Je ne supporte plus de le voir si malheureux. Je suis censée lui donner la joie de vivre. Ironique, non ? Quand on sait que s'il est si triste, c'est précisément parce que bientôt, j'aurais cessé de vivre.

Je ne supporte plus de le voir lutter contre lui-même. De le voir se battre pour ne pas montrer sa peine à qui que ce soit. Surtout pas à moi. Mais ou il n'arrive plus aussi bien qu'avant à se dissimuler derrière le masque de l'Amiral, ou je commence à vraiment trop bien le connaître et cette façade ne me laisse plus dupe.

Je ne supporte plus de faire souffrir cet homme si bon. Cet homme que j'aime tant. Il vaudrait mieux que je meurs maintenant, qu'il souffre un bon coup tout de suite puis panse la petite plaie que je laisserai en lui.

Je ne supporte plus de le voir si vidé de toutes choses, si épuisé, si perdu, si torturé. Et pourtant, je sens que je vais encore ajouter à son terrible fardeau.

Il veut que je porte sa bague. Celle de son union avec Carol-Ann. Celle qu'elle lui avait elle-même passé au doigt.

Je n'ai rien contre l'idée d'une sorte d'union pour lui et moi, mais dans un coin de ma tête, j'ai du mal à accepter, j'ai du mal à accepter l'objet qui a marqué son amour pour une autre femme que moi.

Jalousie, sans doute. Et alors ? C'est mon droit. Probablement même un des derniers que j'aurai.

Et puis il y a autre chose. Personne n'est encore réellement au courant pour nous. Hormis ceux qui nous ont vus nous embrasser.

Ce baiser …

Ce baiser était parfait.

Triste mais parfait.

Les cylons du vaisseau d'à côté ont dû s'en rendre compte aussi, étant donné la scène que j'ai faite. Qu'importe.

Le plus important pour l'instant c'est que le changement dans notre relation ne soit, miraculeusement, pas encore arrivé aux oreilles du Quorum. Et tant qu'ils sont sourds et aveugles à ce sujet, je n'ai pas à entendre crier au scandale.

Je sais déjà ce qu'ils pensent de ce qu'ils appellent la coalition ou la présidence Roslin/Adama.

S'ils apprenaient pour nous …

Je les vois déjà s'élever d'une seule voix contre ce qu'ils ne manqueraient pas d'appeler, j'en suis sûre, la « monarchie absolue et absolutiste du couple Adama. »

Voilà pourquoi je vais devoir faire souffrir Bill encore un peu.

« Je ne peux pas, Bill. »

« Laura, écoutes, je sais que ça rien d'idéal. Je sais que j'ai souvent été un frein à notre relation et que cette bague a déjà un lourd passé mais … »

« Non. Il y a un peu de ça, c'est vrai. »

« Mais ? »

Oh Seigneurs. Ne me regarde pas comme ça Bill.

Pas avec ces yeux d'un bleu d'un que je n'avais même jamais vu avant de croiser ton regard. Ce regard qui me donne envie de fondre et d'abdiquer.

D'autant que je n'ai plus que ça à faire, fondre et abdiquer devant toi.

« Mais le Quorum … »

« A des droits sur ta vie privée ? »

Son regard se fait plus dure, sec, glacial.

Je ne dois pas baisser les yeux.

« Bill, je t'aime tu le sais. »

Son manque de réaction me fait mal mais je comprends.

« Bill ? »

Ses yeux redeviennent tendres et aimants.

Il prend mes mains dans les siennes et embrassent mes doigts.

« Pardonnes-moi. »

« Non, c'est moi. Je ne tiens pas à ce qu'on se cache. Je veux seulement qu'on reste discrets. Plus le Quorum nous laissera tranquille mieux ce sera. »

Sa bague est encore au creux de ma paume. Je la lui tends.

Il va pour la prendre mais je retire ma main au dernier moment.

Il me regarde, perplexe, son geste en suspend.

« Laura ? »

Je lui souris pour le rassurer et prends la bague entre mes doigts. J'attrape sa main qui portera probablement à jamais la marque de son alliance et je passe la bague autour de son annulaire.

Il se met à sourire lui aussi.

Je suis contente d'arriver à le rendre un tant soit peu joyeux pour une fois.

Je l'embrasse, longuement. J'adore l'embrasser. J'adore l'aimer.

Je me surprends même à lui parler positivement.

« Patience Bill Adama. Un jour viendra où je porterai votre bague. »