"Les absents ont toujours tort de revenir" - Jules Renard


La jeune femme franchit un portail en fer forgé. Elle avançait, faisant traîner sa robe blanche dans la boue. Elle marcha près du lac qui bordait la résidence et s'accroupit. L'eau brouillée par les gouttes de pluie lui renvoyait une image floue d'elle. Le peu qu'elle voyait suffisait pour qu'elle se remette à pleurer, mélangeant ses larmes à l'eau de la pluie.

Son visage auparavant si clair, net et maquillé se retrouvait maintenant tâché de longues traînées noires. Elle ramassa une pierre et se leva. D'un geste brusque, elle lança la pierre pour que celle-ci s'éclate contre la surface de l'eau déjà déformée. Elle cria de rage et de désespoir.

Hermione, jeune fiancée de vingt-cinq ans, se trouvait dans les alentours d'une petite église perdue dans le Wiltshire. Son mariage y avait lieu. Enfin .. Devait y avoir lieu. Tout se passait comme elle le voulait. De la décoration aux costumes en passant par les invités le lieu et la date, tout lui plaisait. Rien ne pouvait gâcher sa journée. Si ce n'est l'absence de son futur mari. Il était onze heures quarante-cinq et cela faisait maintenant un jour qu'il avait disparu ne prévenant que Blaise qui ne disait mot. Il s'était volatilisé laissant derrière lui une femme en détresse.

Elle enleva ses chaussures et les balança elle aussi dans le lac. Chaussures à plusieurs centaines de galions. Elle enleva ses bijoux que son fiancé lui avait offerts et les jeta à leur tour. Elle défit son beau chignon et laissa ses cheveux mouillés retomber sur ses épaules et son dos. Sa robe auparavant immaculée variait maintenant du beige au marron vers le bas. Elle avait l'air pitoyable. Rejeté avant d'être entré dans l'église. Elle se sentait seule, terriblement seule. Ses pleurs redoublèrent. Rien n'avait d'importance, car maintenant tout était fini.

Les cinq ans passés avec son amant défilaient dans sa tête. Ils avaient déjà emménagé ensemble et voir son visage du matin allait lui manquer. Voir des cheveux blonds dans son peigne allait certainement lui manquer. Voir des yeux gris plonger dans les siens dès le réveil allait évidemment lui manquer. Ses grandes mains aux doigts longs et fins allaient aussi lui manquer. Qu'avait-elle fait pour subir une telle humiliation ? Pourquoi n'avait il pas voulu se marier avec elle ? Pourquoi Drago Malefoy, Son Drago ne s'était-il pas présenté à son propre mariage ? Mariage ayant été préparé avec soin depuis maintenant un mois déjà.

Mais elle n'avait maintenant plus le temps à se demander « pourquoi ? » Elle devait à présent se poser la question «comment ?" Comment allait-elle faire pour l'oublier, comment allait-elle faire pour passer outre ces stupides personnes ayant pitié d'elle ? Comment allait-elle vivre sans lui ?

Ses pleurs ne cessèrent pas, elle se sentait mal.

Hermione réussit néanmoins à se lever et transplana. Loin de tous ces maudits souvenirs, elle se rendit à la maison de ses parents. Elle entra dans la salle d'eau et mouilla au passage le plancher. Elle se déshabilla et prit un bon bain chaud. Lorsqu'elle eut fini, elle se rendit dans sa chambre et ouvrit un placard. À l'intérieur se trouvaient des dizaines de flacons, vides ou remplis. Elle en prit un vide, déposa sa baguette sur sa tempe et en retira un léger fil argenté. Elle l'emprisonna entre les parois de verre. Hermione s'en alla après avoir fermé le placard d'une formule compliquée. Elle s'allongea sur son lit, l'esprit moins tourmenté par cette journée affreuse qu'était son mariage.

Drago, lui, était à l'autre bout de l'Île en Écosse. Sur un îlot du lac Lochindorb se trouvait un petit chalet. Caché du monde par un puissant sort de Désillusion, il se sentait parfaitement en sécurité. En effet, les moldus ne voyaient que des ruines d'un ancien château.

Au chaud devant sa cheminée, il était pour ainsi dire encastré dans son fauteuil -le plus moelleux qu'il ait trouvé. Ses bras pendaient lamentablement sur les accoudoirs, ses doigts tenaient un verre de whisky pur feu.

Il avait revêti un costume pour l'occasion de son mariage. Le plus beau et le plus cher qu'il ait pu trouver. De soies et de velours, le tissu était tout bonnement exceptionnel. Alors pourquoi se terrait-il dans ce stupide chalet alors qu'à des kilomètres de là se morfondait sa dulcinée ? C'était pourtant simple. Drago avait peur. Peur de ne pas être à la hauteur de son amour. Il avait enfilé son costume et au moment de transplaner il eut un moment de « bug » .

Ses yeux s'étaient soudainement perdus dans l'âtre de la cheminée et il eut un gros moment de remise en question et d'hésitation. N'étaient-ils pas trop jeunes ? Pourquoi vouloir tout presser ? Donc, pris d'une soudaine lassitude, il se dirigea égoïstement vers son fauteuil après avoir pris un bon whisky. Cela faisait bientôt deux cent dix-sept minutes qu'il observait l'âtre éteint.

Drago se dégoûtait profondément. Comment pouvait-on être lâche au point de ne pas se rendre à son propre mariage ? Il voyait d'ici le visage inquiet et triste d'Hermione. Son cœur se serra. Il mena le verre à ses lèvres rosies par le froid et but cul sec. Se resservant ensuite. D'un geste curieux, il porta le verre face à la fenêtre pour que la lumière extérieure vienne éclairer son contenu. Un liquide ambré et quelques filets d'il ne savait quoi, marron. Les beaux yeux d'Hermione étaient d'un coup venus à l'esprit du blond.

Une certaine culpabilité se fit sentir dans tout son être. Il avait été horrible. Laisser la femme de sa vie, seule, le jour de leur mariage. Il était finalement un monstre. Il se leva et fit tomber par la même occasion la cause de sa soudaine peine. Il se dirigea d'un pas pressant vers sa salle d'eau et but une potion de sommeil sans rêves. Il partit dans sa chambre et s'allongea, toujours vêtu du costume onéreux et il se rendit dans les bras de Morphée.

Plusieurs jours passèrent ainsi, sans qu'il n'ait envie de voir comment allait le monde extérieur. Il mangeait, dormait, se lavait. Il ne faisait rien d'autre. Ou peut-être le fait qu'il buvait sans cesse méritait d'être relevé. Il faisait souvent les cent pas, s'arrêtant près de la fenêtre et observant l'eau et les arbres.

Son esprit divaguait souvent entre deux solutions. Il mourrait d'envie d'aller revoir Hermione, la suppliant de le pardonner. Mais paradoxalement, il n'avait pas envie. À quoi bon ? Il était maintenant trop tard pour essayer toute tentative.

Mais un jour alors qu'il regardait pour la énième fois une photo de sa brune cachée dans le tiroir de son guéridon, il fut pris d'un élan de courage. Il se rendit dans sa salle de bain et se doucha. Il se rasa pour la première fois depuis plusieurs jours et enfila son costume de mariage qu'il avait laissé traîné par terre. Il transplana donc sans plus attendre chez la maison des parents d'Hermione, là où il avait plus de chance de la trouver.

Arrivé devant la porte, il sonna. Et c'est une Hermione morne et triste qui l'ouvrit. Son visage à peine maquillé et cerné se décomposa face à l'invité. Avant que Drago n'ait pu dire quoi que ce soit, une larme eut déjà traversé les joues de la brune. Drago fut sans voix et baissa les yeux, murmurant un lége «pardonne moi, je t'en supplie.» Ce à quoi Hermione répondit par «les absents ont toujours tort de revenir. Toujours.» Fermant la porte au nez du blond qui lui aussi laissa échapper une unique larme.