PROLOGUE
Londres, 1995 : Eleazar tenait fermement le bébé dans ses bras tout en prenant garde de ne pas blesser ce précieux être qui commençait à s'agiter et à pleurer. Le regard du garde se porta vers la maison en flammes et dans laquelle les derniers membres de la famille Bukater, à l'exception de celui qu'il tenait délicatement contre lui, devaient se consumer rapidement faisant ainsi disparaître toutes traces de son crime. Tandis que les flammes s'élevaient hauts dans le ciel, Eleazar sentit une immense vague de culpabilité l'envahir. C'est le prix de ta liberté avec Carmen, Aro se sentira comblé avec elle.
De sa main libre, Eleazar souleva délicatement la couverture qui dissimulait le visage du bébé qu'il tenait dans ses bras. La petite Rose n'avait que quelques mois, quatre tout au plus, c'était un magnifique poupon à la peau de pêche et dont les joues roses étaient encadrées de grosses boucles blondes. La petite fille ouvrit ses grands yeux bleus azur et sourit lorsque son regard innocent se plongea dans les prunelles pourpres de son ravisseur. Pourquoi souris-tu, tu devrais me haïr. Pensa le Volturi en couvrant à nouveau le visage angélique de la couverture de coton qu'il avait dérobé dans son berceau et dont les initiales brodées de fils de soie rose, R. B., avaient dues être cousues de la main aimante de sa mère.
Autour de lui, la ruelle auparavant déserte commençait à s'agiter, les badauds sortaient sur leurs paliers ou ouvraient leurs fenêtres afin d'avoir une meilleure vue sur le triste spectacle dont il avait été l'acteur principal et le metteur en scène. Au loin, il entendit les camions de la caserne de Earl's Court enclencher leurs sirènes signe que les secours seraient bientôt sur les lieux. D'un geste d'une dangereuse précision, Eleazar rabattu la capuche de son long manteau noir et posa une main protectrice contre le visage du précieux chargement qu'il tenait dans ses bras et qui lui permettrait de négocier enfin cette liberté qu'il convoitait depuis longtemps. C'était le prix à payer, un dernier massacre contre une éternité sereine. Le vampire tentait de se rassurer mais les sanglots de Rose ne cessaient de lui rappeler l'acte atroce qu'il venait de commettre.
L'espagnol jeta un dernier regard autour de lui comme pour s'assurer que la masse humaine qui était désormais regroupée autour de lui été hypnotisée par la vision macabre d'une famille détruite par les flammes, et partit en direction de Southampton où un ferry pour la France s'apprêtait à lever l'ancre dans quelques minutes.
Le roulis des vagues de la Manche semblèrent avoir eu raison des gémissements de Rose qui dormait désormais paisiblement à en juger par sa respiration sonore et régulière. Dors petit ange, tes prochaines nuits seront sûrement moins sereines. La nuit était fraîche et le corps chaud de la petite fille semblait pourtant incapable de réchauffer le cœur immobile et sans vie contre lequel elle dormait profondément.
Eleazar n'avait pas agis sur un coup de tête, le garde n'était guère impulsif et il s'était longtemps demandé si Aro accepterait de recueillir l'enfant maintenant. Est-ce qu'il aurait été plus judicieux d'attendre que Rose atteigne ses 18 ans ? Mais il y avait Carmen. Carmen. En pensant à elle, Eleazar se souvint pourquoi il avait fait tout cela et surtout pourquoi il était impératif qu'Aro lui rende sa liberté. Mais avec elle, Aro sera obligé de me laisser partir, il n'aura plus besoin de moi. Pensa Eleazar qui n'avait de cesse de se répéter cette même phrase depuis qu'il avait commencé à élaborer son plan macabre comme pour se convaincre qu'aucune autre issue, si ce n'était la réussite de son dessein, n'était envisageable. A l'horizon, les côtes françaises se dessinaient lentement et en peu de temps, l'espagnol serait devant ses juges et bourreaux à attendre un verdict incertain.
Le garde n'avait pas perdu de temps et il était désormais au pied de la magnifique cité de Volterra dont la grande tour du château semblait transpercer le ciel. Il faisait déjà jour et Eleazar avait perdu beaucoup de temps avec cette traversée en bateau et certains gardes, peut-être même ses maîtres, devaient se demander où il était. Ils penseront que je suis avec Carmen. La cité médiévale était parcourue de souterrains élaborés par les Volturi au fil des siècles, leur permettant ainsi de sortir et de rentrer dans la ville sans attirer l'attention. Eleazar s'arrêta devant une grille en fer dissimulée sous une cascade de feuilles, il vérifia que la petite Rose était toujours endormie et, tout en prenant garde de ne pas la réveiller par le grincement insupportable de cette porte dérobée, il s'enfonça dans un long corridor de pierres. Il y faisait froid et humide ce qui contrastait fortement avec le soleil omniprésent et rassurant de Toscane. Il dissimula un peu plus son chargement sous les pans de son manteau, espérant dissimuler ce petit trésor aux yeux du monde même si il savait pertinemment qu'une fois dans l'enceinte du château, la plupart des gardes sentiront sa présence.
Eleazar marcha d'un pas rapide mais silencieux. Il ne pouvait plus attendre, son agonie devait cesser et il lui fallait connaître le jugement d'Aro au plus vite. Il se demandait quelles gardes seraient présents, sûrement Demetri, Felix et Renata. Jane n'était usuellement pas mandatée pour rester toute la journée avec Aro, Caïus et Marcus ce qui le soulageait grandement car elle ne tolérait guère la moindre présence humaine, aussi douée soit-elle.
L'espagnol passa rapidement devant la nouvelle réceptionniste des Volturi qui le salua poliment, comment s'appelait—elle ? Giancarla ? Romina ? Ce n'était guère important, après tout, elle serait bientôt donnée en pâture à la garde. Alors qu'il parcourait les derniers mètres le séparant de la salle du trône, Eleazar fut envahi de doutes et il ralentit instinctivement le pas. Comme si Rose pouvait sentir les tensions de celui qui l'avait arraché à sa famille, le bébé se mit à gazouiller, c'était un bruit curieux et doux. Le Volturi tenta de voir un peu l'angelot qu'il tenait fermement contre lui depuis son départ d'Angleterre mais ce dernier était enfoui dans sa couverture.
«Aro t'a fait demander, et comme à ton habitude, tu n'étais pas présent, Eleazar. La voix grave et menaçante de Demetri résonnait dans le grand couloir dont l'impressionnante hauteur sous plafond semblait pourtant écraser l'espagnol.
Eleazar se retourna et se retrouva nez à nez avec Demetri, l'un des hauts gradés de la garde des Volturi et un membre fort apprécié d'Aro et de Caïus pour son efficacité et sa cruauté. Demetri était grand et sec pourtant, il ne fallait pas se laisser tromper, le vampire jouissait de rares aptitudes au combat et l'espagnol l'avait vu tuer froidement et méthodiquement des nouveau-nés bien plus forts que lui. Le traqueur devait avoir à peine vingt ans lorsqu'il avait été changé mais sa froideur et son tempérament calme en apparence donnait une indication sur son âge réel qui, d'après Felix, était supérieur à mille ans.
-J'avais à faire, Demetri, et j'amène un présent pour Aro. Demetri s'approcha lentement d'Eleazar et son regard sanguinaire se posa sur la masse blanche que le garde tenait dans ses bras.
-Tu penses sincèrement qu'une collation sera suffisante ? Demanda Demetri d'une voix teintée de mépris en fixant le paquet que transportait Eleazar avec tellement de précautions.
-Laisse-moi passer, je dois discuter avec nos maîtres !
Eleazar força le passage en ignorant le regard moqueur du traqueur qui, de l'ensemble des membres de la garde, était sûrement celui qui le méprisait le plus. Demetri n'avait jamais supporté la présence de l'espagnol à chacune de ses missions ne voyant pas son utilité et se plaignait régulièrement de son inefficacité au combat. Eleazar craignait Demetri car contrairement à Felix qui était impulsif, Demetri était réfléchis et froid, il ne lâchait jamais rien, ni personne et depuis son arrivée il avait été dans son collimateur.
Eleazar ne prit pas la peine de frapper et il entra dans la salle du trône sans demander audience. Les trois chefs des Volturi se tenaient majestueusement assis sur leurs trônes respectifs, toisant le jeune garde de toute leur superbe. Timidement, Eleazar fit quelques pas jusqu'à atteindre le centre de la grande salle circulaire dont le marbre froid et les dix mètres de haut de la coupole qui coiffait la plus belle des salles du château faisait résonner les pas silencieux du Volturi. La grande salle était entourée d'une colonnade de marbre rose. Les vitraux qui se trouvaient au sommet de la coupole filtraient la lumière brûlante de Toscane et conférait à la pièce une dimension quasi-divine ce qui devait particulièrement à Aro.
Le Maître incontesté des Volturi sourit en voyant ainsi son garde s'approcher de lui en tenant dans ses bras un petit humain. Eleazar avait toujours eu le don de l'amuser, bien malgré lui. Aro se tenait droit, son visage de marbre était encadré par des cheveux raides de couleur ébène. Ses traits étaient bien plus chaleureux que ceux de Caïus qui portait toute sa cruauté gravée sur son visage, pourtant les ambitions démesurées de son frère et son esprit changeant et vicieux lui conféraient une dimension bien plus inquiétante. Il était facile de lire en Caïus ou tout n'était que violence et destruction. Aro était un personnage contrasté et terriblement complexe dont les décisions prenaient souvent de court la plupart des membres de la garde.
-Je vois que tu m'amènes un présent, Eleazar, la voix d'Aro était irréelle de douceur ce qui ne contribua pas à rassurer l'espagnol.
Aro se leva et fit quelques pas en direction de son garde dont l'efficacité déclinait depuis que ce dernier s'était lié avec cette Carmen. Peut-être Demetri avait raison ?
Le garde tendit instinctivement sa main vers Aro qui s'empressa de la saisir. Le visage de son Maître, tout d'abord fermé, sembla s'illuminer et un sourire calculateur s'esquissa sur son visage. Aro se redressa et se tourna vers ses frères, les mains jointes comme à son habitude, comme si il souhaitait un peu plus contenir les informations qu'il venait de recevoir.
-Mes frères, c'est un magnifique cadeau que nous apporte Eleazar ! s'exclama Aro tout en reportant son attention vers son garde.
-Puis-je la tenir dans mes bras ? Demanda-t-il en tendant ses avant-bras vers l'espagnol qui y déposa, avec beaucoup de précaution, la jeune Rose.
Le bébé se réveilla et se mit à gazouiller. De là où il se trouvait, Eleazar pouvait imaginer ses deux grands yeux, semblables à deux grands lacs, regarder tout autour d'elle comme si sa curiosité prenait le dessus le manque consécutif à l'absence de sa mère. Au contact du bébé, Aro poussa un petit cri d'excitation.
-Qu'y a-t-il, Aro ? Demdanda Marcus d'une voix morne mais qui trahissait malgré tout son soudain intérêt.
-Mes frères, avez-vous déjà imaginé tout ce que nous pourrions faire d'un miroir ? La voix d'Aro se ponctuait d'excitation et ses yeux d'un rouge crémeux pétillaient en imaginant l'utilisation qu'il pourrait faire de ce chérubin.
-Un miroir ? Demanda Caïus avec irritation comme si les énigmes perpétuelles d'Aro l'agaçaient au plus haut point.
-Imaginez, un pouvoir capable de renvoyer celui des autres, provoquant un véritable un retour de flamme et l'immunisant par la même occasion. Ce petit être n'est-il pas fascinant ?
Eleazar, en voyant la réaction de son Maître, se relaxa un peu. Il avait eu raison et Rose serait sûrement la clé de son bonheur futur. Tout cela n'avait pas été vain.
-Qu'allons-nous faire d'un bébé ?! S'exclama Caïus qui commençait à penser qu'Aro perdait l'esprit.
-Tu ne comprends pas, mon frère ? Imagine un enfant grandissant au sein des Volturi et dont la loyauté envers nous serait celle d'une fille envers sa famille. Aro fixa la jeune Rose et lui sourit avant de reprendre. Une fille ne trahirait jamais son père, n'est-ce pas jeune et orpheline Rose ?
Je sais que je suis en train d'écrire une autre histoire sur les Volturi mais, plus je relis « la non-vie de Corin Volturi », moins elle me plaît. Je ne la trouve pas assez aboutie et très honnêtement j'ai désormais le sentiment qu'elle part dans tous les sens.
Cela fait quelques jours que l'idée de Rose me trotte dans la tête alors j'ai essayé de mettre sur le papier ce que j'avais en tête.
Bonne lecture !
