En fait, cette fic est une réponse au concours du site Starscape : Prenez un mythe, un conte de fée, une légende et faites la vivre à SG1.
J'ai choisi le mythe de Pygmalion d'après « Les métamorphoses » d'Ovide. Pour faire court, Pygmalion, roi de Chypre, indigné par les vices féminins, refuse de s'intéresser aux femmes et reporte toute sa ferveur amoureuse sur une merveilleuse statue qu'il a sculptée lui-même. N'en pouvant plus, il implore Vénus de rendre sa création vivante. Son vœu est exaucé. Happy end.
Bon, je vous avoue que je trouve l'histoire un peu, voire beaucoup, démago sur les bords donc j'ai repris ce mythe mais en le mettant à la sauce d'une jeune femme de 21 ans au début du XXIe siècle.
Le ciel était parfait ce soir. Sans nuages et aussi noir que l'encre, dévoilant ainsi plus que jamais les joyaux qu'il abritait. Jack O'Neill sourit. Il était un de ces Terriens chanceux sachant profiter sans lassitude de ce spectacle sans cesse renouvelé mais jamais le même. Et cela même s'il voyageait depuis plus de cinq ans à travers les étoiles.
Il n'en connaissait que trop bien la raison. La Porte n'était pas le ciel, ses chevrons ne seraient jamais les astres lumineux qu'il admirait maintenant et son horizon bleuté ne pourrait en aucun cas concurrencer l'éclat si particulier de la Lune.
Jack consulta sa montre. C'était presque l'heure. Bientôt, le satellite de la Terre serait dans l'alignement de P4Z-888 et de son Soleil. Pendant quelques minutes, la Lune brillerait plus que jamais devenant véritablement la Déesse de la nuit.
Il repoussa son télescope, inutile ce soir, et s'installa plus confortablement sur la plate-forme aménagée sur le toit de sa maison. Il ne lui manquait plus qu'une bière pour que la soirée fût parfaite et il n'eut qu'à tendre le bras pour attraper une canette solitaire ne semblant attendre que lui.
Il but lentement savourant la boisson alcoolisée comme il savourait la contemplation du ciel. Il eut un sourire en songeant à l'étrange hommage qu'il rendait par là aux habitants de P4Z-888. Mais il devait avouer qu'il leur devait bien cela puisqu'ils étaient de loin le peuple extra-terrestre le plus normal qu'il lui avait été donné de rencontrer. Il en avait presque trouvé enrichissants les quelques jours que Sg-1 avait passé là-bas alors que leur mission était initialement dédiée aux qualités d'archéologue et de scientifique de Daniel et Sam.
Jack s'était particulièrement entendu avec Siméo, le chef de la petite population de la planète. Quoi de plus naturel après tout puisque lui aussi était le chef ? Mais l'homme avait définitivement acquis son amitié lors du premier compte-rendu de Sam et Daniel en sa présence. Sa grimace d'inconfort puis de profonde souffrance avait fait comprendre à Jack que Siméo était de sa trempe. Les deux hommes avaient alors passé le reste de la mission à s'échanger quelques conseils pour échapper à toutes ces choses inutiles auxquelles ils ne comprenaient rien. Même Teal'c avait préféré aller assister Daniel au lieu de continuer à les entendre discuter sans cesse.
Pourtant Siméo avait quelque chose que Jack n'avait pas et qu'il désespérait de trouver un jour. Il émanait de lui une sérénité et une paix presque irréelle et tendant à la sagesse. Bien sûr, il n'était pas la première ligne de défense de la Terre, il n'était pas non plus un des dépositaires d'un des projets les plus secrets de la planète mais il semblait au chef de Sg-1 que Siméo aurait pu prendre tout cela en charge sans quitter son état de quiétude absolue. Alors Jack n'avait pas hésité à demander s'il n'y avait pas un secret à comprendre ou une formule à prononcer pour atteindre ce stade.
Siméo n'avait eu qu'un sourire et son regard doux s'était arrêté quelques secondes sur la silhouette de son épouse occupée à une obscure tâche incompréhensible pour Jack et lui.
- La femme idéale, avait-il ajouté ensuite comme si c'était nécessaire.
Jack avait soupiré et avait regardé celle que Siméo présentait comme la base de son équilibre. Jusqu'à présent, elle n'avait été qu'une ombre parmi tous les habitants de P4Z-888 et il ne savait même pas son nom. Mais, à cet instant, il la vit à travers les yeux de son ami et elle ne parut ne pouvoir être que la plus belle personne du monde.
- Je savais bien qu'elle se cachait quelque part ! avait dit Jack avec humour
Siméo avait alors froncé les sourcils se montrant pour une fois très digne de son statut d'extra-terrestre.
- Norca est *ma * femme idéale, avait-il rétorqué quelque peu déstabilisé. Vous devez avoir la vôtre, non ?
- Ben, j'ai passé commande il y a bien longtemps et j'ai même versé les arrhes mais je n'ai jamais reçu de colis, avait répondu Jack.
Intérieurement, il s'en était un peu voulu en voyant l'air perdu de son ami mais le sarcasme était sorti de lui-même. Comme une défense. Ou plutôt comme seule défense contre le constat du vide de sa vie.
Un raclement de gorge derrière eux interrompit la conversation des deux hommes. C'était Sam lui annonçant qu'ils étaient prêts à partir. Jack s'était levé et avait remercié Siméo pour son accueil. Il était rentré sur Terre sans pour autant cesser de penser à ce que son ami lui avait dit.
Jack regarda la Lune briller de mille feux et sourit. Sa femme idéale… Il doutait de son existence. Et même si elle existait, il ne pensait pas qu'elle se montrerait. Pas comme ça, devant lui, au beau milieu de la nuit. Pas comme cette jeune femme qu'il voyait monter lentement les marches menant à lui.
- Je peux savoir qui vous êtes ?
Elle poursuivit son ascension d'un pas léger et aérien sans vraiment l'entendre. Jack resta interdit quand elle émergea enfin, grande, brune, pâle et parée de la lumière de la Lune. Elle était… parfaite mais peut-être dangereuse.
- Qui êtes-vous ?
Son regard pénétra Jack comme si la réponse à sa question était en elle ou plutôt sur elle. Mais il ne trouva rien qui put lui indiquer qui elle était ou d'où elle venait. Tout d'elle semblait être d'ailleurs. Sa robe d'opaline à la longueur éternelle, sa manière de glisser plus que de marcher ne la faisaient appartenir à aucune époque et l'empêchaient de rentrer dans un quelconque standard.
- Comment êtes-vous entrée ?
- Par la porte.
Sa voix chaude et profonde l'enivra totalement. Jack prit un certain temps avant de remarquer sa main fine et immaculée tenant la clé de sa maison en guise d'explication.
- Comment l'avez-vous eue ?
Elle fronça les sourcils devant l'apparente panique de Jack.
- Elle était sous le pot de fleurs dans le jardin.
- Comment saviez-vous que la clé était là ?
Elle haussa les épaules mais parut réellement chercher d'où elle tenait cette information.
- Je ne sais pas. Tu me l'as dit, non ?
Stupéfait, Jack la regarda tandis qu'elle s'approchait du bord du toit pour mieux observer le ciel.
- On se connaît ?
Faisant comme si elle ne l'avait pas entendu, elle désigna un point lumineux dans la nuit. Jack fut un instant distrait par son mouvement faisant scintiller le tissu miroitant de sa robe.
- Dis-moi comment s'appelle cette étoile.
- J'aimerais d'abord savoir si nous nous sommes déjà rencontrés.
Elle se tourna vers lui et un sourire imperceptible digne de Mona Lisa naquit sur ses lèvres. C'était une si tentante invitation à répondre que Jack ne put résister et s'exécuta.
- C'est Vénus.
Elle hocha la tête, les yeux pleins d'étoiles et tournés vers les étoiles.
- Qui êtes-vous ?
- Quelqu'un.
- J'aimerais que vous me répondiez.
- J'aimerais que tu me tutoies
- J'aurais une réponse si je le fais ?
Elle haussa de nouveau les épaules créant une onde dans le flot de ses cheveux ténébreux. Un nuage dissimula la Lune pendant quelques secondes et, privée de sa lumière, ses courbes fragiles rappelaient la forme mystérieuse d'un point d'interrogation. Elle savait que Jack attendait des réponses de ses lèvres scellées mais ses yeux aussi noirs que la nuit demeuraient insondables. Il s'apprêtait à parler quand elle l'interrompit d'un geste de la main.
- Chut… C'est tellement beau.
Jack aurait pu la harceler pour apprendre ce qu'il voulait ou plutôt ce que n'importe quelle autre personne aurait voulu savoir. Mais une force invisible l'en empêchait. Peut-être était-ce l'espoir de revoir une nouvelle fois sur son visage aussi pâle que la Lune son sourire furtif ? Ou d'entendre encore ses mots sibyllins ? Cette même force lui enlevait toute envie de s'approcher d'elle. Il lui semblait plus logique qu'elle restât une hallucination, un rêve.
Alors, un silence serein s'installa, uniquement troublé par les questions de l'inconnue et les réponses de Jack. Il restait là, assis dans sa chaise, et continuait à la contempler comme elle contemplait les étoiles. Mais si elle s'exposait à la lumière de la Lune comme si elle voulait qu'on découvrît son secret ou qu'on cherchât à le découvrir, elle se dérobait à toutes ses tentatives d'en savoir plus sur elle.
Soudain, l'absurdité de la situation saisit violemment Jack. Il était sur son toit à regarder une femme ou plutôt à imaginer une femme sortie de nulle part qu'il tutoyait comme s'ils se connaissaient depuis des années. Le pire était qu'il commençait à trouver cela normal. Il rit nerveusement et le long profil de son invitée se tourna vers lui.
- Que se passe-t-il ?
- Rien. Je doute que tu pourrais comprendre cette forme d'humour.
Elle fronça les sourcils en signe d'incompréhension.
- Humour ?
Jack sourit. Il en était sûr désormais : il était victime d'une technologie extra-terrestre. Mais il eut le souffle coupé quand il vit l'éclat de ses yeux plus brillants que jamais et animés d'une flamme intense.
- Dis-moi ce que tu veux.
Jack passa ses mains sur son visage et soupira longuement.
- J'aimerai vraiment savoir qui tu es.
Elle devait le lui dire sinon il sentait qu'il allait devenir fou. Lorsqu'il découvrit ses yeux pour voir son sempiternel sourire en guise de réponse, elle avait disparu. Elle n'était plus là. Il regarda autour de lui et ne vit personne.
- Eh ! Où es-tu ?
Il fit le tour de la terrasse mais il était seul.
- OÙ ES-TU ?
Les aboiements furieux des chiens des voisins furent son unique réponse.
