Disclaimer : Tout est à Ubisoft.
Spoilers : Se passe entre AC : Révélations et AC3. Contient les fameuses révélations du DLC "L'Archive perdue".
Notes : Longue fic de plusieurs chapitres rédigées il y a quelques temps, elle se base sur les révélations de "L'Archive perdue" concernant un personnage important de la série, que j'avais déjà pris comme base pour une autre fic "Elle n'est pas celle que tu crois". Si vous voulez éviter le spoiler sur ce DLC et la fin de Révélations, n'allez pas plus loin. La fic se situe entre deux volets - tout ce qui est mentionné au sujet d'AC3 demeure le nom du personnage principal, le reste n'est que spéculations.
Comment ils en étaient arrivés là ? Shaun se posait encore la question, tout en connaissant formellement la réponse. Comme si son esprit ne voulait pas croire à toute cette série d'événements, à tous ces changements qui avaient chamboulés leur vie. La mort de Lucy les avait tous frappés de plein fouet. Il se souvenait encore qu'il avait dû secouer Rebecca qui, sous le choc, ne cessait de répéter des « non, non... » entrecoupés de sanglots. Peut-être même l'avait-il giflé pour la ramener à la raison. Shaun n'aimait nullement frapper des femmes – c'était tout sauf une conduite de gentleman. Mais les circonstances excusaient ce geste et Rebecca ne lui en avait pas tenu rigueur, l'aidant à transporter Desmond et Lucy dans le fourgon.
Ils avaient cru pouvoir sauver Lucy mais elle était morte, la lame l'ayant perforé en plein cœur. Là encore Shaun avait dû calmer Rebecca malgré ses pleurs, malgré l'envie de la laisser faire son deuil. Abstergo ne leur laissait pas le temps, et la cache des Assassins où ils avaient trouvé refuge ne pourrait pas les masquer éternellement aux yeux des Templiers. Et puis William les avait rejoint – ce fameux Assassin, en réalité chef de la Confrérie et accessoirement père de Desmond. Cela avait d'ailleurs fait un choc à Shaun, il n'avait jamais soupçonné aucun lien entre les deux hommes – peut-être parce que William avait toujours masqué son identité véritable. Mais après coup cela expliquait les inquiétudes sous-jacentes qu'il laissait paraître dans ses mails au sujet de Desmond. C'étaient les inquiétudes d'un père pour son fils, non d'un simple Assassin à un autre membre de la Confrérie.
Et les voilà, revenus à New York après leur cavale jusqu'en Italie. Retournez à la case départ, ne touchez pas 20 000 dollars. Shaun aurait ri de l'ironie de la situation s'il n'avait pas oublié ce que c'était. Malgré le réveil de Desmond, l'ambiance au sein de l'équipe avait chuté plus bas que la température au Pôle Nord. La nouvelle sur Lucy – ses véritables objectifs, son alliance avec Abstergo – avait détruit quelque chose en chacun d'eux. Même si Desmond tâchait de soutenir son rôle de « prophète », de jouer les durs, personne n'était dupe. Et Shaun voyait bien que la perte de Lucy, ainsi qu'un profond sentiment de culpabilité, le rongeait : Desmond n'avait pas fait que perdre une simple amie. Mais incapable de trouver les mots ou les gestes pour le réconforter, Shaun en laissait le soin au paternel. Après tout ils avaient pas mal d'années à rattraper, non ?
— Désolé les gars. Je fais une pause, besoin de sortir...
La voix de Rebecca tira Shaun de ses réflexions. La jeune femme avait déjà quitté son bureau (ils avaient réussi à trouver une planque au sein d'un ancien appartement) et enfilait sa veste. Sûrement une envie de prendre l'air. Tu m'étonnes, ici l'air est vicié par la crainte de voir débarquer Warren et ses copains pour venir prendre un café. Ou que le fantôme de Lucy vienne hanter les lieux. Shaun fixa l'écran de son ordinateur – ses travaux d'investigation n'avançaient pas d'un pouce ou si lentement qu'il n'aurait rien fait c'était du pareil au même. L'Anglais finit par abdiquer, lui non plus ne dirait pas non à un peu de repos. Et surtout un peu d'air frais pour aérer son cerveau saturé par les recherches et les informations diverses qui y circulaient.
— Je vais faire de même. Besoin de quelque chose ? Non ? Bon, tant pis.
Laissant les Miles à leurs propres recherches ou dépressions, Shaun quitta à son tour la pièce, sorti de l'appartement. Pas un bruit même dans les escaliers, hormis ceux de l'extérieur. Loin d'être centré au sein de la métropole (trop dangereux), leur nouvelle planque était placée dans les banlieues de la capitale. Résonnaient alors le passage des voitures au loin, les jeux d'enfants qui s'amusaient sur le trottoir.
Shaun retrouva Rebecca assise sur les quelques marches qui marquaient le seuil du bâtiment où ils vivaient. Elle semblait regarder les enfants qui jouaient à se lancer une balle de l'autre côté de la rue, mais Shaun savait que c'était qu'une illusion. Rebecca ne voyait rien autour d'elle, plongée qu'elle était dans ses pensées. Sûrement à se rappeler encore et encore Lucy, sa mort, les vérités sur son compte. Shaun retint un soupir – à agir ainsi, Rebecca courait droit à la dépression et il avait déjà bien à faire entre Desmond l'amoureux tragique et William qui essayait de retrouver le manuel du père parfait.
— Hey Becca. Tu vas devenir aussi grosse que Desmond si tu te contentes de rester là à rien faire.
Facepalm mental – du tact Shaun, bon sang, du tact ! Et non seuls des sarcasmes étaient sortis de sa bouche, des mots blessants. Rebecca n'avait pas tiqué, pas même un soubresaut ou un « Hey ! » peu féminin. Rien que le silence. Cet absence de réaction poussa Shaun à s'avancer, descendre une marche pour s'asseoir à côté de Rebecca et poser sa main sur son épaule. Il les entendit alors, les sanglots que Rebecca tâchait d'étouffer, si bas, presque inaudibles. Entendre cette femme si forte se laisser aller aux pleurs noua la gorge à Shaun. Elle souffrait donc encore.
— Becca... (Shaun tentait de rendre sa voix plus douce, de ne pas brusquer la femme qui s'était recroquevillée sous son contact) Si on allait se promener, hein ? J'ai cru voir qu'y avait une belle librairie dans le coin, ou si tu préfères un parc, qu'est-ce que tu en dis ?
— Je... (On aurait cru qu'on lui arrachait les mots de la gorge, que c'était un supplice de parler) Je n'ai pas très envie de... J'ai envie de rien...
— Becca, je vais être dur mais c'est pour ton bien. (Et il le pensait sincèrement) À quoi ça va te servir de ressasser toute cette histoire ? Lucy avait fait son choix – je donnerais pas mon avis, je n'ai pas envie d'épiloguer. Les conséquences ont été... désastreuses pour nous tous. Mais il faut aller de l'avant, mettre de côté tout ça...
La gifle le prit au dépourvu. Il ne s'attendait pas à cette réaction, pas du tout à ce que Rebecca le frappe. Shaun regarda la jeune femme abasourdi, la main sur sa joue douloureuse. Malgré les larmes dans ses yeux, elle avait le regard noir, ô combien noir – et ce regard sombre posé sur lui lui faisait mal, bien plus mal que la gifle.
— Comment peux-tu... Tu peux pas comprendre ! Lucy était, non, elle reste une amie ! Je peux pas, je réussis pas à... mettre de côté tout ça, comme tu dis... Comment je pourrais...
Abrutie par les larmes et la douleur, Rebecca n'arrivait même pas à tenir un dialogue correct. Elle secouait la tête comme si les mots allaient mieux sortir de cette façon. Quand Shaun lui prit les mains, elle tâcha de se dégager, criant « Ne me touches pas ! » Et malgré la douleur que causaient ces mots, Shaun se rapprocha d'elle, l'avait saisi par les poignets. Rebecca finit par se laisser tomber contre lui, le corps secoué par de profonds sanglots, ses ongles griffant l'Anglais malgré son gilet. Les mains de Shaun avaient délaissé les poignets, frottant doucement le dos de la jeune femme – seul moyen qui lui était venu à l'esprit pour l'apaiser. Les larmes lui mouillaient le cou, et cela lui rappelait combien Abstergo avait détruit la vie de Rebecca, et du groupe tout entier.
Ils paieront un jour, tous ces Templiers. Je ne sais pas encore comment, mais ils paieront.
— Pardon Shaun.. (La voix lui parvenait à demi-étouffée) Je... Ce n'est pas de ta faute, je...
— Shhh. C'est rien, Becca...
Il s'était mis à lui caresser les cheveux comme pour calmer un enfant victime d'un cauchemar. Mais même les yeux clos, Rebecca devait avoir l'esprit empli de mauvais rêves – Shaun l'avait surpris, parfois, à pleurer dans son sommeil. Et à chaque fois, il s'était juré, toujours un peu plus fort, de faire payer à ceux qui faisaient pleurer Rebecca.
Comment il en était arrivé là ? Peut-être que ces années passées à traquer le Templier avec Rebecca les avait rapprochés plus qu'ils ne le croyaient. Peut-être que derrière d'innocentes activités qui pouvaient rappeler celles pouvant existant entre amis, se cachait quelque chose d'autre que leur situation ne permettait pas d'exprimer. Malgré ses remarques sarcastiques, Shaun appréciait Rebecca. Il lui devait une fière chandelle – sans elle, sûr qu'Abstergo aurait recraché son cadavre dans un des égouts du globe. Puis la demoiselle n'était pas idiote, malgré ce qu'il en disait – elle avait son caractère et un manque crucial de féminité, cela il ne pouvait le nier. Mais c'était Rebecca, celle tâchant de ramener l'humeur dans le groupe, acceptant des activités pour oublier le boulot pendant un temps. La meilleure copine qui soit. Mais pas seulement.
C'était peut-être toute cette somme de non-dits dont il n'avait eu jamais conscience, toutes ces occasions manquées à cause des Templiers qui poussèrent Shaun à embrasser Rebecca. C'était venu, comme instinctivement, comme une suite logique des faits précédents. L'Anglais avait relevé la tête de Rebecca en glissant sa main sur sa joue, et il avait posé ses lèvres sur les siennes. Elles avaient le goût salé des larmes, mais Shaun n'en avait cure. Il se fichait même que Becca le repousse, au moins il l'aurait fait. Mais non, aucune gifle ne vint le frapper, pas même une morsure pour l'inciter à stopper net. Le corps même de Becca s'amollissait contre le sien, il sentit une main frôler sa joue, alors que les lèvres s'ouvraient pour accueillir les siennes.
Oh Christ's sake, comment on en est arrivé là ? Oh, et puis quelle importance ?
Rebecca était là dans ses bras, et ils s'embrassaient comme de jeunes amants. Alors quelle importance, tout le reste, la fin du monde, les Templiers ? Qu'importait tout ceci à côté de ce sentiment de plénitude qu'il ressentait, de cette impression de se sentir bien, enfin après tout ce temps ? Rien. Le monde pouvait aller bien se faire foutre. Qu'il aille chercher un héros ailleurs.
— Depuis quand ?
La question le tira de sa torpeur, lui fit prendre conscience que le baiser s'était stoppé. Rebecca le fixait avec un sourire – bon dieu elle souriait ! Depuis quand il n'avait pas vu une telle expression sur le visage de cette femme ?
— Depuis quand quoi ?
— Que tu as des penchants pour moi jusqu'ici inavoués ?
La question semblait si incongrue dans leur situation actuelle. Ils avaient des Templiers à leur trousse, un monde à sauver, et les voilà qui devisait d'amour. Enfin c'est pas comme si le monde avait un jour tourné rond. N'empêche que la question demeurait gênante – assez pour qu'il sente une rougeur lui cuire la nuque et qu'il remonte par réflexe ses lunettes sur son nez.
— Je pense que... c'est venu avec le temps... Peut-être après la première année à bosser ensemble, va savoir... (Il eut un rire nerveux) Mais Becca je comprendrais si...
La main posée sur sa bouche l'empêcha de formuler davantage ses pensées. Le sourire de Becca s'était élargi, ses yeux brillaient – il y avait de la douceur sur ce visage.
— Si ce n'était pas réciproque, tu serais déjà à terre avec au moins dix dents en moins. Alors, ne t'embête pas avec tes questions d'accord ?
Comme un idiot, Shaun hocha la tête. S'il avait bien compris le message, Rebecca l'aimait, ce qui induisait que...
— Considère qu'on est ensemble.
Et le baiser qu'elle lui asséna fit taire toute objection.
Comme si j'allais dire non. Sir Hastings vous venez d'épouser Lady Crane. Pour le meilleur, et surtout pour le pire.
