Nous avions continué le combat, malgré la souffrance. Nous lancions des sorts sans arrêt, les larmes roulant sur nos joues. Nous t'avions vu t'écrouler sous un sort, et tu ne t'étais jamais relevé. Mais les ordres étaient les ordres : ne pas s'arrêter si l'un d'entre nous tombait. C'était la guerre, nous ne pouvions pas nous offrir le luxe d'être humains, d'avoir des sentiments.
Quand nous eûmes gagné la bataille, alors que les autres s'embrassaient et se serraient dans leurs bras, moi je n'avais de cesse de trouver ton corps, errant sur le champ de bataille comme un zombie. Je finis par te trouver, près d'un vieil arbre noirci par des sorts perdus. Tu avais été atteint par un sectum sempra, tu gisais dans une mare de sang, et moi j'en avais presque autant que toi sur ma robe de sorcier, te serrant dans mes bras à n'en plus pouvoir. Je relevais la tête. Le ciel était gris, mais il faisait chaud. Un orage se préparait. Je voulais laisser la pluie couler sur moi, nous nous serions fondus l'un dans l'autre, pour toujours. Oui, à ce moment-là, je ne voulais que mourir, parce que l'idée même de continuer sans toi était ridicule. Depuis des années, je vivais, je respirais pour toi. Et là, ton corps était si froid !
C'est ainsi que me retrouvèrent nos amis, moi te serrant contre mon corps. Je pleurais, je sanglotais, j'étouffais. Je ne voyais les autres qu'à travers un rideau de larmes, et je n'entendais pas ce qu'ils me disaient, car à l'intérieur de moi tout était cris et hurlements. C'était comme une partie de moi arrachée. J'écartais d'une main tremblante une mèche rousse qui cachait tes yeux. Ils essayèrent de me faire lâcher prise sur toi, mais je m'accrochais désespérément.
Et puis, en me penchant sur toi pour t'embrasser une dernière fois, je sentis un souffle sur ma peau. C'était si léger que je crus avoir rêvé. Mais non, la vie ne s'était pas éteinte en toi. Je me redressais en criant que tu étais vivant. Je riais, je pleurais : tu étais vivant. Et lorsque je serrais ta main, je sentis une légère pression en retour. Je sus que tu ne mourrais pas. C'était le plus bel instant de mon existence, le moment où je compris ce qu'était vraiment ce merveilleux cadeau : la vie.
