J'ai erré dans un monde où le temps même était gelé,

Où l'œil ne captait que des nuances de gris issus de l'éternelle pénombre.

J'ai arpenté des lieux dans toutes les directions de ce paysage immué,

Porté par un corps sans consistance, tel une ombre parmi les ombres.

Je n'étais qu'une ombre, un esprit errant sans but ni volonté.

Rien n'aboutissait de mes réflexions, rien ne surgissait de mes pensées.

Aucune connaissance, aucune expérience ne me remplissait.

J'étais vide de tout sentiment. La solitude me caractérisait.

.*.*.

Et puis il y eu un instant. Avait repris ses droits le balancier du temps.

Sous mes yeux fixes et vides, sous ma marche monotone

Le monde immuable, sans couleur, sans horizon s'effrita. Le premier changement.

Je sentis la douleur qui me fit prendre conscience de mon corps d'homme.

Mes yeux distinguèrent une lumière légèrement bleutée,

Ma peau ressentit de multiples caresses tièdes, l'eau devint mon aimée,

Mon esprit s'emplit de cette magnifique impression qui me procura mon premier sentiment.

Papa m'avait sorti du monde gelé. J'étais enfant.