Je rêve donc je suis
I
Iowa
Note de l'auteur : Me voici de retour pour une nouvelle fic. Pour le moment Kirk et Spock sont en road trip, comme le laissait présager la fin de la fic précédente. Mais ils repartiront en mission bien vite ;) Bonne lecture!
Nous venions de quitter le Nebraska, laissant derrière nous ses dunes de sable et ses prairies. Nous roulions, fenêtres ouvertes, cheveux au vent, sur la route 80 direction Des Moines. Cela faisait plusieurs heures que nous regardions défiler les paysages typiques de l'Amérique, un savant mélange de modernité et de rustique. Dans certains coins reculés, on vivait encore de l'agriculture et il existait quelques patelins qui semblaient tout droit sortis du XXIe siècle. Le quotidien y était simple, les valeurs vieillottes, la religion omniprésente et l'industrie spatiale n'y avait qu'une place réduite. C'est dans cette atmosphère que j'ai grandi. Nous voyagions dans une atmosphère détendue, avions troqué nos uniformes contre des tenues civiles décontractées. Mon compagnon était resté sobre, comme à son habitude. Polo noir et pantalon assorti. Cela contrastait grandement avec mon t-shirt bleu, mon jean élimé et ma veste en cuir.
« Où sommes-nous ? » Me demanda Spock.
Je perçus une requête cachée derrière cette question, mais décidai d'y répondre, avant de lui tirer les vers du nez.
« Nous avons traversé Avoca et nous allons faire une halte à Casey, je pense. Tu as faim ? »
« En effet. »
« Pourquoi ne l'as-tu pas dis tout de suite ? » Répliquai-je, en souriant.
« J'ai pensé que tu voudrais t'arrêter dans un lieu précis. »
« Tous les restaurants routiers se ressemblent, Spock. Du café à volonté et de la bouffe trop grasse. »
Il leva un sourcil, soulignant son scepticisme.
« Je ne comprends pas la raison de l'enthousiasme que je perçois dans ta voix. Si la nourriture y est mauvaise, nous devrions aller ailleurs. »
« Je n'ai pas dit que ce n'était pas bon, mais gras. Et le gras, c'est la vie ! » Répondis-je, alors que nous dépassions le panneau de la ville de Casey.
« Est-ce un de vos nombreux adages parfaitement illogiques ? » M'interrogea-t-il.
Je lui lançai un regard amusé, avant de me concentrer de nouveau sur la route.
« L'abus de lipides favorise l'obésité et provoque des maladies cardio-vasculaires. » Ajouta-t-il.
J'éclatai d'un rire franc, en pénétrant dans le centre-ville.
« Je t'aime, tu sais. » Dis-je, franchement.
« Je t'aime aussi, T'hy'la. Mais, je ne vois pas le rapport. » Dit-il, perplexe.
« Tu as cette manière d'être qui peux en énerver plus d'un. Qui m'a moi-même exaspéré par le passé, quand je ne te connaissais pas bien. Depuis, j'ai découvert que tu étais bien plus qu'une encyclopédie sur pattes, des côtés de toi que je n'aurais jamais soupçonné, mais il est vraiment temps que tu apprennes à t'amuser. » Affirmai-je, en me garant devant un Diner.
« L'amusement est une notion humaine. Je n'y suis pas familier. Mais, je suis d'accord pour que tu me l'enseignes, si cela te fais plaisir. » Répondit-il, en détachant sa ceinture.
« Ce n'est pas quelque chose qui s'étudie, Spock. Il n'y a pas de livres ou de cours. Il suffit juste de faire ce que tu as envie, sans autre but que de prendre du bon temps. J'ai besoin de décompresser, avant d'arriver chez ma mère. Donc, nous allons entrer là-dedans et manger des cochonneries uniquement parce que c'est bon. » Dis-je, en coupant de le contact et en ouvrant ma portière pour sortir.
« Je te suis. » Affirma-t-il, en me passant la cage de Leonard.
…
L'ambiance du restaurant était typique de ce genre d'établissement. Tout, ou presque, y était conservé. Des tenues affriolantes des employées, au set ketchup/moutarde qui intrigua Spock, quand nous prîmes place sur des banquettes élimées. Dans un coin, trônait un vieux jukebox qui ne fonctionnait sûrement plus depuis très longtemps et qui faisait office d'élément décoratif. On aurait presque pu se croire dans les années 1970, à quelques détails près. Comme la serveuse Orionne, aguichante et sexy, qui s'approcha de nous avec un charmant sourire aux lèvres. Son badge indiquait qu'elle s'appelait Xena. J'eus une pensée pour Gaila, qui faisait partie des disparus lorsque Nero avait attaqué Vulcain. Elle était si gentille, drôle, belle. Un pincement au cœur m'empêcha de rendre sa bonne humeur à la jeune femme en face de nous. À une époque, je l'aurais draguée sans vergogne. J'imaginais très bien pourquoi le propriétaire du restoroute l'avait engagée. Ses capacités de séduction, en particulier sur les humains, devaient être un atout certain. Mais étrangement, elle n'eut aucun effet sur moi.
« Bonjour, messieurs. Alors, on fait un petit voyage ? Il est plutôt rare de croiser des Vulcains par ici. » Nous aborda-t-elle, en sortant son PADD pour prendre notre commande.
« J'ai de la famille dans la région. Nous faisons une pause, avant de continuer notre route. Spock est mon mari et nous rendons visite à ma mère. » Lui répondis-je.
Elle parut un peu déçue.
« Votre visage me dit quelque chose. » Me dit-elle, curieuse.
« Je suis le Capitaine Jim Kirk. De l'USS Enterprise. »
« Celui qui a sauvé la Terre de ce terroriste ? »
J'acquiesçai.
« Je m'en souviens. Commandez ce que vous voulez. C'est la maison qui offre. Ce n'est pas tous les jours que nous avons des invités de marque. »
« Merci. Nous allons prendre… » Commençai-je. « As-tu déjà mangé un burger ? » Demandai-je à Spock, en pensée.
« Je n'ai pas eu ce plaisir. Mais il me semble que c'est un plat à base de viande. » Répondit-il.
« Ne t'inquiète pas de ça. Il faut que tu goûtes, au moins une fois dans ta vie. » Lui assurai-je. « … Un cheese burger et un vegan burger, avec des frites et deux sodas. S'il vous plaît. »
« C'est noté. »
Leonard s'agita dans sa cage, en couinant, à côté de moi sur la banquette. Il voulait sortir un peu. Je le posai donc sur la table, près de moi.
« Qu'il est mignon ! » S'exclama Xena. « Qu'est-ce que c'est ? »
« Un tribble. C'est un animal très attachant et plus intelligent qu'il n'en a l'air. » Répondis-je, en caressant la boule de poil qui ronronna.
« Il a l'air de beaucoup vous aimer, en tout cas. Je reviens avec votre commande. » Dit-elle, avant de s'éclipser.
« Pourquoi je ne suis pas perturbé pas sa présence ? » Demandai-je à Spock, dès qu'elle fut hors de vue.
« Les Vulcains sont immunisés contre les effets de leurs phéromones. Mes connaissances sur le sujet ne sont pas très étendues, je l'avoue, mais j'en déduis que notre lien doit, en quelque sorte, te protéger. » Supposa-t-il.
« Tu as peut-être raison. » Conclus-je.
Nos assiettes arrivèrent quelques minutes après.
…
Nous avions repris la route, après un repas copieux. Spock avait ajouté le burger au top 10 de ses plats terriens favoris et Leonard avait passé son temps à essayer de me voler mes frites. Je lui en avais cédé une, pour lui faire plaisir. Je devais faire attention à ne pas trop le nourrir, pour qu'il ne se reproduise pas. Nous traversâmes Des Moines, la capitale de l'Etat, passâmes devant la cathédrale Saint-Ambroise, miraculeusement conservée au fil des siècles. Le « 801 Grand » faisait encore de la résistance, au milieu des nombreux gratte-ciels qui l'avaient depuis longtemps dépassé. Puis, nous quittâmes la ville, direction Iowa City.
L'air était lourd d'humidité et le vent chaud, quand nous empruntâmes la route 218, pour nous rendre à Riverside, la ville qui m'avait vu grandir. Je commençais à fatiguer et c'est avec un certain soulagement mêlé d'angoisse, que je reconnus l'English River. Nous sillonnâmes le centre. À l'angle de Washburn Street, l'église catholique St. Mary, largement rénovée, se dessina. Cela me rappela les messes du dimanche, avec ma mère, Frank, et Sam quand il était encore de ce monde. Je ne ralentis même pas, poussé par le besoin de m'éloigner de ces souvenirs et m'engageai ensuite sur la longue route qui menait à la vieille ferme de mes parents. Pris d'une impulsion soudaine, en apercevant l'entrée de la carrière de Riverside, je bifurquai brusquement, les roues de notre voiture électrique mordirent le chemin de terre, soulevant la poussière. Spock s'agrippa fermement, alors que la cage de Leonard glissait sur la banquette arrière. Je freinai brutalement, bien avant de tomber dans le vide, cette fois-ci.
« Que fait-on ici ? » Me demanda mon compagnon, après que le véhicule se soit immobilisé.
« Je devais avoir dix ans, quand j'ai volé la Corvette de Frank et que je l'ai précipitée dans ce ravin. J'étais tellement en colère, ce jour-là. Je voulais faire quelque chose qui le rendrait dingue. J'ai failli me tuer et il m'a sévèrement puni, mais ça en valait la peine. Cette voiture était à mon père, mais mon taré d'oncle se comportait comme si tout ce qui appartenait à son frère lui revenait, après sa mort. Y compris la ferme, ma mère, Sam et moi. Et ça m'insupportait. Le fait est que je n'ai aucune idée de ce qui m'attend, là-bas. Je n'y suis pas revenu depuis tellement longtemps, que je ne sais même pas si Frank s'y trouve encore. »
« Que vas-tu faire, si c'est le cas ? » Me questionna-t-il, son regard se perdant loin dans le paysage.
« Je ne sais pas. C'est bien ça le problème. La dernière fois que je l'ai vu, c'était le soir où j'ai fini dans ce bar, près du chantier naval où ils finalisaient la construction de l'Enterprise, à l'époque. Nous en étions venus aux mains, une fois de plus, mais je n'étais plus vraiment en âge de me laisser faire. C'est donc bien remonté et déjà trop alcoolisé, que j'ai débarqué dans ce pub. Et il y avait cette cadette, au comptoir, que j'ai draguée un peu trop lourdement. C'est là que tout à commencé. »
« Comment ça ? »
« C'était Nyota. Hendorff a cru bon de venir à son secours et m'a foutu une sacrée raclé, avec l'aide de ses collègues. C'est là que Pike a débarqué, avec ses beaux discours sur Starfleet et la mémoire de mon père que je bafouais en agissant comme le dernier des idiots. C'est comme ça que le lendemain je me suis retrouvé à bord d'une navette, où j'ai rencontré Bones. Quand j'y repense, je me dis que parfois le destin, ça se joue à presque rien. » Conclus-je.
« Tu t'es donc engagé sur un coup de tête. » Résuma Spock, après quelques secondes de silence. « Comme moi. » Ajouta-t-il. « Mais, je te réserve cette histoire pour un autre jour. » Dit-il, devant mon regard interrogateur. « Nous pouvons repartir, si tu le désires. Tu n'es pas obligé d'y aller. »
« Je sais très bien que tu penses le contraire, en réalité. Et je sais que tu as raison. Je ne peux pas fuir, fusse dans le fin fond de l'espace, éternellement. Allons-y. » Affirmai-je, en remontant en voiture.
Spock m'imita et je fis demi-tour, pour retrouver la route principale. Le corps de ferme se profila au loin et c'est un peu plus serein, que je nous y conduisis.
