Uchronie: Possibilité alternative logique de l'histoire. Je me disais simplement que si certains événements s'étaient passés différemment, on aurait pu s'attendre à des résultats peut-être aussi intéressants dans le scénario (commence à l'épisode 16).
Chapitre I: Le premier grain de sable
Shinya enjambait quatre à quatre les marches menant au sommet de la tour, manquant à plusieurs reprises de trébucher. Quelques criminels "casqués" se dressèrent sur son chemin mais il les balaya sans grande difficulté malgré l'impossibilité d'utiliser le dominateur. Une simple erreur de calcul; envoyer Tsunemori en bas avec Kagari ne réglait pas le problème des casques vu que Makishima se trouvait dans les parages. Cela valait tout de même probablement mieux, Kogami se sentait moins inquiet pour eux les sachant ensemble, et puis ça éviterait que l'inspectrice s'interpose entre lui et l'albinos.
Encore deux étages, et il y serait... Encore un étage... Un escalier... une échelle... et une trappe. Alors qu'il l'ouvrait, le froid matérialisa son souffle devant lui. La baie vitrée, à défaut d'isoler décemment le bâtiment, offrait une vue panoramique complète de la ville, qui s'étalait telle une Voie Lacté terrestre, illuminée par les myriades de lampadaires, de phares, de fenêtres et, pour cette nuit-là, des feux causés par les émeutes. Shinya s'arracha vite à cette contemplation pour rester sur ses gardes, à l'affût de tout danger près à surgir. Un bruit dans son dos. Le policier se retourna et para instinctivement le coup de matraque et contre-attaqua aussi vite, faisant au passage voler le casque à quelques mètres du criminel qui lui-même s'écroulait au sol.
-Coefficient criminel: supérieur à 310... commença à réciter la voix robotique alors que Kogami pointait le dominateur.
Il plissa les yeux, ne voyant que l'interface bleuté. Son doigt pressa doucement la gâchette...
-PITIÉ, NON!
Shinya sursauta, voyant tout à coup qui il avait en face de lui.
-J'veux pas, j'vous en supplie, m'tuez pas!
Il a quoi, 17 ans? Merde, c'est qu'un gamin... un gamin à plus de 300 de coefficient criminel, mais quand même...
-Je ferais tout ce que vous me demandez, mais pitié me...
-Ferme-la un peu, coupa abruptement le policier. Si tu tiens tellement à ta vie, t'avais qu'à faire attention à celle des autre! Parce que vu ton coefficient criminel, tu vas certainement pas me faire croire que t'a le sang de personne sur les mains!
-J'avais pas le choix!
-Oh, vraiment?
-C'était un policier, et il allait me tirer dessus! C'était lui ou moi!
-Sauf que, laisse-moi deviner; il n'allait que te paralyser et ce n'est qu'après l'avoir tué que ton coefficient criminel a dépassé 300. Pas vrai?
-Peut-être bien, et alors? J'aurais dû me laisser faire? Me laisser enfermer?
-Tu… crois pas que ça aurais mieux valu?
-Me dites pas que vous y croyez! On n'en sort jamais de cette "thérapie", on est petit à petit oublié par tous ses proches et on peut dire à jamais adieu à la lumière du soleil! J'y serais resté seul et à moitié fou pour le restant de mes jours! Plutôt crever!
-...
-C'est ce que vous allez faire, me buter?
-Probablement.
Le gamin poussa un cri alors que des larmes inondaient ses joues.
-Non, non, merde, non! Je veux pas, je veux pas!
-Fallait y penser plus tôt.
-Non! hurla le criminel. Vous savez quoi? Je regrette rien! J'ai peut-être passé ma vie à devoir voler pour manger et m'habiller, mais je préfère encore ça à passer ma vie entière enfermé!
-...
Kogami releva la tête en entendant des bruits de pas sur l'escalier métalliques. Son regard croisa deux lumières dorées, débordantes de génie et pourtant si avides à l'idée d'en découvrir plus...
-Tu es Shogo Makishima...!
-Et tu es Shinya Kogami, répondit l'albinos.
-Bien joué, au fait. Mettre sur mon chemin un gamin terrifié comme argument contre Sibyl... ça aurait presque pu marcher.
-"Trop de vérité nous étonne (j'en sais qui ne peuvent comprendre que qui de zéro ôte quatre reste zéro)."
-Désolé mais, "J'ai toujours appris, comme mesure d'hygiène élémentaire, à me méfier quand quelqu'un cite Pascal".
-Je savais que tu dirais ça, gloussa Makishima. Et j'en aurais fait de même eus-tu cité Pascal.
-Le fait que nous ayons les mêmes goûts littéraires ne me réjouis pas vraiment.
-Oh, vraiment? répliqua sarcastiquement Shogo avant de relever les yeux. Ah, tiens?
Shinya se retourna pour remarquer que le "gamin" s'était enfui.
-Sans Sibyl, des gamins comme lui pourrais vivre une vie normale, voir heureuse, commenta l'albinos.
-Sans Sibyl...
-Sans Sibyl quoi? Ah, oui, les gens n'auraient plus une voix omnisciente pour guider leurs vies. Mais tu sais; "La chose la plus importante à toute vie..."
-"...toute vie est le choix du métier. Le hasard en dispose."
Le visage nacré s'illumina d'un sourire digne d'un enfant à qui l'on viendrait d'offrir un chiot. Un chiot capable de citer Pascal.
-Et alors? demanda le "canidé" en question.
-Ce hasard... cette imperfection dans toutes les choses essentielles... c'est cela, l'humanité! Quelque chose que Sibyl ronge peu à peu.
-Évidement tout le chaos et la souffrance qu'entraînerait la disparition de Sibyl ne te dérangerait pas...
-Bien sûr que si. Pourquoi crois-tu que je me donne autant de peine?
-Parce que tu t'en fous de la souffrance des autres?
-Faux. J'aime les humains, et c'est pour cette raison que je préfère largement contempler un chaos passager qu'une lente corruption menant de toute façon à la même chose.
-...
-Tu sais, Kogami, j'en viens à me demander si ton soutient pour cette parodie de société ne tient pas seulement à ton incapacité à t'y opposer face à ta volonté "d'agir pour une cause" d'une façon ou d'une autre.
-Tais-toi. Tout ce que je demande c'est de protéger les innocents.
-Alors dis-moi, quand, à cause du stress, le coefficient criminel du gamin que tu as croisé a dépassé 100, était-il coupable de quoi que ce soit?
-Il aurait pu commettre un crime...
-Ou quelqu'un serait allé lui parler et rien de tout cela ne serait arrivé. Mais étrangement, avant qu'il en ait eu l'occasion, il a été forcé de tuer une personne pour échapper à l'emprisonnement à vie...
-...J'ai jamais dit que le système était parfait.
-C'est pourtant ce qu'il prétend être, tout en considérant l'esprit humain comme... une sorte de formule mathématique inaltérable par autrui. Excluant bien sur "comprendre" et "pardonner" de l'équation.
-Et qu'est-ce que tu voudrais voir à la place de ça?
-Une société qui n'utilise pas des machines pour juger l'âme humaine. Une composée de gens vivants qui puissent ressentir tout le spectre des émotions et des sensations; la peur, la faim, la colère, la tristesse... mais aussi la compassion et la pitié. Je veux une société capable de me juger pour ce que j'ai fait et toi aussi.
-Les trois quarts des crimes que tu a commis n'étaient pas vraiment nécessaires pour accomplir cela, je me trompe?
-C'en était l'objectif... et je dois avouer que ce fut un échec. Malgré toutes mes tentatives, je n'ai pas réussi à faire renaître l'humanité qu'ils avaient perdue. Pas même chez cette inspectrice dont j'ai fini par égorger la meilleure amie...
-ENFOIRÉ DE...
Shinya allait se jeter sur son ennemi mais s'arrêta au dernier moment quand il le vit sortir un pistolet de sa poche.
-Crois-moi, Shinya, cela me déplairais fortement mais je n'hésiterais pas une seconde à percer ce joli crâne plein de merveille que tu as. Pas plus, en fait, que tu n'as toi-même douté chaque fois que tu détruisais littéralement ou non la vie d'autrui avec ton dominateur. Oh, et ne vas pas me faire croire que c'était pour une "meilleur cause".
-Je... j'ai...
J'étais encore jeune et naïf à l'époque où je suis devenu inspecteur... et lorsque Sasayama est mort, je n'ai pensé à rien d'autre qu'à le venger... Merde. Qu'est-ce que j'ai foutu tout ce temps, à part ça?
-Kogami?
-J'essayais de te tuer.
-Mais Sibyl ne...
Shogo s'interrompit soudainement, et alors que ses yeux s'écarquillaient, son doigt glissait lentement sur la gâchette.
-Tu... qu'est-ce que...
-Sibyl ne le permettra certainement pas.
Shinya comprit soudain que le regard de l'albinos ne se portait non pas sur lui, mais sur quelque chose derrière. L'instant suivant, Makishima se jetait sur lui.
La surprise passée, le brun finit par comprendre que son ennemi le tenait bel et bien contre lui par la taille, et qu'il pointait désormais son pistolet en direction de... Kasei? Et pourquoi le dominateur qu'elle braquait elle-même venait-il de se rétracter?
Oh, merde...
Shogo tira une fois, et le projectile lui ricocha sur le crâne avec un bruit métallique, arrachant au passage un bout de peau.
-C'est...! s'exclama Kogami.
La réaction de Makishima fut immédiate; il redirigea le canon de son arme en direction de sa tête.
-Et bien, puisque je ne suis pas en mesure de vous blesser, j'imagine qu'il ne me reste que ma vie pour vous menacer. Par chance, elle semble valoir chère à vos yeux. Vous êtes là pour me capturer et vous débarrasser de Kogami? On va négocier ça.
-Vous... vous n'oseriez pas.
-On pari? proposa l'albinos dont le sourire s'élargit. Même me paralyser causerait une tension qui activerait la gâchette.
-Que... que voulez-vous?
-Commencez par épargner Shinya Kogami. Je mettrais fin à mes jours si jamais j'apprends sa mort.
-Quoi? s'exclama Kasei.
-Quoi? s'exclama Shinya.
Bien que les lois de la physique ne semblaient pas le permettre, le sourire de Shogo s'agrandit encore.
-Donc j'apprécierais que vous jetiez ce dominateur loin de vous, continua-t-il.
La cyborg consternée s'exécuta en fixant l'albinos comme si il s'agissait d'un hérisson qui venait de la menacer avec un lance-roquette. Ce dernier se tourna vers l'exécuteur pour lui murmurer à l'oreille.
-À ta place, je ne lui ferais pas confiance une seule seconde. Reste sur tes gardes après ça.
-Mais pourquoi tu...
-Chhh... répliqua Makishima en lui posant un doigt nacré sur les lèvres. Ta vie m'est plus chère que la mienne.
Shinya sursauta soudain en sentant la main de l'homme -qui, au passage, le tenait toujours contre lui- glisser de son dos à... plus bas.
-Makishima..!
-Tss... dans ta poche, idiot.
-Hein? -Ah.
Kogami ne pouvait détacher son regard des pièces d'ambres fixées sur lui.
-À bientôt, Shinya, chuchota l'albinos en repoussant doucement le brun.
Ce dernier recula lentement d'abord, puis se mit à courir.
À bientôt...
Il sauta par la trappe et se mis à dévaler les escaliers.
Ces yeux, ce sourire, cette voix...
Déjà loin derrière lui, le bruit du mode paralyser d'un dominateur résonna.
Jamais il ne les oublierait.
