Gambetta Overdrive: Episode 1 – Républicain et dangereux
En 3070, un an après la terrible guerre spatiale franco-allemande, la France est de nouveau en danger: habitée en grande partie par des paysans inéduqués et manipulables, affaiblie par sa défaite contre les perfides Allemands et minéede l'intérieur par des monarchistes sans scrupules, sa situation semble desespérée. Qui osera se dresser pour sauver la république ?
Gambetta Léon, 33 ans, arrêté pour trouble à l'Ordre moral. C'est lui que vous cherchez ?
Le responsable du centre de détention leva juste assez les yeux pour voir son interlocuteur hocher la tête. La demande était surprenante, mais parfaitement légale. L'homme qui se tenait devant lui, vêtu d'un long manteau de cuir noir, arborant un barbe-moustache élaborée, semblait pressé. Avec une politesse presque obséquieuse, l'employé guida le visiteur jusqu'à la cellule du détenu dont il venait de payer la caution.
Ca doit être quelqu'un d'important ce prisonnier... C'est un de vos amis, n'est-ce pas, Monsieur... ?
Ferry. Jules Ferry. Et à vrai dire je n'ai jamais eu l'honneur de le rencontrer.
Les deux hommes poursuivirent leur marche en silence, car le visiteur n'avait aucune envie de discuter.
Les cellules, mal éclairées et humides, étaient presque toutes occupées. Ferry et son guide tournèrent plusieurs fois avant d'arriver à destination. Au fond de la cellule, assis sur une banquette de fer, adossé au mur se trouvait le prisonnier. Il était simplement vêtu d'un marcel blanc et d'un vieux blouson de cuir mais dégageait une telle impression de force et de virilité que l'employé trembla en dévérouillant la porte, et que Ferry eut un haussement de sourcil. On lui avait dit autant de bien que de mal de cet homme: d'après ses informateurs il était impulsif, violent, instable, mais aussi républicain, patriote... et musclé. Un allié de choix s'il parvenait à le convaincre de rejoindre leur cause.
A peine Ferry avait-il eu le temps de le saluer que le prisonnier s'était élancé à la vitesse d'un taureau furieux vers le garde terrifié. Il aurait facilement pu stopper l'attaque de l'inconnu s'il n'avait pas été distrait par l'oeil droit de Gambetta: à la place où les êtres humains avaient généralement un globe oculaire, il n'y avait qu'une sphère de métal, dans laquelle se trouvait une lumière rouge,et qui lui rappelait certaine technologies extraterrestres d'oeil bionique. La seconde d'inatention de Ferry fut fatale au garde, qui s'effondra mort au premier coup de poing de Gambetta; ce dernier se retourna vers le visiteur et s'apprêtait à lui asséner une autre de ses attaques imparables lorsqu'il se rendit compte que son adversaire s'était déplacé et se trouvait maintenant hors de sa portée. D'un coup de pied gracieux et léger, Ferry envoya Gambetta contre les barreaux de la cellule; il s'approcha et l'agripa par son débardeur.
Idiot, j'avais payé votre caution ! Maintenant nous devons nous sortir d'ici le plus vite possible !
Quelques instants plus tard, les deux hommes couraient dans les couloirs de la prison, poursuivis par des dizaines de gardes. Gambetta, qui avait trouvé un pistolet laser sur le corps de sa victime, couvrait Ferry avec une précision qui semblait impossible pour un borgne. En réalité cette sphère rouge brillante qui se trouvait à la place de son oeil droit n'était pas qu'un accessoire de mode de hipster du 3ème millénaire: c'était un dispositif de visée d'une efficacité inégalable. Pendant ce temps l'autre cherchait un moyen de fuir; il connaissait évidement à la perfection les plans de cette prison, aussi en peu de temps il trouva une fenêtre parfaite pour leur évasion. Il ordonna à Gambetta de sauter, maiscelui-ci ne lui obéit qu'avec difficulté. Etudiant sa pose et sa coiffure, Ferry sauta à son tour dans le vide, et se retrouva en chute libre à côté du prisonnier évadé.
Nous avons un contrat à vous proposer, M. Gambetta, cria Ferry pour couvrir le bruit du vent
Quel genre de contrat ? Je n'accepterai rien qui puisse compromettre mes convictions républicaines, l'honneur de la France ou l'intégrité de ma barbe.
Ce n'est qu'à ce moment-là que Ferry comprit pourquoi l'expression de Gambetta lui avait semblée si frappante. Au beau milieu de son visage se trouvait une barbe abondante et frisée, exceptionnelle par sa taille comme par la qualité de ses poils.
Rassurez-vous, M. Gambetta. Cette mission va vous plaire, je vous le garantis.
Sur ces mots, Ferry sortit deux pistolets à grappin de son sac banane. Il attacha un des grappins à la ceinture de de Gambetta, et tira en l'air avec le second pistolet. Le second grappin se fixa à une montgolfière chargée de les intercepter, et propulsés vers le haut, ils atteignirent facilemment l'intérieur de l'aéronef. Les trois policiers qui se trouvaient à l'intérieur furent expulsés comme des travailleurs étrangers d'un pays protectionniste. Gambetta se jeta sur les commandes, sous les yeux d'un Ferry inquiet.
Vous savez piloter cet appareil ?
Bien sûr.
Ferry se rasséréna. Après tout, il était impossible qu'un homme d'un telle virilité ne sache pas piloter une montgolfière. Il observa Gambetta manier le gros levier de direction avec admiration, lorsqu'il fut distrait par un appel de la Base républicaine.
Ecoutez Jules, atteignez le point de rendez-vous et vous serez en sécurité. Vous y êtes bientôt mais vous allez devoir vous défendre contre leurs perroquets de combat.
Ferry posa la main sur l'épaule de Gambetta pour le prévenir du danger, mais c'était inutile. Les armées de perroquets s'abattaient déjà sur la nacelle, répétant sans cesse des slogans antirépublicains.
La république c'est la ruine ! La monarchie mettra fin à la décadence !
Venez, Ferry, nous allons devoir sortir de là !
Vous êtes fou, nous n'avons que cette mongolfière pour nous enfuir !
Vive le Roi ! Mort aux traîtres de 93 !
Prenez ma main, Ferry.
Je vous en prie, si nous sommes vraiment sur le point de sauter dans le vide ensemble... Apelez moi Jules.
Les deux hommes s'élancèrent dans le vide. Les perroquets s'attaquaient toujours aux parois d'osier et ne les suivaient pas. Au fur et à mesure de leur chute, les cris des oiseaux monarchistes s'éloignaient en même temps que le sol se rapprochaient.
Nous n'avons plus qu'une seule solution, Jules ! s'écria Gambetta en sortant un livre de sa poche.
Les mémoires complètes de l'amiral Mac-Mahon ? Mais pourquoi est-ce que vous gardez ça sur vous ?
C'est une cachette idéale pour... ça !
Gambetta ouvrit le livre et en sortit un petit bout de tissu qu'il commença à déplier. Ils s'y accrochèrent le mieux possible, et un parachute bleu-blanc-rouge se déploya entièrement. Quelques instants plus tard, ils touchaient délicatement la terre, à quelques centaines de mètres du point de rendez-vous, et quelques heures plus tard ils se trouvaient sur le vaisseau principal des Républicains, en orbite autour de la lune.
Gambetta, je vous ai expliqué en quoi consistait la mission, et vous savez quels sont les risques. Vous êtes libre de refuser.
Moi refuser une refuser une mission aussi patriotique ? répondit Gambetta en lissant sa barbe. Mais enfin, Jules, sans moi, vous vous feriez tuer en un instant... Non, non, je vous rassure, nos aventures ne font que commencer !
- To be continued
