Le cheval fou

« Aller Bella! Ça va être à nous dans 2 min, dépêche toi!

-Oui, c'est bon j'arrive! » criais-je à ma partenaire

Pff, quel monde de fous. Il fallait toujours que j'aie un show toute les deux minutes, impossible de souffler 30 secondes. Entre le changement de costume, et le remaquillage je n'avais pas une minute à moi.

Enfin bon, au début on m'avait prévenue que malgré mon physique plus qu'avantageux aucune faveur ne me serait octroyée. Ce boulot me plaisait. Certes, ce baladé presque nue devant une salle comble de gens de tout âge, ce n'était pas vraiment le rêve de toute jeune femme mais bon. Des dizaines de filles tueraient père et mère pour avoir ma place dans le légendaire « Crazy Horse ».

Ce travail ne me laissait presque aucun temps libre, mais une jolie somme arrivait sur mon compte à la fin du mois. Et cela m'évitait aussi de trop penser, ce qui ne m'avais valu que des ennuis.

N'étant pas très pudique sur scène et assez extravertie, m'afficher à moitié nue chaque soir devant des centaines de personne ne me posait pas de problème. En revanche l'expliquer à mes parents aurait été plus dur, et sans doute y aurait-il eu des pots cassés, aussi ai-je préférés ne rien leur dire. Cela m'évitait pas mal de problèmes et en même temps m'en causait d'autre comme : « Mais où travail-tu donc ma chérie ? », « Ce cabinet d'avocats me paraît excellent. » ou encore « Il faudrait inviter ton patron à dîner à la maison, tu ne crois pas ? » me répétaient Charlie et Renée à chaque fois que je pouvais me libéré et aller manger chez eux.

« Mais qu'est-ce que tu as ce soir ? Tu as tes règles ou quoi ? Pourquoi tu mets autant de temps ?

-Non je suis un peu fatigué c'est tout. Tania, tu pourrais me passer le string bleu pailleté s'il te plaît ? Sur la chaise là-bas, merci.

-Aller les filles ! On bouge son joli petit cul et on va faire son show !

-C'est bon Mike ! » lui répondirent-on en cœur.

Pendant que j'essayai vainement de me tortiller dans tout les sens pour enfiler ce foutu string, les dernières notes de musiques du numéro précédent se faisaient entendre. Ce serait à moi dans quelques minutes et je n'étais même pas prête !

Bon respire Bella, calme toi et vas-y enfile-le.

Yes ! Enfin, ouf !

Je sortis de derrière le paravent et observais ma minuscule loge d'un œil nouveau. Mes posters de vieux films me paraissaient plus lumineux que jamais, les bouquets de fleurs posés ça et là dans ma petite loge embaumaient l'air, la lumière des néons me semblait éclatante. Tout me parue plus réel et à cet instant, la larme à l'œil, je su que Tania avait raison, j'allais avoir mes fichus règles ! Cela me faisait toujours ça avant, je devenais émotive et grognon.

« -Bella c'est bon ? Aller magne tes fesses ! » me souffla Tania avec un air inquiet.

Me dirigeant vers la scène, je rajustais mon bustier pailleté bleu assorti à mon string.

Tania et moi on s'était rencontré lors d'une séance d'entraînement que nous prodiguais le boss, à savoir Mike. Celui-ci était le fils de l'ancien proprio, à ce qu'on m'avait dit. Un beau blond, bien fait, gosse de riche pourri gâté, dont tout le monde s'étonnait qu'il arrive si bien à faire fonctionner la maison.

Tania, pour sa part, était devenue en peu de temps ma meilleure amie. Nous faisions tout ensemble, lors de nos rares vacances, n'ayant pas de petits amis. Cette belle brune, au teint mat et aux magnifiques yeux bleus océans, savait s'amuser et n'oubliait jamais de montrer qu'elle avait un corps superbe. C'était le genre fille, qui après quelques verres d'alcool passait de mecs en mecs dans les boites de nuits.

Moi je n'étais pas de ce genre la, malgré mon job, je n'aimais pas particulièrement me donner en spectacle en dehors de la scène. Pour ce qui est du physique, mes formes valaient celles de Tania. Taille de guêpes, jambes extra longues, cheveux de doux et soyeux, yeux couleurs chocolat, dans la bande du Crazy Horse, plus d'une me jalousais. « On ne se fait pas que des amis dans ce milieu, me répétait sans cesse Tania, et puis plaire à tout le monde, c'est plaire à n'importe qui ! »

Malgré cela ma vie sentimentale était plus vide que l'espace qui sépare les deux oreilles d'une mouche (une mouche, ça possède des oreilles ?). Quand un garçon me plaisait, je me rendais compte, bien vite que tout ce qui l'intéressait, c'était mon corps.

Mais, bordel ! Je n'étais pas une poupée gonflable !

Tel une somnambule, j'effectuais mon numéro de danse, accompagné de Tania. Nous bougions nos corps au rythme de la salsa entraînante que diffusaient les haut-parleurs ingénieusement dissimulés.

Cela faisait presque trois ans que je travaillais au Crazy Horse, et pourtant, chaque soir, la salle comble de gens me rendait nerveuse, telle une gamine qui allait se produire devant un parterre de parents, pour le spectacle de l'école.

Je repérais tout de suite les habitués, ces gens qui avaient fait, au fils des années, de ce cabaret leur seconde maison. Certains étaient bedonnants, frisant la soixantaine, d'autre nous jetaient des regards lubriques et se gardaient bien de se lever, d'autres encore étaient des veuves fatiguées par la vie, qui venaient ici par habitude, en souvenir du bon temps. Je pouvait reconnaitre leurs visage sous les plumes et la dentelles. Soudain, mon regard fut comme attiré par une vision onirique, un homme vêtu entièrement de noir m'observait avec attention. Taillé en V, pas trop grand, cheveux brun savament ébouriffé, un sourire énigmatique posé sur ses lèvres sensuels. A première vu cet homme séduisant était tout à fait mon genre. Son regards posé sur moi provoqua une miriade de frissons dans mon dos. Mais malheureusement , ce bel apollon portait un masque. Soirée costumée oblige.

Et merde !

Je fini mon show et fila vers ma loge, plus troublée que je ne voulais bien l'admettre. En repensant à lui quelque heures plus tard dans mon lit, je me senti rougir. Je ne dormi pas très bien cette nuit la, agitée par des rêves pour le moins érotiques.