Il était toujours si difficile pour Yuya de se rappeler le bon vieux temps, se rappeler comment tous ces liens s'étaient construits, comment ils s'étaient enrichi au fil du temps. Pourtant, elle ne pouvait pas dire qu'elle regrettait, bien au contraire. Mais toujours, une certaine nostalgie s'installait en elle. Ses amis lui manquaient.

Elle était assise sur un linge blanc propre au milieu de son jardin, et le soleil l'enveloppait de ses doux rayons. Le printemps venait de s'installer, et elle en profitait. Elle adorait le soleil. Elle ferma les yeux pour l'apprécier.

- Maman ! Mei ne veut pas me le rendre !

Une enfant de cinq ans se précipita sur ses genoux tout en criant. Elle posa sa tête à la chevelure noire et délicate sur les jambes de sa mère, et leva les yeux vers elle. Elle s'était affalée, faisant une moue boudeuse. De ses petites mains, elle secoua légèrement Yuya, qui n'avait pas ouvert les yeux. Le fait qu'elle n'écoute pas ce qu'elle lui avait dit contraria encore plus l'enfant.

- Maman ! appela-t-elle à nouveau.

- J'ai entendu, Hina.

Yuya lui répondit d'un air très doux. Enfin, elle posa son regard sur son enfant, et lui caressa tendrement la tête.

- Pour une fois, reprit-elle, et si tu allais demander à ton père ce qu'il en pense ? Je suis sûre que Mei te rendra tout de suite ton jouet.

Un rictus apparut sur les lèvres de Yuya. Elle savait que Kyo lui en voudrait de lui avoir envoyé ce petit dilemme. Il ne serait pas en colère, mais elle savait à quel point cela l'énervait de devoir régler ce genre de problèmes « stupides ». C'est comme cela qu'il les appelait. Il ne voyait pas vraiment pourquoi ses enfants devaient se chamailler pour ce genre de choses stupides.

- Maman, tu sais très bien que Papa va complètement m'ignorer… Cinq ans seulement et déjà, elle connaissait son père par cœur. Il n'était pas du genre à prendre parti.

- Oui, tu as raison, il pourrait te laisser crier indéfiniment sans rien faire. Cela fait longtemps qu'il n'a pas été réellement en colère.

- Mais Maman, Papa ne se met jamais en colère !

Yuya émit un rire qu'elle ne put contrôler. Elle renversa la tête en arrière, et continua bruyamment à rire, elle s'étouffa presque. Sa fille prit un air interrogateur. Yuya adorait sa fille quand elle faisait cela. Elle basculait toujours un peu la tête sur le côté, et son regard enfantin la faisait toujours fondre dans ses moment-là.

- Yuya, tu es trop bruyante.

Soudainement, au doux bruit que son prénom avait fait dans la bouche de son compagnon, elle se retourna et le vit assis sur le perron de leur charmante petite maison. Le perron était fait de bois, et il grinçait souvent, mais elle ne l'entendait jamais arriver. Son compagnon avait sa pipe à la bouche et son dos reposait contre l'un des poteaux qui supportait durement la petite toiture. Ils avaient emménagé dans cette maison lorsque Yuya était enceinte de leur premier enfant, Mei, qui avait aujourd'hui sept ans.

- Ne dis pas que je suis bruyante.

Yuya eut un petit sourire, et le regarda droit dans les yeux lorsqu'elle prononça ses mots. Kyo la regarda en retour, et fronça les sourcils. Il essayait de l'intimider. Mais il ne lui répondit pas. Il se contenta de continuer à fumer sa pipe et à souffler la petite fumée en direction du ciel bleu. La jeune Hina avait silencieusement suivit l'échange. Même à cinq ans, elle avait peur de cet homme. Pourtant, sa mère, elle, n'avait pas peur. Donc elle n'avait aucune raison de la ressentir elle aussi. Les moments avec son père était peu nombreux mais lorsqu'ils se produisaient, elle se sentait emplir de bonheur. Elle se leva alors la petite couverture blanche où elle était assise avec sa mère et marcha lentement vers son père.

- Papa ?

Elle prit son courage à deux mains et prit une grande inspiration. En entendant qu'on l'appelait, Kyo tourna la tête.

- Mei ne veut pas me rendre mon jouet.

Il continua à la regarder sans répondre. Alors, la petite fille persista.

- C'est Maman qui m'a demandé de te demander !

Elle serrait ses petits poings aussi forts qu'elle le pouvait. Yuya le savait, à quel point il était dur de comprendre Kyo. Même pour sa famille. Alors, de temps en temps, elle faisait en sorte que ce genre de discussion arrive. Demander à son père quelque chose d'aussi banal, Yuya savait que c'était ce dont Kyo avait besoin. Mais alors que ni sa fille, ni elle ne s'attendait à ça, Kyo haussa légèrement la voix et appela leur aînée. Celle-ci accourut en dehors de la maison. Il était tellement rare que son père l'appelle. Elle prit place à ses côtés.

- Hina, tu as quelque chose à demander à ta sœur ? dit Kyo en regardant la fillette concernée.

Yuya, même si elle avait été choquée quelques secondes que Kyo prenne parti, se retourna pour admirer la scène. Hina était du genre à venir pleurnicher pour demander, mais jamais à demander directement à la personne concernée.

- Mon jouet… commença Hina d'une voix si faible que même Yuya ne l'entendit pas.

Kyo continuait à la fixer. Mais son regard était si doux, un silence prit place. Il n'était pas pesant. Pour Yuya, c'était comme un moment que l'on voulait fixer dans sa mémoire même après la mort. Hina se sentit encourager. Mei regarda son père puis sa mère, et enfin sa sœur. Apparemment, elle était la seule qui ne savait pas ce qui se passait ici.

- Mon jouet, reprit plus fort Hina. Elle se triturait les doigts et avait baissé les yeux pour les regarder. Quelques mèches noires vinrent glisser sur son visage. Mei comprit alors et se leva précipitamment pour entrer dans la maison. Elle chercha le jouet qu'elle avait emprunter à sa petite sœur quelques jours plutôt. Puis, elle revient sur le perron, sauta dans l'herbe verte du jardin, et se plaça devant elle.

- Tiens, dit-elle en lui tendant le jouet. J'avais oublié.

- M-merci, balbutia Hina. A son tour, elle tendit la main pour saisir le jouet.

La journée reprit un rythme normal après cette scène. Yuya en fut extrêmement ravi, que son compagnon ait poussé leur fille si timide à oser demander ce qu'elle voulait. Leurs enfants étaient si différents d'eux. Physiquement, elles étaient les mêmes. Le regard vert et les cheveux noirs, elles étaient un parfait mélange des deux tourtereaux. Mais alors qu'une était d'une timidité extrême et avait peur de tout, ce qui ne reflétait ni Yuya, ni Kyo, l'autre était très posé, quoique très souriante. D'un calme olympique. Le soir, alors que les deux parents avaient couché leurs petites filles, et qu'ils s'étaient assis dans l'air frais de la soirée, elle sur le petit banc de bois, et lui adossé à la barrière les bras croisés, elle dit d'une voix enthousiaste :

- Je me demande ce que le troisième nous réserve comme surprise !

Kyo tourna la tête, et détailla longuement son corps. Après une longue réflexion, il décida de s'installer à côté d'elle, et passa une main sur ses frêles épaules. Elle frissonnait légèrement. Il regarda la nuit prendre place et finit par dire :

- J'espère que, cette fois, ce sera un garçon.

La famille s'agrandira encore. Et Yuya se dit à elle-même qu'elle n'aurait jamais penser être aussi heureuse un jour.