Disclaimer : les univers présents dans cette fanfiction appartiennent à J.K. Rowling ainsi qu'à George R. R. Martin. Merci à Kage19 pour sa contribution à ce chapitre.
Mot de l'auteur : J'hésitais à poster ce premier chapitre. Je ne sais pas s'il a une quelconque valeur. Peut-être vos commentaires m'aideront-ils à continuer. Le contenu peut être déstabilisant pour une personne connaissant bien les deux univers, car tout est un peu chamboulé pour arriver à faire correspondre les histoires. Le début reprend l'original, puis, au fur et à mesure, l'histoire divergera. Aucun besoin de connaître l'univers de G.R.R. Martin, car tout est différent et expliqué ici. Je n'ai pas classé cette fanfiction comme crossover car il n'y a que des personnages d'Harry Potter (peut-être devrais-je changer ça). En attendant anxieusement vos avis, je vous souhaite une bonne lecture. LYK
/!\ Situation de l'intrigue /!\ : L'intrigue se passe au Royaume des Sept-Couronnes, sur le continent de Westeros. Sept familles puissantes se partagent le pouvoir : les Potter (royaume du Nord), les Black (Terres de l'Orage), les Malefoy (royaume du Roc), les Weasley (aux Conflans), les Londubat (au Val), les Diggory (royaume du Bief), les Zabini (à Dorne). Le continent à l'ouest, Essos, abrite d'autres royaumes, et est le lieu de refuge de Tom Jedusor. Enfin, à l'extrême nord de Westeros plane une menace mystérieuse et mythologique de laquelle les hommes sont séparés par un Mur.
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La réunion venait de se finir, plus brève qu'à l'accoutumée, et à présent seuls deux des participants s'éternisaient autour de la longue table en chêne. On aurait pu croire de prime abord que leur inclination à rester assis était due au somptueux décorum dont ils faisaient partie et qu'ils ne souhaitaient guère en déranger la quiétude, ou peut-être était-ce dû au climat méditerranéen régnant en maître sur la contrée, le soleil et le ciel pur visibles par l'immense balcon devant probablement agir sur le moral des deux hommes, les poussant à ne pas brusquer leurs gestes et à profiter un instant de la brise marine s'insinuant à l'intérieur du palais. Il n'était cependant question de l'un ni de l'autre, et la réalité voulait que, contre toute apparence, ils étaient restés immobiles et silencieux durant le départ des autres membres du conseil pour avoir l'opportunité d'une discussion en tête à tête. De facto, après ce départ, ils avaient gardé leur attitude froide et impersonnelle, de sorte que quiconque rentrerait dans la salle au même moment n'y verrait rien de plus que deux personnes assis l'une en face de l'autre, n'ayant l'air de ne notifier pour rien au monde la présence de l'homme qui lui faisait face, et semblant simplement profiter d'un moment de calme. Progressivement, celui des deux qui était le plus proche de la porte tourna son visage vers le milieu de la table, jouant toujours une parfaite ignorance de la compagnie de l'autre.
« - Que sait-on du voyage de la famille Royale pour les Terres du Nord, à l'heure qu'il est ? » demanda-t-il enfin, rompant le silence de la pièce qu'auparavant seuls les infimes et lointains bruits de la ville de Port-Réal qui s'étendait à leurs pieds venaient briser. Le second homme le gratifia d'un long regard bienveillant mais néanmoins distant alors qu'il lui dévoilait ce qu'il avait en sa connaissance.
« - Je crois savoir qu'ils étaient il y a quelques jours dans les Conflans, en halte chez la Maison Weasley. Ils doivent maintenant être repartis et ne devraient plus tarder avant d'arriver à Winterfell afin d'avoir leur entretien avec les Potter.
- Et penses-tu que James Potter acceptera ce que le Roi Sirius lui proposera ? renchérit le premier.
- Toi-même, qu'en penses-tu, Gellert ? soupira d'un air pensif son interlocuteur après un moment de silence durant lequel il avait caressé une barbe naissante.
- Qu'il serait bien sot de refuser une telle alliance, et que d'ailleurs tout porte à croire qu'il ne la déclinera pas. Tout le monde connaît la grande amitié qui unit notre Roi à la Maison Potter, et avec quelle dextérité James Potter a lutté pour voir Sa Majesté monter sur le Trône de Fer à la suite de la Reine Folle, Mérope, notifia Grindelwald en se calant profondément dans son fauteuil.
- Et Merlin sait combien Sirius est un meilleur roi que son prédécesseur, soupira l'autre. J'espère au demeurant que son courage déteindra tôt ou tard sur son fils qui lui ressemble si peu. Du reste, je m'accorde avec toi, et je pense que tout poussera le brave James Potter à venir à Port-Réal avec son vieil ami. »
Aux mots « vieil ami », une étrange lueur traversa les yeux de Grindelwald. Il ouvrit la bouche qu'un léger rictus commençait à tordre, tout en jouant avec une lourde bague qu'il avait au doigt. « - Nous sommes également de vieux amis, Albus.
- Et où veux-tu en venir, je te prie ? demanda poliment Dumbledore.
- Je me suis soudainement questionné pour savoir si leur relation était la même que la nôtre, répondit Gellert, dont le rictus s'accentuait au fur et à mesure qu'il parlait. L'expression de Dumbledore se figea alors, impassible.
- James et Sirius sont animés des meilleurs sentiments l'un envers l'autre, je peux te le garantir. Les forces combinées des Blacks et des Potter ont fait beaucoup pour ce Royaume, qui pour le moment semble être indéfiniment en paix. Les alliances ont fleurit, comme celle entre les Black et les Malfoy suite au mariage de sa Majesté et de Narcissa. Les relations sont fortes entre la plupart des puissantes familles du Royaume, je veux parler entre autre des Weasley, des Londubat, ou même les Diggory. »
Grindelwald sembla s'assombrir à ces propos devant le peu de rapport qu'ils avaient avec sa précédente question. Il fut tiré de sa courte rêverie par un brusque mouvement devant lui, et s'aperçut que Dumbledore s'était levé et le regardait. « - N'avez-vous pas à faire ailleurs, Gellert ? J'ai peur qu'en restant ici je ne vous ai retenu à table.
- Pas le moins du monde, je vous assure, répondit Grindelwald piqué au vif, soucieux de ne pas laisser penser à l'autre qu'il avait tenu à rester en sa compagnie. Je pensais, voilà tout. Mais vous avez raison, je ne puis m'attarder davantage, j'ai beaucoup à faire je vais aller voir les filles. Eh bien, à bientôt, Albus, reprit-il après un instant de silence, avant de faire volte-face pour sortir.
Et alors que Grindelwald avait quitté la salle depuis quelques minutes seulement, laissant Albus debout devant le balcon, un garde ouvrit la porte de l'extérieur pour laisser passer une jeune femme. Derrière elle se refermèrent les lourds volets de bois.
- Je vous prie d'excuser mon retard, Monseigneur, j'ai dû faire face à un contretemps fâcheux.
- Ne vous en faites pas, mademoiselle Chang, c'est en réalité une chance que vous n'ayez pas pu venir à l'heure convenue. Je n'étais pas seul dans la pièce.
- Je ne vois pas le Seigneur Grindelwald, Monseigneur, sait-il que vous m'avez demandé de venir ? demanda Cho Chang en parcourant la pièce du regard.
- A dire vrai, il l'ignore, et j'aimerais que cela reste ainsi. Je vous ai fait venir pour vous demander le statut de la petite enquête que je vous ai demandé de mener pour moi uniquement.
L'œil de Cho Chang brilla à ces derniers mots.
- Bien sûr, Monseigneur. Les nouvelles que j'apporte sont d'une importance capitale, commença-t-elle en savourant ses mots. Elle semblait désirer faire traîner la conversation afin de faire durer le plaisir de l'annonce, ainsi que l'avance qu'elle possédait en ce moment sur le vieil homme. J'ai découvert qu'il existait bel et bien, comme vous l'avez suggéré, un complément à la Prophétie des Serpentards.
- Bien, murmura Dumbledore, dont le regard se fit plus pénétrant.
-Nous avions perdu toute trace de la prophétesse qui avait prédit le retour d'un Serpentard sur le trône de Fer lorsque l'Hiver reviendrait, reprit-elle d'un ton calme. Non seulement le peuple pense la lignée éteinte, mais il rejette de plus toute menace venant d'au-delà le Mur. Cette prophétie est par conséquent rentrée dans la culture populaire sans que plus personne puisse n'en croire un mot. Cependant, vous savez comme le Seigneur Grindelwald et moi-même que la menace est réelle, et que l'héritier de Serpentard existe. Vous savez aussi qu'il n'erre non pas dans le royaume des Sept-Couronnes, mais à Essos, et qu'il s'est lancé dans une quête afin de retrouver son pouvoir et son trône.
- Venez-en au fait, je vous prie, demanda Dumbledore d'un ton poli mais qui ne tolérait aucune désobéissance.
- J'ai retrouvé la prophétesse, continua-t-elle, en observant avec satisfaction le visage du vieil homme se transformer. Sibylle Trelawney s'était cachée dans les forêts du Nord. Je l'ai retrouvée, et elle m'a livrée la deuxième partie de la prophétie, celle que personne n'avait encore jamais entendue. »
Elle marqua un silence, ravie de son effet, et profita de ce dernier instant flottant où elle retenait toute l'attention de l'homme, où tout semblait suspendu à son bon vouloir. Elle s'imagina ce qui se passerait si elle venait à mourir là, sans avoir jamais pu révéler son secret, sans que jamais personne ne puisse en avoir connaissance, cette information si cruciale s'évanouissant concomitamment à elle-même. Elle reprit finalement la parole après avoir joui pleinement de son pouvoir. « Il se trouve qu'il existe en réalité un deuxième héritier de Serpentard. »
La réaction fut immédiate, et Dumbledore, quittant sa placidité habituelle, vacilla, avant de se mettre à parcourir la pièce en faisant les cent pas. « - Mademoiselle Chang… Personne ne doit jamais, sous aucun prétexte, apprendre de votre bouche ce que vous venez de me révéler. Vous ne devrez en parler à personne, et cela inclut également Grindelwald. M'avez-vous compris ? »
Devant l'air sérieux et grave du vieil homme, Chang acquiesça avec docilité.
« Bien, reprit-il. A présent, j'aimerais que vous retrouviez ce deuxième héritier. Vous me tiendrez informé de vos avancées et me préviendrez de son aboutissement. »
Chang acquiesça une nouvelle fois, et, voyant qu'on lui demandait de se retirer, s'exécuta, laissant le vieil homme à ses pensées. Quittant avec discrétion le château de Port-Réal, elle longea les rues de la capitale d'un pas rapide. Au détour d'une allée, elle pénétra sous un portique et s'engouffra dans un bâtiment. La pièce dans laquelle elle se trouvait était enfumée, des rideaux rouges tirés sur les fenêtres laissaient par leur entrebâillement passer des rayons de lumière blanche qui venaient frapper des coussins, tandis que leur tissus couleur sang teignaient la pièce d'une nuance rougeoyante. Un lourd parfum d'encens flottait dans l'air et abandonnait les hommes à leur lascivité. Quelques hommes étaient là, justement avachis sur des méridiennes ou des riches fauteuils de velours, des filles à demi nues leur tenant compagnie. Cho traversa le bordel, passant devant plusieurs chambres fermées, à la recherche de celui qui dirigeait l'endroit. Elle le trouva finalement dans son bureau il guidait l'acte sexuel de deux de ses prostituées sur son ottomane depuis sa table d'écriture. « - Seigneur Grindelwald, vous m'avez fait mander, s'annonça-t'elle en entrant dans la pièce, détournant l'attention de l'homme.
Grindelwald lui fit signe de s'asseoir devant lui, tout en demandant aux dénommées Parvati et Lavande, sur son canapé, d'arrêter leur travail et de partir.
- Veuillez m'excuser, mais voyez-vous, il faut que je continue à les former. Enfin, nous pouvons à présent parler sans craindre d'être interrompus, dit-il alors que la porte se refermait sur les deux jeunes filles. C'est au sujet de la bague que vous m'avez apporté la fois dernière… La bague de Gaunt.
En prononçant ces mots, il porta la main à la bague qu'il portait et se tut quelques instants en l'examinant. Cho restait silencieuse.
- Je n'arrive pas à m'en servir. Le serment d'allégeance ne fonctionne pas. Je n'arrive pas à avoir de magie. Il continua, en regardant Cho : Mademoiselle Chang, m'auriez-vous menti sur la provenance de cet objet ?
- Non, Monseigneur la bague appartenait bel et bien à Elvis Marvolo Gaunt. Je pensais qu'il s'agissait d'un Horcruxe de la lignée des Serpentards.
- De toute évidence, s'il s'agit là réellement d'un Horcruxe, ce que je crois vrai, soupira Grindelwald en contemplant la bague, seul l'héritier de Serpentard pourra s'en servir. Pour ma part, je ne peux n'en rien tirer. Je crois sentir pourtant que quelque chose agit, sous cette pierre, quelque force… Mais rien à faire, elle ne veut pas se laisser dompter.
Il sembla réfléchir quelques instants, silencieux, les sourcils froncés. Il pensait à la marche qu'il devait suivre à présent, ce qu'il devait mener à bien pour voir ses projets se réaliser. Il releva alors le regard vers son invité.
- Mademoiselle Chang, je vais à présent vous demander de déterminer s'il existe des Horcruxes présents sur le territoire de Westeros. Vous pouvez prendre tout le temps qu'il vous faudra, mais, si vous en trouvez, j'aurai besoin d'être le premier au courant.
Cho lui répondit par l'affirmative avant de se relever.
- Et bien sûr, Chang, ajouta Grindelwald alors qu'elle allait partir, pas un mot de nos petits arrangements à Dumbledore, rien à propos de cette bague, je vous fais confiance pour cela. Il ne doit rien savoir.
- Evidemment, Monseigneur, vous me connaissez, répondit-elle avant de s'éclipser.
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« - Père vient de recevoir un hibou de la Famille Royale. Ils devraient être à Winterfell d'ici la tombée de la nuit », s'exclama Harry en entrant dans l'une des nombreuses pièces du château dont il était l'héritier. Il s'agissait en réalité de sa propre chambre, dans laquelle étaient déjà assis Ron Weasley et Hermione. Ron était venu des Conflans à l'âge de onze ans à Winterfell afin de s'aguerrir à l'art de la guerre, et comme signe de renforcement d'alliance entre les Maisons Potter et Weasley. Très vite, il avait lié une grande amitié avec le fils bâtard des Potter, Harry. Son maniement de l'épée s'était développé et son éducation avait été faite, mais il restait, si ce n'est moins doué, du moins plus maladroit que son ami. Quant à Hermione, elle avait été recueillie par la Maison Potter après que ses parents, des sauvageons ayant réussi à passer le Mur avec elle, eurent été tués dans la froideur des Terres du Nord. Tout d'abord assignée au dur rôle de servante, elle s'était frayé un chemin jusqu'à une position ambiguë auprès de la famille Potter, notamment d'Harry et de Ron dont elle partageait l'âge, et pu profiter indirectement d'une éducation qui ne lui était pas adressée. Elle était devenue, pour les deux jeunes hommes, une compagnie que la bienséance exigeait discrète une fois tous les trois, cependant, les traits de son caractère semblaient éclore au grand jour. C'était surtout son naturel qui charmait Harry et Ron, ainsi que son intelligence et sa manière particulière d'appréhender les choses, car il semblait qu'elle se saisissait des éléments autour d'elle pour les disséquer méthodiquement et en retirer la substance qui était invisible à tout autre qu'elle.
Harry s'assit sur la couverture en plume d'oies de son lit avant de continuer à apprendre aux autres les informations dont on venait de lui faire part. « Tout le monde dans le château est en train de mettre les petits plats dans les grands, c'est impressionnant. Apparemment, Sirius ne viendrait pas seul, il serait accompagné de presque tous les Malefoy Narcissa, Lucius et Draco. Il ne manque plus que le vieil Abraxas, et ç'aurait été la plus grande invasion ennemie que Winterfell ait jamais connu. »
Il avait pris l'habitude de faire une différence entre le Roi, qu'il avait appris à connaître dans son enfance grâce à son père et qu'il considérait comme un oncle, et la famille avec qui Sirius s'était allié sur le trône, les Malefoy. Il avait épousé la froide Narcissa, qui était la sœur de Lucius et qui avait donné à son époux un fils, Draco, qu'Harry n'avait vu qu'une fois. Cela remontait à de très nombreuses années, mais cette décisive rencontre à Port-Réal, la seule fois où il y fut allé, lui avait laissé un souvenir de l'héritier du Trône véritablement détestable, et irrémédiablement attaché à sa mémoire. Malefoy, très jeune et trahissant néanmoins un esprit retors, l'avait injustement accusé d'avoir volé le diadème de sa mère il s'en souvenait très clairement, revoyait la mine furieuse de son père, le visage chagrin de sa mère. Il s'était fait sévèrement réprimandé. Si ce qui déclencha cette haine semble être quelque peu futile, la mémoire enfantine l'avait imprimé dans l'esprit des deux enfants, et aujourd'hui presque adultes, le souvenir avait eu le temps de s'incorporer totalement dans la représentation que les deux jeunes hommes se faisaient l'un de l'autre, et Harry ne pouvait présentement faire autrement que de garder en lui un sentiment cuisant, tandis que le dédain de Draco n'avait fait que s'accentuer avec le temps.
« Mes parents n'ont jamais aimé les Malefoy, » dit Ron en secouant la tête. « Pour eux, ce sont les pires crapules du Royaume. »
- Mais ils sont puissants, ajouta Hermione, c'est pour ça que la Maison Black a passé une alliance avec eux.
- Fred et George me disaient tout le temps qu'il y avait quelque chose de louche chez eux, renchérit le roux. Je m'en souviens très bien, ils n'arrêtaient pas de dire qu'ils étaient tous incestueux.
Harry répondit que ça ne l'étonnerait pas si le cas était avéré, et Hermione, après avoir réprimé une grimace de dégoût, leur rappela que l'on disait également que la famille Londubat était faible d'esprit, sans pour autant que cela soit juste.
- J'aimerais croire que ce sombre idiot de Draco Malfoy n'est pas apparenté à Sirius, alors je vais suivre mon penchant et me dire qu'il est totalement Malfoy, plaisanta Harry.
- C'est répugnant, dit Hermione, couverte par le rire de Ron.
Le jour se coucha rapidement sur les Terres du Nord. La grande salle avait été arrangée de telle sorte à accueillir une seule et même grande table à laquelle s'assiérait la Maison Potter et la famille royale, ainsi qu'une multitude de plus petites tablées où avaient été conviés tous les seigneurs des environs. James Potter avait désiré organiser une fête encore plus solennelle que les traditionnels banquets organisés en l'honneur d'une autre famille pour satisfaire sa joie de revoir son ami le plus proche, ainsi que le Roi du Royaume des Sept-Couronnes. Ce fut à la nuit tombée que retentirent les cors annonçant l'arrivée du cortège. Hermione avait été priée de rejoindre les domestiques tandis que Ron, en tant que représentant de la Maison Weasley, se tenait aux côtés des Potter. Etrangement, comme souvent lorsqu'Harry se retrouvait en présence de sa famille, il ressentait un sentiment de gêne inexplicable, un malaise chronique dont il ne parvenait à se défaire, bien qu'il ne puisse en comprendre l'origine. Il y avait des moments où, comme ce soir, il ne se sentait pas à sa place. De plus, il n'avait pas pu s'empêcher de remarquer le comportement itératif de sa mère, lorsqu'il était paru dans la cour si la plupart du temps son attitude envers lui était ne pouvait être plus maternelle, il lui semblait parfois percevoir chez elle un certain mouvement de recul, presque de répulsion. Quoi qu'il en soit, tout le monde était sortis dans la cour et les flambeaux léchaient les pierres grises des murs, ils dansaient sous les rafales de vent glacé s'engouffrant par le pont-levis abaissé. Les maîtres de maison, Lily et James, étaient tous deux piqués d'une vive joie. Enfin, on entendit les cahots indistincts de plusieurs calèches et du galop des chevaux, avant de voir apparaître, tels des fantômes indistincts dans la lumière noire de la lune tout d'abord, puis plus clairement, les silhouettes de la royauté.
Sirius Black fut le premier à sortir de son attelage, et les longues enjambées ainsi que le sourire qu'il arborait en se dirigeant vers les Potter en disait long sur le désir qu'il avait à être ici. Il serra chaleureusement James et Lily dans ses bras, en murmurant des choses compréhensibles par eux seuls. Il se tourna ensuite vers l'aîné de la fratrie, James II, qui se tenait résolument à côté d'eux, et le salua avec une grande bienveillance, avant de voir Harry.
- Harry ! s'exclama Sirius en ouvrant ses bras, c'est une véritable joie de te revoir. Tu as au moins pris vingt centimètres en une année.
- Nous vous attendions avec impatience, Sirius, dit Harry avec chaleur.
- C'est incroyable de voir à quel point tous les hommes de cette famille se ressemblent, s'exclama théâtralement Black. C'est la même chose pour toi, Lily, tu es le portrait craché de ta mère, ajouta-t-il d'un ton aimable à la petite rousse debout à côté de ses frères qui sourit à la remarque. Et voilà le petit dernier, le jeune Albus. Ah ! j'aurais pu le reconnaître comme étant un Potter dans une rue bondée de Port-Réal, avec ses cheveux et ses yeux ! Oh ! et le jeune Weasley. Nous avons vu ta famille il y a quelques jours, mon garçon, ils vont tous très bien.
Derrière Sirius se trouvait son épouse, Narcissa, qui affichait un sourire poli mais glacial, et semblait gênée des effusions de son mari. A ses côtés, son frère, Lucius Malfoy, gardait un visage impassible. Narcissa passa un bras autour de son fils pour le placer devant elle.
- Sir Potter, Lady Potter, fit-elle devant leur salut. Vous devez vous rappeler de notre fils, Draco.
Un jeune homme pâle fit son apparition, ses yeux mêlant mépris et suspicion parcourant l'assemblée jusqu'à se fixer sur Harry, l'esquisse d'un sourire se formant alors à la commissure de ses lèvres. Il ne l'avait certainement pas oublié.
- Bien sûr, voyons, cela fait quelques années que je ne suis plus venu à Port-Réal, mais je me souviens parfaitement de notre prince, dit poliment James. Vous avez le même âge qu'Harry, n'est-ce pas ?
- Je n'en sais rien, répondit Draco, un air d'arrogance se peignant sur son visage à mesure qu'il feignait de ne plus se souvenir de l'âge du jeune homme en face de lui.
- C'est exact, James, ils sont de la même année, interrompit Sirius. Par ailleurs, j'espère que cela ne vous dérange guère, mais notre mestre a fait le voyage avec nous, ajouta-t-il avec un rictus amer mal dissimulé.
- Severus Rogue est ici ? demanda James Potter, la même expression que son ami naissant sur son visage.
Il s'était ainsi adressé uniquement au Roi, cependant, ne contrôlant pas son étonnement, ce qui lui avait semblé être une remarque entendue d'eux seule fut en réalité lancée fortement les paroles flottèrent au-dessus du petit groupe un instant, avant qu'elles ne soient, comme un écrin trop fragile, percées par la voix de la Reine.
- J'ai en effet demandé à ce qu'il nous accompagne, pour qu'il reste avec Draco, répondit Narcissa en caressant les cheveux de son fils.
- Dans ce cas, il faudra rajouter un couvert à notre tablée, annonça Lily pour combler le mutisme passager de son époux et le début de colère paraissant dans les mains du Roi contre la décision qu'avait eu la femme qu'il avait épousé par alliance, et qui ne semblait pas lui plaire.
C'est ce moment que choisit le grand mestre de Port-Réal pour passer les portes du château de Winterfell. Vêtu de l'habit gris, il vint se placer à côté de la Famille Royale.
- Monsieur Potter, salua Severus Rogue d'un ton doucereux tandis qu'à sa droite le Prince contenait un rire, c'est une vraie joie. Et voici donc votre progéniture dont j'ai tant entendu parler. Et… Un Weasley.
- C'est cela même, en effet. Vous savez cependant qu'il loge chez nous depuis plusieurs années. Il n'est ainsi pas surprenant de voir Ronald à nos côtés, dit Potter avant de se retourner vers le Roi. Vous devez être affamés. Nous pouvons passer à table sur le champ, si vous le désirez.
L'entrée dans la Grande Salle fut silencieuse, grandiloquente et saluée par les dessus de crâne des convives. On se mit à table, un couvert fut ajouté pour Rogue. Le soulagement serra le cœur d'Harry lorsqu'il se plaça loin de Draco, séparé sur la lignée de la table par son grand frère, sa mère, son père, le Roi et la Reine. Ron n'eut pas cette chance et dut s'asseoir à la droite de Lucius. Drago semblait peu apprécier la compagnie du nord. Sa tenue altière le faisait paraître plus grand que ceux de son âge, bien qu'en réalité il n'en fut rien et l'analyse méthodique à laquelle semblait se livrer son regard froid était faussé par des jugements qu'il appliquait sans scrupule. Sirius invita d'un geste souverain les convives à commencer les festivités, et un brouhaha indistinct, lourd et planant comme une fumée opaque, s'éleva au-dessus des tables. Narcissa et Lucius Malfoy n'élevèrent guère la voix du repas, ou bien peu, semblant ennuyés de l'endroit dans lequel ils se trouvaient, ne pouvant conséquemment s'empêcher de rendre lisible sur leur visage le dédain que leur position imposait vis-à-vis de tout entourage inférieur, et ainsi Sirius, James et Lily furent pratiquement les seuls à parler.
« - En réalité, le voyage a été calme et long. Il aurait pu être légèrement écourté, mais Arthur Weasley était avec nous pour retourner à Vivesaigues après avoir passé quelques temps à Port-Réal. Nous l'avons donc accompagné, car je souhaitais rendre visite à la Maison Weasley avant de venir ici », disait Sirius. « Nous pouvons nous féliciter de l'amélioration des grandes voies, elles me semblent être en bien meilleur état qu'il y de cela quelques années seulement, beaucoup moins chaotiques. Je distingue encore très bien les souvenirs de mon précédent voyage en Terres du Nord pour le seizième anniversaire d'Harry –cela fait combien de temps ? deux ans ?-, et j'avais rencontré quelques problèmes –d'importance mineure, bien sûr- avec les nids-de-poule. Il faut tout de même avouer que ce réseau est loin d'être le pire, et que celui reliant aux Londubat est moins praticable.
Les paroles de Sirius semblèrent intéresser Lily, mais son mari était impatient de savoir pourquoi son ami de longue date était venu en voyage officiel dans les terres du Nord, bien qu'apparemment, rien ne soit figure à l'y mener.
« - Tu ne m'as toujours pas dit quel était l'objet exact de ta visite, demanda James Potter, d'une voix pressante. Je sais seulement qu'elle n'est pas uniquement courtoise, et qu'il y a une chose dont tu veux m'entretenir.
- C'est exact, renchérit Sirius d'un ton triste, mais ne parlons pas affaire ici, ce serait tout aussi déprimant que d'aborder le sujet qui fâche. »
Les personnes attablées se regardèrent, chacune sachant de quoi il était ici question. James II, d'un an l'aîné d'Harry, regardait la scène d'un air méfiant, ne sachant à quoi s'attendre quant à la suite de la conversation, et un silence pesant s'attarda sur eux avant qu'Harry, hésitant, ne le rompe.
« - L'hiver approche », répondit-il. Il fut gratifié d'un regard apeuré de sa petite sœur Lily. Ne pouvant s'empêcher d'observer la réaction du jeune Malefoy du coin de l'œil, il l'aperçut arborant une sorte de sourire goguenard aux lèvres, toutefois contenue son expression reflétait le mépris quant à l'idiotie dont Potter avait fait preuve en explicitant un tel sujet qui se passait de tout commentaire, ainsi qu'une sorte de joie triomphante de le voir se ridiculiser face à une telle situation, et, lui lançant un regard tranchant qui dépouilla Harry de tout sentiment de fierté, il se tourna vers son mestre qui, d'un air narquois, prit la parole pour remercier le jeune homme de l'utile précision qu'il avait apporté, ce que James Potter ne sembla pas apprécier.
« - Il y a au moins une chose dont je puis me féliciter, reprit Sirius pour ne pas parler plus longtemps du présage funeste, c'est de voir combien ce Royaume va en ce moment pour le mieux, si l'on excepte les problèmes au Mur –mais Remus sait faire face aux crises, je ne m'inquiète ainsi pas tant pour cette partie du royaume. Le jeune Viktor Krum a repris en main les Iles de Fer après la mort de son père, il y a de cela quelques mois, et j'ai ouï dire qu'il y redresse là-bas les éléments qui y posaient auparavant problème. Les indépendantistes et autres révolutionnaires qui y faisaient loi sont matés à tours de bras – mais j'imagine que tu dois le savoir. Les récoltes ont été exceptionnelles dans les Conflans, chez les Weasley (il adressa un clin d'œil à Ron qui, ravi, lui sourit), et c'est aussi le cas, à moindre échelle bien sûr, du Val d'Arryn des Londubat et du Bief. J'ai d'ailleurs récemment rendu visite aux Diggory à Hautjardin et tout semblait se porter à merveille. La vieille Minerva couve ses deux enfants –Cédric et Fleur- comme une véritable poule. Il me semble néanmoins qu'ils aient eu quelques différends récemment avec les Zabini à Dorme, de matière économique, si je ne m'abuse, mais heureusement, ils bénéficient du soutien indéfectible de mes anciennes terres qui leur sont voisines, et sur lesquelles règne Regulus. Je crois que celui-ci s'entend particulièrement bien avec le jeune Cédric, ajouta-t-il, pensif. »
Le repas se poursuivit sans aucune anicroche, ou plutôt ce serait passé comme tel si Harry n'avait pas senti ses regards vagabonder sans cesse du côté du Prince, sans d'ailleurs qu'il ne s'en rende compte ni qu'il puisse s'en empêcher il savait simplement qu'il se retrouvait entre deux bouchées la tête tournée vers sa gauche, observant l'attitude goguenarde de Drago, ses discussions intempestives avec son mestre –qui, par ailleurs, jetait pour sa part des regards équivoques vers là où Harry était assis. C'était durant l'une de ces divagations qu'il se sentit tout à coup interrompu par un silence celui du milieu de la tablée. Il vit le Roi et son père sortir réjouis d'une messe-basse, avant d'observer James Potter se lever lentement, faisant tinter son verre et le silence total de l'assemblée le suivit.
« - Seigneurs du Nord, nous sommes réunis en ce jour de grâce pour rendre hommage au souverain des Sept-Couronnes, qui nous accorde ce soir l'honneur de sa présence en ses Hautes Terres. Voilà désormais dix-huit ans que son règne profite à notre Royaume, et bien plus longtemps que nos maisons sont amies. Sa venue, ainsi que celle de sa famille, vient parachever l'affection que se portent mutuellement la couronne du Nord et celle du Sud. Et elle vient d'autant plus la parachever que ce soir sera l'occasion d'une grande et heureuse annonce. »
Ici, il marqua une pause. Harry vit le visage interrogatif et quelque peu désapprobateur de sa mère tourné vers son époux elle n'avait donc pas été mise dans la confidence, elle ne savait pas où allait mener cette déclaration. Maman, chère maman ! pourquoi n'êtes-vous pas en connaissance de ce que dit Père ? Cela n'augurait rien de bon, et pourtant, James Potter paraissait enchanté…
« - En effet, cette soirée marque l'ancrage de cette relation par le sang, continua son père, puisque nous officialisons ce soir les fiançailles de Drago Black, Prince des Sept-Couronnes, avec Lily Potter, deuxième du nom, fille du Trône du Nord. »
Harry sentit son sang se glacer. D'abord, il pensa à l'horreur qu'il ressentait à voir entrer cet homme dans sa famille. Il le regarda : il avait l'air tout aussi horrifié, la rage picotant ses joues, les mains crispées sur son couteau et sa fourchette, regardant droit devant lui. Puis, il pensa à sa sœur, et se tourna vers elle elle semblait bouleversée, mais également heureuse et satisfaite ; il pensa à son innocence, à sa naïveté, à tout cela qui venait de lui être arraché par le simple mot de « fiançailles ». Joli mot quand on l'entendait, on entendait les cloches, on s'imaginait le blanc et l'or et pourtant, pourtant, appliqué à sa petite sœur, il devenait un instrument barbare, une torture sans nom, une abstraction douloureuse, tandis qu'elle-même semblée s'en accommoder rapidement, son sourire testifiant de l'orgueil croissant qu'elle tirait de cette nouvelle. Enfin, il pensa à sa mère, et l'observa : elle avait l'air d'une louve à qui on aurait arraché l'un de ses petits. Son père, lui, porta un toast que l'assemblée et Sirius suivirent de bon cœur, le bronze des verres luisant à la lumière faiblissante des flammes.
La fin du repas fut grave, à table. Une fois rassit, Harry eu le plaisir de voir son père se rendre compte que l'annonce n'avait pas eu l'effet escompté. Lui sentait sa famille trahie. Pour lui, sa petite sœur n'allait pas épouser un Black, mais un Malefoy. Ses deux frères, James II et Albus, semblaient dans un état de nerf identique au sien. Narcissa paraissait affolée de voir son tendre rejeton tomber ainsi entre les mains des Potter et du Nord, tandis que Rogue affichait un air renfrogné, s'inquiétant sûrement, se disait Harry, du rapprochement de la Maison Potter du pouvoir.
Il fallut la nuit à Harry pour que le choc que lui avait causé l'annonce se mue en colère diffuse. Il n'arrivait pas à en vouloir pleinement à son père, bien qu'il ne puisse comprendre ses motivations il en était de même pour Sirius alors, il reportait toute sa haine vers Drago Black, Drago Malefoy, et toute son infinie tristesse vers sa jeune sœur. Le lendemain, ce fut le parc du château de Winterfell qui recueillit les confidences d'Harry, de Ron et d'Hermione, qui s'y promenaient. Hermione avait appris la nouvelle des cuisines et en était restée interdite. Harry pouvait en percevoir les raisons fille d'au-delà du Mur, ancienne sauvageonne, domestique, elle ne pouvait concevoir un mariage forcé motivé par des raisons politiques, et encore moins l'appliquer à sa chère petite Lily, pour qui elle avait beaucoup d'affection. Alors ils se révoltaient à tour de rôle, laissaient chacun leur rage exploser devant les deux autres qui écoutaient avec attention les griefs et blâmes apportés au Sujet. Leurs arguments, leurs idées se ressassaient, tournaient en boucle, tous les reprenaient en chœur, chaque nouvelle perversion trouvée venant se greffer dans les esprits brûlants des trois jeunes personnes. Ce fut alors que Ron prenait une nouvelle fois la parole qu'une voix tranchante vint les interrompre brutalement.
« - Ainsi, on ne m'avait pas menti : je n'aurais pas été étonné que cette tare vienne des Weasley, Maison bâtarde et presque aussi faible que celle des Londubat, mais je pensais que les Potter valaient mieux que cela. »
C'était Drago Malefoy –décidément, lorsqu'Harry le voyait, c'était irrémédiablement un Malefoy, guère un Black- qui avait parlé il s'était avancé dans le parc en compagnie de Rogue, qu'il congédia d'un signe de tête avant de dépasser d'un pas lent les trois personnes qui le regardaient, médusées.
« - Vraiment ? Quelle est notre faute, Malefoy, où a-t-on pu pécher ? Le seul tort que je vois à notre famille est celui de s'allier à des gens de ton espèce, guère plus, lui répondit immédiatement Harry, la hargne saisissant son visage. On vit les oreilles du Prince, qui s'était arrêté en leur tournant le dos, se colorer à l'entente de son nom et de l'affront.
- Oh ! A dire vrai, je faisais référence à la réelle Maison Potter, je ne parlais pas des pièces rapportées des rejetons bâtards d'un souverain sans honte et de sa femme impudente. Et là, en revanche, je parle bien de toi, ajouta Malefoy en plantant ses yeux dans ceux d'Harry. Lorsqu'on est bâtard, on ne se permet pas de s'adresser ainsi à ceux qui sont supérieurs, car de sang pur. En parlant de pureté, dit-il en décochant un regard de dégoût à Hermione, c'est de cela que je parlais lorsque j'évoquais les déboires d'une Maison dont la gloire est désormais fanée et loin derrière elle. La présence de cette chose aux côtés d'une famille qui se dit noble est tout bonnement contre-nature.
Le sang d'Harry bouillonnait en lui. Il savait que courait dans le royaume la rumeur de sa bâtardise en effet, sa mère lui avait donné naissance alors qu'elle avait disparue depuis plusieurs mois, et beaucoup en avait tiré pour conclusion qu'Harry était un enfant adultérin, bien qu'il n'y eut de cela aucune preuve. Ce fut cependant Ron qui répondit ce que Potter ruminait depuis le début de la conversation.
- Ah ! qu'un homme comme toi vienne parler à Harry de pureté de sang ! Elle est bonne ! Toi, le fruit des rapports incestueux les plus tristement connus de tout le Royaume ? Toi, le prétendant illégitime au trône des Sept-Couronnes ? Ca y est, les amis, on y est ! C'est le monde à l'envers, tel que le prédisent les mestres !
Le Prince se tourna, furieux, vers lui. Harry sentit un doux sentiment de plaisir se répandre en lui aux paroles de Ron.
- Comment oses-tu t'adresser ainsi à ta monarchie, Weasley ? Cela fait des siècles que votre Maison se dégénère jusqu'à donner cette tartufferie, ce semblant de noblesse, offrant au monde ce spectacle de vos Terres gouvernées par des bons à rien incapables de se battre, faiblards et coincés entre ses provinces voisines! Vous vous faites baiser comme une putain à toutes vos frontières, votre armée est constituée d'une cinquantaine de troubadours, et tu t'engaillardis pourtant jusqu'à insulter la famille la plus puissante de ton pays, celle à laquelle tu prêtes allégeance et qui te permet d'exercer tes droits sur ton territoire ? Au moins, ces Potter possèdent autre chose qu'une bande de bardes et de bouffons pour les protéger, et ils envoient quelques hommes au Mur ! Enfin ! Quand je dis qu'ils envoient des hommes au Mur, je parle des trois fous du pays assez perturbés pour croire à un quelconque danger, et aux trois autres brûlants d'envie de se retrouver enfermés pour l'éternité en compagnie masculine dans le froid du Nord… J'ai entendu dire que tu comptais t'y engager, Potter, et j'ai ma petite idée de quel bord tu fais partie… »
Harry porta machinalement sa main à son fourreau, mais sentit quelque chose lui saisir le poignet il regarda et vit Hermione à ses côtés, l'empêchant de commettre une erreur. Il se mordit la langue pour s'empêcher de parler. Le visage de Drago se fendit d'un sourire qui lui était insupportable, et il le regarda leur tourner une nouvelle fois le dos. Il se détourna avec fureur vers Ron et Hermione, quand il aperçut l'expression stupéfaite de Ron, les yeux fixés sur quelque chose qui se tramait dans le dos d'Harry. Celui-ci suivi son regard et observa, abasourdi, Malefoy se diriger vers sa jeune sœur qu'il n'avait pas vu, mais qui paraissait être assise sur les racines d'un arbre depuis un certain temps maintenant, tournée vers l'horizon. Tous les trois restèrent interdits, et furent des témoins impuissants de la surprise que manifesta l'enfant à l'approche de Malefoy, de l'agrément apparent que cette apparition lui causait, puis du vacillement de son sourire, qu'elle maintint coûte que coûte à mesure que l'homme lui parlait. Le jeune héritier, semblant satisfait, continua sa marche laissant derrière Lily, à la fois pétrifiée et extatique. Harry se précipita vers elle, les deux autres prenant sa suite. Il voulut la questionner, la rassurer mais elle leur adressa un regard chargé de prétention, se dégagea de leur cercle et rentra en courant vers le château.
James regarda sa petite fille quitter le parc. Il s'écarta avec un soupir de la lourde fenêtre de la salle du conseil et se rapprocha de Sirius, qui observait le feu crépitant dans la cheminée.
« - Si tu avais vu la réaction de Lily, dans notre chambre, après le banquet ! Elle était comme une furie, elle ne pouvait s'arrêter de pleurer. Je ne sais point ce qui l'a le plus affecté : le fait de voir le mariage de sa fille unique arrangé, ou le fait que, jusqu'à hier soir, nous ayons gardé cela secret, que nous l'en ayons écarté. Je crains que sa naissance modeste dans une famille de petits nobles du Nord et que notre mariage qui ne fut guère raisonnable mais bien plutôt poussé par nos sentiments ne lui ai enlevé de la tête que contracter un mariage était en premier lieu une affaire de bon sens, et que seuls quelques fous pouvaient se permettre d'aimer. Dans le cas de notre petite Lily, qui a le nom de Potter mais ne peut prétendre au trône du Nord, qu'y aurait-il de meilleur à son bonheur que d'avoir celui du Royaume entier ? Quant à Drago, comment refuser une alliance et un renforcement des liens avec les Terres du Nord ? Comment ne pas penser à la future descendance de cette union, à la fois Black et Potter ? Car il faut se rendre à l'évidence, Sirius à notre mort, nous laisserons le Royaume aux mains de nos fils, qui ne se portent guère d'affection dès lors, il s'agit d'assurer la quiétude du Royaume par le pouvoir des alliances et celui du sang. Ce seront les enfants de Lily et Drago qui garantiront la sûreté du Royaume et l'indéfectible lien qui unira nos deux Maisons. Je pensais que c'était là la plus sage décision…
- Je partage ton avis, confessa Sirius en serrant l'épaule de James. Cette union doit avoir lieu. Elle est tout à fait impérative. Ah ! à des moments, je ne comprends pas mon propre fils. A croire qu'il tient tout de sa mère. Parfois, je m'inquiète de ce qu'il pourrait faire une fois sur le trône… voilà pourquoi il est nécessaire que nous fassions dès aujourd'hui alliance, pour protéger les relations du Nord et du Sud. Et cette alliance prendra par ailleurs plusieurs formes voilà la raison précise de ma venue ici, dont tu désirais tant connaître l'objet. Certes, il nous fallait régler et annoncer les derniers détails de ces fiançailles. Mais il fallait également que je t'entretienne d'une chose tout à fait différente. Ecoute-moi. Je ne t'apprends rien en te disant qu'il y a maintenant trois semaines, Shacklebolt, Main du Roi au Conseil Restreint, s'est fait assassiner. Une tragédie, vraiment et il est impossible d'en connaître le commanditaire. Le Conseil a, depuis lors, une chaise vide, et qui ne peut guère le rester plus longtemps. Tu dois voir maintenant où je désire en venir – mais, je t'en prie, laisse-moi achever. James, nous avons combattu côte à côte lors de la Grande Guerre, lorsque ce tyran de Jedusor a été, pour le bien du royaume, renversé. Tu as soutenu mon accession au Trône, et j'ai –non, tais-toi- j'ai en toi une confiance infinie. Il n'y a qu'une seule autre personne au monde à qui j'aurais demandé assistance, il s'agit de Remus mais le Mur le retient. James, je connais ta qualité, je sais combien tu veux le meilleur pour le Royaume. Alors, si tu ne le fais pas pour moi, fais-le pour lui et deviens ma Main.
James était resté stupéfait, désireux à maintes reprises d'interrompre son Roi. Non ! il n'allait pas accepter cela, il le savait dès qu'il avait compris ce que Sirius lui proposait. Seulement, il fallait trouver la manière d'être ferme.
- C'est un honneur, Sirius, de recevoir telle proposition, et sache que la foi que tu places en moi me va droit au cœur. Il m'est cependant impossible d'y consentir, et crois bien que je le regrette. Je suis un Potter ! Je suis suzerain et gouverneur du Nord, descendant d'une lignée qui tient ses terres depuis les temps ancestraux ! Je ne peux me rendre à Port-Réal et abandonner mes obligations ici, à Winterfell je m'excuse, mais le jour où je quitterai ma place sera celui de ma mort.
Sirius lui sembla désarçonné sûrement, il s'attendait à ce qu'il accepte. Il le vit froncer les sourcils.
- James, je ne pense pas que tu saisisses bien la situation. Cela fait déjà trop longtemps que le Royaume est sans Main. Malgré toute l'estime que je leur porte, les Weasley ne pourraient convenir à ce poste, je ne connais pas autant Arthur que toi le jeune Cédric Diggory vient de prendre la relève de son père à Hautjardin, et est pour l'instant le seul héritier mâle de la famille, tout comme l'est le jeune Neville Londubat et je ne peux décemment pas m'adresser aux Krum ni aux Zabini. Quant aux derniers fins esprits du Royaume, ils se trouvent déjà au Conseil Restreint, ou ne sont point dignes de confiance. Tu es l'homme le plus courageux que je connaisse tu avais déjà décliné ma proposition des années auparavant, et je l'avais compris, car alors tes fils étaient trop jeunes pour pouvoir assurer la régence à ta place mais aujourd'hui, James II a dix-neuf ans, il est fort, indépendant, et, quand bien même il lui arriverait quelque chose, Harry le suit en âge et serait là pour prendre sa relève. De plus, tu n'aurais pas à abandonner ta place, tu serais seulement un gouverneur du Nord logeant à la Capitale.
- Et cependant, par ce biais, je ne pourrai être un bon gouverneur il me faut être proche de mes terres, ou sinon je ne pourrai en connaître les besoins. Les Potter étaient rois du Nord avant d'être féodés aux Sept-Couronnes comprends-tu que je ne veuille pas être le premier d'entre eux à quitter Winterfell ?
- Ma demande est égoïste, je le sais. Pourtant, James, tu y seras obligé car je suis ton Roi, et tu m'as juré obéissance. Je ne peux avoir confiance qu'en toi. Je suis désolé.
Il abattit ces derniers mots comme s'abat le marteau du tribunal sans appel, sans recours. Et, pour souligner sa sentence, il se détourna du feu et quitta la pièce.
On avait donc du préparer ce qu'on allait emporter à la Capitale. Il fut par ailleurs décidé qu'Harry et Lily accompagneraient leur père, tandis que James et Albus resteraient avec leur mère. Le matin du départ, Harry se réunit avec Ron et Hermione dans sa chambre. C'était drôle, car ils prirent leurs places habituelles Harry sur son lit, Hermione dans un fauteuil près de la fenêtre, Ron adossé au mur et pourtant, ils se savaient à l'orée de quelque chose de tout à fait nouveau. Se heurtaient leur attitude désinvolte, et leur conscience de devoir se quitter plus longtemps qu'ils ne l'avaient jamais fait.
- Je vous écrirai quand j'arriverai, dans une semaine, tout au plus je vous raconterai combien la Capitale est laide, combien la nourriture était meilleure ici, sans oublier combien les Malefoy sont infects.
- Je ne comprends pas pourquoi ton père t'oblige à venir avec lui Lily, fort bien, le mariage est arrangé, il lui faut découvrir Port-Réal, le palais royal, les usages, tout cela mais toi ? s'étonnait encore Ron.
- Peut-être Père m'y réserve-t-il la surprise de m'y faire épouser un titre de noblesse sur jambes, ironisa le concerné avec amertume.
- Harry, voyons, tu sais très bien pourquoi ton père t'emmène, corrigea Hermione. Premièrement, il faut que James II reste ici, au château. C'est l'aîné, il sera responsable de la famille, et de plus, il pourra s'initier à la façon de régner sur le Nord, bien que le véritable gouverneur reste Lord Potter. Deuxièmement, il désire sûrement vouloir t'enseigner l'administration du Royaume si tu n'es pas l'héritier de Winterfell, peut-être te voit-il un futur au Conseil Restreint. Et troisièmement, cela doit être la plus importante des raisons, je pense qu'il a vraiment envie de t'avoir auprès de lui.
- Il sait néanmoins que je ne veux guère faire partie du Conseil Restreint, je veux aller au Mur, et me battre, maugréa Harry. Rester coincé à Port-Réal à régler des affaires ennuyeuses, qui plus est sous les ordres de ce qui sera sûrement le pire monarque qu'ai connu les Sept-Couronnes, alors que le Nord et le Royaume tout entier a besoin d'être protégé de l'Hiver qui arrive ? Très peu pour moi, cela ressemblerait plus à un cauchemar éveillé.
- Il faut le comprendre, répondit Hermione en haussant les épaules il n'a certainement pas envie de voir son cadet finir ses jours coincé dans un tel bourbier, presque en autarcie – non ! Arrête de faire cette tête, tu sais bien que je te soutiens mais reconnais que la vie de la Garde de Nuit n'est pas celle qu'un père pourrait souhaiter à son fils, qui en outre a la chance –oui, c'est une chance !- d'être né Potter.
Ils avaient déjà eu cette conversation, pensa Harry. Et elle se terminait toujours de la même manière : un silence pesant pendant lequel il ruminait sa frustration et renforçait sa conviction. Celui-ci fut néanmoins interrompu par Ron.
- A vrai dire, moi aussi, par conséquent, je vous écrirai quand j'arriverai. Je pars demain pour les Conflans, je retourne auprès de ma famille, ajouta-t-il pour éclaircir sa première phrase. C'est vrai, après tout, j'ai dix-huit ans l'âge est suffisant pour quitter ma position de pupille, et je sais que mes parents désirent vraiment me revoir… Cela fait un an que je n'ai pas revu Vivesaigues ! Par surcroît, toi aussi, tu t'en vas je n'aurai plus personne avec qui rire au maniement des armes, ou quand le mestre nous parle de tous ces bouquins barbants… Je reviendrai ! s'écria-t-il soudainement en voyant la mine défaite d'Hermione. Je reviendrai aussi souvent que possible après tout, j'ai vécu dix ans avec vous. Nous nous retrouverons tous les trois ici très bientôt !
Harry s'attendait au départ de Ron, aussi n'en fut-il pas surpris. Hermione, en revanche, sembla bouleversée.
- Tu salueras ta famille de ma part, lorsque tu y seras. Oh ! et surtout n'oublie pas de saluer Ginny ! l'apostropha Harry.
C'était au moment même de ces adieux qu'Albus ouvrait la porte qui menait à l'endroit qu'il préférait dans tout le château la Tour Est, d'où il pouvait usuellement voir le soleil se lever, en même temps qu'observer s'étendre devant l'horizon les grandes plaines du Nord. Il aimait à s'imaginer qu'il pouvait distinguer au loin la rivière Whiteknife et la ville d'Hornwood qui la longeait, bien qu'il ne put en réalité les apercevoir. Aujourd'hui le quittait sa sœur, l'un de ses grands-frères et son père, alors il se sentait d'humeur à inventer de belles choses, des choses joyeuses. C'était un loisir qu'il avait eu tout le temps de pratiquer, car peu de responsabilités pesaient sur lui : il était le troisième héritier du trône de Winterfell, et par conséquent il y avait peu de chance qu'il y accède un jour si d'ailleurs il devait y accéder, il en serait bien triste, car en ce cas ni James ni Harry ne lui auraient survécu. L'heure était très matinale, il n'avait rencontré personne dans les couloirs cela signifiait qu'avec un peu de chance, il pourrait profiter du réveil des artisans et du remue-ménage de la cour, s'il regardait par la bonne fenêtre il pourrait sentir l'odeur des nouveaux ingrédients apportés pour la cuisine, l'odeur du pain, le cliquetis du pont-levis… Oui, finalement, cela pourrait être une jolie aurore. Il tourna la poignée et pénétra dans la salle.
Sur le sol étaient deux corps partiellement dénudés. Albus recula d'un pas. Il n'y distinguait qu'un amas mouvant de riches vêtements et de peau. Les lèvres des deux personnes étaient jointes. Les chevelures étaient d'un blond qui lui semblait beaucoup trop blond. Il vit l'homme se redresser un peu. Reconnut Lucius Malefoy. Sous lui était couchée sa sœur, Narcissa Malefoy. Il recula encore, son dos heurta la tranche de la porte. D'un bond, Lucius Malefoy fut debout, alerte il repéra le jeune intrus et, d'un geste rapide, ferma la porte derrière l'enfant.
Il y eut un court moment de silence. Puis, Malefoy saisit Albus au col, le soulevant un peu du sol. « Tu n'aurais jamais dû voir ça », marmonna-t-il, avant de soulever totalement le corps et de le jeter à travers la fenêtre la plus proche.
OoOoO
Le Lord Commandant de la Garde de Nuit était rentré de sa ronde. La nuit était tombée depuis plusieurs heures maintenant, il fallait qu'il dorme il enleva son épée et la posa au pied de son lit. Une lettre était dépliée sur son bureau elle lui était adressée personnellement, l'encre de James Potter traçant à la hâte les mots « Cher Remus » en un peu plus grand que les autres. Lupin voyait qu'elle avait été écrite dans l'urgence d'ailleurs, il n'y avait pas beaucoup d'informations. Il lui parlait de Sirius qui lui avait demandé d'être Main du Roi –ce qu'il savait déjà, Black lui en ayant fait part lorsqu'il avait fait un arrêt au Mur avant de se rendre à Winterfell.
Remus avait gardé contact avec ses deux amis depuis la Grande Guerre contre le Roi Fou, qu'il avait aidé à renverser à leurs côtés ainsi qu'à ceux d'autres nobles, et ils s'étaient battus de même contre tous ceux qui lui étaient restés fidèles, les Mangemorts.
Bien plus important, il lui parlait dans sa lettre de la chute d'Albus du haut d'une tour de Winterfell. James disait qu'on ne connaissait guère les circonstances de l'accident que certains évoquaient un geste tragique dû à la tristesse d'un jeune garçon à la veille du départ de son père, garçon que beaucoup pensaient sensible, émotif, du moins très tendre. D'autres croyaient à l'imprudence, l'enfant ayant dû trop se pencher et glisser. Des paysans avaient par ailleurs témoigné et affirmé avoir aperçu à de nombreuses reprises le petit se courber au-dessus des embrasures. Quoi qu'il en soit, Albus était dans un état fort fâcheux, et, bien que l'incident se soit produit il y avait une semaine de cela, il était toujours alité, inconscient, presque mort. On n'avait que très peu d'espoir pour lui. La famille était effondrée James avait retardé son voyage, mais, voyant qu'il ne pouvait rien faire, il avait été contraint de partir le jour même où il écrivait cette lettre. Harry et Lily avaient dû le suivre, et Remus avait été étonné d'apprendre que le deuxième fils de James –celui qu'il préférait… pas qu'il n'aimait pas James II et Albus, bien au contraire mais il se sentait très proche d'Harry, il arrivait à se reconnaître en lui, en son courage, mais aussi en ce qui lui semblait être de la détresse- se rendait à Port-Réal, car il connaissait ses intentions de se dévouer à la Garde de Nuit, comme lui-même l'avait fait. Il ne savait trop s'il devait encourager cette vocation après tout, il serait enchanté d'avoir Harry ici, auprès de lui néanmoins, lui aussi avait dans sa jeunesse débordé d'enthousiasme à l'idée de servir son Royaume et de vouer sa vie au combat contre les Marcheurs et les Sauvageons, mais son ardeur s'était vite éteinte en constatant le manque de soutien des gouvernants et de la population, qui tous pensaient qu'il ne s'agissait là que d'une vaste légende inventée pour maintenir l'ordre par la menace et la peur. Et, à vrai dire, il n'avait même jamais vu de Marcheur de ses propres yeux. On savait ce qu'ils devaient être des créatures créées à la Nuit des Temps, cadavres invincibles répandant mort et chaos sur leur passage, que Gryffondor, Poufsouffle, Serdaigle et Serpentard avaient réussi à séparer des Premiers Hommes en construisant un Mur, gigantesque, colossal, que ne pouvaient franchir les Marcheurs et leur maîtresse, Morgane. Mais ce Mur, en se dressant, avait aussi fait des infortunés des hommes et des femmes qui s'étaient trouvés au mauvais moment, au mauvais endroit, et qui avaient été pris au piège de l'autre côté du Mur, là où l'hiver règne toute l'année. On les avait nommé les Sauvageons car le temps les avait différenciés des hommes du sud du Mur. Et, plus qu'à repousser les Marcheurs qui semblaient n'exister que pour les mythes, c'était à protéger le Sud des hordes de Sauvageons que servait la Garde de Nuit, car ceux-ci tentaient depuis des siècles de franchir le Mur, et, lorsque certains y parvenaient, ils ravageaient les cultures, tuaient les habitants des Terres du Nord qu'ils rencontraient, les pillaient, et brûlaient tout sur leur passage. Voilà donc à quoi se résumait la vie à la Garde faire des expéditions au-delà du Mur pour repérer des Sauvageons semblant vouloir attaquer, ou d'éventuels Marcheurs faire des rondes pour discerner les menaces former les nouveaux venus mourir. Il ne pouvait par conséquent s'empêcher de penser avec tristesse à la désillusion qu'Harry connaîtrait en prêtant serment d'allégeance à la Garde et en devenant Frère Juré, lui empêchant d'avoir femme, enfants, terres, titre, gloire, et l'obligeant à embrasser une austérité fastidieuse et anémiante, sans même avoir l'impression de servir les Sept-Couronnes, car ne sachant exactement quelle était la menace maléfique qui mettait en péril la survie des Hommes. Les Marcheurs n'existaient pas. Et la Garde ne servait qu'à protéger des hommes d'autres hommes. Il se coucha et s'endormit.
OoOoO
Par-delà le détroit, sur les terres à l'est du monde, dans le château de la lune de pierre, les bras glacés de Nagini entourèrent avec une dévotion sainte les épaule de son maître. Elle s'était approchée, les paupières sereinement closes, pour lui siffler un secret au creux l'oreille.
- Mon maître, mon maître, le vilain rat est là, il vient de pénétrer dans le hall...
L'homme à qui elle avait chuchoté ces mots était Tom Jedusor, héritier du mage noir, seigneur des ténèbres et héritier seul légitime du trône de fer. Ses longues mains pressèrent les avant-bras de la femme contre le saillant de ses clavicules.
- Quand il sera inutile, je te laisserai le dévorer, indiqua-t-il avec flegme. Tu auras le loisir de briser ses os et d'avaler sa grosse chaire palpitante.
- Vous le détestez à ce point ?
- Je ne le déteste pas, il m'incommode seulement.
A ces mots pénétra dans la pièce une silhouette qui, de prime abord, ne ressemblait guère à un homme. Son apparence déplaisait fortement à Nagini.
- Votre Altesse… hasarda la voix servile, les faibles genoux se pliant, et les mains agitées de soubresauts faisant mine de se prosterner devant l'homme en face de lui.
- Votre altesse de quoi ? Je n'ai pas de royaume sur lequel exercer ma qualité, je ne suis qu'un prince du néant... Que voulez-vous, Seigneur Pettigrow ?
- Abrège, ordonna Nagini en montrant ses crocs.
- Je viens apporter de bonne nouvelles : un allié puissant s'est déclaré, et désire participer à la reconquête de votre trône. Il aurait des informations à vous transmettre.
Il leva son regard torve pour voir que si Tom Jedusor le laissait continuer, il n'affichait pas moins des signes d'impatience. Ses longs doigts tapaient contre le marbre du trône dans lequel il était assis, et il se leva pour faire quelques pas en tournant le dos à son visiteur. Pettigrow rampa derrière lui tenant dans sa main unique une missive froissée.
- Ce seigneur dit posséder un parchemin ancien qui révélerait l'emplacement d'artefacts, des Horcruxes, qui vous permettraient de renouer avec votre héritage magique. Il dit que plusieurs d'entre eux se trouve à Essos et d'autres à Westeros.
- Les horcruxes perdus à travers le monde... Pettigrow, que sais-tu de cet homme et quelles sont ses intentions ?
- Il s'agit du Lord Grindelwald, Grand Trésorier et membre du conseil restreint. Il semble simplement vouloir voir le roi légitime sur son trône, Votre Altesse.
- Peut-être que lui aussi a l'esprit intranquille, s'inquiétant des prophéties, et qu'il recherche son roi pour venir le sauver. Je suis entouré de petites gens peints avec les pinceaux de la lâcheté... Il n'y a que les princes qui connaissent l'honneur et les nobles intentions, le reste ne connaît seulement la mesquinerie et le profit. Moi, en légitime héritier de Salazar Serpentard…
D'un geste brusque, il reprit de sa longue main blanche la missive des pattes grasses de son serviteur avant de le congédier. Il s'éloigna davantage sur le balcon pour observer la lettre. Ses boucles noires qui portaient tout l'orgueil de sa noble filiation magique retombaient devant ses yeux lors de sa lecture attentive.
La forêt de Qohort serait donc la première étape de sa quête. Ces sept objets légendaires ayant appartenu jadis à Serpentard lui conférait les armes pour remettre la couronne sur son crâne.
En détournant le regard, le prince considéra un instant la nuque diaphane de Nagini. La nature incertaine de cette dernière lui conférait une atmosphère de mystère qu'il trouvait très plaisante. Peut-être n'aimait-il qu'elle dans le fond... Enfin, il s'agissait davantage de reconnaissance magique que d'amour véritable. Salazar Serpentard aurait-il calculé la sécheresse de son cœur et rusé en conséquence ? Car finalement, la belle jeune femme mystique n'était qu'un serpent ensorcelé qui, par contrat magique, le servait.
Il était face au constat pénible qu'aucun de ses sujets ne serait épris d'une dévotion pure mais ne se soumettait que par crainte et par profit... L'amour était bien loin de tout cela. Quand l'hiver viendra, peut-être les laisserait-il mourir; après tout, ils n'avaient rien de précieux.
Se rapprochant de la rambarde du balcon, il sentit avec satisfaction le vent du changement.
Le vibrato des bourdons de la viole de Gambe jouée par les domestiques dans la cour s'élevait jusqu'au balcon de pierre et venait charmer les sens du seigneur, remuant des de vagues souvenirs brumeux.
La musique reprenait les comptines glorieuses narrant la chute des seigneurs maudits de Harrenhal qui avaient osé défier la maison Serpentard. Cela lui laissait un goût âpre dans la bouche : s'il entendait l'histoire, les traditions et les coutumes des terres de l'ouest, il n'en n'avait jamais fait l'expérience. Il ne connaissait même pas son royaume. De Westeros, il n'avait pour seul souvenir que le trône de fer se reflétant dans une mare de sang et la pluie battant les pavés. Ses maudits parents, il les égorgerait une deuxième fois pour responsables de son exil. Le royaume ne connaissait pas son souverain légitime, et cela, c'était la faute de ses mauvais aïeux qui avaient laissé s'échapper la capitale magique et perdu ses sujets.
Le prince Tom Jedusor, le roi en exil, demeurait l'unique descendant du légendaire roi sorcier Salazar Serpentard.
Il y a trois mille ans, lorsque les anges et les démons peuplaient encore le monde, les deux plus grand sorciers Merlin et Morgane, se livrèrent une guerre sans merci. Cette guerre redessina le monde que l'on connaît aujourd'hui, et qui en porte encore les stigmates. Le feu combattit la glace, mille races d'animaux légendaires disparurent, la magie bouillonna dans les veines magmatiques du sous-sol, et enfin la terre se brisa en deux.
La sorcière fut victorieuse quand Merlin, piégé par son maléfice, rendit son dernier soupir. Son corps charnel fut définitivement détruit et son esprit emprisonné à tout jamais. Et pour prendre sa relève, quatre sorciers que Merlin avait pris sous son aile se battirent contre Morgane Salazar Serpentard, Godric Gryffondor, Rowena Serdaigle et Helga Poufsouffle. Cette ère fut nommée alors l'âge des héros, et ce fut l'aube du premier âge. Tuant le corps de Morgane et repoussant son esprit de l'autre côté du Mur avec l'armée qu'elle avait invoqué, ils prirent, en récompense de leurs exploits, le continent ouest et se le divisèrent en parts égales. Chacun des héros régna sur un royaume. Le grand roi Godric Gryffondor devint gouverneur des Terres du Nord, Elena Serdaigle, souveraine des Terres de l'Orage, et Helga Pouffsoufle, reine des Terres du Conflant. Quant à Salazar Serpentard, il s'octroya les Terres de l'Ouest. Le continent de l'est se constitua alors en « cités libres ».
Mais des années plus tard, alors que les quatre régnaient sur le continent de l'ouest, des conflits d'ordre idéologique vinrent bousculer les temps tranquilles. Serpentard se dressa contre les autres héros, et cela car il désirait que la magie ne soit l'apanage que de quelques-uns, les plus sages, les plus érudits, afin que ceux-ci puissent diriger le royaume, pour le bien de tous. Gryffondor, Poufsouffle et Serdaigle, quant à eux, souhaitaient partager leur magie et en faire profiter le peuple. Une nouvelle guerre éclata alors, dont Salazar Serpentard sortit vainqueur. Après avoir tué ses adversaires, il devint le souverain du Royaume des Sept Couronnes, et décida que chaque enfant d'un souverain Serpentard hériterait de la magie du roi sorcier. En fragmentant son âme, il cacha la puissance magique des quatre fondateurs dans sept objet précieux : les horcruxes. C'était en eux que se trouvait le pouvoir originel, source de la magie de sa famille. En ce faisant, il invoqua une magie si noire que les étoiles quittèrent de ciel du monde pendant cinquante ans.
Ce fut la longue nuit. Un demi-siècle plongé dans les ténèbres, éclairé au flambeau. La longue nuit ne fut pourtant pas une période de tristesse : les joies, la liesse et les fêtes n'en furent que plus passionnées. Sans la lumière, il n'y eut plus de juge, les hommes devinrent sensuels et amoraux. Ils renouèrent avec l'état nature et furent heureux comme des bêtes. Mais les terres sont stériles sans le soleil, les hommes clamèrent leur nourriture. Alors le roi-sorcier, pour répondre aux besoins de son peuple, érigea les Trois Fontaines de vie du Basilic, un gigantesque hydre de grès tricéphale crachant des cascades de vin, de miel et de du nectar. Sous la grande nuit, les hommes vivaient comme des nymphes.
Aveuglés par leurs inclinations, ils demeuraient déraisonnables, tout n'était que sensation : loin des lumières de l'esprit, ils se faisaient animaux dictés par leurs pulsions il n'y avait plus de philosophes, mais des poètes. Allongé sur le mur de glace, mangeant de la neige, la langue froide et la fourrure chaude, le Roi Salazar mourut et se laissa tomber du haut du mur.
Les lumières célestes réapparurent, et de ce fait, le nouveau roi fut surnommé Nathair le Lumineux. Grand bâtisseur, il fit construire le port d'argent, la bibliothèque d'ivoire, le palais de cristal, ainsi que les six châteaux de l'étoile à travers le continent pour chacune de ses sœurs, comme cadeaux de mariage avec les premiers chevalier du royaume. Le règne de Nathair le Lumineux fut un moment où la science brillait, où la philosophie se clamait et où la réflexion fut dense. Ce fut le temps de la raison.
Le roi Nathair qui pratiquait la magie la plus noble épousa la plus belle de ses sœurs, Giftig. La reine Giftig avait tout de son père : sa longue chevelure sombre brillante, sa peau pâle et son inclination pour la noirceur, ainsi que son caractère vaniteux et envieux. Giftig était la plus belle mais la plus maladive. Pour soigner son âme, elle se retrancha dans l'esthétique, et fut de ce fait la souveraine de tous les artisanats. Pour la beauté de la vertu, elle instaura un code d'honneur qui était encore à ce jour partagé par tous les chevaliers, et créa la morale.
Or la dégénérescence d'une famille approche lorsqu'elle perd ses valeurs.
Mérope, ou celle que l'on surnomma la Reine Folle, était, déjà enfant, gâtée par la maladie. Faible, elle ne pratiquait plus la magie pécheresse, elle n'en n'avait pas hérité, mais la chute fut promise lorsqu'elle s'unit par un hymen à un étranger à la lignée des Serpentard. Elle fit entrer du sang impur dans les veines de la Maison.
Tom était l'héritier de Serpentard, et pour reconquérir son trône, il fallait devenir Serpentard lui-même, il fallait se faire sorcier en s'aidant des restes de magie en lui et des horcruxes, et s'il ne pouvait pas obtenir la dévotion du peuple, il le soumettrait.
Les rayons du soleil brûlant de Pentos l'écœuraient et lui semblait l'affecter au plus profond de son être. Son tempérament n'était compatible qu'à la fraîcheur du trône de fer, son âme n'avait de tempérament que pour régner sur des terres plus froides.
Il reprendrait les sept couronnes puis il prendrait le continent de l'ouest, juste pour avoir le plaisir de les voir, eux et leur satané soleil, à genoux.
