Rukia

La petite troupe de shinigamis s'enfonçait au cœur de la montagne. Au fur et à mesure de leur avancée, le sentier se faisait plus étroit et plus escarpé, les arbres plus hauts, la brume plus dense, la pluie plus insidieuse. Petit à petit, les marcheurs avaient cessé de discuter entre eux, et leur pas s'était ralenti progessivement.

L'un ds hommes dérapa soudain sur une pierre humide et trébucha. Le bruit, résonnant dans le silence de la forêt, alerta aussitôt le vice-capitaine Kuchiki qui tourna la tête dans sa direction. En quelques pas de shunpo, elle rejoignit le shinigami, qui tentait péniblement de reprendre sa place dans les rangs.

-Tout va bien, Horio ? demanda-t-elle d'un ton bref.

-Tout va bien, vice-capitaine, répondit son subordonné par automatisme.

Du regard, la vice-capitaine jaugea son état de fatigue, puis celui du reste de la troupe. Aucun ne se plaignait, mais la plupart devaient être épuisés après cette journée de marche sous la pluie.

Une des plus grandes difficultés que la jeune vice-capitaine avait éprouvées en prenant un poste d'officier avait été d'apprendre à évaluer l'état d'esprit de ses hommes. Aucun n'aurait osé lui faire part de ses difficultés. Etant des soldats, ils étaient supposés pouvoir endurer la fatigue, la faim, la soif, et ne jamais souffrir de crainte. C'était son rôle en tant que supérieure de prévenir leurs besoins.

-Nous allons faire une pause de quelques minutes, annonça la vice-capitaine à ses hommes.

La colonne s'arrêta aussitôt. Quelques-uns s'assirent, la plupart se contentèrent de rester debout, profitant de l'arrêt pour reprendre leur souffle ou se désaltérer. La vice-capitaine désigna trois hommes parmi ceux qu'elle estima les moins fatigués, et alla se poster avec eux aux extrémités du campement improvisé pour monter la garde.

Tout en repoussant le bord de son chapeau pour surveiller les alentours, le jeune officier se surprit à penser avec nostalgie aux imperméables et aux parapluies du monde réel. Ils auraient été infiniment plus efficaces contre cette pluie que les larges chapeaux et les capes de chaume dont sa troupe était revêtue, et que la pluie avait transpercés depuis longtemps. Si le port du parapluie était incompatible avec le combat, peut-être pourrait-elle convaincre le capitaine Ukitake d'équiper ses troupes avec des imperméables importés du monde réel…

-Vice-capitaine Kuchiki ! appela l'un des guetteurs.

-Qu'y a-t-il ? demanda la jeune femme en tournant la tête vers ce dernier.

-Je crois que j'ai vu quelque chose se déplacer derrière les arbres… quelque chose d'énorme ! répondit le shinigami d'une voix ferme, où transperçait malgré tout un peu d'inquiétude.

Tandis que sa supérieure le rejoignait et scrutait la forêt à ses côtés, le reste de la troupe se mit silencieusement en état d'alerte.

-Est-ce un hollow ? demanda l'un d'entre eux à voix basse.

La vice-capitaine secoua négativement la tête. Elle ignorait à qui ou à quoi appartenait cette énergie spirituelle, mais elle était bien certaine qu'il ne s'agissait pas de celle d'un hollow. D'une voix impérieuse, elle ordonna à ses troupes de se placer en ordre de combat, puis se rangea aux côtés de ses hommes en attendant l'assaut.

Etait-ce parce qu'elle n'avait pas le moindre repère dans cette forêt aux arbres immenses, ou parce que la brume s'était encore épaissie ? La jeune femme eut soudain l'impression que que la menace rôdait tout autour d'eux. Jetant un coup d'œil à ses compagnons, elle s'aperçut qu'ils étaient aussi désemparés qu'elle. La vice-capitaine tenta de les rassurer en arborant un visage résolu, et en assurant sa prise sur son sabre.

Aucun d'entre eux ne vit arriver la première attaque. Ils entendirent un bref appel retentir du fond des bois, puis l'un de leurs compagnons se mit à crier. Ils se tournèrent vers lui pour découvrir qu'il avait lâché son sabre, et soutenait son bras droit, blessé, de sa main valide. La voix de Rukia claqua bien fort :

-Ne relâchez pas votre vigilance !

Rappelés à l'ordre, les shninigamis redirigèrent leur attention vers le couvert des arbres. Là où, quelque part derrière la brume, se dissimulait leur assaillant. Tous les sens en éveil, Rukia tentait désepérément de repérer ce dernier.

-C'était du kidō ? demanda un homme à ses côtés.

-Non, répondit la vice-capitaine. J'ignore de quoi il s'agissait, mais c'était une arme traditionnelle, sans doute un ningama.

Les shinigamis reprirent un peu d'assurance. Si leur adversaire n'employait pas de kidō pour les attaquer, cela signifiait sûrement qu'il ne maîtrisait pas cet art. Sur ce point tout du moins, ils avaient l'avantage.

Rukia perçut un nouvel appel, une ombre se déplaçant furtivement derrière les troncs des arbres, puis une volée d'armes de jet s'abattit sur eux. Les shinigamis réussirent à en repousser la plupart, mais nombre d'entre eux furent touchés. Avec un choc, Rukia réalisa que les armes avaient volé de toutes les directions à la fois : ils étaient cernés.

Un autre appel retentit sous les frondaisons. Les shinigamis se raidirent dans l'attente d'un nouvel assaut.

Rukia vit une haute silhouette se détacher des arbres et s'avancer vers elle, masquée par la brume. Lorsque celle-ci se dissipa à la faveur d'un coup de vent, la vice-capitaine découvrit devant elle un immense loup, qui faisait plusieurs fois sa taille. Dressé sur ses pattes arrière, l'animal arborait une armure par-dessus son pelage beige, et brandissait une épée d'un air farouche.

Le voisin de Rukia lâcha un hoquet terrifié à la vue de leur assaillant. Sans perdre son sang-froid, la jeune femme planta la pointe de son sabre à quatre reprises dans le sol, et le brandit dans la direction de son adversaire en prononçant d'une voix calme :

-Danse, Sode no Shirayuki ! Seconde danse : vague blanche !

Un puissant flot de glace jaillit de la pointe de son sabre et alla balayer la forêt, emportant son adversaire au passage. Un murmure d'admiration passa à travers les rangs des shinigamis.

Rukia se tourna vers ses camarades pour les assister dans leur propre combat. Leurs opposants étaient une demi-douzaine de loups tout au plus. Ils se trouvaient en infériorité numérique face aux shinigamis, mais semblaient insensibles tant aux coups de sabre qu'aux sorts de kidō de leurs adversaires. En revanche, leurs attaques puissantes commençaient à ravager les rangs des shinigamis. Bon nombre des compagnons de Rukia gisaient déjà à terre.

La vice-capitaine se précipita vers l'adversaire qui lui parut le plus puissant. Après un bref échange de coups, Rukia décrivit de son sabre un large geste circulaire et lança:

-Première danse : lune blanche !

Elle se rejeta en arrière juste avant qu'une colonne de glace emprisonne son adversaire. Rukia se retourna alors pour chercher un nouvel adversaire. Elle s'aperçut avec horreur que les loups avaient pratiquement exterminé ses hommes. Seule une poignée d'entre eux tenaient encore debout. Au milieu du massacre se dressait son premier adversaire, un rictus sardonique aux babines.

-Tu peux faire d'amusants petits tours avec ton sabre, ricana-t-il. Mais les loups sont capables d'affronter huit mois d'hiver dans la montagne. Croyais-tu vraiment qu'un peu de glace pourrait m'arrêter ?

Tandis que son adversaire s'avançait inexorablement vers elle, Rukia tenta de le repousser d'un sort de boulet rouge. Le projectile alla s'écraser sur la poitrine du loup sans le ralentir le moins du monde. Il finit par arriver à sa hauteur. La vice-capitaine leva son sabre pour se défendre, mais son adversaire le lui arracha à pleines mains et le jeta au loin. Il saisit la jeune femme par le cou et l'amena à la hauteur de son visage. Rukia se débattit en vain pour se dégager.

-Tu es plutôt coriace pour une humaine, constata son adversaire. Mais au bout du compte, tu finiras comme les autres.