Tsubomi avait la parfaite attitude d'une élève assomée d'ennui, prête à s'endormir. Elle s'était mise au dernier rang dès le début de l'année car elle avait pu constater que les professeurs ne faisaient pas vraiment attention à cette partie de la classe. Elle qui se fichait pas mal des cours ne se faisait donc pas remarquer, un écouteur glissé dans sa manche et de la musique plein les oreilles. Ashes Remain, un de ses groupes préférés. Elle regardait sans grand intérêt par la fenêtre le ciel gris et maussade, qui annonçait une averse proche.
L'homme d'un certain âge debout devant ses élèves qui leur expliquait une théorie quelconque parlait d'une voix nonchalante, sans émotion, comme si son propre cours l'ennuyait à mourir. Certains adolescents prenaient des notes, d'autres suivaient ses explications avec peu d'entrain et les plus motivés s'y intéressaient et posaient des questions. Tsubomi, elle, ne l'écoutait même pas. Absorbée dans ses pensées, c'est tout juste si elle se rendait encore compte qu'il s'adressait à la classe. Pour elle, les journées au lycée défilaient toutes de la même manière : une poignée d'heures à regarder par la fenêtre, souvent en écoutant sa musique, sans rien noter des paroles débitées par des gens qui ne l'intéressaient pas plus que ce qu'ils racontaient. Elle détestait les cours. Inscrite à aucun club du lycée, elle n'avait pas non plus d'amis. On pouvait même dire qu'elle était transparente aux yeux des autres. Elle n'aimait pas franchement les gens, préférant la compagnie de sa musique à la leur ; ce que les gens lui rendaient bien puisqu'ils l'ignoraient totalement.
La solitude ne la dérangeait pas, elle y était habituée. Et puis l'attitude fausse de tous ceux qu'elle côtoyait renforçait son désintérêt envers eux. Chaque faux sourire, chaque mensonge, chaque dispute idiote entre deux personnes ne provoquaient en elle qu'un agacement prononcé pour la société. Lorsqu'elle entendait un des élèves parlant d'un autre en se plaignant de tel trait de son caractère, ou l'insultant parce qu'il avait refusé de lui obéir, elle était exaspérée de tant de stupidité humaine.
Les seules voix qu'elle pouvait écouter s'exprimer jour et nuit provenaient de son IPod. La musique et le chant représentaient à peu près une des seules sources de bonheur dans sa vie morose et répétitive.
Les nuages qu'elle observait par la fenêtre semblaient lourds de pluie. Elle espérait avoir le temps de rentrer chez elle avant qu'une averse n'éclate... Pressée de partir ce matin, elle n'avait pris ni vêtement imperméable ni parapluie. Elle allait peut-être le regretter.
La sonnerie retentit soudain, interrompant le flux de ses pensées. Un peu endormie par le cours, elle sursauta, mais personne ne s'en rendit compte. Le professeur tenta de leur donner quelques devoirs, mais presque personne ne l'écouta, alors il abandonna en soupirant. Il n'était pas connu pour sa persévérance.
Sa chanson étant à quelques secondes de la fin, Tsubomi attendit la dernière note, puis éteignit à regret son IPod et cacha ses écouteurs dans sa manche. Elle n'aimait pas vraiment être interrompue dans sa musique. Pour elle, c'était comme briser une bulle autour de son esprit, ou se faire réveiller en sursaut. Un retour brutal à la réalité, un rêve arraché au plus beau moment.
C'était l'ultime heure de cours de sa journée, et elle soupira de soulagement en le constatant. Enfin... Fourrant ses affaires dans son sac, elle attendit que le professeur donne nonchalamment l'autorisation de sortir. Comme toujours, les amis dispersés par les placements se retrouvèrent et sortirent de la salle en groupe de quatre ou cinq, en plaisantant. Tsubomi, seule, suivit le mouvement et traversa le couloir bondé élèves, se faisant bousculer par des épaules ou des sacs à maintes reprises. Elle grogna mais elle en avait l'habitude, alors elle ne prenait même plus la peine d'en être frustrée. Parfois, lorsqu'ils la bousculaient, certains riaient ; d'autres s'en fichaient complètement. Peu importe leur réaction, elle les ignorait et continuait son chemin. Elle n'avait qu'une idée en tête chaque jour à la dernière sonnerie : quitter le lycée et son effervescence insupportable au plus vite.
Dans les escaliers, il y avait encore plus de monde. Tsubomi se fraya un passage parmi ceux qui montaient et ceux qui descendaient, en ne pensant qu'à sortir pour remettre son IPod en marche. Elle traversa le couloir du rez-de-chaussée, moins encombré, puis déboucha sur la cour et enfin le portail. Un dernier attroupement devant ce dernier, et puis elle se retrouva dehors. Un peu irritée de la précipitation des lycéens qui hurlaient de frustration pour pouvoir sortir, elle se replongea vite dans sa musique. One Ok Rock, un autre groupe qu'elle adorait, joua dans ses oreilles The Beginning. Elle se mit à marcher dans la direction opposée au lycée sur le rythme de la chanson, par réflexe comme elle le faisait d'habitude. Se concentrant entièrement sur la voix du chanteur, Taka, elle en oublia tout le stress de sa journée. Si elle fermait les yeux, la jeune fille pouvait s'imaginer un tas de choses le temps d'une musique : une chorégraphie, un clip, et même l'histoire d'une vie en fonction des paroles.
Tous les jours, après le lycée, Tsubomi rentrait directement chez elle. Les sorties entre amis ne l'intéressaient pas, et de toute façon elle n'avait personne avec qui partager ce genre de choses. Mais aujourd'hui, à la demande de sa grande sœur, elle avait prévu de faire un détour pour s'acheter quelques nouveaux vêtements. Son aînée lui avait avoué qu'elle trouvait son armoire très pauvre, et suggéré d'aller faire les boutiques rapidement en rentrant pour se trouver quelque chose de nouveau à porter. Cela n'importait pas vraiment Tsubomi : pour elle, un tee-shirt classique, un sweat et un jean constituaient l'essentiel d'une tenue. Elle évitait les jupes ou les robes, trop féminines et souvent trop courtes à son goût. Elle se sentait plus à l'aise en pantalon, et cela lui permettait aussi d'éviter les regards indésirables.
Pour elle, avoir un nombre élevé d'habits lui importait peu. Toutefois, la perspective de s'acheter de nouveaux vêtements lui permettait de prendre un peu l'air. Et puis elle avait son IPod avec elle, donc le bruit ne la dérangerait pas. Si l'on considérait les choses de cette facon, sortir un peu avait quelques aspects positifs... Finalement sa soeur avait peut être eu raison de le lui proposer. Convaincue, Tsubomi prit donc le chemin de la rue commerçante. À part quelques adolescents ou de jeunes adultes, il n'y avait pas grand monde. Vers seize heures trente, le mardi, ce n'était pas étonnant. La jeune fille s'en réjouit : elle n'aurait pas encore à se mêler à une foule. Elle se détendit un peu.
Une brise légère soufflait, jouant avec ses longs cheveux d'un beau vert sauge. C'était un vent doux et frais, mais pas froid, il était plutôt agréable pour un mois de mars. Elle replaça distraitement une mèche de cheveux qui lui tombait devant les yeux derrière son oreille et continua sa route.
Au détour d'une rue, elle aperçut les premières boutiques. Elle replaça son sac correctement sur son dos d'un coup d'épaule, pestant intérieurement contre le poids de l'objet. Quelques polémiques avaient été soulevées pour alléger les cartables, trop lourds, mais aucune n'avait vraiment abouti. Tant pis. Se plaindre n'arrangerait rien, aussi Tsubomi se concentra sur son but premier : elle était venue acheter des habits neufs.
Son regard navigua entre les devantures des magasins pour en trouver un qu'elle appréciait, surtout parce qu'il vendait des vêtements simples, pas trop voyants et avaient un large choix au rayon pour garçons. La jeune fille achetait parfois des vêtements masculins, plus adaptés à sa façon d'être. Elle n'aimait spécialement les habits de fille, certains mettaient trop en valeur, montraient trop certaines formes du corps, ou ne lui correspondaient pas tout simplement. Un jean lui seyait bien mieux selon elle.
Elle trouva enfin la boutique qu'elle recherchait et entra. Le lieu n'était pas très grand et la décoration plutôt simpliste, à l'image des vêtements qu'ils proposaient : les murs peints en gris, noir et blanc, les caisses en violet foncé, et les étalages disposées sous formes de rangées quelconques organisées en fonction de la nature du vêtement proposé. Tsubomi repéra le rayon des sweats et se dirigea vers celui-ci pour commencer. Ils se ressemblaient tous plus ou moins... Gris, noirs, violets, bleus, verts ou rouges, unis pour la plupart et tous équipés d'une capuche. Elle les observa un par un, hésitant un peu, puis aperçut derrière quelques vestes un sweat violet, d'une très jolie couleur, qui lui plût tout de suite. Muni d'une capuche avec deux yeux de chat verts, et autrement très classique, elle le trouvait bien. Attrapant un exemplaire, elle se dirigea ensuite vers les jeans. Dans ce rayon-ci, elle eut moins de mal à trouver ce qu'elle voulait. Un pantalon très simple, droit, bleu foncé lui plût immédiatement et elle le prit sous son bras avec le sweat.
Tsubomi flâna un peu dans les autres rayons. Sa musique et le calme de la boutique étaient très agréables, contrastant totalement avec le lycée bruyant et stressant. Et puis chercher une poignée de nouveaux habits n'était pas si ennuyant, même si la jeune fille ne voyait pas cette activité comme un réel besoin. Rentrer chez elle avec trois, quatre articles au bout d'une vingtaine de minutes était suffisant.
Il lui fallait peut-être un tee-shirt. Elle en regarda quelques-uns, puis finit par en choisir deux : un blanc avec une inscription en noir "NO" et l'autre rouge foncé uni en coton. En se dirigeant vers la caisse pour payer ses articles, elle aperçut une paire de baskets qui attira son regard. Elles étaient noires et grises, un peu montantes, et iraient très bien avec le reste de ses achats. Elle attrapa une paire à sa taille et coinça la boîte dans sa main libre. Un peu chargée, elle approcha des caisses. Personne ne faisait la queue aussi elle encaissa ses articles, paya et prit le chemin de la sortie.
Avec un sac dans chaque main, se perdant dans sa musique, elle franchit les portes de la boutique. Une brise fraîche lui ébourrifa les cheveux et elle esquissa un sourire, car c'était agréable... Finalement, sortir un peu était plutôt sympathique de temps en temps, même seule... Et puis, en semaine, les rues étaient quasiment désertes. Personne pour la stresser... Elle soupira de bonheur.
Tsubomi s'apprêtait à rentrer chez elle, mais soudain, quelqu'un lui fonça dedans et la percuta brutalement sur sa droite. Un cri de surprise s'échappa de sa gorge. Elle s'écroula sous le poids de son assaillant, en sentant une douleur lui traverser l'épaule. Ses écouteurs s'arrachèrent de ses oreilles en la faisant violemment revenir dans le monde réel.
"Ah !"
Elle heurta le sol avec force et grogna. Un instant hébétée par sa chute, elle resta immobile, le temps de reprendre ses esprits. Elle sentit quelqu'un près d'elle et leva la tête. Un garçon à l'air ahuri était assis sur le sol, et se frottait l'arrière du crâne en grommelant. Il avait des cheveux blonds clair, une mèche un peu plus longue que les autres sur le côté droit de son visage et des yeux dorés, dont l'iris était si fin qu'il ressemblait à celui d'un chat. L'expression du garçon laissait d'ailleurs tout à fait penser qu'il ressemblait à cet animal.
Il sembla enfin comprendre ce qu'il s'était passé, et regarda Tsubomi une seconde avant d'ouvrir de grands yeux ronds et de s'exclamer :
"Oh, je t'ai bousculée ? Je suis désolé ! Tu... Tu es vraiment invisible, tu sais ! On dirait un fantôme !"
"Hein ?"
La jeune fille se brusqua en entendant la fin de sa phrase. Un fantôme...? Elle détestait être appelée ainsi et détourna vivement le regard, vexée. Le garçon comprit et s'excusa de nouveau, maladroitement :
"Non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, désolé... Euh..."
Tsubomi soupira.
"Ce n'est rien. Je ne t'avais pas vu non plus."
Elle se releva et grimaça en sentant les muscles de sa jambe et son bras droits se tendre douloureusement.
"Ça va ?" demanda l'adolescent, qui avait remarqué.
"Oui, c'est bon."
Tsubomi se pencha pour ramasser un premier sac, et lorsqu'elle se redressa, le garçon lui tendait le second en souriant. Il avait un sourire un peu moqueur, espiègle, qui rendit la jeune fille plutôt distante.
"Merci."
Elle prit son second sac et s'apprêta à s'en aller, mais il la retint.
"Attends ! Je m'appelle Shuuya. Shuuya Kano. Et toi ?"
"Tsubomi Kido."
Le blond sourit un peu plus.
"C'est joli prénom. Dis-moi, Tsubomi, puisque je t'ai bousculée, tu veux que je t'accompagne quelque part pour me faire pardonner ?"
Son expression se fit encore plus espiègle, si c'était possible. La jeune fille, de plus en plus mal à l'aise, eut un mouvement de recul. C'était déjà étrange qu'il fasse attention à elle, mais qu'il lui propose une promenade la perturbait vraiment. Est-ce qu'il avait à l'esprit l'idée de flirter avec elle ? Cette perspective donnait à Tsubomi l'envie de s'éclipser au plus vite. Elle n'avait aucune envie de rester avec ce garçon qu'elle ne connaissait même pas... Elle détourna encore le regard.
"N-non. Je rentrais chez moi."
Elle espérait que cela suffirait à le faire abandonner mais malheureusement Shuuya insista.
"Je peux t'y accompagner ! Comme ça plus personne ne te bousculera."
Il se rapprocha un peu, amicalement, mais la jeune fille fit quelques pas en arrière pour garder une distance entre eux.
"Ce n'est pas la peine."
Le garçon s'arrêta lorsqu'elle recula. Il inclina la tête et sourit, sans comprendre pourquoi elle le fuyait.
"Mais j'ai envie de te connaitre."
Tsubomi se sentit rougir, de plus en plus troublée par le comportement de son interlocuteur. Les gens ne voulaient pas la connaitre. Les gens l'ignoraient. Sur le point de perdre ses moyens, elle secoua la tête pour se tranquilliser et analyser la situation. Elle avait visiblement affaire à quelqu'un qui semblait savoir s'y prendre avec les filles... Ah. Tout s'expliquait. Ce garçon aimait plaire, alors il flirtait avec les demoiselles qu'il rencontrait pour les séduire... L'adolescente soupira. Dire qu'iqu'il avait failli l'intimider avec son sourire insolent et son assurance... Elle se planta devant lui en le regardant dans les yeux, et lui dit, sur un ton détaché et dénué d'émotion :
"Je préfère qu'on en reste là. Salut."
Sans attendre sa réponse, elle remit ses écouteurs dans ses oreilles et se détourna en reprenant sa route. Le garçon, déconcerté, hésita un instant à la poursuivre. Cette fille l'intriguait. Finalement, elle disparut au détour d'une rue et lui haussa les épaules.
"Tant pis..."
Il prit le chemin opposé en sifflotant distraitement, croisant les mains derrière sa tête de façon décontractée.
/ Salut !~ Ceci est le premier chapitre de ma fanfiction KanoKido, un peu court mais ce n'est qu'un début ! Je ne sais pas s'il y a des français sur ce site... Je l'espère ! Car il n'existe que très, très peu de fanfictions KanoKido en français (je n'en connais qu'une seule pour ma part) alors pour ceux qui ne peuvent pas les lire en anglais ou autre, en voici une en français.~ Les chapitres suivants devraient normalement sortir de façon hebdomadaire, mais rien n'est sûr... La flemmardise est un vilain défaut ! ;) J'espère que quelques francophones pourront tomber dessus et lire ma fanfiction, et que si vous la lisez vous l'apprécierez. Sur ce, à la semaine prochaine.~ /
