AXE I – L'amour est douloureux -part 1-

En fin de soirée, la population tokyoïte affluait dans les avenues de la mégalopole japonaise, sortant du travail pour rentrer chez elle, empruntant métro, bus et trottoirs en toute quiétude. A quelques centaines de mètres de ces allées encombrées, Masao, jeune homme à l'allure élancée, préférait passer par les rues plus modestes et plus vides pour rentrer chez lui tranquillement et en silence. Les mains dans les poches de son pantalon de costume classique, sa veste posée sur son avant-bras, il marchait, seul, un léger sourire dans le coin des lèvres. Les cheveux d'un noir de jais, les yeux gris, Masao était un bel homme sûr de lui et convoité. Dire qu'il n'était pas intéressé par les choses de l'amour était faux, en fait, en tant que fils de président directeur général d'une société de renom il était très entouré de femmes espérant trouver grâce à ses yeux, en vain. Il n'était simplement pas intéressé par ce genre de prétendantes, il préférait la simplicité. Par chance, son père le laissait faire, selon les volontés de sa défunte mère. Masao était métisse, mais ses gènes occidentaux étaient à peine visibles, et il vivait pleinement sa double culture.

Il était plongé dans ses pensées quand il entendit des cris provenant d'une ruelle. Fervent défenseur de la justice depuis ses années de lycée, il s'y précipita et vit une jeune femme se faire agresser par deux voyous. Furieux de cet acte affreusement barbare et lâche, Masao se jeta sur l'un des deux malfrats et le cogna violemment. Sonné, l'homme s'effondra contre le mur. La jeune demoiselle aux longs cheveux châtains regardait son sauveur avec stupéfaction et gratitude, la main étroitement serrée sur le col de sa chemise. Le deuxième homme prit peur et s'enfuit, suivi par son compère.

- Quelle bande d'abrutis… cracha Masao. Vous allez bien ?

- Euh… oui, balbutia-t-elle. Merci beaucoup, je…

- Il n'y a pas de quoi, sourit le jeune homme en plongeant ses yeux gris dans le vert émeraude de ceux de la demoiselle. Je m'appelle Masao Ikeda. Mais vous pouvez m'appeler Masao.

- Taori, dit-elle en lui serrant la main. Chris Taori.

Devant rentrer chez elle, elle s'inclina légèrement et reprit sa route vers les quartiers les plus modestes de la ville. Masao la regardait s'éloigner en silence, admiratif devant cette silhouette, hypnotisé par sa démarche. Il ne pourrait pas oublier ce visage fin et pâle, ni ce doux sourire ou cette lueur dans les yeux. Habillée d'un jean taille basse moulant et d'une chemise blanche, Chris avait porté un coup fatal au cœur du jeune homme. Celui-ci souffla pour se remettre de cette rencontre et vit sur le sol un sac en papier rempli de provisions, oublié par la jolie demoiselle. Il le prit sans hésitation et tenta de retrouver la jeune femme pour le lui rendre. Cependant, il l'avait perdue de vue.

Chris était de retour dans son petit studio, encore sous le choc de ce qui s'était passé dans la ruelle. Il était temps de prendre une bonne douche bien fraîche pour s'éclaircir les idées. Laissant ses habits sur le carrelage de la salle de bain, Chris dévoila son corps mis à nu à son miroir et se regarda longuement, les sourcils légèrement froncés. Sa main se posa sur sa poitrine parfaitement plate et ses yeux se posèrent sur sa virilité. Ce corps, si frêle… si gracile… le visage si fin… la voix si cristalline comme celle d'une femme… les cheveux longs… à vrai dire, même dans sa façon de se vêtir et dans ses manières il ressemblait à une fille, cela avait toujours été ainsi. C'était naturel chez lui et il n'arrivait pas à faire autrement, quitte à se retrouver dans des situations délicates. D'ailleurs quasiment tout le monde le prenait pour une jeune et jolie demoiselle à qui il manque une vraie poitrine. Il n'était donc pas étonnant pour Chris qu'on s'en prenne à lui à cause de cette fragilité, en fait il en avait l'habitude. Il entra dans la douche pour se détendre. Quelques minutes plus tard on sonna à la porte de cet appartement trois pièces. Légèrement surpris, car il n'attendait aucune visite, il mit son long et douillet peignoir blanc et une serviette autour des cheveux avant d'ouvrir. Il reconnut alors le jeune homme qui l'avait sauvé et sa surprise redoubla.

- J'ai eu du mal à vous retrouver, dit Masao dans un sourire.

- Comment…

- Vous avez oublié ça tout à l'heure, expliqua-t-il en lui montrant le paquet.

- Je suis d'une étourderie incroyable ! s'exclama aussitôt Chris en se frappant le front. Encore merci. Mais comment avez-vous fait pour savoir où je vis ?

- Il faut croire que j'avais envie de vous revoir.

Chris rougit, se demandant si son sauveur se rendait compte de ce qu'il disait et l'imaginant frapper à toutes les portes du quartier pour le retrouver.

- Voulez-vous entrer ? demanda-t-il. Allez vous assoir un instant. Je vais m'habiller et je reviens. Ne vous préoccupez pas du désordre, j'ai emménagé depuis peu.

- Merci bien, j'accepte volontiers l'invitation, à vrai dire… je l'espérais.

Chris entra à nouveau dans la salle de bain, rouge comme une pivoine. Il était en train de se faire draguer, et même si cela venait d'un homme qui faisait probablement une grosse méprise, cela ne lui déplaisait pas. Il s'habilla rapidement. Il mit un jean propre et une chemisette mauve très féminine qu'il noua au-dessus du nombril. Il laissa également ses longs cheveux châtains sécher sur ses épaules. Pendant ce temps, Masao attendait, confortablement assis sur le canapé, détaillant le salon et son coin cuisine. Il y avait peu de meubles, juste ce qu'il fallait, et quelques cartons étaient posés contre le mur. Dès qu'il vit Chris sortir ainsi habillé, il resta bouche bée devant cette apparition qui était tout à fait à son goût. C'était une personne simple, douce, exactement ce qu'il recherchait, et ce n'était pas sans arrière pensée qu'il était entré dans cet appartement, en tout bien tout honneur.

- Voulez-vous boire quelque chose ? demanda Chris en cherchant dans un placard de la cuisine. Je n'ai pas grand-chose, j'avais mis à préparer du thé.

- Ça me va totalement, répondit Masao, se surprenant à avoir les yeux fixés sur les épaules de son hôte.

- Vous m'avez sauvé de deux bandits, commença Chris en posant les tasses sur la petite table du salon. Vous me rapportez mes affaires, mais qui êtes-vous donc ? Mon ange gardien ?

- Je vous l'ai déjà dit, Masao Ikeda. Je peux l'être, votre ange gardien, si vous le voulez. Et ce que j'ai fait, n'importe qui aurait fait de même à ma place !

- Vous croyez ?

- J'aimerai bien qu'on fasse connaissance vous et moi, Chris Taori.

- Voilà quelqu'un qui ne tourne pas autour du pot, dit-il en servant la boisson.

- Ce doit être mon côté français. Ma mère était française. Et puis qui sait… C'est peut-être une rencontre du destin, non ?

- Et bien…

- Mais parlez-moi de vous. Vous venez d'emménager dites-vous. Pourquoi un tel endroit ?

- Je n'ai pas beaucoup de revenu, répondit Chris en s'asseyant sur le fauteuil d'à côté. Aujourd'hui j'ai vingt-deux ans et je travaille à la bibliothèque du coin, mais avant j'enchaînais petits boulots sur petits boulots. Et vous, que faites-vous dans la vie ?

- Je suis cadre dans l'entreprise de mon père. Un jeune cadre de vingt-quatre ans.

- C'est une bonne situation.

- Oui assez. Mais on croit que d'être le fils du patron c'est être privilégié. Erreur. Il est toujours sur moi, à me surveiller. Les responsabilités amènent un peu de stress.

Il se tut un instant et se leva, parcourant la pièce.

- Et vous n'avez pas d'amis ?

- Je suis très solitaire. J'aime ma petite bulle et les gens généralement me trouvent… bizarre.

- Ne me faites pas croire qu'une si jolie jeune fille n'ait pas un amoureux !

Chris se paralysa. C'était donc ça. Un malentendu. Il s'apprêta à répondre quand Masao prit à nouveau la parole.

- Je comprends. Ça ne me regarde pas. Excusez-moi de me mêler de ce qui ne me regarde pas. Vous devez me prendre pour un véritable pervers.

- Non. Un véritable pervers aurait été soit beaucoup plus entreprenant soit, au contraire, plus fin et plus dangereux. Mais je voudrais vous dire que…

- Je ne suis pas comme ces gens-là. Je suis désolé de vous importuner.

- Il n'y a pas d'offense. Vous ne m'importunez pas. ça me fait plaisir d'avoir de la visite, et comment en vouloir à quelqu'un qui m'a sauvé ?

- Alors vous voudrez bien qu'on se revoit ? s'exclama Masao, plein d'espoir.

Encore une fois, Chris parut étonné. Décidément, cet homme était surprenant.

- Bien sûr, sourit-il. J'aimerais qu'on se revoie.

- Ah vraiment ?

- Vrai de vrai, Masao.

Ils se quittèrent ainsi, l'un excité de pouvoir revoir sa nouvelle connaissance, l'autre appréhendant une nouvelle rencontre basée sur un malentendu. Il aurait dû corriger cette erreur, mais par faiblesse sûrement, il n'avait pas osé. Il aurait dû s'habiller autrement, mais il n'était jamais arrivé à forcer son comportement. Parfois, il se désespérait, mais il avait appris que rester lui-même était la seule façon d'honorer la personne qu'il était. Aller à l'encontre de ce que l'on est conduit forcément à quelque chose de mauvais, c'était ce que Miki lui disait toujours.

Quelques minutes plus tard, on sonna à nouveau à la porte. Le jeune homme n'eut pas le temps d'aller répondre qu'elle s'ouvrit à la volée.

- Boum ! Boum ! C'est moi ! s'exclama la personne, un jeune homme dont un sourire lumineux s'était dessiné sur son visage au teint hâlé.

- Miki, tu arrives bien tôt dis-moi, fit Chris, à peine surpris.

- Chri-chan, je dois embaucher plus tôt. On a un invité de marque à la boîte, alors… je suis passé te voir plus tôt !

Chris posa sa tasse de thé et leva les yeux de son livre pour regarder son ami. Miki Watanabe était un jeune homme de vingt-sept ans, aux cheveux roux mi-longs. Ses yeux bruns pétillaient de malice et regardaient Chris d'un air protecteur. C'était aussi un ancien prostitué qui était aujourd'hui propriétaire d'une boîte de nuit. Il connaissait Chris depuis leur plus tendre enfance, et d'aussi loin qu'il s'en souvienne, son jeune ami avait toujours été comme ça, frêle, féminin, tel était son état naturel. Et ce fut tout aussi naturel pour lui de l'avoir pris sous sa protection, devenant un véritable grand frère, lui, sa seule famille, puisque les parents de Chris l'avaient rejeté très tôt dans sa vie d'adolescent et refusaient de le revoir. Tous les jours, Miki lui rendait visite, et il était son seul ami, le seul qui connaissait son passé et qui l'acceptait quand même de la même façon que Miki acceptait sa différence. Ils n'avaient besoin de personne d'autre car ils se comprenaient mutuellement.

- Chri-chan, t'es encore habillé comme une nana, railla Miki en s'affalant sur le canapé.

- Je sais. Et alors ?

- Je vais te sauter dessus si tu continues. T'es irrésistible ! Imagine qu'un psychopathe s'en prenne à toi pour te violer, quand il va remarquer que t'es un mec, ça va faire mal – pour lui – pour son amour-propre, mais tu risques d'en souffrir toi aussi.

- C'est gentil de t'inquiéter, répondit simplement Chris en se replongeant dans son livre.

- C'était qui le mignon jeune homme que je viens de voir sortir ?

- Une rencontre.

- Et j'espère qu'il ne t'a pas pris pour une femme.

Le jeune homme but une gorgée de son thé, l'air faussement innocent. Cette attitude était la réponse qui suffisait aux yeux de Miki qui soupira longuement.

- Ce n'est pas vrai. Pourquoi tu ne lui as pas dit que tu étais un garçon ?

- Il me faisait des avances et je ne savais pas quoi répondre. Je n'ai pas eu trop le temps non plus. Et je ne sais pas pourquoi je ne lui ai pas dit.

- Tu rougis, chéri, se moqua le rouquin avec un léger sourire.

Chris se mordit la lèvre inférieure.

- Il va falloir que je te laisse, continua Miki en regardant sa montre. Un chanteur de rock ça ne se loupe pas. Bisous et à demain !

Il partit comme il était venu, comme si tenir en place cinq minutes l'ennuyait. Il déposa ses lèvres sur la joue de Chris qui lui souhaita une bonne soirée et il disparut dans le couloir de l'immeuble. Ce n'était pas la première fois qu'ils se voyaient dans un si court laps de temps, mais cela leur suffisait. Miki était comme ça, il menait une vie à cent à l'heure, n'oubliant jamais son petit protégé. C'était un jeune homme très ouvert aux autres, et généreux. Il s'était donné la vocation d'aider les jeunes dans le besoin, rejetés par la société à cause de leur différence. Chris avait été le premier, par affection, et il avait décidé qu'il ne laisserait personne suivre le même chemin que lui dans sa jeune vie d'adulte.

Le lendemain, Chris partit à son travail. Les cheveux soigneusement relevés, il était tranquillement assis à l'accueil, lisant quelques fiches. Quand il leva enfin les yeux, il vit Masao qui le fixait, sans doute depuis un moment. Immédiatement, Chris prit sa pause et alla à la rencontre de son nouvel ami. Il prit la résolution de lui dire qui il était vraiment, mais il n'eut pas le temps de dire un mot que Masao lui prit la main et la lui embrassa. Rouge comme une pivoine, Chris balbutia un bonjour presque inaudible. Ils se côtoyèrent pendant un peu plus d'une semaine et discutèrent longuement. C'était tout nouveau pour Chris qui ne connaissait que Miki. Faire la connaissance de quelqu'un d'autre était à la fois exaltant et effrayant. Il ne se lassait pas d'être avec Masao, car c'était un jeune homme très intéressant. Mais il n'avait rien dit, rien laissé croire qui puisse avouer à son nouvel ami qu'il était un garçon. Il parlait même au féminin. Il en avait pris l'habitude. Masao quant à lui était totalement sous le charme de Chris qui était devenu son sujet de conversation auprès de ses deux amis les plus proches : Eiji et Toya, qu'il connaissait depuis le lycée.

- Et quand est-ce que tu nous la présente ta copine ? demanda Eiji en passant sa main dans ses cheveux noirs coupés courts.

- Ce n'est pas ma copine. On est seulement très lié, c'est tout.

- Elle est mignonne, intelligente, dis-tu, adorable, sexy… énuméra Toya.

- C'est vrai mais on n'est pas ensemble, pas encore.

- Et comment dis-tu qu'elle s'appelle ?

- Chris.

Eiji semblait approuver dans un signe de tête. Il était le plus grand des trois, avec une carrure plus développée. Son père tenait un dojo et était maître de karaté, ses enfants avaient donc suivi une éducation stricte selon le code des arts martiaux. De ce fait, Kondou Eiji était quelqu'un d'un peu brut et franc, agissant plus vite qu'il ne réfléchissait, mais ce n'était pas un mauvais bougre. Masao était son camarade privilégié pour pratiquer son sport familial. Tanaka Toya, lui, était plus doux, plus cérébral. Il poursuivait des études de droit et travaillait dans le cabinet du procureur en tant qu'assistant. Ils avaient tous les trois su mêler leurs capacités physiques et intellectuelles pour former un club de détectives au lycée, et même si aujourd'hui leurs petits jeux d'enquêtes étaient terminés, ils aimaient bien s'en rappeler, s'en amuser. Les années avaient passé et ils s'étaient tournés vers des carrières plus sérieuses, même si Toya s'était résolu à continuer dans ce sens au travers les métiers de la justice. Mais ce jour-là, la discussion tournait autour des filles.

Masao les emmenait dans le quartier où vivait Chris. Sans avoir l'intention de les emmener chez lui sans son accord, il espérait pourtant le rencontrer par hasard dans la rue, et il eut de la chance ce jour-là aux abords de l'épicerie, car Chris en sortit, portant dans ses bras un lourd paquet avec de la nourriture. Il eut tout d'abord les yeux agrandis par la surprise quand il aperçut Masao, puis un sourire se dessina quand il le salua chaleureusement. On fit les présentations et Chris s'en trouva intimidé, mais les amis de Masao semblaient très agréables et étaient curieux de le connaître. Evidemment, il n'en douta pas qu'il fut pris de nouveau pour une femme et le sentiment de culpabilité qu'il ressentait depuis une semaine ne fit qu'accentuer.

En effet, Eiji et Toya avaient apprécié cette rencontre, et une fois qu'ils reprirent chacun son chemin, ils approuvèrent le coup de cœur de leur ami : Chris était vraiment une très belle personne. Masao ne devait plus hésiter, s'il était apprécié en retour, il pouvait espérer avoir une relation plus sérieuse.

Pourtant, au bout d'un mois, Masao et Chris continuèrent à se voir en toute innocence, à faire des sorties au cinéma ou quelques balades dans les rues animées, ou les parcs, s'arrêtant à un café. Chris avait de moins en moins le courage de dire la vérité à son sujet, il se bloquait à cette idée. Miki s'inquiétait de plus en plus pour lui, d'autant plus qu'il n'avait plus du tout l'intention de lui révéler qu'il était un homme, tout simplement parce qu'il s'était attaché à Masao et qu'il craignait, inévitablement, qu'il le repousse à cause de ce malentendu.

- Je crois que tu fais une énorme erreur, lui répétait-il. Plus tard tu repousseras l'échéance, plus l'impacte de la révélation lui fera mal. Ça risque de tourner à la tragédie.

- Tu crois que je n'en ai pas conscience ? répondit Chris. Pour tout t'avouer j'en ai du mal à dormir. Je sais que j'ai tort, et je sais aussi qu'il me considère autrement que comme une simple amie pour lui et qu'il aimerait bien aller plus loin.

- C'est pour ça que j'ai peur.

- Tu prends trop soin de moi, Miki. Je ne veux pas être un poids !

- Voyons Chri-chan, répondit-il en le serrant contre lui, si je ne suis pas là, qui prendra soin de toi ?

- Et je ne t'en remercierai jamais assez, murmura Chris en fermant les yeux et en se blottissant contre son ami.

- Petit frère.

Mais Miki ne pouvait rien faire de plus pour lui. Chris était le seul à pouvoir se sortir de sa situation, encore fallait-il qu'il le veuille, qu'il trouve le courage de l'avouer avant qu'il ne soit trop tard, avant que Masao et lui n'aillent trop loin.

Un soir, en rentrant d'une soirée cinéma, Masao raccompagna Chris jusque chez lui. Il resta sur le palier, prolongeant les au-revoir et les bonnes nuits.

- C'était une soirée très agréable que j'ai passé en ta compagnie, je te remercie.

- Mais c'est toi qui m'as invité, répondit Chris dans un murmure. C'est à moi de te remercier.

- Alors bonne nuit.

- Bonne nuit et à demain.

Sans qu'il ne s'y attende, Masao le prit par la taille et l'embrassa tendrement. Il se laissa faire et lui rendit son baiser, se retrouvant perdu dans des émotions folles. Il ne voulait pas lui faire du mal, et il était un peu trop tard pour dévoiler le malentendu, mais il avait malgré lui développé des sentiments. Il ne savait que faire, il était totalement tombé amoureux de Masao, et c'était réciproque. Du moins, il avait succombé à son côté féminin. Miki avait raison : il avait attendu trop longtemps et cela risquait de mal se passer, et celui lui faisait peur. Lui qui ne voulait pas entamer une telle relation, il se laissait transporter par ce baiser qui lui faisait battre le cœur plus vite. Masao lui lâcha les lèvres et murmura à nouveau « bonne nuit » avant de s'en aller.

Chris ferma lentement la porte et s'adossa à elle, une main sur la bouche. Comment allait-il s'en sortir maintenant ? C'était si apaisant, et pourtant cela lui faisait mal en même temps, et Masao ne s'en rendait pas compte. Cela ne l'empêcha pas d'aller le retrouver pour un prochain rendez-vous une nouvelle fois, et ainsi de suite, passant d'une relation amicale à une relation amoureuse. Chris oubliait pour un temps ses remords, il ne s'était jamais senti si bien auprès d'un autre individu, hormis Miki. Il passa également plus de temps avec Eiji et Toya qui l'avaient très bien accepté. Le mieux pour lui c'était qu'ils le voyaient comme une fille même il savait que cela ne durerait pas, alors il en profitait un peu, trouvant enfin l'insouciance des jeunes gens de son âge. Il aimait les baisers de Masao, sa tendresse, sa présence. Il se sentait si bien quand il le serrait dans ses bras. Ils étaient devenus de plus en plus proches et de plus en plus complices. Et dans l'esprit de Masao, celui-ci savait qu'il avait enfin trouvé la personne qui le complétait, la moitié de son être, ce qui ne manqua pas d'interpeler son père, Mamoru Ikeda. L'homme d'affaire insistait pour rencontrer cette jeune fille qui plaisait tant à son fils, mais Masao ne voulait pas précipiter les choses. Il allait bien falloir qu'il passe par cette étape pourtant.

Deux semaines passèrent. Vers dix-sept heures, Masao partit chez Chris pour passer la soirée ensemble. Il arrivait un peu plus tôt que prévu et vit Chris, accoudé à une barrière en ferraille sur le perron de son immeuble. Un jeune homme roux l'avait rejoint et était un peu trop collé à lui selon son goût. Il dut assister à une embrassade qui semblait bien plus qu'amicale et malgré lui, il ressentit une certaine jalousie qui le mettait en colère. Il s'approcha à grands pas sans se faire remarquer, il put donc entendre la fin de la conversation.

- Je dois y aller maintenant, je t'adore mon bébé.

- A demain Miki, passe une bonne soirée…

Le dénommé Miki lui sourit et lui embrassa sur le front. Masao se précipita sur lui et le colla contre le mur furieusement.

- Masao ? ! s'étonna Chris.

- Ne la touche pas !

- Eho ! fit Miki avec un sourire goguenard. Ne t'excite pas comme ça !

- Masao, lâche-le.

- Tu…

- Tu es jaloux, coupa le rouquin. Comme c'est mignon ! Mais je n'ai pas le temps pour toi malheureusement, je regrette. Je ferai ta connaissance plus tard. Bye Chri-chan !

- Toi, tu…

Miki s'éloigna en allumant une cigarette. Chris regardait Masao d'un air interrogateur, mais il comprit très vite le malentendu. Sans plus d'explication, il lui demanda de le suivre jusqu'à son appartement : ils seraient plus à l'aise pour discuter. Installés sur le canapé, ils durent faire face à un long silence gêné, puis Chris lui murmura :

- Miki est un être très cher à mes yeux. Il est peut-être spécial, mais je l'aime.

- Tu… ?

- Pas dans le sens où tu le vois, sourit-il. Laisse-moi le temps de me préparer pour notre soirée. Attends-moi.

Cela était insuffisant pour Masao dont l'embarras ne s'était pas évaporé. Il restait plongé dans ses pensées quand Chris s'assit à côté de lui sur le canapé.

- Dire que je voulais te présenter mon père…

- Quoi ? s'étonna le jeune homme.

- C'est trop tôt ? Tu ne veux pas ?

- C'est… soudain. Quand ?

- Demain ? hésita Masao.

- Ah… je n'y vois aucun problème.

Dans un sourire, le brun l'embrassa dans le cou.

- Et toi, quand me présenteras-tu les tiens ?

- Je n'ai pas de parents.

- Ah… rougit Masao, encore plus gêné. Je suis désolé.

- Tu n'as pas à l'être. Ils sont encore en vie. Seulement, ils m'ont un peu reniée.

- Quoi ?

- Je n'étais pas l'enfant qu'ils auraient voulu. Ils voulaient que je sois différente. Alors, ils m'ont mise à la porte. J'avais douze ans.

- Si tôt ? s'interloqua le jeune homme. Comment ont-ils pu ? Tu es leur fille !

Chris baissa les yeux. C'était justement cette féminité qui était la cause de tout ça.

- Je les ai déçus.

- Tu es tellement adorable, si mignonne. Franchement je ne les comprends pas ! s'indigna Masao en posant un doigt sur la joue de Chris.

- Je me suis retrouvée toute seule, dans la rue. Et Miki m'a sauvée. On se connaissait déjà avant et on était très proches. On n'a peut-être pas le même sang mais c'est comme mon grand frère. On s'est retrouvé tous les deux. Il avait dix-sept ans. Et après avoir enchaîné boulots sur boulots, il a dû vendre son corps pour pouvoir subvenir à nos besoins. Je lui dois tout. Sans lui, on m'aurait sans doute retrouvée morte dans un caniveau.

- Et je me suis comporté comme un imbécile, comprit Masao. Il faudra que je lui présente mes excuses, je me suis montré lamentable, n'est-ce pas ?

Chris se blottit contre lui dans un sourire.

- C'était plutôt mignon de ta part. Je me suis sentie flattée !

- Je crois que je suis amoureux.

Confus, Chris leva les yeux vers Masao. Il ressentait la même chose, mais avait-il le droit de le dire ? Il trouva un compromis en l'embrassant avec tendresse avant de se lever pour partir au restaurant, main dans la main. Le père de Masao revint dans la discussion car malgré son accord, Chris semblait appréhender cette rencontre.

- Il a l'air assez impressionnant mais il n'est pas méchant, assura son compagnon. Il est très carré peut-être mais il a de l'humour. Qu'est-ce que tu envisages de porter ?

- Et bien, hésita Chris. Comme d'habitude, non ?

- J'aurais bien aimé te voir en robe !

- En robe ?

Chris rougit et hocha la tête pour chercher une excuse.

- Je n'aime pas trop porter des robes et des jupes.

- Mon père aime beaucoup les femmes habillées ainsi.

- Mais j'espère plaire à ton père telle que je suis, répondit Chris en lui prenant la main.

- Tu as raison. Je fais de ce dîner une fixation.

Ils s'embrassèrent avant de reprendre leur route vers le cinéma. Plus tard dans la soirée, Masao le raccompagna jusqu'à son appartement et se quittèrent sur le palier, comme à leur habitude. Le jeune homme se retenait à ne pas chercher à aller plus loin et Chris en était satisfait, car il était tombé sur quelqu'un de sérieux et sincère. Cependant il passa la nuit à cogiter sur la suite des évènements : il ne pouvait plus reculer. Le lendemain, vers dix heures du matin, Chris entra dans l'appartement de Miki sans frapper. Chacun avait les clés de l'autre au cas où, et aussi tôt le matin, Miki dormait encore. Chris dut le secouer un peu pour le réveiller.

- Quoi ? fit-il d'une voix pâteuse.

- J'ai besoin de ton aide !

- P'quoi faire ?

- Il me faut des robes !

- Des… quoi ? s'étonna Miki en s'asseyant vivement, complètement réveillé sur le coup.

- Ce soir je vais dîner avec Masao et son père. Il faut que je sois présentable !

- En robe ? Tu es fou mon vieux !

- S'il te plaît, supplia Chris les yeux embués de larmes.

- D'accord, céda Miki. Allons faire les boutiques.

Ils firent les magasins toute la matinée et choisirent plusieurs motifs de robes très rapidement afin qu'aux alentours de midi, après s'être arrêtés dans un snack bar, ils rentrèrent chez Chris pour faire de véritables essayages à l'abri des regards inquisiteurs. Chris partit s'enfermer dans la salle de bain tandis que Miki s'était installé dans son fauteuil. Le cadet avait besoin de son avis car son ami avait des goûts très esthétiques. Il apparut en premier temps dans une robe blanche assez longue et ample au jupon mais qui moulait affreusement la poitrine. Miki grimaça.

- Bien, si tu aimes les planches à pain. Ça met trop ta poitrine absente en valeur : tu arrives à ressembler à un garçon dans une robe. Je n'aurais jamais cru.

- Okay ! s'écria Chris, repartant rapidement dans la salle de bain. On en essaie une deuxième.

Miki ne put réprimer un rire en voyant son ami si motivé à s'habiller d'une façon encore plus féminine qu'il n'en avait l'habitude pour un garçon. Chris ressortit quelques instants après portant une robe noire, beaucoup plus courte que la première. Elle lui moulait les cuisses et les fesses. Miki retint un nouveau rire plus moqueur.

- Là ce n'est plus la poitrine qui est mise en valeur, mais autre chose, si tu vois ce que je veux dire !

- Arrête de te moquer de moi ! rougit Chris en s'enfermant à nouveau.

L'air boudeur, il sortit avec la troisième robe. Miki se figea un instant, les yeux grands ouverts. Elle était bleue pâle et assez ample, tombant à une dizaine de centimètres sous les genoux. Pas trop décolletée, elle avait du tissu en plus sur la poitrine, ce qui cachait son absence et faisait de Chris une jeune femme mystérieuse au profil d'une poupée de porcelaine. Elle n'avait pas de manches et accentuait le côté féminin du jeune homme qui rougit à nouveau en voyant la tête de Miki. Celui-ci était totalement sous le charme.

- Tu es… magnifique, conclut-il. Ne cherche plus, c'est cette robe-là que tu vas porter. Maintenant, la coiffure !

Miki adorait coiffer Chris. Il le faisait tout le temps. S'il avait pu continuer ses études il serait devenu coiffeur visagiste tellement il était doué pour cela. Et d'après lui, la chevelure de Chris était une bénédiction dans le monde capillaire. Il lui releva les cheveux et fit un chignon, laissant libres plusieurs mèches qui bouclaient et qui lui tombaient sensuellement sur les épaules et le dos. Il était dix-huit heures. Dans une heure, Masao serait sur le pas de la porte.

- Il reste quelques petits détails à fignoler, ajouta Miki. Passons au maquillage !

- Tu crois ?

Il avait apporté une trousse remplie de produits de beauté. Comment s'en servait-il habituellement ? Chris ne le lui avait jamais demandé. Il fit quelques essais puis trouva la touche idéale à son teint et à ses vêtements. Quelque chose de pas trop voyant ni transparent. Chris se regarda dans le miroir et se surprit lui-même.

- Par chance, tu t'es percé les oreilles, continua Miki en sortant une paire de boucles d'oreilles longues en or.

- Je me reconnais à peine.

- Voilà ! s'exclama le rouquin après avoir mis les bijoux. Tu es parfaite ! Tu es magnifique, trop belle ! Je tomberai presque amoureux de mon petit frère ! J'avais toujours rêvé de te métamorphoser en femme, avoua-t-il, tout ému. Mais on peut continuer en mettant du rembourrage dans un soutien…

- Non ! coupa Chris, gêné. Merci, mais ça ira comme ça !

La sonnerie retentit et Chris sursauta, inquiet. Miki le rassura de sa voix douce et alla ouvrir. Masao fut surpris de le voir et rougit de honte.

- Je… commença-t-il. Je vous présente mes excuses pour hier.

- Ce n'est pas grave ! Entrez ! Mademoiselle vous attend !

Masao franchit le seuil de la porte et Chris sortit de la salle de bain, visiblement gêné. Le jeune homme eut à peu près la même réaction que Miki lorsqu'il le découvrit. Complètement sous le charme, il se sentait plus que jamais amoureux. Il s'avança vers lui pour lui prendre la main et la lui embrasser de manière chevaleresque. Chris ne put s'empêcher de rougir et de répondre par un sourire engageant.

- Passez une bonne soirée ! s'exclama Miki en faisant un signe de main.

- Merci, murmura Chris.

- Vous aussi, ajouta Masao en offrant son bras à sa compagne. Viens, sinon on va être en retard, ce qui déplairait à monsieur mon père.

Miki adressa un clin d'œil à Chris qui s'éloigna auprès de son compagnon. Une voiture noire les attendait. Cela n'empêchait pas le jeune homme en robe de se poser des tas de questions durant le trajet, après tout, il allait être présenté au près de Masao, lui confirmant que cette histoire était devenue sérieuse, et une histoire sérieuse menait toujours deux amoureux aux révélations. Il songea comment Masao réagirait-il s'il apprenait qu'il était en réalité un garçon. Il se sentirait trahi, déshonoré, il en souffrirait sûrement, et à cette idée Chris se sentit mal. Masao vit bien son malaise, sans le comprendre, alors il posa sa main sur sa cuisse, lui murmurant tendrement qu'il ne fallait pas s'inquiéter. Chris le rassura d'un sourire forcé. Il s'était trop attaché, s'était laissé tomber amoureux à la suite d'un malentendu. Car il était très amoureux de Masao en effet et il allait causer inévitablement de la peine à cette personne. Alors, inévitablement, il se mit à paniquer.

- Chauffeur, dit-il d'une voix tremblante. Arrêtez la voiture !

- Quoi ? s'étonna Masao.

- Arrêtez la voiture ! répéta-t-il en s'avançant vers les sièges avant.

Le chauffeur obéit et aussitôt Chris ouvrit la portière pour pouvoir s'enfuir sans explication. Masao le suivit, bien évidemment, et le rattrapa par le bras.

- Qu'est-ce qu'il te prend ?

- Je ne peux pas ! s'écria le jeune homme en pleine crise.

- Veux-tu bien m'expliquer ?

- Je suis désolée, mais tu ne me connais pas assez ! Tu ne sais pas qui je suis ! Cela va trop vite et…

- Qu'est-ce que tu racontes ? Comment ça je ne te connais pas ? Explique-toi ! Tu ne vas pas m'annoncer un truc du genre tu es une meurtrière en puissance ?

- Non mais…

- Alors ?

- Je ne peux pas.

Masao le serra contre lui chaleureusement, se voulant rassurant.

- Je comprends. Tu as beaucoup souffert.

« Oui c'est vrai… » pensa Chris. Mais ce n'était pas le problème.

- Mais je te promets que je ne te ferai jamais de mal. Je serai toujours là pour toi. Je t'aime.

- Je n'ai pas peur que tu me fasses du mal. J'ai peur que ce soit moi qui t'en fasse.

- Pourquoi m'en ferais-tu ? Tu m'aimes, n'est-ce pas ?

- Bien sûr que je t'aime mais… il y a quelque chose que…

- Alors pourquoi hésiter, Chris ? Ce n'est qu'un dîner, ne t'inquiète pas. Je serai là. Allez, viens.

Ils remontèrent dans la voiture et reprirent la route. Chris était un peu plus calme, mais son inquiétude ne s'était pas envolée pour autant. Il devait néanmoins faire bonne figure. Ils arrivèrent à la demeure du père de Masao : Ikeda Mamoru. Masao venait y dormir quelque fois, mais il avait son propre appartement qu'il partageait avec Eiji et Toya plus au cœur de la capitale, loin des quartiers calmes et chics. Ils sonnèrent et on ouvrit quelques instants plus tard.

- Pardonne-nous d'être en retard, dit Masao.

- Ce n'est pas grave, répondit Ikeda en posant ses yeux sur Chris. Cela valait la peine d'attendre. Vous êtes en beauté ce soir, mademoiselle Taori.

Il lui fit le baisemain puis ils entrèrent pour aller s'installer autour de la table bien présentée. Il y avait même des personnes pour faire le service, comme dans un restaurant. Une fois que le dîner avait commencé, la discussion pouvait également débuter par un échange entre monsieur Ikeda et Chris.

- Alors, Masao m'a dit que vous travaillez dans une bibliothèque.

- Oui, je suis à l'accueil et j'enregistre les livres empruntés et rendus. Mais avant j'enchaînais les petits boulots.

- Quels genres ?

- Distribution de journaux, porte à porte… mais maintenant j'ai une situation stable.

- Tant mieux. Mais vous êtes très jeune.

- J'ai arrêté mes études quand j'ai eu mon examen de dernière année de lycée. Je ne pouvais pas continuer. Je devais subvenir à mes besoins.

- Vous êtes une personne très courageuse. La vie n'a pas dû être facile.

- Heureusement que j'avais un frère. Et maintenant j'ai rencontré Masao.

- Je comprends.

Ils discutèrent longuement. Ikeda avait très envie de connaître la femme amoureuse de son fils. Finalement Ikeda n'était pas si terrible qu'on l'avait laissé entendre et il était lui aussi tombé sous le charme, approuvant le choix de Masao. Chris sembla plus détendu et globalement ils avaient passé une bonne soirée qui se termina sans encombre. Après avoir dit au-revoir à son père, Masao raccompagna une nouvelle fois Chris chez lui, satisfait du bon déroulement de la soirée. Il s'apprêtait à partir mais au dernier moment il s'attarda auprès de lui avec une forte envie de le tenir par la taille. Il l'embrassa passionnément, il avait envie d'« elle ». Chris se laissa faire, comme il se traîner jusqu'à sa chambre sans rompre le baiser. Masao le colla contre le mur et fit glisser ses lèvres le long de sa gorge.

- Non arrête… murmura Chris, sentant le danger.

- Pourquoi ? fit Masao dans un souffle en posant sa main dans celle de Chris qui était plaqué au mur. J'ai envie de toi…

- Pas ce soir, Masao, s'il te plait.

Mais Chris n'allait pas résister longtemps aux baisers de l'être aimé qui avait senti cette faille. Il passa sa main sous la robe et lui caressa tendrement la cuisse. Chris tenta de reprendre le dessus.

- Non arrête, je ne veux pas…

- Tu ne veux pas ?

- Non, s'il te plaît. Pas ce soir.

Reprenant ses esprits, Masao lâcha Chris et se confondit en excuses. Il n'avait pas voulu forcer les choses, et son vis-à-vis ne lui en voulait pas. Pour lui faire comprendre que ce n'était pas grave, Chris l'embrassa avec tendresse.

- Bonne nuit mon amour.

- Bonne nuit, sourit Masao.

Mais Chris n'alla pas se coucher, restant immobile dans le couloir jusqu'à ce qu'il soit sûr que Masao était bel et bien parti. Son sourire figé s'effaça et il se précipita pour enlever sa robe et défaire sa coiffure et son maquillage. Il se regarda dans le miroir avec honte : il était de ces moments où sa propre personne le dégoûtait. Il ne savait pas combien de temps il réussirait à repousser les avances Masao, lui-même le désirait ardemment, mais il ne pouvait pas. Masao ne savait pas…