaules à l'ossature fine, aux grands yeux verts et à la pâleur encore accentuée par son chagrin et sa détresse devant la perte qu'elle venait de subir. Se haussant sur la pointe des pieds, elle descendit sa grosse valise en épaisse toile bleue, synonyme encore il y avait peu de vacances et d'explorations diverses avec ses parents. Elle la déposa sur son lit et l'ouvrit, puis, retournant à son armoire, elle en ouvrit les placards et commença à se saisir sans même les voir des premiers vêtements qui lui tombaient sous les mains, principalement des jeans plus ou moins usés. Ses yeux, désespérément secs depuis le drame, la brûlaient, mais elle ne voulait pas pleurer. Pas encore…

Elle termina de préparer ses affaires, ajoutant au dernier moment le vieux baladeur à piles de son père qui traînait dans le tiroir de sa table de nuit, ainsi que les quelques cassettes audio qui se trouvaient là, soudain pressée de quitter sa chambre et attrapa sa valise. C'est alors que son regard se posa sur le bijou qu'elle portait normalement tous les jours mais qu'elle avait préféré ne pas mettre ce matin-là. C'était un pentacle d'argent, aux formes épurées accroché à une chaîne torsadée du même métal, que sa mère lui avait offert pour ses quinze ans. Il était gravé à l'intérieur de l'étoile, de son nom : Rowan MacFianna. Quand ses doigts fins se refermèrent sur le pendentif, elle sentit un sanglot d'une violence qui la surpris gonfler dans sa poitrine. Elle sortit précipitamment de la pièce, le pentacle dans une main, la valise dans l'autre et dévala les escaliers pour se ruer dehors, sur le porche, là où elle avait toujours trouvé refuge à ses malheurs bien dérisoires. Elle laissa tomber sa valise et, l'étoile toujours serrée dans sa main, elle s'assit contre le mur, les genoux repliés contre elle, et, enfin, laissa ses larmes couler.