Disclaimer : Les personnages appartiennent naturellement toujours à KURUMADA.
Titre : Pattes de velours pour un gros chagrin
Auteur : Hemere
Situation: Cette side-story s'inscrit directement dans la trame du "Vent du Chaos" après le retour de Serguei au Sanctuaire.
Mot de Newgaïa : Moi qui pensais prendre ma pré-retraite fanfictionnelle ^^ voilà que je reviens aujourd'hui pour vous présenter un texte qui n'est pas de moi, et qui m'a beaucoup émue. Déjà je voudrais dire un très grand merci à Hemere, qui en plus d'être une lectrice assidue, m'a fait l'honneur et la surprise d'écrire ce complément d'histoire, qui entre directement dans l'univers où j'ai aimé précédemment vous entraîner. Hemere est une personne que j'ai aussi appris à connaître à travers ses propres histoires, qui ne manquent ni de charme, ni d'humour. N'hésitez pas à aller la lire ! ^^.
(Cette side-story s'inscrit directement dans la trame du "Vent du Chaos" après le retour de Serguei au Sanctuaire.)
PATTES DE VELOURS POUR CŒUR EN DÉTRESSE (Ecrit par Hemere)
De légers bruits, à la fois dérangeants mais apaisants, un rayon de soleil sur la joue, voilà ce qui sorti Sergueï de la torpeur où il avait sombré la veille. Mais ce qui le réveilla réellement fut le grognement de son estomac et la sécheresse de sa gorge. Il avait l'habitude pourtant, cela faisait maintenant trois ans qu'il n'avait plus mangé à sa faim ni dormi tout son saoul…
Attendez !
Ces bruits réconfortants d'ustensiles de cuisine, ce matelas ferme et moelleux à la fois !
Faisant un effort pour secouer son esprit encore englué de sommeil, le jeune garçon tenta de rassembler ses derniers souvenirs. Dans un premier temps, il ne lui revint que la confrontation avec le Verseau dans les geôles d'Hadès et les évènements qui avaient suivis : la mort… Non, le meurtre de sa mère ! Sa fuite face au jugement du Verseau. Et puis sa perte de contrôle totale et son appel aux six protections divines…
A ces rappels, des larmes perlèrent aux coins de ses yeux dorés et il enfouit un peu plus la tête dans l'oreiller. Mais l'odeur qui lui répondit n'avait rien de délétère ou de crasseuse. Non, cette odeur fraîche et chaleureuse à la fois, mélange de neige de Sibérie de soleil de Grèce était celle de son… père ?
Alors Sergueï ouvrit les yeux, et malgré la pénombre qui régnait dans la pièce il ne put qu'éprouver une vague de joie à la vue de la chambre qu'il occupait. Elle respirait le calme et la sérénité par sa sobriété. La sécurité aussi, grâce aux deux-trois menus objets qui l'agrémentait ici et là, rappelant la personnalité de son occupant légitime. La suite de ses souvenirs revint, tout aussi rapide mais moins brutale : Shaka et la bulle de cosmos qui les avait extrait des Enfers, la faim, la soif… Gaïa et le rôle qui lui serait désormais dévolu, le retour au Sanctuaire et son tête à tête avec le Vers… Non, son père. Oui, car c'était bel et bien son père qui l'avait serré dans ses bras. C'était bel et bien cet homme dont il souhaitait si ardemment l'approbation qui l'avait emmené jusqu'à ce temple, son temple, le leur désormais puisqu'il serait son apprenti.
Malgré leur « retrouvailles », ils n'avaient pas échangé un mot durant leur remonté. Une fois à l'intérieur, il s'était figé ne sachant que faire. C'est son père qui alors qu'il se sentait rattrapé par une fatigue intense, l'avait assis sur le canapé, flanqué un verre de jus d'orange dans les mains et une assiette de gâteau sous le nez le temps de lui faire couler un bain. Son verre fini, il l'avait cornaqué vers la salle d'eau et l'y avait laissé avec un :
« Maintenant que tu as un peu grignoté, prend le temps de bien te décrasser, cela te fera plus de bien que toutes les médecines du monde ».
De fait, l'eau chaude et le savon avaient eu sur son corps décharné et épuisé le plus salvateur des effets. Il s'était laissé couler dans l'onde brûlante avec une délectation proche de l'ivresse, tandis que dans la pièce d'à côté il entendait son père s'affairer. Quand celui-ci vint le récupérer, il dormait presque. Camus lui avait remis une barre de céréale dans la main et donné une tunique propre – qui vu sa dimension ne pouvait que lui appartenir.
« Tes affaires sont bonnes pour la poubelle. Nous te trouverons des vêtements à ta taille plus tard. Pour l'instant le plus urgent et de te reposer », lui avait-il dit en le poussant dans cette chambre, et en ouvrant la couette qui recouvrait le grand lit.
D'un regard il avait interrogé son géniteur. Celui-ci avait confirmé ses conclusions de la même manière. Oui, il était dans sa chambre, oui, il dormirait dans son lit et oui il portait une de ses chemises.
Après s'être assuré qu'il avait fini sa barre énergétique, et déposé un verre et une carafe près du lit, son père l'avait laissé. Un instant, le jeune Russe avait cru, espéré, que celui-ci allait l'embrasser mais le Verseau s'était contenté d'une caresse sur la main et d'un :« Repose-toi Sergueï », avant de quitter la pièce.
Il se souvenait aussi avoir entendu un Scorpion juste revenu du palais du Pope ronchonner un : « Quand même Camus, dans notre lit ! » Ce à quoi son père avait répondu : « Dans l'état où il est, tu ne voudrais quand même pas le faire dormir sur le canapé. Et puis ce n'est que le temps de lui aménager une chambre ici au onzième temple… » Il avait entendu le Scorpion bougonner encore un peu avant de se laisser glisser, enfin rassuré et un sourire aux lèvres, dans les bras de Morphée.
Mais pour l'heure son manque de sommeil enfin réduit ne parvenait plus à contrer les élancements de son estomac. Il dut donc se décider à émerger de sous les couvertures et à affronter les habitants du lieu.
Il trouva sans problème son chemin jusqu'à la cuisine. Outre le fait qu'il faisait plus que jour, les odeurs qui continuaient à torturer son estomac l'y guidèrent plus sûrement que le plus précis des GPS. Arrivé sur le seuil, il stoppa un instant et serra machinalement la tunique paternel contre lui. Devait-il entrer ? S'annoncer ? Frapper ? Il n'en savait rien. Il faut dire que lorsque l'on commençait sa vie dans les sous-sols Moscovites pour finir par voler de la nourriture aux Enfers, les règles de bienséance n'étaient pas ce que l'on maitrisait le mieux. Mais là, il ne voulait pas commettre d'impair, surtout pas avec son père…
Ce fut un jeune homme blond qui le remarqua le premier. Le chevalier du Cygne se souvint-il. Un élève de son père et un chevalier des glaces.
« Bonjour Sergueï ! » déclara celui-ci en se levant avant de se présenter en russe.
Sergueï bredouilla une réponse inintelligible. Cela faisait tellement longtemps que plus personne ne lui avait parlé dans cette langue. Hyoga dut remarquer son malaise, car il continua, en grec cette fois :
« Bon, j'y vais, je dois aller au débarcadère et puis finir de m'installer aux baraquements, ajouta-t-il avec un clin d'œil au jeune garçon. A ce soir Sergueï, Milo, Maitre… »
A l'autre bout de la pièce, Camus et le Scorpion s'étaient retournés.
« A ce soir Hyoga, le salua le Verseau avant de se tourner vers son fils. Entre Sergueï et vient manger. Il est plus que temps. »
D'un coup d'œil dehors, Sergueï jaugea l'heure. Il devait être deux heures de l'après-midi, guère plus. Il se sentait pourtant bien reposé.
« Tu as dormis plus de vingt-quatre heures, déclara sobrement Camus. Tu en avais besoin », ajouta-t-il, afin que son chat sauvage de fils ne voit dans son commentaire l'ombre d'un reproche. Ce qui était du reste le cas.
Timide, Sergueï pénétra plus avant dans la pièce et s'installa derrière le couvert qui avait été dressé pour lui. Mais quand son père déposa devant lui une assiette de zakouskis (1) et un bol de borchetc (2) il ne put s'empêcher de le dévisager. Puis il comprit d'où venaient ces étranges sensations éprouvées depuis son réveil. Toutes ces senteurs, c'étaient celles de son enfance. Certes, on ne pouvait pas vraiment dire qu'il avait souvent gouté à ces plats, rarement serait plus exact, quand un restaurateur prenait pitié d'eux et leur laissait un bol ou deux, ou quand ses amis et lui parvenaient à dérober quelques vivres sur les marchés de la capitale, oui il avait pu y goûter. Mais les odeurs, elles étaient là. Et ces odeurs c'était son enfance. Il se rendait maintenant compte qu'il n'avait pas été si malheureux que ça dans les égouts. Il s'y était fait des amitiés solides. Il se demanda d'ailleurs ce qu'était devenu Irina. Sans doute le Verseau le savait-il. Il demanderait, plus tard, pour l'instant, seul comptait son estomac qui, ranimé par ses effluves proustiennes, protestait vigoureusement.
De son coté, Camus avait parfaitement suivi l'avancé de son fils. Il était reconnaissant à Hyoga d'avoir ouvert la conversation, vu qu'à ce moment-là lui-même n'avait pas su comment le faire. Mais comme Sergueï avait l'air au moins, si ce n'est plus, perdu que lui face à cette situation, il se contenta donc d'un de ses commentaires lapidaires, et de lui servir le repas qu'il mijotait pour lui depuis le matin, au grand dam de son Scorpion qui l'avait taquiné toute la matinée sur ses velléités culinaires auxquels il n'avait que rarement eut droit. Camus connaissait suffisamment Milo pour savoir que derrière le ton malicieux existait un vrai fond de jalousie. La cohabitation promettait d'être épique et par moment il s'était surpris à envier Hyoga et son déménagement pour cause de manque de chambre au onzième. Certes il était plus que temps que son « poussin albinos », comme disait Milo, quitte le nid. Certes il était ravi de savoir Sergueï enfin près de lui. Mais il ne pouvait s'empêcher d'appréhender le futur et pas seulement à cause de la guerre à venir. Non, ses appréhensions étaient beaucoup plus « familiales ».
Sergueï finissait sa deuxième tournée de varienniki (3) quand il se sentit observé. L'air de rien il balaya du regard les alentours. Non ce n'était pas le Scorpion qui collé à son père l'aidait ostensiblement en faisant la vaisselle. Ce n'était pas Camus non plus, occupé à vérifier la cuisson d'une Vatrouchka(4) dont la seule odeur le faisait saliver d'avance. Ce n'était pas non plus le Cygne qui avait quitté le temple quelques temps auparavant. Alors qui ? Etendant discrètement son cosmos, il rechercha d'où venait cette attention dont il était certain d'être le destinataire. Alerté, Camus se retourna et interrogea son fils du regard.
Sergueï baissa aussitôt la tête en se morigénant de cet excès de suspicion un peu anxieuse. Il croisa alors deux yeux verts jade situés à quelques centimètres du sol.
« Miaou ! »
Tétanisé, Sergueï ne savait que faire devant cette apparition poilue. Ce fut son père qui le sauva.
« Sergueï, laisse-moi te présenter « Moustache » le dernier occupant de ce temple et son véritable propriétaire s'il l'on doit l'en croire.
« Miaou ! » répéta le dit Moustache, avant de se frotter aux jambes du jeune garçon.
Emu, il tendit une main vers lui. Mais Moustache se déroba et se dirigea avec des miaulements plaintifs vers le coin le plus proche.
« Sergueï ? Donne lui cela veux-tu, dit le Verseau faussement occupé, en lui tendant une boite de croquettes. A ras bord mais pas plus », précisa-t-il avant de retourner à sa préparation.
Du moins est-ce l'impression qu'il donnait car du coin de l'œil il surveillait Sergueï et Moustache. Celui-ci, manifestement charmé par le félin qui allait et venait entre ses pieds, affichait son premiers vrai sourire de la matinée. Sourire qui réchauffait le cœur trop meurtri du Verseau. Hélas, en bon chat qu'il était, dès qu'il eut obtenu ses croquettes, Moustache se désintéressa de son nouveau pourvoyeur pour se jeter sur sa gamelle, éteignant tout aussi vite le faible sourire qui venait de naitre sur les lèvres de son fils.
Le jeune garçon cadenassa sa déception derrière une expression neutre mais qui ne suffit pas à tromper le Verseau qui de façon totalement irrationnel en voulut au petit chat. Sergueï, lui, retourna s'assoir à sa place et tenta de terminer son repas. Heureusement, sa faim lui permis de manger tout ce qu'on lui présenta, mais dans sa bouche, tout avait désormais un goût de carton.
Il entamait la Vatrouchka, que le Verseau lui avait servi avec espoir de voir resurgir sinon son sourire du moins de chasser sa déception, quand il sentit deux petites choses chaudes et douces sur sa cuisse. L'instant d'après c'est quatre pattes qui se retrouvaient sur ses genoux, puis de nouveau deux à la base de son cou.
Fièrement planté sur ses pattes arrière, enfin repu, Moustache observait maintenant son nouveau fournisseur de croquettes. Sa tête balança de droite à gauche et de gauche à droite, ses moustaches chatouillant ses joues au passage, avant de se fixer dans les prunelles ambrées du jeune garçon. Son examen terminé, il se reposa sur les cuisses du jeune Russe. Les observa un moment. Tourna deux fois sur lui-même. Tâta leur confort de trois allers retours de coussinets. Malgré leurs maigreurs il dut les juger acceptables car il s'y roula en boule, et bailla ostensiblement avant de clore ses paupières.
Tétanisé, Sergueï ne savait que faire, puis voyant le félin fermer les yeux, il céda à l'envie qui le tenaillait depuis qu'il l'avait aperçu pour la première fois et plongea sa main dans la douce fourrure. Aussitôt, un doux ronron se fit entendre. D'abord dérouté par le bruit, Sergueï voulu retirer sa main, puis il comprit. Il se mit alors à passer encore et encore la main sur le corps doux et chaud pelotonné contre lui, un vrai sourire sur son visage émacié.
Assis de l'autre côté de la table, une tasse de thé à la main, l'autre cherchant celle de son compagnon, le Verseau regardait son fils, apaisé et heureux..
(1) zakouskis : hors-d'œuvre souvent à base de poisson
(2) Borchetch : potage à la betterave
(3) Varienniki : sorte de raviolis à la viande
(4) Vatrouchka : une tarte au fromage blanc
Merci internet ;)
