Hollow Lune
the psychicclam
Résumé:
Ce sont les vacances d'été, Stiles vient de boucler sa première année d'université. Il a un job pourri, prend un traitement contre les cauchemars et l'anxiété - mais il va bien, il le jure. Il s'en sort à peu près bien, la plupart du temps. Mais un certain loup-garou fait son retour en ville. Ce dont Stiles se moque éperdument. Vraiment éperdument.
Après deux ans et demi d'absence, Derek revient à Beacon Hills, avec sa petite meute. Bien qu'il ait essayé de refaire sa vie, quelque chose l'incite à revenir à Beacon Hills, sans qu'il sache exactement pour quelle raison. Désormais, il pense qu'il peut commencer à prendre un nouveau départ mais, parmi toutes les personnes qu'il revoit, Stiles Stilinski ne cesse de retenir son attention.
Remarques de l'auteur : Cette fic est une combinaison de tout ce que je voulais voir arriver dans la série Teen Wolf. Ma fic respecte l'intrigue de la série jusqu'à la fin de la saison 4 quand Derek quitte Beacon Hills, parce que c'est le moment où j'ai commencé à écrire et à tracer les grandes lignes de mon histoire. Il y a quelques éléments que l'on retrouve dans la saison 5 (comme la présence de Donovan, d'Hayden et de Corey), mais dans l'univers que j'ai imaginé, les Dread Doctors et Théo n'apparaîtront jamais. J'ai écrit ce que j'aurais souhaité voir se passer dans la série, et j'ai ajusté les idées et les théories que j'avais en tête afin de les adapter dans le cadre de ma fic. J'espère que vous apprécierez cette réinterprétation de Teen Wolf que j'ai élaborée à partir de la fin de la saison 4.
A noter : Spider999now a créé de magnifiques illustrations pour cette fic. Vous pouvez les admirer sur ao3 ou sur son tumblr en cliquant sur le hashtag sterek art my art.
Chapitre 1
Chanter dehors en attendant que le monde m'appelle
Vivre ma vie en m'efforçant de faire ce qui est juste
Dans l'espoir d'un jour meilleur
Et tout ce queje désire, c'est que tu tendes ta main vers moi
Oooh, montre -moi où tu as mal,
Nous allons faire en sorte que tu ailles mieux
Dis-moi que tu resteras
Même quand je serai loin
Ma voix t'aidera à tenir bon
Jusqu'à la fin ,c'estmoi et toi
Nous pouvons y arriver si nous essayons
-Silhouette par Active Child featuring Ellie Goulding
Stiles se réveille en hurlant. Il se redresse brusquement dans le lit et commence à compter ses doigts à plusieurs reprises.
Undeuxtroisquatrecinqsixsepthuitneufdix
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Les couvertures frémissent à côté de lui, et une masse luxuriante de cheveux roux en émerge. Lydia bâille tout en recouvrant ses mains avec les siennes, bien plus petites et menues. « Tu es réveillé, Stiles. Ça va. »
« J'ai déjà fait ce rêve auparavant. Un rêve au cours duquel je me suis réveillé et tu étais dans le lit allongée à côté de moi, mais quand je l'ai fait à l'époque, je ne m'étais pas réveillé. »
« Je sais. » Elle prend ses mains et les pose à plat sur la couverture. « Tu vois ? Aucun doigt en plus. »
Stiles contemple fixement ses mains. Son cœur cogne dans ses oreilles. Il tente de convaincre son cerveau que c'est la réalité et non un rêve. Il commence à les confondre et à les mélanger à nouveau.
« De quoi s'agissait-il, cette fois-ci? » demande Lydia dans un murmure, alors qu'elle pose son menton sur son épaule.
Stiles tourne ses mains et en scrute la paume. Ses mains sont propres, leur vue familière. Elles tremblent. Ne sont ni couvertes de sang, ni fermes et déterminées comme au moment où elles brandissaient l'épée. « Je transperçais le corps de Scott d'un coup d'épée. »
Il entend Lydia claquer doucement sa langue pour manifester sa désapprobation alors qu'elle se recouche puis elle tire sur son bras pour qu'il la rejoigne. Il n'est pas fatigué; son corps est en effervescence, surexcité par l'afflux d'adrénaline dans ses veines, galvanisé par l'euphorie ressentie par le Nogitsune à la vue de Scott ensanglanté, se tordant de douleur.
Stiles encore a parfois du mal à faire la part des sentiments qu'il éprouve. Il déteste ces nuits au cours desquelles il ressent des émotions résiduelles tout droit venues du passé, ressent la jouissance incongrue de contempler les gens hurler et agoniser. Il peut entendre la voix de Scott résonner dans ses oreilles, percevoir les sons les plus infimes qui expriment sa souffrance. Quand il ferme ses yeux, il voit ce visage entouré de bandelettes et ce visage le fixe.
Le fixe
Et sourit, d'un sourire qui ressemble à une grimace.
Stiles se redresse et se cale contre les oreillers. Lydia se remet sur le dos, fronce les sourcils. « Tu ne vas pas essayer de te rendormir? »
« Me change les idées, » répond Stiles, en chargeant Netflix après avoir pris son ordinateur portable.
Elle lâche un soupir, qui se transforme en un autre bâillement, et elle s'assied pour s'installer à ses côtés. Elle se frotte les yeux et dit : « Pas de films d'action. »
« Tu élimines le meilleur, » geint Stiles. Il lui sourit doucement, à elle, à ses cheveux emmêlés et son visage démaquillé. Deux ans auparavant, il aurait eu une érection gênante et aurait probablement eu un orgasme juste à la pensée de Lydia Martin couchée à ses côtés dans son lit, mais maintenant il l'a, à côté de lui, naturelle, sans fard ni maquillage ou produits capillaires, et si leur relation est devenue purement platonique, elle lui apporte du réconfort. Etre amoureux d'elle lui manque parfois, mais s'il l'était encore, il ne profiterait pas de la formidable intimité dont il jouit en sa compagnie.
« Ça va craindre, le boulot demain, » grommelle-t-il, et elle se tourne vers lui, se blottit contre lui. Il met un bras pour l'enlacer et se surprend à bâiller.
Il lui faut trois heures pour retrouver assez de tranquillité d'esprit pour se rendormir.
Les jobs d'été, qu'est-ce que c'est naze ! Il bâille pendant qu'il range les étagères et envisage de se coucher et de se pelotonner en plein milieu de l'allée du magasin pour y faire une sieste. Il pense même qu'il pourrait utiliser l'immonde veste orange du magasin Brico Dépôt comme oreiller. La dernière chose qu'il désire faire au monde, c'est bien de ranger des poignées de porte, mais bon, après tout, il pourrait avoir un job bien plus pourri encore. La plupart du temps, les autres employés lui fichent la paix et il peut s'accorder quelques pauses pour jouer au solitaire sur son téléphone s'il réussit à rester discret.
Stiles est en train de balayer le sol lorsqu'une fille s'approche de lui. « Stiles, non? » demande-t-elle, en lui souriant. Il regarde autour de lui, comme s'il y avait quelqu'un d'autre du nom de Stiles, à qui elle pourrait peut-être s'adresser.
« Oui. Puis-je vous aider à trouver quelque chose? »
« Tu es l'ami de Scott. » Oh. Oh.
« Oui. » Il hoche la tête. Cette fille est l'une des nombreuses conquêtes de Scott et Stiles ne se souvient absolument pas de son nom. Il n'arrive pas à suivre la ronde effrénée des filles avec lesquelles Scott enchaîne les rendez-vous ces derniers temps. « Je suis désolé, je ne me rappelle pas ton nom. »
« Oh! » Elle rit, gênée. « Nicole. »
« Ça y est, c'est ça, Nicole. » Il hoche la tête mais quant à savoir à quel moment Scott est sorti avec elle, il n'en a pas la moindre idée.
« As-tu vu Scott ? » demande-t-elle. « Je n'ai pas eu de ses nouvelles et, eh bien, notre rendez-vous s'est plutôt bien passé, alors… » Sa phrase reste en suspens et Stiles a de la peine pour elle. Ce n'est pas la première fois qu'il a ce genre de conversation avec une fille. C'est la rançon du succès de Scott : il est tellement incroyable. Les filles souhaitent une seule chose, continuer à sortir avec lui, alors que lui veut juste s'amuser et en profiter. Dur, dur.
« Il est vraiment occupé, » affirme Stiles – pieux mensonge. « Il est en stage et multiplie les allers-retours entre Beacon Hills et l'Université Davis. » Elle semble avaler son bobard et Stiles en est ravi. Rien n'est plus embarrassant pour lui que de tomber sur des filles qui lui demandent des nouvelles de Scott, que ce soit ici ou à l'université.
« Eh bien, tu peux lui passer le bonjour de ma part? Et lui dire qu'il peut me passer un coup de fil la prochaine fois qu'il a du temps libre ? » Elle fait un autre sourire à Stiles et s'éloigne. Si elle n'était pas aussi manifestement entichée de Scott, Stiles lui demanderait bien de sortir avec lui.
Il retourne à son balayage, fredonne un air tout bas, lorsque, du coin de l'œil, il entrevoit un type passer en marchant. Stiles se dirige vers le bout de l'allée, incapable de s'ôter de l'esprit qu'il lui semble connaître cette silhouette. Lorsqu'il tourne au coin du rayon, il a l'impression qu'une brique vient de le heurter de plein fouet.
Impossible d'oublier cette démarche familière, ces épaules larges, ces cheveux noirs. Comme le type tourne en bas d'une des allées du magasin, Stiles entraperçoit sa fameuse barbe de trois jours, son signe distinctif. « Derek,» murmure-t-il. Le balai tombe au sol avec fracas pendant que Stiles se précipite en courant vers l'endroit où Derek s'est dirigé. Mais quand il y parvient, l'allée est vide.
Stiles fait toutes les allées, traquant la moindre trace de cheveux noirs ou de Henley gris. Il passe au peigne fin trois fois le magasin avant d'abandonner.
« Je te le dis, » dit Stiles à Scott plus tard ce soir- là, quand ils se retrouvent pour manger une pizza, comme toutes les semaines. « Il ressemblait à Derek. » Scott regarde pensivement Stiles pendant qu'il mâche un morceau de sa pizza. « Ne me lance pas ce genre de regard, Scott. Quoi que puisse sous-entendre ce regard, débarrasse-t'en. »
« Tu as dit voir Derek à Brico Dépôt, » déclare Scott. « Et tu n'as pas mentionné le nom de ce gars depuis des années. Qu'est-ce que je dois en penser ? »
« Rien, » s'écrie Stiles, en jetant la croûte de sa pizza sur son assiette. « Oublie ce que j'ai dit. »
« Stiles… »
« Hé, aujourd'hui, je suis tombé sur une des tes innombrables petites amies et elle m'a demandé de tes nouvelles. »
« Ce ne sont pas mes petites amies, » réplique Scott en riant.
« Dis-le-leur alors, » poursuit Stiles. « Si tu pouvais arrêter de te montrer aussi foutrement charmant avec elles, elles cesseraient de vouloir sortir avec toi. »
« Je suis juste un jeune mec qui multiplie les expériences, tu sais. » Scott hausse les épaules. Stiles fronce les sourcils, mais n'insiste pas.
C'est comme ça depuis qu'ils ont obtenu leur diplôme de fin d'études au lycée, ça a commencé tout de suite après. Scott et Kira ont rompu, en restant en bons termes et tout le tralala, parce que, eh bien, ce sont Scott et Kira. Pendant leur année de terminale, Stiles s'attendait à ce qu'ils cassent d'un moment à l'autre. Ils étaient mignons ensemble mais il y avait toujours quelque chose qui retenait Scott, quelque chose qui l'empêchait de s'engager dans sa relation avec Kira autant qu'elle l'aurait souhaité. Stiles savait quel était le problème – bon sang, tout le monde le savait, mais personne ne voulait le dire, tout simplement.
Stiles n'est pas sûr que Scott parvienne un jour à oublier Allison.
Scott est sorti avec des filles tout l'été, ensuite il a continué durant toute l'année scolaire universitaire à sortir avec d'autres filles et a beaucoup couché à droite et à gauche, ce qui a beaucoup impressionné Stiles . Scott a eu des relations sexuelles un sacré paquet de fois, bien plus que Stiles n'a eu l'occasion d'en avoir. Sa vie sexuelle est restée un peu en berne depuis qu'il a rompu avec Malia quelques mois avant son diplôme de terminale. Il a certes couché avec des filles dès qu'il en a eu l'occasion lors de quelques fêtes mais ça s'arrête là et ça ne va pas bien loin. L'inconsistance de sa vie sexuelle est pour lui un motif de regrets et de lamentations qu'il étale devant Scott. Très, très souvent. Et ce dernier, pour toute réponse, se contente de continuer à crâner, le salaud, et de sortir avec une nouvelle conquête.
Ce succès énorme doit être dû à la sensualité ravageuse que dégage son côté Alpha. C'est la seule explication. Et Stiles ne peut pas rivaliser avec un loup-garou Alpha. Ou avec un loup-garou, quel que soit son grade. Ni avec la plupart des humains, d'ailleurs. Mais c'est vraiment nul que Scott tente de remplacer Allison en sortant avec autant de filles qu'il le peut.
« Je lui ai dit que tu étais pris par des stages et que tu étais occupé à faire des tas de trucs,» dit Stiles à Scott.
« Merci. »
« Tu ne leur dis pas que tu sors pour tout bonnement t'amuser, que tu ne cherches rien de sérieux? »
« La plupart d'entre elles le pigent, » répond Scott en haussant les épaules.
« T'es juste irrésistible, hein? » Scott lui retourne un sourire, et Stiles lève les yeux au ciel. « Tu vois, ce que tu fais là. Ne le fais jamais. »
« Sourire? »
« Oui. »
Alors qu'ils quittent la pizzeria à pied pour regagner leurs foyers respectifs, Scott se penche près de Stiles et hume sa peau. « Lydia a dormi avec toi la nuit dernière? »
« Ouais. »
« Des cauchemars? »
Stiles acquiesce. Scott fronce les sourcils et Stiles détecte sur son visage ce genre d'air soucieux qu'on pourrait traduire par : « Je dois me montrer capable de réparer ce qui cloche chez Stiles », alors Stiles lâche : « Elle passe la soirée avec Jackson. Quel connard. ».
« Il n'est pas si mal », rétorque Scott.
Stiles lève les yeux au ciel. « Lydia peut se trouver quelqu'un de mieux. »
« Tu sais que ça n'a pas d'importance », reprend Scott. «C'est Jackson, c'est tout. »
« Ouais, je sais. »
A l'étage, dans sa chambre, Stiles regarde des films sur Netflix, jusqu'à ce qu'il ne parvienne plus à garder les yeux ouverts. Quand il se couche, l'image de larges épaules et d'une barbe de trois jours le poursuit, et il gémit dans son oreiller. Pendant plus d'un an, il n'a pas vraiment pensé à Derek Hale, et maintenant sa queue semble très intéressée par sa réapparition dans les pensées de Stiles. Queue débile.
Stiles s'abandonne à ses pulsions, baisse son pantalon de pyjama et commence à se caresser. Il ne pensait pas qu'il se branlerait de nouveau en pensant à Derek mais il suppose que certains fantasmes ne s'éteignent jamais. Il songe à des mains puissantes posées sur ses hanches, au picotement de la barbe frottant son cou. Il ne lui faut pas beaucoup de temps pour jouir et souiller sa main. Il prend des mouchoirs en papier dans le tiroir de sa table de chevet, les jette ensuite sur le sol avant de rouler sur son lit et de s'endormir aussitôt.
Cette nuit, il rêve qu'il est dans le loft, il rêve de baisers éperdus, alors que son corps et celui de Derek sont enchevêtrés sous les draps, et Derek, le long de sa colonne vertébrale, essaime dans son dos des baisers.
XXXXXXXX
Derek vient d'achever sa journée de travail sur le chantier de sa maison et estime que ça suffit pour aujourd'hui. Ils ont monté la structure externe, ils ont donc bien avancé. L'entrepreneur est parti il y a déjà une heure, mais Derek a passé une bonne heure de plus sur le chantier à tout revérifier à fond, à annoter ses plans et à y faire des ajustements.
Il remonte vers la cabane, nichée au fond des bois. Cette cabane aménagée appartenait à son grand-père et est restée inhabitée jusqu'au retour de Derek à Beacon Hills, quelques mois auparavant. Il y a élu domicile jusqu'à ce que la construction de sa nouvelle maison soit terminée. Bien que le conseil général se soit approprié la résidence des Hale il y a quelques années, Derek possède encore une grande quantité de terres dans le nord du comté de Beacon qui avait appartenu autrefois à sa famille.
C'est mieux ainsi. A l'époque, la décision du conseil lui avait déplu mais aujourd'hui, il est content que l'administration en charge du comté ait démoli la maison. Derek n'aurait pas été sinon en mesure d'aller de l'avant et de passer à autre chose. Continuer à passer son temps à respirer les cendres et l'odeur de la chair carbonisée des membres de sa famille, ce n'était pas ce qu'il lui fallait. Que le manoir ait été entièrement rasé l'avait libéré de tous ces souvenirs. Lui avait permis d'avancer.
Désormais, il construit une nouvelle maison sur le territoire des Hale. Il avait quitté Beacon Hills immédiatement après ce qui s'était passé au Mexique, un véritable fiasco. Il avait failli mourir (ou peut-être qu'il était vraiment mort, après tout, –il n'est pas encore sûr de ce qui s'est passé cette nuit-là, sauf que, de toute manière, il a survécu, comme il le fait toujours) et il avait évolué. Il était parti pour comprendre ce que tout cela signifiait, ce que signifiait le fait d'évoluer, pour en savoir plus sur la forme qu'il avait prise, la forme complète d'un loup.
Il avait passé un certain temps avec la meute de Satomi, à remonter des pistes et des indices, puis avait passé quelque temps en Amérique du Sud avec Cora. Une fois qu'il eut fini par trouver ce qu'il cherchait, elle était partie avec lui. « Je me sens prête à réintégrer une meute, » lui avait-elle dit.
Ils voyagèrent en Idaho, rejoignirent une adresse que Satomi lui avait donnée. Ils n'avaient jamais rencontré la femme qui y habitait, une certaine Marjorie, et Derek doutait qu'elle eût jamais entendu parler d'eux. Au pire, ils auraient tenté leur chance et ça aurait été un coup d'épée dans l'eau. Peu de temps après qu'ils eurent pénétré sur son territoire, une femme que Derek supposa être Marjorie, vint à leur rencontre, flanquée de deux autres loups. Marjorie avait des cheveux couleur argent tirés en arrière et des yeux d'un noir profond. Elle les observa attentivement et prudemment. Alors, Cora et lui, ensemble, firent briller leurs yeux. Elle leur répondit, en les fixant de ses yeux dardant une lueur rouge.
« Je me demandais quand tu te montrerais enfin, Derek, » avait-elle dit, alors que son regard reprenait un aspect normal. Elle était leur tante éloignée, la fille du frère du père de leur mère (= la fille de l'oncle paternel de leur mère). Une Hale.
« J'ignorais que tu savais qui nous étions, » répliqua Derek, surpris.
« Les nouvelles vont vite lorsque des chasseurs éliminent des meutes entières, » avait affirmé Marjorie en s'avançant vers eux. « Surtout quand ce sont des membres de notre famille. » Ses yeux s'étaient remis à luire et elle avait touché leurs épaules.
Ils étaient restés avec Marjorie plus d'un an. Il en apprit plus sur leur capacité à prendre la forme complète d'un loup, et la meute avait commencé à prendre en charge l'éducation de Cora. Marjorie leur avait proposé à plusieurs reprises de rejoindre sa meute mais quelque chose avait empêché Derek chaque fois de le faire.
« Tu es lié à une autre meute, » avait-elle déclaré une nuit. Ils étaient assis devant le porche, sa meute avait organisé un barbecue et écoutait de la musique dans le grand jardin de la résidence de Marjorie. Cora jouait au badminton avec quelques-uns des membres les plus jeunes de la meute et Derek soupçonnait qu'elle avait des relations sexuelles avec l'un d'entre eux.
Derek n'avait rien répliqué suite à la déclaration de Marjorie. C'était intéressant de voir qu'il ne savait pas à quelle meute elle faisait référence : son ancienne meute, désormais décimée et disparue, ou celle de Beacon Hills, la meute de Scott.
Ça n'avait pas vraiment d'importance. D'invisibles fils reliaient Derek à quelque chose, à un ensemble. Il fallait juste qu'il découvre ce dont il s'agissait.
Après avoir quitté l'Idaho, ils avaient voyagé en Angleterre, avaient retrouvé Jackson, et ils étaient restés avec lui pendant un certain temps. Ils lui avaient révélé qu'il était aussi le fils de Peter - « Cela explique tellement de choses, » avait fini par dire Jackson, trois jours plus tard, lorsqu'il avait été enfin en mesure de contrôler suffisamment son loup et sa colère pour pouvoir faire de nouveau face à Derek et à Cora. Jackson leur avait parlé de souvenirs partagés qu'il avait de la maison des Hale – des souvenirs de meute- et Derek comprit ce qui l'avait conduit à mordre Jackson tant d'années auparavant.
Derek ramassait en quelque sorte les morceaux épars de ce qui faisait partie de lui, les rassemblait pour les remettre ensemble, afin de tenter de les recomposer en un tout cohérent. Il était désormais différent de ce qu'il était autrefois, et il se devait d'essayer de le faire.
Derek n'avait pas pu retrouver Isaac. Il avait tenté de contacter Chris Argent, avait tenté de retrouver la trace d'Isaac en France, mais Chris et Isaac ne voulaient pas être retrouvés. Derek avait laissé tomber. Il avait compris que certaines personnes éprouvent le besoin de disparaître et de tout recommencer à zéro.
Après quelques mois passés en Angleterre, Derek avait réalisé qu'ils formaient une meute. Une meute sans Alpha, certes, mais qui commençait à être une meute malgré tout. Quand il en prit conscience à son tour, Jackson ne se montra pas très enthousiaste, cependant il n'avait toujours pas rejoint de meute en Angleterre, et avait seulement cherché à solliciter la protection de l'Alpha qui contrôlait le territoire où il vivait. Son instinct l'attirait irrésistiblement vers Derek et Cora. Ils étaient de sa famille, ils lui étaient familiers, et, par dessus tout, lui rappelaient son foyer, et sa patrie.
Ensuite, Derek avait ramené sa meute à Beacon Hills. C'était l'aboutissement logique de son voyage. Peu importait qui était dorénavant l'Alpha. Beacon Hills était un territoire appartenant aux Hale et les Hale devait y vivre. Il avait annoncé leur présence à Scott, mais lui avait fait promettre de ne pas dire à qui que ce fût qu'ils étaient là. Scott lui avait lancé un regard indéchiffrable, mais il avait accepté.
Derek et Cora étaient restés cachés dans les bois, mais, comme toujours, Jackson n'en avait fait qu'à sa tête et était allé retrouver Lydia Martin dès la première nuit de leur arrivée. Derek ne pouvait pas le lui reprocher. Il pouvait sentir les bouffées de désir et de souffrance émanant de Jackson.
Lorsque Derek retourne à la cabane après avoir quitté le chantier de sa future maison, Cora est assise à la table, en train de lire un bouquin et de manger un bol de fruits. Jackson est sur le canapé, regarde la télévision. Ils ne lèvent même pas la tête quand il entre.
Derek s'affaire dans la cuisine, charge le lave-vaisselle et prépare le dîner. Il vient de mettre le poulet dans le four lorsqu'on frappe à la porte, et Scott pénètre dans le salon. Derek lui fait un signe de tête alors qu'il essuie ses mains sur un torchon, puis il s'appuie contre la table de travail et croise ses bras sur sa poitrine.
« Comment ça avance, la construction de la maison ? » demande Scott pendant qu'il s'avance dans la cuisine, souriant à Cora lorsqu'elle lève le nez de son livre.
« Ça va, » dit Derek. « On devrait pouvoir y emménager dans quelques mois, si tout se passe comme prévu. »
Scott hoche la tête, et Derek sait que ce n'est pas pour poser des questions sur le chantier qu'il est ici. Scott ne se déplace que s'il y a une raison précise qui le pousse à rendre visite à quelqu'un, il ne se déplace pas pour faire une simple visite de courtoisie. Derek attend patiemment que Scott aborde le sujet qui l'a fait venir jusqu'ici. « Stiles t'a vu hier, » lâche-t-il enfin, et Derek se raidit, mais se détend assez vite pour que personne n'ait remarqué quoi que ce soit, du moins il l'espère.
« Je sais,» répond Derek. Cora les dévisage l'un et l'autre avec curiosité, mais Derek garde ses yeux fixés sur Scott.
« Il pense qu'il voit des choses, » poursuit Scott. Il regarde Derek d'un air désapprobateur, mais Derek se contente de lui retourner son regard, en ayant soin de garder une expression neutre. « Je ne dois pas te rappeler ce que ça provoque dans sa tête. »
« Non. »
« Dis-lui simplement bonjour ou un truc comme ça, » conclut Scott. « Ou va faire tes courses ailleurs qu'à Brico Depôt. » Scott scrute le visage de Derek l'espace de quelques battements de coeur, puis, finalement, Derek acquiesce. « D'accord. Eh bien, salut, à la prochaine. »
Cora patiente jusqu'à ce que Scott se soit assez éloigné de la cabane pour qu'il ne puisse pas entendre leur conversation. Elle jette alors son livre sur la table et bondit de sa chaise.
«Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu avais vu Stiles? »
« Il n'y a pas de quoi en faire toute une histoire.»
« Pourquoi tu ne lui as pas parlé ? » Elle affiche un air mi-calculateur, mi-madame-je-sais-tout, et c'est exaspérant. Derek se détourne d'elle et vérifie les petits pois. «Dis-moi, Derek. »
« Ce n'est rien, » répond Derek. « Je ne veux pas simplement pas être distrait de mes objectifs. »
« Oh mon Dieu, » gémit Cora alors qu'elle se laisse tomber contre le comptoir de la cuisine. «J'aimerais bien qu'on me distraie. Je me fais tellement chier à traîner dans les bois toute la journée sans rien pour me distraire, avec pour seule source de divertissement ta personnalité ô combien sémillante et l'autre, là-bas, Capitaine Crétin à la Houppe. »
Jackson lui fait un doigt d'honneur en direct du canapé.
« Est-ce que tu l'évites? »
«J'évite tout le monde, » réplique Derek.
« Je vais aller lui parler, » dit Cora.
« Non, tu ne vas pas le faire. »
« Tu ne peux pas m'en empêcher. »
« Si, je peux le faire. »
« Derek… »
« Non, » gronde Derek, en faisant luire ses yeux. Elle ne bat pas en retraite, une lueur dorée fait briller ses yeux et ses crocs s'allongent.
« Non, mais sérieux, vous n'allez tout de même pas faire un concours pour savoir qui aura le droit de pisser sur Stilinski, » s'écrie Jackson, l'air incrédule.
« La ferme, » rétorquent-ils tous les deux en choeur, d'un ton sec.
« C'est foutrement ridicule, » marmonne Jackson pendant qu'il se détourne d'eux et se rencogne dans le canapé.
Cora autorise son visage à reprendre une apparence normale, puis elle lève un sourcil et elle ricane. « Est-ce que tu l'évites? »
« Pourquoi est-ce que je l'éviterais? » demande Derek, en se retournant vers la cuisinière.
« Parce que tu es émotionnellement inapte et stupide? » déclare Cora comme si c'était la chose la plus évidente au monde.
« Fais ce que tu veux, Cora, » dit-il. Elle applaudit joyeusement. Derek sent qu'il pourrait faire voler en éclats la cabane tout entière si jamais il sortait en claquant la porte.
Cette nuit-là, Derek rêve d'embrasser des constellations de grains de beauté dont il se souvient manifestement très bien, comme s'il les avait étudiées et mémorisées pendant des années.
XXXXXXXX
Il y a une raison parfaitement logique qui explique pourquoi Derek se retrouve devant Brico Depôt cinq minutes avant son ouverture. Il y a aussi une raison parfaitement logique qui explique pourquoi il sait que la jeep de Stiles est garée à l'arrière du bâtiment.
Derek ressent le besoin urgent de commencer l'installation de placards dans la cuisine. Immédiatement. Aussi se dirige-t-il tout droit vers ce rayon, aussitôt que les portes du magasin sont ouvertes au public. Il examine les modèles exposés pour essayer de déterminer quel style de meubles il aimerait pour sa cuisine, quand un vendeur s'approche de lui.
« Puis-je vous aider en quoi que ce soit? »
Derek se tourne vers le gars – ce dernier a environ trente ans, est séduisant, et le considère avec une lueur d'intérêt dans les yeux. Il lui lance illico un regard noir : « Non. »
« Avez-vous déjà installé des meubles de cuisine ? Je peux… »
« Quelle partie de ma phrase ne comprenez-vous pas? » rétorque d'un ton pète-sec Derek. Il fait semblant de ne pas entendre ce que le type, qui s'éloigne vexé d'un pas raide, grommelle dans sa barbe. Il n'est pas venu à Brico Depôt aussi tôt ce matin pour se coltiner des connards incompétents qui veulent fourrer leurs mains dans son pantalon.
Derek quitte le rayon des meubles de cuisine, et remonte les allées du magasin, à la recherche de Stiles. Il capte son odeur près du rayon des meubles de jardin et se concentre sur les battements de son cœur. Son rythme cardiaque est trop rapide, une caractéristique qui lui est propre et que Derek n'a pas oubliée, même après tout ce temps. Il émane de lui une flagrance qui rappelle l'odeur du café, mâtinée de fatigue et d'ennui.
Maintenant que Derek se retrouve ici, à un rayon à peine de lui, il n'ose plus bouger. Qu'est-ce qu'il fiche là, tout d'abord ? Il se retrouve à Brico Depôt quelques minutes après l'ouverture du magasin, juste pour voir Stiles Stilinski. Et pour quelle raison? Parce que Cora a menacé de le faire en premier? Quelle importance que Stiles sache qu'il est en ville ou pas? Stiles n'en a rien à faire de lui quant à lui, il n'en a rien à faire de Stiles.
Derek agit comme s'il ne sentait pas que l'odeur de Stiles s'était modifiée, agit comme s'il n'entendait pas qu'on l'appelle par son nom et il se précipite vers la sortie.
Stiles n'est pas un idiot. De plus, cette situation lui rappelle ce vieux dicton que son père a l'habitude de dire. Une fois, c'est un hasard, deux fois, c'est une coïncidence, mais trois fois…
Merde, s'il y a une troisième fois…
La troisième fois survient avec Cora Hale, qui marche à grandes enjambées dans sa direction peu avant la fin de son travail. « Je le savais! » s'exclame Stiles en voyant Cora qui se rapproche. « Je le savais, putain. » Il s'en doutait depuis qu'il pensait avoir vu Derek une première fois dans le magasin, et après ce qui s'était passé ce matin-même, il en avait été sûr.
Les Hale étaient de retour en ville.
« Hé, » dit Cora en le saluant d'un signe de tête.
« Je pensais que j'avais des visions, » s'écrie Stiles. « Et si vous êtes ici de retour à Beacon Hills, alors Scott est au courant, et le bougre ne m'a rien dit! » Il marmonne dans sa barbe, les rouages de son esprit tournant à plein régime. Il se demande qui d'autre sait que les Hale sont de retour, ou s'il est le seul idiot sidéré par cette nouvelle. Il a l'impression aussi qu'on l'a tenu volontairement dans l'ignorance.
« Ta-da! » s'exclame Cora en agitant ses doigts de façon théâtrale.
« Que fais-tu ici? » demande Stiles.
« Je suis passée te dire bonjour, » répond Cora. « Derek n'est pas passé ici plus tôt dans la journée ? »
« Il est bien venu au magasin, » confirme Stiles. « Mais il ne s'est pas abaissé à adresser la parole au petit peuple des péquenots. »
L'expression que Cora arbore demeure indéchiffrable. « Ho. » Puis elle sourit, et Stiles est persuadé qu'il a l'air terrifié. « Eh bien, je suis de retour. Et nous allons pouvoir traîner un peu ensemble. »
« Ah bon ? »
« Oui, parce que si je dois passer encore une putain de nuit de plus avec pour seule compagnie Jackson et Derek, je pourrais bien retourner à l'état de bête sauvage. »
Stiles ricane. Pauvre Cora. « Vous êtes à l'origine du retour de Jackson? » Cora acquiesce. « Tous les deux, je vous déteste tellement pour avoir ramené ses fesses ici. » Stiles se demande ce qui a bien pu traverser la caboche de Derek quand il a décidé que ramener Jackson à Beacon Hills serait une bonne initiative.Stiles était partant pour que Jackson reste à Londres. Pour toujours.
Cora rit. « Il n'est pas trop insupportable. Parfois il l'est, je le concède. Mais je nierai tout en bloc si jamais on me demande si je l'ai dit un jour. »
« Ton secret est en lieu sûr avec moi, je serai muet comme une tombe. »
« Alors, quand est-ce que tu as terminé ta journée ? » demande Cora.
Stiles jette un coup d'oeil sur l'heure affichée sur son téléphone. « Dans vingt minutes? »
« Je vais attendre, » déclare-t-elle.
« D'accord. »
Quand Stiles se dirige vers sa Jeep plus tard, il voit Cora qui est appuyée contre son véhicule, et elle a absolument le même air que Derek affichait autrefois, celui d'un individu louche qui fout les jetons. Ce qui fout d'ailleurs les jetons. Stiles se débarrasse de sa veste orange hideuse, la jette sur la banquette arrière puis prend le volant. Cora monte du côté passager sans prononcer un mot.
« Aloooors, » dit Stiles, en insistant longuement sur le O.
« Pourquoi as-tu l'air si gêné en ma présence ? » demande Cora. « Nous avons tout de même failli sortir ensemble avant que je parte. »
Stiles bafouille et agite ses mains nerveusement. « Q-Quoi ? »
Cora lève les yeux au ciel. « Ne me dis pas que tu n'as pas la moindre idée de ce dont je parle ? »
« Honnêtement, je peux te garantir que je n'ai pas la moindre idée de ce dont tu parles.»
« Je t'aimais bien, et tu m'aimais bien, » poursuit Cora en haussant les épaules. « Si je n'étais pas allée en Amérique du Sud, nous serions sans doute sortis ensemble. »
« Est-ce que c'est Jackson qui t'a fourré cette idée dans la tête? » demande Stiles, en plissant les yeux tout en la dévisageant.
Cora lève à nouveau les yeux au ciel, tout en renversant cette fois la tête en arrière. «Contente-toi de conduire, Stiles. Et arrête de jouer au demeuré. »
« Les Hale, on peut dire que vous avez sacrément une façon étrange de faire la cour aux gens, » marmonne Stiles.
« Comment peux-tu savoir comment nous, les Hale, nous faisons la cour aux gens? » s'écrie Cora, en haussant les sourcils brusquement, comme surprise par ses paroles.
Le visage de Stiles devient rouge. « Eh bien, je ne sais pas, mais il y a déjà Peter avec ses façons perverses et malsaines, son obsession de conquête et de domination, et ensuite Derek, qui me bousculait pour me plaquer contre les murs, Derek et son humeur massacrante perpétuelle, et enfin, il y a toi et ta … Corattitude. »
« Pour quelqu'un qui nous déteste autant, tu avais drôlement pris le pli de toujours te retrouver mêlé à nos histoires. »
Stiles referme ses doigts sur le volant. « Je n'ai jamais dit que je vous détestais. » Au bout d'un moment, il ajoute: « Sauf Peter. Je déteste vraiment ce mec. »
« C'est enregistré. »
« On va où, Ô Louve-en-chef ? » demande Stiles alors qu'ils ralentissent à un feu rouge.
« Tu m'emmènes manger quelque part. »
Stiles emmène donc Cora manger quelque part. Ils se rendent dans un endroit qui fait partie d'une chaîne de restaurants, où la nourriture servie est médiocre et trop chère, mais le burger n'est pas si mal et l'ambiance à table encore meilleure. Cora parle à Stiles de l'Amérique du Sud, et ils discutent des serpents indigènes avant d'entamer un débat houleux à propos de la nourriture. Au milieu du repas, Stiles se surprend à rire et se rend compte qu'il s'amuse bien. Cela fait bien longtemps qu'il ne s'est pas senti d'humeur aussi légère.
« Où est ta voiture? » demande Stiles alors qu'il conduit sa jeep à travers les rues de la ville, une fois leur repas achevé.
« J'en ai pas, » répond simplement Cora, et Stiles se tourne vers elle pour la regarder.
« Est-ce que tu as couru pour te rendre en ville? »
Elle hausse les épaules. « Tu réagis comme si ça posait problème. »
« Satanés loups-garous, » marmonne Stiles et Cora lui envoie un coup de poing dans le bras.
Stiles conduit à travers la réserve jusqu'à ce que Cora lui dise d'arrêter la jeep. On a l'impression de se retrouver au milieu de nulle part, vu qu'on ne peut voir aucun sentier clairement tracé qui mène vers les bois. Stiles gare sa voiture et tambourine avec ses doigts sur le volant. «Alors,» dit-il. « Vous vivez dans une grotte? Ou alors Derek vous a déniché une autre maison brûlée, ou encore une station de gare désaffectée ? »
« Tu es un vrai crétin, tu le sais, ça ? » réplique alors Cora en fronçant les sourcils. «Derek est en train de construire une maison. Nous vivons dans une petite cabane située sur nos terres. »
Stiles se met à gesticuler, et l'agitation de ses bras occupe tout l'habitacle. « Attends, on rembobine, là. Quoi? Derek est en train de construire une maison ? Comme qui dirait, avec ses propres mains, c'est ça? »
« Oui, » affirme Cora. « Il est vraiment doué pour faire ce genre de choses. Il avait l'habitude d'aider notre père à construire des trucs. Je crois qu'il voulait faire un métier en rapport avec la menuiserie ou l'architecture. » Elle n'a pas explicitement dit avant l'incendie, mais Stiles l'entend tout de même, comme si elle l'avait hurlé. Bien sûr, il a déjà réfléchi à propos de Derek et de l'incendie, a déjà pensé à sa famille en train d'agoniser dans les flammes, mais à ce moment précis, Stiles a soudain la conscience aiguë de ce que Derek a perdu d'autre cette nuit-là, de ce dont Kate l'a privé aussi. Derek aurait dû étudier à l'université, devenir architecte, il aurait pu aussi travailler dans le bâtiment, ou même faire des meubles s'il l'avait voulu. Mais au lieu de pouvoir réaliser ses projets, il a dû courir et fuir pour sauver sa peau, et ensuite il a vu tout le monde mourir autour de lui. L'avenir de Derek a brûlé cette nuit-là, pas seulement sa famille et sa maison. Tout à coup, Derek Hale commence à paraître différent aux yeux de Stiles (peut-être parce qu'il comprend ce qu'il a enduré, mais il ne veut pas encore l'admettre). Stiles sent à l'intérieur de lui quelque chose de vaguement inconfortable prendre racine et commencer à grandir, et il tente d'analyser et de comprendre ce sentiment.
Mais Cora fait claquer ses doigts devant le visage de Stiles, et cette impression diffuse qui naissait en lui s'évanouit aussitôt. Elle demande : « Oh ? Tu reviens sur terre, c'est bon ? Je disais, qu'est-ce que tu penses qu'il faisait à Brico Dépôt? »
« Je ne sais pas, moi, il est venu jouer au grand méchant loup –qui-fout-les-jetons comme d'habitude? » Stiles s'extrait de ses pensées, les chasse de son esprit et les oublie.
« Merci pour le repas, » dit Cora. « Nous remettrons ça bientôt, d'accord? Début de semaine prochaine? »
« D'accord, » se surprend à confirmer Stiles. Elle sourit, et Stiles est frappé par sa beauté. Son cœur s'emballe, et il se maudit parce qu'il sait qu'elle va le détecter. Cora se penche et embrasse doucement sa joue avant de sortir de la voiture. Elle se place devant les phares, se métamorphose, tout en souriant, pour prendre son apparence de Béta, puis part comme une flèche dans la forêt.
Stiles sourit tout au long du trajet qui le reconduit chez lui. Cette expression lui semble bizarre et incongrue sur son visage, parce que pour une fois, elle est sincère.
Le bonheur de Stiles est de courte durée. Il ne dure jamais très longtemps, de toute façon, plus maintenant. Cette nuit-là, il rêve de maisons incendiées, et l'écho de hurlements angoissés se répercute dans sa tête. Pendant tout le temps que dure son cauchemar, il reste simplement immobile, entouré par les odeurs de chair carbonisée.
Il se réveille seul, et ses propres cris retentissent fort dans la maison silencieuse. L'horloge indique 02h14. Son père est au travail, et il en conçoit un certain soulagement, même s'il aimerait ne pas être seul. Il préfère être aux prises avec sa solitude que de voir l'inquiétude de son père déformer les traits de son visage.
Il essaie de se rendormir, mais il ne peut pas chasser de son esprit ces images horribles. Il ne sait pas pourquoi tout à coup l'histoire de l'incendie des Hale l'obsède. Il n'avait pas réagi aussi violemment à l'époque où il avait passé la nuit à consulter les dossiers de la police au sujet de cette affaire, après sa toute première rencontre avec Derek.
Il ne peut pas arrêter de penser à Derek. A la façon dont il avait souhaité le voir mort si souvent à cette époque, à la façon dont il en était rapidement venu à le comprendre, contrairement à Scott. Bien sûr, Derek s'était comporté comme un enfoiré de première, mais quand Stiles avait finalement pris le temps de regarder vraiment Derek, il lui avait été facile de voir que ce dernier était terrifié, qu'il souffrait, et que cette peur et cette souffrance étaient cachées sous un fatras de cuir et de regards sombres.
Alors qu'il est couché sur son lit et qu'il s'efforce de se rendormir, Stiles se demande comment Derek était avant l'incendie. S'il avait un tempérament de petit comique, ou un tempérament calme, ou s'il était juste un enfant normal. Il se demande qui avait été le meilleur ami de Derek, s'il avait joué au lacrosse, quelles étaient les matières qu'il détestait au lycée. Il sait que Derek est intelligent, donc il était probablement bon à l'école. Est-ce qu'il était également populaire parmi ses camarades ? Avait-il toujours été aussi séduisant, ou avait-il connu une période ingrate au moment de l'adolescence?
Stiles se frotte les yeux. Pourquoi est-ce qu'il pense à Derek? Pourquoi est-ce qu'il ne pense pas plutôt à Cora, le membre de la famille Hale avec qui il vient de sortir ? Cora est agréable, drôle, intelligente et sexy. Cependant, à ses yeux, elle demeure pour l'essentiel une inconnue. Tout ce qu'il sait d'elle, c'est qu'elle avait en elle de la colère, qu'elle avait tendance à se montrer violente comme son frère, et qu'elle a passé beaucoup de temps en Amérique du Sud. Il ne sait même pas si elle parle espagnol ou portugais ou encore une autre langue. Il sait que Derek parle couramment l'espagnol, et peut lire le latin (mais pas aussi bien que Lydia). Il va falloir qu'il demande à Cora, lors de leur prochain rendez-vous, quelles langues elle parle.
Stiles finit par allumer la télévision et s'endort pendant un publi-reportage vantant une collection de CD réunissant de vieux tubes.
Quand il se rendort, cette fois-ci, il rêve de baisers chauds dans sa nuque, du frottement rugueux d'une barbe contre sa peau, et de doigts s'imprimant si fort dans ses hanches qu'il aura des bleus le lendemain.
XXXXXXXX
Devant la cabane, du haut du perron, Derek regarde Cora et Jackson s'entraîner. Jackson a fait des progrès – on peut même peut-être avancer qu'il est devenu bon, mais Derek n'est pas près de le lui dire - et Cora a acquis de la rapidité et le sens de la stratégie. C'est sans doute la seule chose qu'il ait réussi à accomplir depuis la mort de Laura. Les deux bétas sont désormais des combattants puissants, capables de bien défendre leur meute. Quand il était un Alpha, il n'avait jamais eu l'occasion d'enseigner quoi que ce soit à qui que ce soit. La seule chose qu'il avait apprise à sa meute, c'était de savoir courir.
C'était tout ce que Derek avait compris à l'époque : il fallait savoir courir.
Ce n'est pas comme s'il comprenait plus les choses aujourd'hui. Mais il s'est arrêté de courir, et cette maison qu'il construit est supposée être pour lui une façon de représenter son envie de se poser enfin et de s'installer. Derek veut retrouver quelque chose de tangible dans son existence. Etant donné qu'il ne va pas mourir, il en a conclu qu'il peut tout aussi bien commencer à vivre –même s'il fait semblant.
Jackson s'effondre au sol dans un craquement d'os, et Derek grimace involontairement de douleur. Cora se penche en arrière, croise les bras et, le dominant de toute sa hauteur, sourit triomphalement. Après un bref instant au cours duquel Jackson reste immobile - Derek sait que ses os brisés sont en train de se ressouder -, il saute sur ses pieds et se jette brusquement en avant sur Cora, toutes griffes dehors. Il les enfonce dans sa poitrine et la plaque au sol, sur le dos. Quand ils se retrouvent tous deux à terre, il lui sourit. « Tu t'es montrée trop sûre de toi. »
Cora lance un coup de pied dans les parties de Jackson, et celui-ci hurle de douleur. Derek rit pendant que Cora se redresse sur ses fesses et frotte, de ses mains marbrées de sang, la peau de sa poitrine griffée, qui commence à cicatriser. « Ça a bien marché, ce coup-là, hein? » Elle se lève d'un bond souple et lui tend la main. « Qui est celui qui est encore debout, maintenant? »
On dirait que Jackson envisage de l'attaquer à nouveau, mais au lieu de le faire, il prend sa main, et Cora l'aide à se relever. Ils avancent tout en se bousculant et en chahutant, alors qu'ils marchent en direction Derek, et ce dernier se remémore des jours qu'il a passés autrefois, ici, avec sa famille, la dernière fois qu'il faisait partie d'une meute, et il se sent presque revenu en ce temps-là. Simplement, la meute est plus petite et a changé. Mais ça aide d'être de nouveau entouré par des gens qui sont liés par le sang à la dynastie des Hale, ça aide à combler une partie du vide qu'il a à l'intérieur de lui, ça aide à guérir quelques blessures.
« Cora est une enfoirée de tricheuse, » proclame Jackson pendant qu'il se laisse tomber sur les marches en bas de l'escalier. Il appuie son dos contre la jambe de Derek et ne bouge plus, et ce dernier pose sa main sur l'épaule de Jackson, puis la serre.
« Pas de règles. » Elle hausse les épaules, il est évident que ce que vient de dire Jackson ne l'affecte absolument pas. Cora lui rappelle Laura parfois, bien qu'elle lui ait affirmé qu'elle se souvient à peine de sa sœur. Elle l'avait avoué tard, un soir, alors qu'elle était assise devant un feu de camp qui s'éteignait doucement, au milieu d'une forêt, à l'époque où ils frayaient avec la meute de Marjorie. Il n'était plus resté qu'eux deux autour du feu, et quelque chose, peut-être l'obscurité, l'heure avancée de la nuit, ou encore la douce lueur des braises, l'avait poussée à se confier. Ils ont l'habitude de discuter ensemble seulement au cœur de la nuit, dans les ténèbres. Aucun d'entre eux n'aime beaucoup partager ses émotions ou ses pensées, mais cette simple déclaration avait ouvert un champ des possibles entre eux.
« Je ne me souviens pas vraiment de Laura. » Cette déclaration n'avait été qu'un murmure, si faible que Derek l'avait presque manqué, même avec son ouïe exceptionnellement fine. Son cœur se brisa aussitôt que Cora avait parlé ; il ignorait ce qui était pire, ne pas se souvenir de sa soeur ou bien l'avoir perdue après avoir perdu tout le monde. Deux situations extrêmes, avait pensé Derek. Laura avait quitté son frère et sa sœur en les laissant tous deux vivre deux situations extrêmes.
Ce sont ces nuits qui ont permis à Derek de finalement apprendre à connaître sa sœur. Elle lui avait avoué, quelques semaines après ce premier aveu, qu'elle avait seulement conservé quelques souvenirs de leurs parents, et qu'elle se rappelait à peine qui il était. Derek avait décidé ce soir-là de lui offrir une nouvelle famille, même si ce nouveau noyau familial, formé autour de lui et de Jackson, constituerait une bien piètre consolation après tout ce qu'elle avait perdu. « Difficile de souffrir de l'absence de ce dont tu ne gardes aucun souvenir, » lui avait-elle alors un jour dit, et il savait que cette réflexion avait été le moment décisif où elle avait commencé à le considérer non plus comme un inconnu mais bel et bien comme son frère.
Jackson avait sans aucun doute davantage besoin d'eux qu'ils n'avaient besoin de lui, mais Derek et Cora souhaitaient tous deux, plus que tout au monde, qu'un autre membre rejoigne leur meute. Ils désirent encore aujourd'hui que toujours plus de membres viennent grossir les rangs de leur meute, Derek en a l'intuition jusque dans ses tripes, mais avec trois, un équilibre a été atteint, bien plus que s'ils étaient restés à deux seulement. De plus, être entouré de gens qui partagent avec lui des liens du sang aide Derek à retrouver ses souvenirs. Cette situation ne remplit pas encore le vide laissé par les membres de la meute qu'il a perdue – devenus des ombres errant dans son âme, aux contours vagues, les Hale décimés, Erica, Boyd, Isaac.
Derek savoure la sensation d'avoir sa petite meute réunie autour de lui. Cora est étendue sur les marches, ses coudes posés sur la première marche, ses jambes sur celles de Jackson. Ils ne disent pas grand chose, se contentent de rester assis là, en attendant que Cora et Jackson reprennent leur souffle et que leurs contusions guérissent.
« Allez, debout, » s'écrie Derek, en leur tapotant le visage. « Je veux que vous vous entraîniez à changer de forme. » Jackson grogne et est le dernier à se lever des marches.
Derek ôte sa chemise, puis enlève son pantalon et ses sous-vêtements. Il fait craquer son cou avant de sentir le loup monter en lui et affleurer à la surface de son corps, métamorphosant son squelette et sa peau. Il atterrit sur ses quatre pattes et, autour de lui, le monde explose soudain de sons, de parfums et de couleurs. Il regarde Cora et Jackson, qui l'observent. Puis il trottine jusqu'à la jambe de Jackson et pousse son museau contre sa cuisse.
« Très bien, » grommelle Jackson. Il garde ses vêtements, tout comme Cora. Ils agissent ainsi tous les deux, parce qu'ils n'ont pas été encore capables de réaliser une métamorphose complète pour l'instant. Le visage de Jackson, qui se concentre, se plisse et il prend sa forme de Béta. Derek s'est assis sur son arrière-train et le regarde. Jackson continue d'essayer de poursuivre sa transformation, mais rien ne se passe. Derek jette un coup d'oeil sur Cora, et elle s'en sort un peu mieux. Son visage s'est modifié de façon plus significative, et elle a plus l'allure d'un hybride que d'un loup-garou. Son museau s'est allongé, et des poils recouvrent la plus grande partie de son visage et de ses bras. Elle est cependant encore debout, ses membres ayant gardé un aspect plus humain que lupin.
« Putain, qu'est-ce que je déteste ça, » râle Jackson, et il se tourne légèrement pour frapper un arbre, lui arrachant au passage un morceau d'écorce. Derek fronce le museau, souffle fort, l'air réprobateur, puis reprend sa forme humaine.
« La colère ne va pas t'aider à réussir à prendre la forme d'un loup, » déclare Derek. Jackson se retourne vers lui et lui grogne dessus. Derek lève ses yeux au ciel. «Continue à te comporter comme un abruti, et tu ne pigeras jamais comment il faut t'y prendre. »
«C'est stupide, » rétorque Jackson, qui a repris son apparence normale. « J'ai été mordu, d'accord. Mais Peter ne s'est jamais complètement transformé en loup. Je n'y arriverai jamais. »
« Encore le même refrain? » soupire Cora, qui a de son côté repris sa forme de Béta. «Malia est restée coyote pendant environ huit ans. »
« Sa mère était aussi un coyote, » riposte Jackson. « Et chez elle, c'est inné, elle est née avec ce don. »
« Aucune importance, » affirme Derek. « Marjorie a dit que le sang des Hale qui coule dans vos veines devrait suffire à vous permettre de vous transformer. Vous faites tous les deux un blocage. » Il les regarde l'un après l'autre, rapidement. « Allez, encore une fois. »
Cora se métamorphose et parvient à se transformer à moitié, et Derek lui sourit avec fierté. Jackson n'arrive à rien, et parvient seulement à se mettre en colère. « Bon, ça commence à bien faire, je me casse ! » s'exclame-t-il en marchant à pas raides et nerveux en direction des voitures garées dans l'allée.
« Où vas-tu ? » lui crie Cora alors qu'il ouvre rageusement la porte de sa Porsche.
« C'est pas tes oignons ! » Il fait vrombir le moteur et démarre tellement en trombe que les pneus projettent dans les airs de la boue et des débris de végétaux. Puis la voiture file à la vitesse de l'éclair sur le sentier.
Cora se tourne vers Derek et lâche : « Lydia ». Derek acquiesce, ramasse son jean par terre et l'enfile.
« Tu fais des progrès, » lui dit-il alors qu'ils marchent vers la cabane. « Tu seras bientôt en mesure de te métamorphoser complètement. » Derek peut sentir qu'elle est heureuse d'avoir entendu ce compliment, et il tend le bras pour le mettre autour de son cou.
Une fois à l'intérieur de la cabane, elle prend son téléphone et vérifie ses messages pendant que Derek prend une bouteille d'eau dans le réfrigérateur. Elle tape un texto et Derek s'efforce de rester indifférent. « Tu envoies un message à Stiles ? »
« Ouais, » répond distraitement Cora.
Derek boit une longue gorgée d'eau. Il peut voir du coin de l'œil que Cora sourit pendant qu'elle répond à un message, mais Derek ne se soucie pas de savoir de quoi ils parlent. Il ne sait même pas comment Stiles peut se débrouiller pour produire un texto compréhensible sans s'agiter frénétiquement et sans faire des grimaces ridicules. Il utilise sans doute des tonnes d'émoticônes ridicules ou encore des émojis à la pelle, tout aussi crispants.
« Tu peux aller lui parler, tu sais, » fait remarquer Cora sans lever les yeux de son téléphone. « Il est parfaitement au courant que tu es de retour. Il sait aussi que c'était bien toi qu'il a vu chez Brico Dépôt. »
« Pourquoi aurais-je besoin de voir Stiles? »
Cora éteint son téléphone et le regarde. « Pourquoi aurais-tu besoin de l'éviter? »
« Je ne l'évite pas. »
« Alors tu continues à nier. » Derek la fusille du regard avant de lui tourner le dos. « Il parle de toi, tu sais. Je pense parfois qu'il passe plus de temps à poser des questions sur toi que sur moi. »
« Tu veux que moi ou Jackson allions le menacer ? » demande Derek alors qu'il jette un coup d'œil par dessus son épaule.
Cora lève les yeux au ciel. « Oh mon Dieu, tu as raté le message, espèce d'idiot bouché. Il t'aime bien, je pense, et plus encore qu'il en a conscience. Et je peux me prendre soin de moi toute seule, comme une grande. »
« Mais il sort avec toi. »
« Il t'aime bien mais pas comme ça, Derek. Bon sang, tout le monde ne veut pas te mettre dans son lit, » dit Cora. Puis elle ajoute: « Bon, en fait, ils voudraient bien tous le faire mais je ne crois pas que ce soit comme ça pour Stiles. Je pense que tu lui as manqué.»
« Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse? »
Cora quitte la pièce. « Rien. Oublie tout ce que j'ai pu dire. »
Derek est assis sur le canapé, devant un livre qu'il fixe depuis maintenant une demi-heure. Cora est dans sa chambre, un casque vissé sur les oreilles, alors que, de son côté, il tente de lire. Mais il ne cesse de penser à ce que vient de dire Cora. Et il pense à Stiles. Et tout naturellement, il en vient à repenser au rêve qu'il a fait à son sujet. Il ne sait même pas d'où ce rêve lui est venu. Il semblait si réel, tout semblait si authentique, de la sensation de la peau de Stiles lorsqu'il la touchait jusqu'à la façon dont ses grains de beauté étaient disposés sur son corps. Bien sûr, peut-être Derek avait-il développé une certaine attirance à l'égard de Stiles avant de quitter Beacon Hills ; ce gamin s'était montré à l'époque intelligent, plein de ressources, et absurdement courageux . Mais c'était un gamin. Rien de plus. Et désormais, eh bien, le revoir avait manifestement ravivé ces vieux sentiments qu'il avait éprouvés puis oubliés. Mais c'est un détail. Par ailleurs, ça n'a désormais pas d'importance. Stiles fréquente sa sœur.
Cette nuit-là, il rêve à nouveau de Stiles. Il rêve qu'ils sont tous les deux couchés sur un lit, Stiles est appuyé sur son coude, penché sur lui. Il rit. Lorsque Derek se réveille, tout ce qui lui reste en mémoire, c'est le sourire de Stiles, et la façon dont le soleil semblait rayonner de ses yeux, et Derek ne peut pas vraiment faire comme s'il ne sentait pas du tout son cœur bondir follement dans sa poitrine.
Le lendemain, Derek va à Brico Dépôt pour acheter des clous, et quand il ne voit pas la Jeep de Stiles sur l'aire de stationnement, il fait demi-tour, et les roues de sa Camaro crissent alors qu'il quitte le parking.
XXXXXXXX
Stiles ne peut pas sortir du lit.
Prendre une douche ce matin lui avait demandé trop d'effort. Il était debout sous le jet d'eau, il essayait de se contraindre à bouger, à se laver les cheveux ou à prendre le savon. Après s'être finalement lavé, il était resté debout au milieu de sa chambre, les yeux fixés sur son jean et la veste orange qu'il avait jetée sur le sol. Il avait pensé à ce qu'il allait faire : enfiler ses vêtements, monter dans la jeep, rouler jusqu'à son travail. Il avait pensé ensuite à ce qu'il allait faire là-bas : servir les clients, répondre à leurs questions et assurer son service.
Mais il n'avait pas pu. Juste ... il n'avait pas pu le faire. Il avait eu l'impression que son corps et son esprit étaient pris au piège, et qu'enfiler des vêtements et quitter la maison étaient les actions les plus contraignantes qu'il pouvait accomplir. Même à la simple pensée de ces actes, une angoisse lui serrait la poitrine.
Alors, après la douche, au lieu de s'habiller et de se rendre au travail, il appelle le magasin et puis se pelotonne dans son lit. Son esprit tourne à plein régime et ne le laisse pas dormir. Il se sent coupable de ne pas aller travailler, d'être faible, d'être un échec ambulant. Sa poitrine est oppressée et il lui est difficile de respirer, comme si quelqu'un était assis sur son ventre et qu'il ne pouvait pas inspirer assez d'air.
Il envoie un message à Lydia par texto, et elle lui dit qu'elle arrivera plus tard, s'excuse pour ne pas être en mesure de venir tout de suite. Stiles lui répond qu'il comprend. Ce qu'il devrait lui dire, c'est qu'il ne s'attend pas à ce que ses amis laissent en plan leur propre existence parce qu'il est complètement à la masse et qu'il ne parvient pas à se ressaisir.
Il a rêvé de la porte hier soir. Il l'avait vue clairement dans son esprit, entrebâillée, lui faisant signe, l'appelant. Une partie de lui-même avait voulu l'ouvrir, voir ce qu'il y avait de l'autre côté, et entrer, mais l'autre partie de lui-même avait combattu cette envie toute la nuit. Il s'était réveillé en pleurant, trempé de sueur et épuisé.
Quand son père rentre à la maison pour le déjeuner, il trouve Stiles couché dans son lit, recroquevillé sur le flanc, dos tourné vers la porte. Stiles comprend qu'il est inutile de prétendre qu'il va bien; il n'a pas l'énergie de faire semblant en ce moment.
Il entend son père entrer dans la chambre, entend, quand ce dernier se déplace, le bruit clinquant des divers objets suspendus à sa ceinture. Puis, son père s'assied sur le bord du lit et pose une main sur le bras de Stiles. « Pourquoi ne m'as-tu pas appelé? »
« Tu n'aurais rien pu faire, » répond Stiles.
« Ce n'est pas vrai. » Ils savent tous les deux que c'est un mensonge, mais aucun d'eux ne le dit.
«J'ai appelé le magasin, » poursuit Stiles, d'une voix blanche et lasse. Il fixe le mur du fond, mais il ne le voit pas vraiment. « Je ne pense pas qu'ils soient très contents de moi. Je suis sûr qu'ils vont me renvoyer si je me porte encore pâle. »
« Ils ne peuvent pas te mettre à la porte alors que tu es malade. »
« Je ne suis pas malade. »
« Si, tu l'es, » affirme le shérif. Il serre le bras de Stiles doucement. « Tu souffres simplement d'un genre différent de maladie. »
Stiles passe sa main sur son visage. « Cette situation est si stupide. Je suis tellement stupide. »
« Hé, » dit le shérif, en poussant le bras de Stiles et en le forçant à se mettre sur le dos pour qu'il puisse le regarder en face. « Je ne veux pas t'entendre parler de toi de cette façon. Ce sont des conneries et tu le sais. »
Stiles étudie le visage de son père, examine les rides d'inquiétude qui s'y sont gravées, les rides que Stiles a creusées sur ses traits. Il a connu quelques épisodes d'anxiété cet été, durant lesquels il n'a pas pu aller travailler, mais rien d'aussi grave que celui qu'il est en train de subir. Il peut voir la fatigue imprégner le visage de son père, et il hait cela. Il se déteste pour ce qu'il fait à son père.
« Tu sais que tu n'as pas besoin de ce travail », poursuit-il. « Tu n'as pas besoin de cet argent. »
« J'en ai besoin. »
« Nous nous en sortons très bien, » affirme le shérif.
Stiles fronce les sourcils. « Je ne m'attends pas à ce que… »
« Je suis ton père, » l'interrompt le shérif, d'un ton inflexible. « La dernière chose pour laquelle tu dois te faire de la bile, c'est bien un job d'été débile à Brico Dépôt. »
Stiles lui fait un petit sourire. « Qu'est-ce que je vais faire toute la journée alors? »
Le shérif hausse les épaules. « Tout ce que tu voudras. Tout ce que tu as besoin de faire. »
« Merci, papa, » souffle Stiles .
Le shérif hoche la tête et passe une main dans les cheveux de Stiles, un peu comme il en avait l'habitude quand il était encore un enfant. Ce geste dénoue quelque chose en Stiles, l'aide à respirer un peu mieux. « Nous allons surmonter ce problème, » continue le shérif. « Tu as déjà fait beaucoup de progrès. »
Stiles ricane, mais ne discute pas.
Stiles reste au lit jusqu'à environ trois heures de l'après-midi. Les connexions de son cerveau s'emmêlent et sont surchargées de pensées si foisonnantes qu'il s'étonne qu'il n'y ait pas de fumée qui lui sorte par les oreilles. Il se force à sortir du lit, à manger un bol de céréales, à bouger ses membres. Il prend la première paire de pantalons qu'il trouve par terre, jette sur la chemise qu'il porte un sweater à capuche, puis quitte la maison. Il monte dans sa Jeep et démarre. Il ne sait même pas où il va.
Il finit par arriver à la réserve. Il gare sa Jeep et sort de la voiture, passe devant la chaîne qui délimite la réserve et découvre un sentier de randonnée. Il marche. Il ne met pas de casque pour écouter la musique; au contraire, il se concentre sur les sons des bois environnants. Il écoute les oiseaux, entend une chouette hululer quelque part dans le lointain, et un pivert. Des écureuils sautent d'arbre en arbre et il aperçoit quelques grenouilles. Un vent léger fait doucement bruisser les feuilles.
Il n'a jamais été vraiment un adepte de la randonnée, et la plupart de ses expériences dans la réserve se résument à avoir couru pour sauver sa peau. Mais c'est un lieu paisible, alors il marche, tout simplement. Il suit la piste, en prenant des sentiers au hasard et en changeant de direction lorsqu'il arrive à une bifurcation. Il se concentre sur le sol sous ses pieds, sur les arbres autour de lui. De manière surprenante, la marche l'aide à mettre un terme à la confusion qui règne dans son esprit.
Stiles, à un moment donné, se rend compte qu'il s'est profondément enfoncé dans les bois. Il ignore où il se trouve et comment retourner sur ses pas (ce qui est sans doute une monstrueuse erreur de sa part), quand il entend une brindille craquer. Il fait un tour complet sur lui-même, essaye de voir à travers les arbres ce qui se passe. Tout semble normal, mais il sent comme un picotement à l'arrière de son cou, comme s'il se sentait épié.
Stiles a appris depuis très longtemps à se tenir toujours prêt au pire. Il ne quitte jamais sa maison sans prendre sur lui quelque chose pour se protéger, il sort donc de sa poche une boîte contenant un mélange d'aconit et de piment fort et il la tient dans sa main pendant qu'il scrute les alentours.
« Je pensais que tu serais mieux préparé que cela à affronter un danger, » l'interpelle une voix qui vient des bois. Stiles resserre sa prise autour de la boîte au moment où il perçoit un mouvement du coin de ses yeux. Il pivote sur ses talons, et il renonce à se battre aussitôt qu'il voit de qui il s'agit.
Derek.
Il est appuyé contre le tronc d'un arbre, les bras croisés sur sa poitrine, un sourire en coin.
« J'envisage de tester ça sur toi, » dit Stiles, agacé.
« Des extraits concentrés de piment fort, vraiment ? »
« Mélangés avec de l'aconit, » réplique Stiles. Puis il se penche et brandit un couteau qui était attaché autour de sa cheville. Derek hausse les sourcils, impressionné. « Je ne suis pas né de la dernière pluie. »
« Tu as prévu de combattre quelque chose dans cette forêt ? »
« Ce n'est pas à toi que je dois rappeler que des trucs graves arrivent dans cette forêt. »
Un nuage traverse le visage de Derek, mais il disparaît aussi rapidement qu'il est apparu. « Alors, qu'est-ce que tu fais ici? »
«Je marche, » répond-il. « Et, en même temps, je réfléchis. Tu vas me dire que c'est une propriété privée? » Derek reste de marbre. « En fait, poursuit Stiles, je suis surpris que tu daignes m'adresser la parole. Tu n'as pas eu l'intention de m'ignorer comme tu l'as fait à Brico Dépôt ? »
« Je ne t'ai pas ignoré. »
« Ouais, peu importe. » Stiles remet le couteau à sa place et fourre la boîte avec l'extrait de piment dans sa poche, puis continue à marcher le long du chemin. Il n'est pas surpris de voir que Derek le rattrape rapidement et lui emboîte le pas pour marcher à ses côtés.
Ils cheminent en silence pendant un certain temps. Stiles suit Derek quand il prend des bifurcations, parce que Stiles n'a nulle part où aller et qu'il est difficile de résister à l'envie de suivre une personne lorsque vous marchez avec elle. Il commence à entendre des bruits qui ressemblent à ceux d'un chantier au moment où ils s'approchent de l'orée des bois, puis ils pénètrent dans une clairière où, comme Stiles l'avait deviné, une maison de belles dimensions est en train de se construire. Stiles regarde avec intérêt ce qui se passe. Des ouvriers occupent tout le site, et exécutent diverses tâches.
Derek se place devant lui, ouvre la marche pour visiter le chantier, sans même jeter un coup d'œil en arrière. Stiles le suit, et joue les touristes. La construction de la maison est sur le point d'être achevée. Elle a besoin d'être peinte, et, par l'embrasure des portes ouvertes, il voit des gens poser des planchers.
Derek s'arrête une fois qu'ils ont fait le tour du propriétaire et reste debout, les yeux fixés sur la maison. Stiles se retourne et étudie du regard Derek. Il a l'air exactement pareil qu'autrefois, sauf qu'il est moins tendu, que son visage est moins renfrogné. Il y a quelque chose de plus doux en lui, et Stiles éprouve l'envie de lui demander ce qui est arrivé au cours des dernières années, de lui demander ce qui a pu le changer. Peut-être qu'il pourrait donner à Stiles des conseils qui pourraient l'aider à échapper à ses démons intérieurs. Si Derek Hale a pu y parvenir, alors tout le monde peut le faire.
« Pourquoi faire construire ici? » demande Stiles.
Derek se tourne vers lui. « Je possède ce terrain. C'est un territoire qui appartient aux Hale. »
Stiles secoue la tête. « Ce n'est pas ce que je veux dire. Pourquoi ici, précisément à Beacon Hills ? Pourquoi revenir dans cet enfer? Tu es parti pourquoi es-tu revenu? »
Derek contemple de nouveau la maison et garde le silence pendant un certain temps. Stiles ne pense pas qu'il va lui répondre mais il finit par dire : « Je devais revenir chez moi. »
Stiles n'est pas certain que cette simple affirmation suffise à répondre à la question qu'il a posée, mais il laisse courir. Si Derek voulait revenir à l'endroit où toutes les personnes qu'il a pu aimer sont mortes, de quel droit après tout allait-il le critiquer, qui était-il pour le contredire ?
Derek demande alors : « Pourquoi n'es-tu pas parti? » Cette question étonne Stiles.
Il ne s'était pas préparé à devoir répondre à ce genre de question. « Quoi ? »
« Tu n'es pas allé à l'université. Tu es resté ici. »
« C'est compliqué, » répond évasivement Stiles. Derek le dévisage un poil trop longtemps, puis son regard se reporte vers la maison. Il parle à quelques ouvriers du chantier, et , pendant ce temps, Stiles, sans gêne, fourre son nez partout pour examiner les moindres recoins de la construction. Ça va être une belle maison. Beaucoup de pièces spacieuses, des tas de fenêtres. Derek semble avoir préféré faire construire une maison rustique, dont l'architecture rappelle les chalets de montagne, plutôt que de faire bâtir une demeure plus moderne ou sophistiquée. Le bâtiment ressemble aux maisons qu'on peut rencontrer en montagne, nichées au coeur des vallées, et Stiles décrète que ça correspond parfaitement à Derek.
Quand il se dirige vers les arbres, pour reprendre la piste, Derek l'interpelle. « Je vais te reconduire jusqu'à ta Jeep, si tu veux. » Stiles, dans un premier temps, ouvre la bouche pour décliner son offre, mais se ravise. Comme il ne sait pas exactement où il est, il décide d'accepter sa proposition.
Ils n'échangent pas un mot dans la voiture. La radio est allumée mais le son est si bas que Stiles peut à peine l'entendre. Néanmoins, en se concentrant, il arrive à distinguer qu'elle diffuse du rock alternatif. Ça le surprend. Le fait, aussi, que Derek Hale écoute de la musique dans sa voiture le surprend. Il suppose qu'il n'a jamais réellement regardé Derek comme une vraie personne, qu'il s'est contenté de le considérer comme ce mec en colère incroyablement sexy qui n'avait pas eu de chance dans sa vie. Stiles n'a jamais pensé que Derek pouvait faire des choses normales, comme programmer une station de radio qu'il aime ou chanter dans la voiture.
A mi-chemin du trajet, le silence qui règne dans l'habitacle tape sur les nerfs de Stiles, et son esprit commence à lui jouer des tours étranges, alors il dit : « Je suis allé à l'université, au fait. Je suis allé à l'université Davis. »
« Cora m'a dit … »
« Je vais à l'institut public d'études supérieures courtes de Beacon Hills à présent, » concède Stiles. Il sent les yeux de Derek posés sur lui, et quand il jette un coup d'œil dans sa direction, il constate que Derek n'a pas l'air de le juger, comme beaucoup de gens le font. Il a juste l'air pensif. Stiles sent que ses mains tremblent, et il a l'intuition qu'un sentiment accablant d'échec mêlé de désespoir menace de le submerger de façon imminente, alors il parle. « Je pensais que ça m'aiderait, après tu sais quoi, et Scott était inscrit là-bas, et Lydia était à Stanford , un établissement qui n'est pas trop loin de Davis. Je pensais que quitter Beacon Hills serait ... » Sa voix s'éteint, il ne sait pas comment terminer sa phrase.
Derek la termine pour lui. « La solution à tes problèmes ? »
« Ouais, » répond-il à voix basse. Il regarde, par la fenêtre, les arbres qui passent. « Est-ce que c'est ça que tu as ressenti à l'époque ? »
« Oui. »
« Et ça a marché ? Ça a été la solution à tes problèmes ? »
« La deuxième fois, » réplique Derek. Stiles lui jette un coup d'oeil. C'est tellement étrange d'être assis dans une voiture en compagnie de Derek Hale et de discuter. Il n'a pas menacé Stiles de lui infliger des coups et des blessures, et il ne lui a pas lancé des regards furibonds, ni n'a grogné une seule fois. Stiles a du mal à se faire à cette situation inédite. «Mais ce n'est pas le fait d'être loin de Beacon Hills qui m'a aidé, » poursuit Derek. « Ce sont des gens qui m'ont aidé à y voir plus clair. »
« Oh. »
« Puis-je te poser une question? » Stiles agite sa main en signe d'assentiment. « Pourquoi es-tu revenu? » Stiles gratte son menton distraitement. Il sent ses nerfs se tendre, et il entend Derek soupirer à côté de lui. « Tu peux refuser de répondre à ma question. »
« Non, ça va aller. » Stiles suppose qu'il n'y a pas lieu de cacher la vérité. Derek est probablement la dernière personne qui oserait porter un jugement sur lui. «J'avais des attaques de panique, à peu près tous les soirs. Parce que j'étais loin de mon père. Je ne me sentais pas en sécurité là-bas, et je n'avais pas non plus l'impression qu'il était en sécurité. »
« Mais tu te sens désormais en sécurité ici? »
« Ça n'a pas de sens, je ne dis pas le contraire, » dit Stiles. « Je sais que ma démarche est vouée à l'échec. »
« Parfois, nous avons besoin d'être à proximité de ce qui nous est familier, » affirme Derek.
« C'est la raison pour laquelle tu es revenu ? »
Derek secoue la tête. « Je suis resté avec des membres de ma famille que j'avais retrouvés, mais chaque fois que j'envisageais de rejoindre leur meute, je n'y arrivais pas. Leur Alpha m'a dit que quelque chose me reliait à une autre meute. »
« Alors, tu es revenu ici ? » demande Stiles, dubitatif.
Derek hausse les épaules et dit: « Ça n'a pas de sens, je ne dis pas le contraire. » Stiles éclate de rire après l'avoir entendu répéter sa réplique mot pour mot, et il voit le coin de la bouche de Derek se relever pour esquisser un sourire.
Lorsque Derek arrive à côté de la Jeep, Stiles garde la main sur la poignée, hésite à sortir tout de suite. « Merci pour la balade, » déclare-t-il. « Je t'aurais bien dit merci aussi pour la conversation, mais ça serait bizarre. »
Derek rit, et son rire est doux à ses oreilles. Et, soudain, des réminiscences fulgurantes de ses rêves, des images où les mains de Derek sont posées sur lui et où il sourit contre sa peau lui reviennent en mémoire. Il sort de la voiture et se précipite vers la Jeep. A l'intérieur de la voiture, il inspire et expire, inspire encore, expire encore, plusieurs fois, longuement, ses mains crispées sur le volant. Quand il jette un coup d'oeil par la fenêtre du côté passager, il voit Derek l'observer, et Stiles n'aime pas l'expression qu'il a sur son visage – c'est quelque chose qui ressemble à de l'inquiétude. Il démarre la Jeep et conduit en direction de la route principale Derek le suit.
Derek est perdu dans ses pensées quand il revient à la cabane. Il balance ses clés dans le pot à côté de la porte et se penche pour délacer ses bottes. Il ne remarque pas que Cora est là, jusqu'à ce qu'elle se mette juste à côté de lui et le renifle. « Tu as vu Stiles. »
« Je l'ai rencontré alors qu'il se promenait dans la forêt, » dit Derek, en haussant les épaules comme si ce n'était pas important. Ce n'était pas important.
«C'est bizarre, » reprend Cora. « Je suppose que c'est la raison pour laquelle je n'ai pas eu de ses nouvelles aujourd'hui. »
Derek se lève et ne dit rien. Il ne lui dit pas que Stiles exhalait des odeurs d'anxiété et de nervosité, qu'il sentait la tristesse. Il ne lui dit pas qu'ils ont discuté, qu'il sait pourquoi Stiles est maintenant inscrit à l'institut public d'études supérieures courtes. Pourtant, c'est elle qui a raconté à Derek qu'elle ignorait pourquoi il avait abandonné ses études et était revenu chez lui, et il pourrait au moins lui dire ce qui s'est passé. Il ne lui dit pas non plus que le parfum de sa peau dégageait moins d'effluves angoissés au moment où il avait déposé Stiles près de sa jeep, mais à peine moins. Au lieu de cela, il dit simplement : « Je lui ai montré la maison. »
« Tu as fait ça ? » demande Cora, surprise. Même Jackson, du fauteuil où il s'est installé pour lire un bouquin, tourne la tête pour lui jeter un coup d'oeil.
« Ouais. » Derek s'est assis sur le canapé, et Cora se laisse tomber à ses côtés. « Il était dans la forêt, pas trop loin du chantier. J'ai senti son odeur. »
« Tu l'as senti depuis la maison? » s'étonne Cora. Derek remarque que Jackson et Cora le dévisagent tous les deux, et il se rend compte qu'il aurait peut-être dû tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler.
« Ouais, c'est normal, » marmonne Jackson, revenant à son livre. « Parvenir à discerner les effluves dégagés par la peau de quelqu'un d'aussi loin, parmi toutes les odeurs qui peuvent se trouver sur le site d'une maison en pleine construction. Pas du tout étrange. » Derek lance un regard noir à Jackson, mais c'est en pure perte puisque ce dernier ne regarde plus Derek.
Cora le fixe, et l'expression sur son visage ne respire pas la joie. « Y a-t-il quelque chose que j'aurais besoin de savoir ? »
« Comme quoi? » rétorque d'un ton sec Derek.
« Si j'avais su que tu aimais bien Stiles, je n'aurais … »
« Je n'aime pas Stiles, » grogne Derek.
« Trèèès convaincaaaant, Dereeeek, » dit Jackson d'une voix traînante.
« La ferme, Jackson. » Derek reporte son attention sur Cora. « Je me moque pas mal de lui, et je m'en fiche que tu le fréquentes. Il n'y a rien entre nous. » Cora ne semble pas le croire, aussi Derek change-t-il de sujet. « Pas de Lydia, ce soir? »
« Elle est avec le shérif Triple Buse, » répond Jackson. Derek peut flairer l'odeur de la frustration et de la colère qui émane de lui. Derek ne sait pas quoi dire, parce qu'il sait pertinemment qu'il ne veut pas se mêler du triangle amoureux formé par Jackson- Lydia –Parrish. Il apprécie Jordan, et il ne critique pas Lydia pour avoir voulu passer à autre chose, mais Jackson fait partie de la meute. Alors, Derek se contente de rester en dehors de leurs histoires, comme il le fait pour Cora. Il n'a pas besoin de se mêler des relations amoureuses de Cora.
Pendant que Derek prépare le dîner, son portable sonne. C'est Marjorie. « Un incident est survenu à la lisière de notre territoire », explique Marjorie. « Ça sent l'odeur des loups. Nous avons trouvé des traces d'un combat, il y avait le cadavre d'un Oméga mort et le sang d'autres loups. Ces loups-là, ils avaient l'odeur d'Alphas. »
« Qu'est-ce que tu en penses ? » demande Derek.
« Je ne sais pas, » répond Marjorie. «J'ai envoyé Blake et Lia pour les repérer, mais ils avaient disparu de notre territoire ainsi qu'à proximité de nos terres. Les traces qu'ils ont laissées indiquent qu'ils se déplacent vers le sud. Je voulais juste t'avertir, juste au cas où ils viendraient sur vos terres. »
« Merci », dit Derek. « Je vais en informer l'Alpha. Et je vais garder les yeux ouverts. »
« Dis bien à Cora que j'ai téléphoné, » ajoute-t-elle. « Vous nous manquez tous les deux. Venez nous voir un de ces jours et emmenez Jackson avec vous. »
« Nous allons le faire, » promet Derek. Une fois qu'il a raccroché, il appelle Scott, puis Satomi, pour les informer de la nouvelle.
Il passe le reste de la soirée à regarder des films avec Jackson et Cora. Jackson passe la soirée à bouder, et Cora ne cesse de vérifier les messages sur son téléphone en fronçant les sourcils. Il est soulagé quand tous les deux vont se coucher. Il n'a pas le courage de se coltiner leurs états d'âme.
Il se met au le lit et regarde quelques épisodes d'une émission de télévision. Il est surpris de voir que son téléphone se met à clignoter autour de vingt-deux heures Quelque chose d'agréable et, en même temps, de gênant, naît au creux de son estomac quand il voit s'afficher le nom du contact sur l'écran.
Stiles.
Scott m'a envoyé un texto à propos d'une meute de loups-garous renégats.Rappelle-moi déjà pourquoi nous sommes revenus?
Derek sourit tout en répondant : Comme si je le savais, bordel.
Cette nuit-là, il rêve de nouveau de Stiles.
Stiles était assis sur le canapé de Derek dans le grenier, un ordinateur portable posé en équilibre sur ses jambes.Derek s'installa à côté de lui et commença à embrasser son cou, et Stiles renversa la tête en arrière pour qu'il puisse plus facilement continuer à l'embrasser.Derek lécha sa peau, la suçota et la mordilla, laissant un bleu dans la nuque de Stiles, puis parsema de baisers son visage jusqu'à sa bouche.Lorsque Derek se recula, Stiles se mit à rire et dit: « Derek, je dois finir ce devoir. »
« Tu as jusqu'à lundi pour le faire, » décréta Derek qui enleva le portable loin de Stiles pour le poser sur la table basse.Stiles protesta un peu, mais laissa Derek le pousser sur le dos, sur le canapé.Derek rampa sur Stiles, collant son corps contre le sien, et ils se fondirent l'un contre l'autre, parfaitement.
« Tu as une mauvaise influence sur moi,» souffla Stiles, en essayant de conserver un air contrarié sur son visage, mais il cédait lentement, fondant sous les caresses de Derek qui avait glissé ses mains sous sa chemise.« Vraiment une mauvaise influence. »
« Tais-toi et embrasse-moi, » murmura Derek, contre les lèvres de Stiles.
«Enfoiré, »dit Stiles. Il se mit à rire, puis embrassa Derek.
Derek se réveille, l'esprit confus, tout son corps le picote, sa verge dure l'élance douloureusement. Il se frotte les yeux et gémit.
Putain, pense-t-il. Ce n'est pas bon. Pas bon du tout.
